dimanche 19 février 2012

Walid Joumblatt ou les 4 vérités d'une girouette ! (Art.55)


Le 15 février lors d'une conférence organisée par le Centre des amis de Kamal Joumblatt sur la question de l’arrivée des islamistes au pouvoir dans le monde arabe, Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste a déclaré texto: "Taëf, c'est fini. Nous avons besoin d’un nouveau Taëf entre sunnites et chiites". Faites-moi confiance on se passe du reste qui n'est que du bavardage médiatique inintéressant pour occuper le micro pendant quelques minutes.

Alors que nous venons de commémorer le 7e anniversaire de l'assassinat de notre ex-PM Rafic Hariri qui est l'un des piliers de Taëf et qui a été assassiné justement pour éviter l'application de l'accord 15 ans après sa ratification car il prévoyait malgré une formulation tordue le retrait des forces d'occupation syrienne et très clairement la dissolution de toutes les milices, Hezbollah compris (sans exception!), aucun politicien n'a jugé bon de réagir à part Ahmad Fatfat. Prière de faire attention au soin apporter par le député du Courant du Futur pour éviter de froisser le Bek qui n'en demandait pas tant! Le député du Nord minimise l'importance des propos du chef du Front de la lutte nationale en précisant que "les positions de Walid Joumblatt vont dans la même orientation positive poursuivie par le 14 Mars… Ces propos sur un nouveau Taëf sont une invitation indirecte pour lancer le dialogue! … Il a utilisé cette expression pour encourager le dialogue. Ce n'est pas un faire-part de la mort de Taëf et un appel à un nouveau Taëf comme certains l'ont interprété"! Mais purée, est-ce nos députés se relisent de temps en temps? Je n'arrive pas à savoir si c'est de la naïveté ou de la pure niaiserie?

La gaffe politique est une absurdité qui n'a jamais existé dans l'Histoire, il n'y a que des propos savamment pensés qui sont dits dans un but bien déterminé! Encore une notion à enseigner à Sciences-Po! Passons sur ceux d'Ahmad Fatfat qui sont manifestement à côté de la plaque, dont le but est de ménager le leader druze par le parti du Futur à un an des prochaines élections législatives. Walid Bek grand héritier de la féodalité des Joumblatt qui s'exerce sans partage sur une partie du Mont-Liban depuis le 17e siècle -acteur de premier rôle dans la guerre civile, grand collabo avec les tyrans de Damas, père et fils, un autoproclamé résistant qui n'a pas hésité à recevoir Shimon Peres dans son palais de Moukhtara et qui n'a pas fait tirer une seule cartouche contre l'armée israélienne dans le Chouf lors de l'invasion du Liban en 1982, un milicien qui a bien profité des largesses de Tsahal lors de la guerre de la Montagne en 1983 contre les Forces libanaises, un homme qui n'a pas hésité à s'allier aux "ja7éfil syro-palestiniennes contre l'Etat libanais en septembre de cette année, un leader qui n'a pas su arrêter les massacres des familles chrétiennes lors du retrait de l'armée israélienne du Chouf, un socialiste aux heures perdues et membre de l'Internationale Socialiste quand ça l'arrange pour redorer un blason terni 1001 fois par des paroles et des actes indignes de cette organisation, un homme qui n'a toujours pas digéré la perte du pouvoir par les druzes au Liban, une frustration qui s'est exprimée dans l'inconscient collectif druze lors des massacres des chrétiens de la Montagne en 1840, 1860, 1977 et 1983- et bien cet homme veut tout simplement dynamiter l'Accord de Taëf. Sur ce point il rejoint Michel Aoun, qui lui aussi veut dynamiter Taëf car il n'a pas encore supporté la perte du pouvoir par les maronites, une frustration qui s'est exprimée par la guerre d'Elimination, contre les Forces libanaises, principal soutien chrétien avec le Patriarche Sfeir de l'Accord de Taëf (1989). Joumblatt et Aoun espèrent naïvement et niaisement en ouvrant le chantier de Taëf, qu'ils pourraient retrouver le pouvoir perdu jadis, par les druzes au 19e siècle et par les chrétiens, notamment maronites, au 20e siècle.

Toujours est-il, quelques jours après la chute du gouvernement Hariri, grâce à Walid Joumblatt et ses députés, Okab Sakr était reçu chez Ali Hamadé sur la Future TV… Une grande-gueule reçue par un franc-parleur, mais ce fut une belle déception! Les 2 hommes ont passé la soirée à chercher des "justifications aussi nases qu'invraisemblables" à l'opportuniste Joumblatt, tout sous le maquillage de la "spécificité druze"! Un axiome qu'on impose depuis fort longtemps déjà dans le langage politique libanais. C'est devenu même un sujet tabou. Dès que Michel Aoun ouvre sa bouche, tout le monde se déchaîne sur lui et s'en donne à cœur joie, mais la "spécificité druze" ne semble dérangeait personne dans ce pays! Même quand cela conduit aux pires âneries! Tout le monde se souvient encore des propos abjects de Walid Joumblatt, tenus devant des dignitaires druzes en avril 2009, et qui n'étaient pas censés sortir de ce petit cercle, où le leader druze, ce soi-disant socialiste membre de l'IS, parle du retour des "isolationnistes" (chrétiens) dans la bataille électorale du Chouf, n'hésitant pas à rajouter que "la mauvaise race restera mauvaise race malheureusement", allusion manifeste aux "maronites libanais"! Ces propos offline, où le leader druze se sentait en toute confiance, reflètent merveilleusement bien le fond de la pensée Joumblatt. Encore une fois, aucun de nos leaders et nos députés, n'a jugé utile de remonter les bretelles du vieux Joumblatt. Passons donc sur ses propos haineux, rancuniers, racistes et maronitophobes sur la "mauvaise race"! Accuser les chrétiens d'être isolationnistes prête au sourire car qui connaît bien le Chouf sait qu'il est impossible pour qui que ce soit, libanais depuis plus de 10 ans, 100 ans ou 1000 ans, d'acheter le moindre lopin de terre dans cette région car les druzes ne vendent jamais à des non-druzes, et même la vente des terres chrétiennes est étroitement surveillée par les "infiltrés" du Bek chez les maires, les notaires et les cadastres, qui trouveront 1001 obstacles à toute transaction non favorable à la communauté druze. Pour simplifier: pas de soucis si les 2 parties sont druzes ou si l'acheteur uniquement l'est, par contre les transactions sont impossibles si le vendeur est druze et l'acheteur non-druze, et très difficiles si les 2 parties sont non-druzes! Et il ose parler d'isolationnistes!

Mais oublions le passé un instant, est-ce que le 14 Mars (14M) osera enfin dire ses quatre vérités à Walid Joumblatt et signifier pour une fois à cette girouette opportuniste que les partisans de ce mouvement ne sont pas prêts à lui pardonner, encore moins à lui faire confiance de nouveau après:
1. avoir permis la chute du gouvernement Hariri en janvier 2011, annihilant des millions de votes du peuple du 14M et permettant aux forces du 8M, dont le Hezbollah et Michel Aoun, par une ruse digne d'un coup d'Etat, de s'installer au pouvoir: la nuit des chemises noires n'était qu'une mise en scène grotesque et théâtrale pour excuser la girouette du Bek; aujourd'hui il fait partie de ce gouvernement tant décrié par le 14M au même titre que Michel Aoun;
2. s'être rendu à plusieurs reprises chez Bachar El-Assad et de l'avoir défendu énergiquement depuis le 15 mars 2011 (personne ne trouve rien à redire!);
3. avoir cherché à discréditer sérieusement le Tribunal Spécial pour le Liban à plus d'une reprise;
4. avoir tenu des propos d'une grande gravité sur Taëf feignant d'ignorer que cet accord est une ligne rouge et qu'il ne faudrait même pas songer la moitié d'un quart de seconde à sa révision tant que le Hezbollah possède une milice puissamment armée et une idéologie extrémiste religieuse comme base de sa branche politique (l'instauration d'une République islamique chiite au Liban, livre de Naïm Qassem 2009) et que toute sortie de l'égalité islamo-chrétienne au Liban est un nouveau projet de guerre et de partition du pays.

Il est intéressant de noter que dans le Taëf imaginaire du chef druze, les chrétiens ne font pas de la figuration ils sont mêmes inexistants, tout se fera entre les sunnites et les chiites! Cela en dit long sur le fond de sa pensée. D'ailleurs, Walid Joumblatt n'a jamais cru au Taëf, comme Michel Aoun, Nabih Berri ou le Hezbollah. Au lendemain de sa signature, en octobre 1989, il déclara "Je vais être convoqué cette semaine à Damas, on va me dire d'accepter l'accord, je n'ai pas le choix"! Et depuis on le ménage encore et toujours. Il semble que Walid Joumblatt bénéficie d'un blanc-seing de toutes les forces politiques libanaises, notamment de la part du 14M, et des druzes de ce mouvement.  Ce qui agace ce n'est pas uniquement le fait qu'il soit une girouette depuis son entrée en politique à l'assassinat de son père en 1977 (en moins de 40 jours, il n'a pas hésité à se rendre à Damas pour présenter ses papiers à l'assassin de son père… en parallèle, plusieurs dizaines de chrétiens furent assassinés dans la Montagne alors que tout le monde savait que les "chrétiens" n'étaient pas impliqués ni de près ni de loin dans l'assassinat de Kamal Joumblatt)! C'est surtout qu'on ait inventé la notion bizarroïde de "spécificité druze" comme bouclier pour le protéger, pour éviter de lui demande des comptes et le juger sur ses actes. Il n'a jamais fait l'objet de la moindre récrimination! "On" c'est entre autres le 14M, mais pas uniquement! Personne n'ose le critiquer aujourd'hui: ni le 14M, ni le 8M, ni ses propres coreligionnaires! Et le comble, c'est qu'on lui garde toujours sa place bien au chaud, dans l'espoir de le voir revenir un jour!

Par contre, gare au Général d'ouvrir la bouche! Ah comme c'est commode de se défouler sur Michel Aoun et d'épargner Walid Joumblatt… Trop facile! Tout le monde le ménage y compris Samir Geagea et Saad Hariri, dont les amabilités après certaines attaques virulentes de sa part, agacent sérieusement la base du 14M. Cette différence de traitement n'est pas démocratique. Elle pose le problème de la crédibilité et de l'honnêteté du 14M. Elle est même dangereuse comme on a pu le constater avec la énième ânerie du Bek sur Taëf (et le 14M qui trouve des excuses bidon à ces propos… faut le faire!). En tout cas, j'aimerai comme tant d'autres entendre le 14M dans toutes ses composantes, spécialement les druzes, les frères Hamadé particulièrement, critiquer sévèrement cette girouette et lui rappeler les 4 vérités précédentes! A défaut, il ne faut pas continuer à en vouloir aux électeurs libanais en général de parler de pourriture politique pestilentielle et aux électeurs chrétiens en particulier, de soutenir le projet de loi électorale dit "orthodoxe" où chaque communauté élirait ses propres représentants ramenant ipso facto le poids électoral de la girouette Joumblatt, dans la désignation des députés chrétiens, à néant… ou pire d'aller voter Michel Aoun! Wa mann lahou ouzounann sami3atann, fal yasma3… Enfin, plutôt des yeux pour lire!

dimanche 5 février 2012

Steven Spielberg, Lara Fabian ou MTV : encore, toujours et plus que jamais ce prétexte d'Israël ! (Art.53)


Lara Fabian avait choisi de se produire au Liban à l'occasion de la Saint Valentin, la fête des amoureux et cette 1re bonne occasion de relancer la consommation après les fêtes de fin d'année. Mais sa venue au pays du Cèdre n'était pas du goût de tout le monde, notamment d'un mystérieux groupe qui mène une "Campagne pour boycotter les supporters d'Israël au Liban". Celui-ci affirme, que d'après "ses recherches", SVP c'est très sérieux!, il semblerait qu'elle ne soit pas neutre à l'égard d'Israël, ce qui justifierait l'appel à son boycott. Dans les faits, c'est plus que sérieux, la chanteuse belge a reçu des menaces. C'est ce qui l'a poussé à annuler ses concerts et à adresser une "lettre d'Amour" aux libanais.

Ceux qui ont appelé au boycott, et ils avaient le droit de l'exprimer en toute démocratie, ne pouvaient pas ignorer que ce genre d'appel, assorti de menaces à en croire l'artiste, dans un pays comme le Liban, au sujet d'Israël, conduit automatiquement ou presque à l'annulation de l'événement visé, sans s'enquiquiner par une quelconque démarche judiciaire ou même administrative. Et ça, c'est pas démocratique.

Oui on peut reprocher à Lara Fabian d'avoir participé au 60e anniversaire de la création d'Israël à Paris, et d'avoir exprimé son attachement à l'Etat hébreux par un retentissant "je t'aime Israël", sans en dire un seul mot aux millions de palestiniens qui au même moment fêtaient le 60e anniversaire d'Al-Nakba (La catastrophe). Mais peut-on sérieusement appeler à son boycott pour cela ou parce qu'elle a chanté en hébreu et fait un duo avec la chanteuse israélienne Noa lors de ce fameux concert de plein air qui s'est déroulé le 25 mai 2008 dans les jardins du Trocadéro? Ces boycotteurs à la mémoire sélective auraient mieux fait de s'inquiéter de l'attitude de Nicolas Sarkozy ce jour-là, qui s'est rendu à ce concert en compagnie de Tzipi Livni -la ministre israélienne des Affaires étrangères et au cœur de pierre- qui avait même souligné par l'intermédiaire de Rama Yade -la secrétaire d'Etat française aux Droits de l'Homme- "le lien indéfectible" qui unit la France à Israël et que moins de deux semaines après, le 7 juin précisément, le président français était reçu en grande pompe à Beyrouth! A propos de ce dernier, je ne peux pas m'empêcher de penser aussi à ce meeting électoral organisé par Nicolas Sarkozy en 2007 avec les ressortissants franco-libanais au ministère français de l'Intérieur, où le candidat Sarkozy avait exprimé à plusieurs reprises qu’il est "un ami d'Israël". Rappelons également pour être juste, qu'au printemps 2008, a eu lieu à Paris le Salon du livre, et cette année-là Israël était l'invité d'honneur, que l'appel au boycott des écrivains, organisations et pays arabes, dont le Liban (nous étions sous gouvernement Siniora!), n'a pas eu l'ombre d'un effet et que ce salon a non seulement eu lieu, il a même été inauguré par le président israélien Shimon Pérès et qu'une fois de plus on a eu la magnifique démonstration que seuls les absents ont toujours tort.

Le boycott d'Israël est un mode d'action qui a été mis en œuvre par la Ligue arabe en 1951 à travers le Bureau du boycott. Il existe officiellement et officieusement 4 niveaux de boycott: ça va de l'interdiction de tout échange direct avec Israël (le boycott primaire) à l'interdiction de toute relation avec des entreprises dont les dirigeants seraient des "soutiens d'Israël" (le boycott quaternaire). Cela a plus ou moins bien fonctionné jusqu'à la fin des années 70 et s'est dégradé progressivement ensuite. Aujourd'hui même l'Arabie saoudite mit fin théoriquement à son programme de boycott en 2005, excepté pour le boycott primaire, pour respecter les règles de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et surtout éviter des représailles des États-Unis et de certains pays européens, comme la France et l'Allemagne, dont les législations interdisent le boycott arbitraire de pays amis non décidé par l'ONU. Eh oui, on a changé d'époque. Et comment! Tenez que pensent par exemple nos boyscouts de boycotteurs d'Esfandiar Rahim Mashaïe, le conseiller du président iranien et chef de son cabinet, qui a accompagné Ahmadinejad lors de sa dernière visite au Liban et qui a déclaré un jour, il n'y a pas si longtemps que ça : "Aujourd'hui, l'Iran est ami avec les peuples américain et israélien. Aucun pays au monde n'est notre ennemi".

Le boycott de Lara Fabian peut être considéré comme un boycott quaternaire (et encore, la chanteuse belge est présumée "soutien d'Israël"!), un niveau d'action qui n'est plus vraiment en usage sauf au Liban, en Syrie et en Iran! Wlak niyyél albna, quel beau destin relie les 3 pays!

Au-delà de l'affaire Lara Fabian, ce qui me dérange dans le boycott culturel d'Israël ce sont deux choses principalement. D'une part, le fait que c'est toujours la culture au Liban qui en pâtit et non celle d'Israël. D'autre part, c'est l'incohérence et l'inconsistance de ce mode d'action, avec ce qui se passe dans la réalité au niveau politique et commercial.

Comment peut-on encore feindre d'ignorer les contacts diplomatiques et commerciaux, discrets ou 3ala 3aynak ya téjir, directes et bilatéraux entre d'un côté Israël et de l'autre côté, la Palestine, la Turquie, la Syrie (en passant par le Golan), l'Egypte, la Jordanie, le Qatar, le Bahreïn, Oman, la Tunisie et le Maroc? Sur le plan diplomatique, rien ne se fait plus en cachette, et je ne donnerai qu'une image pour le montrer ô combien frappante celle de l'émir du Qatar Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani serrant la main de Tzipi Livni, encore elle, actuellement chef du Kadima, le parti d'Ariel Sharon, info que la chaine qatarie Al-Jazeera n'a évidemment pas jugé utile de diffuser. Sur le plan commercial je ne donnerai aussi qu'une info, liée à la précédente, ô combien parlante, celle des Qatariens et des Israéliens discutant de l'exportation de gaz naturel liquide du Qatar à Israël.

Et comme si le Qatar faisait cavalier seul! Un petit détour par la Turquie d'Erdogan est fort intéressant. Faut-il rappeler à ces boycotteurs amnésiques que la Turquie et Israël ont signé deux accords de coopération militaire et d'échanges de haute technologie, que Tsahal est autorisé à utiliser l'espace aérien et maritime turc pour ses entraînements militaires et que les échanges commerciaux entre les 2 pays s'élèvent, tenez-vous bien, à 3,1 milliard $ (par comparaison les échanges entre la France et la Turquie sont seulement de 3,2 milliards $!)? La Turquie est le 9e client d'Israël et son 10e fournisseur (toujours par comparaison, la France est le 10e client d'Israël et son 12e fournisseur). Bref, ce ne sont pas les gesticulations théâtrales d'Erdogan après l'incident de la flottille humanitaire turque au large de Gaza (mai 2010) ou l'accueil folklorique des opposants syriens sur le sol turc (mars 2011) qui feront oublier que la Turquie est une plaque tournante pour diffuser les produits israéliens sur les marchés arabes. C'est ce qui explique l'importance des échanges commerciaux entre les deux pays.

Encore quelques incongruités pour montrer le ridicule de l'action de ce groupe de militants. Doit-on préciser à ces boycotteurs naïfs que la République islamique d'Iran n'a pas hésité une seconde à acheter des armes américaines en passant par Israël quand elle s'est sentie en mauvaise posture face à l'armée irakienne en 1986 (le scandale de l'Irangate), que Sobhi Al-Toufayli l'ex Hassan Nasrallah vient tout juste d'avouer, il y a quelques jours sur la chaine libanaise MTV, qu'il aurait entendu de certains milieux proches du Hezbollah que le choix d'une alliance avec Israël face à l'Oumma sunnite pourrait être envisageable, que les réserves iraniennes de change sont en monnaie de Satan, dollar américain (le FMI les estime à près de 100 milliards $... plus de 10% du PIB!), le plus fidèle "soutien d'Israël" de tous les temps, que les composantes électroniques qui équipent les ordinateurs de leur groupe de boycott, du Hezbollah et même du régime iranien, sont peut être fabriquées dans les usines israéliennes d'Intel, que marbre iranien, arak libanais et cosmétiques syriens sont retrouvés sur les marchés israéliens sans mention d’origine par l'intermédiaire de la Turquie et de la Grèce (d'après la Chambre de commerce France-Israël), que le diamant poli, un produit israélien phare, se retrouve sur les marchés arabes et que Dubaï joue même le rôle d’intermédiaire pour le réexporter vers l’Iran (sans étiquette d’origine), que des logiciels israéliens de surveillance d'Internet sont vendus à l'Iran (via le Danemark pour le reconditionnement… info de l'agence Bloomberg), qu'Israël a contribué à la construction des îles Palmiers à Dubaï par l'intermédiaire d'une société italienne (révélation récente de Haaretz), et cætera, etcétéra, etc.

Et à peine on a fini avec l'artiste belge, on s'est attaqué à MTV. Après un sketch de mauvais goût, voilà que maintenant on appelle au boycott de la chaine libanaise sous prétexte qu'elle serait "au service du sionisme". Il est évident que certains préfèrent que la MTV nous serve à longueur de journée les clips de Julia Boutros, dont les affinités pour le Hezbollah et l'Armée du tyran de Damas sont flagrantes.

Pour revenir à l'affaire Lara Fabian précisément, une dernière chose, et non des moindres. Est-il vrai, comme certains l'affirment à l'étranger, que le gouvernement libanais aurait été interpellé pour faire pression auprès des producteurs pour annuler les concerts? On n'en saura rien. Mais il est plus que probable qu'il n'a rien fait pour les rassurer si leur artiste se produisait malgré tout aux dates prévues. Ce qui est fort regrettable. Le gouvernement Mikati ne peut pas ignorer que le Hezbollah et ses acolytes souhaitent placer officiellement le Liban dans l'orbite de la République islamique d'Iran, et cela consiste en pratique à le détacher progressivement de son environnement arabe et à l'isoler de la communauté internationale. Interdire officiellement ou de facto, les manifestations artistiques et littéraires internationales de se produire dans notre pays, va dans ce sens. Les affaires Patrick Bruel, Gad Elmaleh (2009), Anne Frank (2009), Placebo (2010), Armin Van Buuren (2011), World Press Photo (2011), Steven Spielberg (2011) et Lara Fabian (2012), sont dans toutes les mémoires. J'aurai bien aimé que le gouvernement Mikati envoie deux signaux forts, d'une part, à ses concitoyens pour les assurer que dans notre pays il ne suffit pas de crier fort pour imposer sa loi et d'autre part, aux artistes internationaux pour les rassurer qu'ils pourront toujours se produire au pays du Cèdre en toute sécurité. Mais hélas, au grand hélas, je ne me fais pas d'illusion. Quant à l'affaire de la MTV, c'est nous qui disons à ce gouvernement, tantôt fantoche, tantôt fantôme, et à ces boycotteurs de pacotille, que dans notre Liban, il ne suffit pas de vociférer hystériquement pour avoir raison.

Que les boyscouts de boycotteurs aillent jouer dans le premier bac à sable qu'ils trouvent. Vivement 2013 pour qu'on en finisse avec ce gouvernement miteux de Mikati, à condition que le 14 Mars se réveille à temps de sa longue somnolence.


Nota Bene

Les places des deux concerts qui auraient dû avoir lieu au Casino du Liban étaient vendues entre 200$ et 500$. Hallucinant. Une sélection par l'argent qui n'est pas digne de celle qui chante "Humana", car la majorité de ses fans au Liban ne pouvait pas s'offrir le rêve de la voir sur scène. Il semble que des artistes internationalement connus comme David Guetta ne demande pas autant... En voilà une bonne blague, comme si le Guetta peut être considéré comme un "artiste" tout court. Même Les Guignols de l'Info n'y croit plus! En tout cas, loi du marché ou pas, les prix étaient exorbitants et c'est bien regrettable. On peut voir U2 au Stade de France, au prix d'un Guetta au Biel (moins de 100$), sachant qu'un concert du groupe irlandais mobilise 1 Boeing, 16 bus, 75 semi-remorques, 250 techniciens et 500 tonnes de matériels.

Carte BDS 

Boycott Désinvestissement et Sanctions (BDS) est une campagne de boycott d'Israël lancée par la société civile palestinienne et altermondialiste en 2005. Ex. Par la carte d'adhésion ci-dessus, le boycotteur demande aux autorités médicales, au cas où il tomberait malade, de veiller à ce qu'aucun équipement technique utilisé dans le traitement n'ait été, développé en Israël, entièrement ou en partie!



[Article publié le 7 février 2012 sur Middle East Transparent] http://www.metransparent.com/spip.php?page=article&id_article=17588&var_lang=fr&lang=fr

mercredi 25 janvier 2012

Le problème de l'électricité au Liban : entre le vol de courant et le non-paiement des factures! (Art.51)


Enfin c'est la grogne à travers le pays! Et pour cause, la situation lamentable de l'électricité au Liban prend aujourd'hui des proportions inquiétantes. Et comment, elle est intenable. Pour mesurer l'ampleur du désastre, prenons comme exemple la région du Kesrouan, une région où l'Etat existe bel et bien, où une grande partie des honnêtes gens payent gentiment leurs factures, où une minorité de gens malhonnêtes ne le fait pas, une région qui a la chance ou la malchance, au choix, d'avoir comme représentant à l'Assemblée nationale, le général Michel Aoun, pour défendre ses intérêts, et bien figurez-vous que cette région ne reçoit le courant électrique qu'une dizaine d'heures par jour! Et pour compenser la carence de cet Etat qui est toujours aux abonnés absents 20 ans après la fin de la guerre civile, les kesrouanais font appel comme leurs compatriotes du reste du Liban, aux "moteurs"! Des Abou-Tony maudits par Hadès le maître des Enfers, qui facturent leurs 10 misérables ampères à 250$/mois!  Pour être aux normes européennes, il faudrait au moins 40 ampères, ce qui nous ferait passer à 1000$/12h par jour/mois. Hallucinant de consternant! La facture électrique d'un appartement parisienne chauffé entièrement à l'électricité, avec des radiateurs marchant à font la caisse, réglés aux températures tropicales, n'atteint pas cette somme astronomique! On a vraiment un grave problème dans ce pays!

Les timides protestations populaires se multiplient. Devant la centrale électrique de Jiyeh, les manifestants arrivent encore à avoir un peu d'humour en ironisant sur le fait que la situation était bien meilleure pendant la guerre que sous le ministre Gebran Bassil! Sentant le vent de la révolte se lever, le ministre concerné a déclaré hier au quotidien Al-Safir, qu’il "n'y aurait pas de gouvernement si les problèmes de l’électricité au Liban ne sont pas résolus". On croit rêver! Il a également ajouté qu'il y a des "tentatives de faire obstruction à toute solution visant à régler le problème de l'électricité". Mais voyons! Son beau-père lui va encore plus loin. Michel Aoun appelle tous les Libanais qui payent leurs factures d'électricité à  manifester pacifiquement pour protester contre les coupures prolongées du courant électrique. Il a même le culot de demander au gouvernement d'être "sérieux". C'est la planète des singes! Et voilà que le gendre prodige revient à la charge aujourd'hui dans Al-Nahar pour appeler lui aussi les libanais qui payent leurs factures, vivant dans des régions souffrant de pénurie électrique à se tenir prêts pour descendre dans la rue et réclamer leurs droits car selon le jeune ministre, plus démagogue que révolutionnaire, toutes les régions du Liban devraient recevoir autant d'heures d'électricité que Beyrouth car il n'est pas normal que "certaines régions de la capitale reçoivent 21 heures de courant par jour, tandis que d’autres régions comme Sin El-Fil ne reçoivent que 11 heures d’électricité par jour". Le populiste à 12 volts!

Un projet de loi concernant le secteur électrique, visant essentiellement à augmenter la production d’électricité, a été présenté à l'automne par Gebran Bassil, accepté par le gouvernement Mikati et entériné par le Parlement libanais après quelques retouches insignifiantes. Quand j'ai remis en cause le projet du ministre Bassil dans l'article "Plan de Gebran Bassil pour l'électricité : du talon d'Achille à la tapisserie de Pénélope!" (voir réf. plus bas), personne de nos 128 "autruches de la Nation", et des "smallah 3layoun" nos politiciens des divers partis politiques libanais, toutes tendances confondues, n'a fait preuve de présence d'esprit et surtout de bon sens, pour dénoncer les failles de ce plan nase qui passe "mourour el kiram" sur le vol du courant électrique au Liban qui atteint 40 à 78% en dehors de Beyrouth et les factures impayées qui représentent jusqu'à 38% du total ! Le populiste à 12 volts oublie que si Beyrouth bénéficie de 21h de courant par jour, il faut quand même que quelqu'un dans ce pays apathique ose le lui dire, c'est parce le vol électrique dans la capitale tourne autour de 10% et non de 78%!

Le problème de l'électricité au Liban est loin d'être une simple équation de production et de consommation, c'est un problème avant tout de vol de courant et non-paiement des factures, un phénomène que l'on retrouve dans toutes les régions libanaises sans exception, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes, maronites, orthodoxes, sunnites, chiites ou druzes, y compris le Kesrouan de Michel Aoun… et je sais de quoi je parle! Quels agents de l'Etat osent rentrer dans les foyers d'un quartier ou d'un village, au fin fond de Dahiyé, de la Békaa, de Deniyé, de Nabatiyé, de Tripoli, de Bcharré, du Chouf ou du Kesrouan, s'ils ne sont pas accompagnés par un régiment de l'armée libanaise, pour contrôler les compteurs électriques sans courir le risque de se faire tabasser? Et pourtant, il faut bien envisager de le faire un jour car tout le monde sait, sauf les autruches du ministère de l'Energie, qu'il suffit d'inverser les fils électriques de tout compteur pour que celui-ci tourne à l'envers, un procédé couramment utilisé par les fraudeurs pour "vider" le compteur régulièrement! Pauvre Etat libanais!

Je vous invite les amis à lire ou à relire mon article du 4 septembre, pour vous rendre compte à quel point nous sommes gouvernés par des amateurs et à quel point l'opposition est menée aussi par des d'amateurs, je précise bien et j'insiste, toutes tendances confondues, 14 Mars, 8 Mars, indépendants, centristes, j'en passe et des meilleurs. Dès l'origine ce projet était rachitique! Les députés du 14 Mars n'ont pas choisi d'attaquer le plan Bassil sur le fond et se sont contentés seulement de l'histoire du "contrôle", de "l'origine du financement" (Etat, fonds internationaux,…) et du contournement de la création de l'organisme pour superviser l'exécution du projet. Ils ont évité de s'attaquer sérieusement aux problèmes du vol et du non-paiement des factures car figurez-vous que ce plan a été élaboré sous l'ancien gouvernement en juin 2010 précisément. Il a même été accepté par le gouvernement Hariri! Eh oui, à l'époque c'était la lune de miel entre Rabieh-Qoraytem-Dahiyé-Moukhtara-Maarab-Ain Eltiné! Pour le mettre en route, il fallait passer par le Parlement, voter le budget de l'année et obtenir ce qui a été prévu pour un 1er temps le fameux 1,2 milliard $ (eh oui même ça c'était prévu!). Plusieurs facteurs ont fait qu'on en est resté là: lenteur volontaire de l'Estaz Nabih et tension grandissante entre 14 Mars & 8 Mars. La suite, vous la connaissez: la nuit des chemises noires, chute du gouvernement Hariri, gouvernement hezbollahi de Mikati et coma du 14 Mars.

Aujourd'hui Michel Aoun, tente de nouveau de retourner la situation à son avantage, en faisant croire aux libanais, qu'il a un projet "sérieux" pour réformer le secteur électrique mais que les "autres" l'en empêchent. Je renvoie dos à dos gouvernement, députés et politiciens, toutes tendances confondues, car personne ne veut s'attaquer au fond du problème de l'électricité au Liban, le vol du courant et le non-paiement des factures, au grand risque de perdre une partie de leurs électeurs qui volent du courant et ne payent pas leurs factures. Et bien je dis bravo au général-illusionniste et merde aux forces du 14 Mars qui ont faux sur toute la ligne depuis trop longtemps déjà. Tant pis pour nous pauvres payeurs, qui sommes abusés et désabusés! Vivement 2013, la vengeance sera dans les urnes! Basta cosi!


Réf.
Plan de Gebran Bassil pour l'électricité : du talon d'Achille à la tapisserie de Pénélope / Bakhos Baalbaki (4 sept. 2011)

lundi 16 janvier 2012

Au-delà de l'effondrement de l'immeuble d'Achrafieh : 7 réflexions! (Art.49)


Il y a quelques mois, les 2 derniers étages d'un immeuble qui en comptait cinq de la rue Sioufi à Achrafieh s'écroulaient. Défilé de personnalités comme à l'accoutumée. Une grosse légume d'un parti politique, député de la Nation, se ramène. Je l'ai vu et même entendu! Regrets de faciès et colère de circonstance… contre l'Ordre des ingénieurs! Je me souviens de mon sourire narquois en écoutant ses réflexions à côté de la plaque, surtout de la part d'un législateur en puissance.

Et voilà que l'histoire se répète. D'habitude je m'abstiens de commenter les faits divers. Mais j'ai décidé de rompre mes habitudes pour la simple raison que le drame d'Achrafieh dépasse tout de même le cadre du fait d'hiver. L'effondrement de cet immeuble devrait marquer un tournant. Enfin j'ose espérer! Quelques réflexions en vrac.

1. L'abolition du confessionnalisme au Liban devrait commencer par l'abolition des frontières de la compassion! Je ne suis pas touché par cet événement parce ce que je suis résident d'Achrafieh mais parce ce que c'est une tragédie. On devrait éprouver la même compassion si l'immeuble se situait à Dahiyé, à Tripoli, à Baalbeck ou à Baawerta, en Syrie, en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis d'Amérique, dans une région chrétienne, musulmane, juive ou bouddhiste. Est-ce le cas? Allez savoir! En tout cas, je n'ai pas aimé le slogan "Achrafieh en deuil". C'est au moins tout Beyrouth qui devrait l'être, quand ce n'est pas tout le Liban. Commençons donc par abolir les frontières de la compassion, tout ira mieux ensuite.

2. Un immeuble ne s'écroule pas comme ça. De 2 choses l'une : soit l'immeuble a montré des signes précurseurs qui ont été négligés par le propriétaire, soit que des travaux à l'intérieur ou à l'extérieur de l'immeuble ont conduit à son écroulement subit. En cas de travaux, il fallait non seulement l'avis consultatif d'un spécialiste avant de les effectuer mais aussi l'avis obligatoire d'un bureau de contrôle technique. Il y a donc des causes et des responsables. La justice doit non seulement les déterminer, mais elle doit immanquablement passer.

3. Si un immeuble s'écroule, ce n'est pas l'Ordre des ingénieurs qu'il faut blâmer, mais le législateur, donc les 128 députés de la Nation, le gouvernement actuel et ses ministres, et les services de contrôle des ministères concernés et de la municipalité. Les immeubles de Beyrouth commencent à vieillir. Ils sont mal entretenus, que dis-je, pas entretenus du tout. Manque de moyens aux niveaux individuel et collectif, qu'importe. Aucune loi aujourd'hui n'oblige les propriétaires d'immeubles anciens à procéder à un contrôle technique de leur structure. Il y a donc peut être un manque dans la législation et surtout dans l'application de l'existante (l'obligation de passer par des bureaux de contrôles et d'avoir l'avis d'un spécialiste avant, et non après, d'effectuer des travaux sur la structure). En parlant de contraintes législatives, il convient aussi de s'assurer de la prise en compte des règles de construction parasismique. Connaissant l'esprit libanais, elles sont sûrement négligées. Il faut peut être les renforcer, étant donné que notre capitale se situe sur la faille du Levant, que nous avons connu 4 séismes dévastateurs (en l'an 551, 1202, 1759 et 1837… celui de 1759 était d'une magnitude de 7,2 sur l'échelle de Richter et avait comme épicentre la ville du soleil, Baalbeck, la ville de mes ancêtres adoptifs;) et des dizaines de séismes importants (dont celui de 1956… 5,9 sur l'échelle de Richter). Les prévisions, si on peut parler en terme de prévisions, sont loin d'être rassurantes: si le cycle des séismes majeurs est de 300-350 ans pour le Proche-Orient, ce qui nous laisse 50 à 100 ans devant nous pour s'y préparer, le cycle des séismes importants concernant les plaques du Levant est de 40-50 ans, et là désolé, nous y sommes!

4. La loi actuelle permet aux propriétaires d'immeubles d'expulser les résidents sous "location ancienne", s'ils ont le projet d'en construire un nouveau. Inutile de préciser que cette loi pousse les propriétaires véreux à négliger l'entretien de leurs immeubles. Les honnêtes locataires eux, ne sont nullement motivés, car ces biens immobiliers ne leurs appartiennent pas. Voilà l'état désespérant de la majorité des beyrouthins. Il est donc grand temps de permettre à ces locataires anciens d'accéder à la propriété de leurs appartements, dans des conditions justes et raisonnables, en promulguant au plus vite une loi qui va dans ce sens et qu'on attend honteusement depuis plus de 20 ans! Le gouvernement Mikati et celui qui lui succédera, les 128 députés actuels et ceux qui leur succéderont, doivent s'engager dans ce sens et doivent être sévèrement jugés pour tout manquement.

5. Il existe une pratique mafieuse, un secret de Polichinelle, sauf pour les autruches de la Nation, qui amène des propriétaires sans vergogne d'immeubles ayant une valeur patrimoniale, donc qui risquent d'être classés, à procéder parfois à la destruction intentionnelle, d'un mur ou d'un pilier porteur, au vandalisme et à la dégradation des parties communes, pour déstabiliser et défigurer la structure et l'allure de leur immeuble, pousser leurs locataires à partir avec un faible dédommagement, échapper ainsi à une classification, et surtout rendre sa démolition inévitable, afin de le remplacer par une tour laide mais bien plus lucrative. Il est donc grand temps de traiter cette pratique mafieuse comme un délit grave!

6. Je suis persuadé que beaucoup de responsables politiques et administratifs, d'investisseurs sans scrupules et de petits esprits pensent que ce drame prouve que devant la vétusté des immeubles anciens, il est préférable de les raser et d'en construire de nouveaux. Et tout ce beau monde trouvera sans difficulté les justifications nécessaires dans les propos de certains spécialistes qui nous expliquent que le béton armé n'existait pas encore dans les années 40. Enfin à ce que je sache, cela ne pose pas de problème particulier aux municipalités des capitales européennes où la grande majorité des immeubles ont été bâtis avant 1950! Si la plupart des immeubles de Beyrouth ne valent rien sur le plan culturel et architectural, il existe tout de même un pourcentage important qui mérite d'être préservé. Je ne parle pas des immeubles du début du 20e siècle dont la destruction constitue un crime contre le patrimoine mais d'immeubles sans prétention, des années 30, 40 et 50, voire 60 (après ce fut l'urbanisation chaotique!), à l'architecture épurée, au caractère prononcé, aux couleurs pastels, aux entrées élégantes, sans les horribles parkings du rez-de-chaussée, et surtout aux magnifiques persiennes en bois aux couleurs de la Méditerranée, un détail raffiné qui fait partie du patrimoine de Beyrouth qu'on devrait rendre obligatoire (les persiennes sont aujourd'hui remplacées par de banals stores déroulants en plastique!). Ce sont ces immeubles qui font l'âme de Beyrouth. Les détruire, c'est perdre l'âme de cette ville. Limitons l'extension de la laideur et sauvons l'âme de notre capitale.

7. La situation tiers-mondiste de la distribution de l'eau au Liban a obligé les particuliers à installer des réservoirs sur les toits des immeubles. Un immeuble de taille moyenne à Beyrouth, comportent une vingtaine d'appartements, donc une vingtaine de réservoirs de 2000 litres au moins sur le toit. Et voilà comment, le libanais a installé 40 tonnes sur le toit de son immeuble, une surcharge qui n'a pas été prévue par le bâtisseur! Certes, cet excès peut être supporté par la structure, théoriquement, mais est-on sûr que c'est le cas de tous les immeubles? Et que se passera-t-il à la prochaine secousse sismique sérieuse? Réponse imminente.

Et que les morts reposent en paix!

dimanche 13 novembre 2011

Non non, c'est pas encore fini : 7 réflexions sur "l'événement Jeita"! (Art.46)


1. Ce qui est formidable dans une démocratie, c'est que chacun est libre de penser et d'agir comme il veut, de prendre part à un événement ou pas, de s'y intéresser ou pas, de défendre son point de vue, de combattre celle des autres… bref, de décider librement. Le dirigisme étatique pour orienter en force le peuple vers un événement "national" est depuis longtemps révolu, Dieu merci! Et du côté de la société civile, fort heureusement, il n'y a pas de place pour la pensée unique dans toute vraie démocratie.

2. Avec ou sans nous l'événement avait lieu! Certains ont vu en cela une bonne raison pour y participer, d'autres exactement le contraire.

3. Oui on peut regretter que certains s'intéressent plus à cette "futilité" au lieu de s'inquiéter pour la censure qui sévit gravement dans notre pays, pour nos voisins qui se font massacrer avec barbarie comme les dauphins sur les côtes danoises des îles Féroé et pour les enfants malnutris qui tombent comme des mouches dans la Corne de l'Afrique dans l'indifférence de la Communauté internationale… Mais bon, essayons de positiver, l'un n'empêche pas l'autre!

4. Oui on peut regretter que l'argent dépensé sur cet événement n'ait pas servi à autre chose plus "noble". Mais encore une fois, essayons de ne pas être négatifs, l'un n'empêche pas l'autre!

5. La récupération politique d'un événement apolitique porte malheur! Enfin disons qu'elle desserve la cause défendue: les libanaises émancipées, les musulmans libanais, les chrétiens non-CPL, la Ligue des défenseurs des vaches de la perversité humaine et tant d'autres avec ou sans étiquette particulière, ne se sont pas sentis concernés par cette affiche et les 2 vidéos promotionnelles créées pour cette occasion. Et sur ce point l'agence Clémentine, une filiale de Michel Aoun, et le ministère du Tourisme, représenté par le ministre aouniste Fadi Abboud, ont une certaine responsabilité à assumer! C'était une belle occasion de promouvoir un site plutôt "méconnu" du peuple libanais, favoriser le tourisme intérieur et renforcer l'union nationale sur un sujet fédérateur. Ils auraient pu faire mieux.

6. Les chiffres le confirmeraient ultérieurement, Jeita a obtenu plus de votes que le Colorado, alors que les populations du Liban et des Etats-Unis s'élèvent respectivement à 4,1 millions et 309 millions. C'est quand même fabuleux! En somme, des dizaines de millions de personnes non-libanaises ont voté pour cette grotte libanaise et c'est tout de même merveilleux.

7. New 7 Wonders –qui au passage n'a aucun lien avec l'UNESCO- fut une belle occasion –au moins une tentative- de sortir les peuples de la planète d'un certain nombrilisme nationaliste et de leurs rappeler que le monde regorge de merveilles et Jeita est l'une d'elles. Il est en conséquence si important et parfois si urgent (voir PS… là c'est beaucoup plus dramatique) de sauvegarder toutes ces merveilles de notre Nature, au Liban et ailleurs! C'est LA principale réflexion sur "l'événement Jeita", le reste n'étant que détails! ;)


Post Scriptum

A ce jour, la liste du patrimoine mondial en péril comporte 35 biens par décision du Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO! Et au fait, ça sert à quoi d'avoir les honneurs, si on se montre incapable d'être à la hauteur des distinctions?

Tyr sur la "liste du patrimoine en péril"?
L'Orient-Le Jour 12.11.2011
"Pour la présidente de l’Association internationale pour la sauvegarde de Tyr (AIST), Maha Khalil el-Chalabi, l’urbanisme sauvage, qui pèse lourdement sur le site archéologique de la ville, et le ministère des Travaux publics, qui ne respecte pas les recommandations des nombreuses missions scientifiques, vont contraindre l’Unesco à inscrire Tyr sur la « liste du patrimoine mondial » en péril."

mardi 8 novembre 2011

Quand on fait passer la grotte de Jeita à la sauce orange ! (Art.45)


Bien que je n'aime pas jouer au trouble-fête, quand on m'y oblige je le fais avec grande joie! Lorsque Sami Saab trouve une idée et bien il la sert à toutes les sauces. Je sais que dans la com, on fait beaucoup de recyclage, mais de "bonnes idées en général". Sami lui, recycle les "mauvaises idées de mon-général"! Ce fut d'abord la campagne ratée "Sois belle et Vote" pour conquérir Achrafieh aux élections législatives de juin 2009. Il y a eu ensuite "Sois belle et LOL" pour promouvoir le programme abrutissant de l'OTV en janvier 2010. Et voilà qu'il nous sort "Sois belle et Vote pour Jeita" pour ce qui est devenue la cause vitale de la Nation en octobre 2011!

Si la couleur de base d'un vêtement nouvellement acheté ne tient pas au toucher, à quoi faut-il s'attendre après trois lavages? Et bien ça sera terne, complètement terne! De toute la culture française qui est si riche en proverbes, adages, maximes, boutades, poèmes et textes littéraires, l'agence de communication Clémentine, une filiale familiale de Michel Aoun, n'a rien trouvé de mieux pour stimuler le cortex cérébral apathique à qui elle s'adresse sans doute, que de s'inspirer de l'expression "Sois belle et tais-toi"! Comme tout cerveau normalement constitué, cultivé, non apathique et fonctionnel, fusionnera l'expression française et le slogan publicitaire, le message subliminal-final que ces créatifs en mal d'inspiration réussissent à faire passer à la libanaise émancipée d'aujourd'hui c'est "sois belle, vote et tais-toi"! Il ne manquait plus "puis retourne dans ta cuisine"! Avouez que Clémentine a de quoi réjouir les féministes d'Antioche et de tout l'Orient!

Et parce que l'agence de Claudine, la fille du général, ne fait pas les choses à moitié, elle a décidé d'orner ses affiches d'une jolie potiche –d'ailleurs qui va très bien avec le message subliminal!- une femme qui n'a rien d'une libanaise et tout d'une sortie de bloc opératoire pour remodelage de nez et de lèvres, au moins, n'ayant pas d'accès visuel au reste, je ne peux pas me prononcer davantage. Enfin, passons.

"New7Wonders of Nature" est un projet privé, organisé par la fondation de même nom, initié en 2007 et dirigé par le suisso-canadien Bernard Weber. Son but étant de dresser la liste des 7 nouvelles merveilles de la Nature (et non du "Monde"… c'est déjà fait). On peut voter par internet (pour sélectionner 7 sites) ou par téléphone (pour un seul site). Au départ, 440 sites de 220 pays qui rivalisent de beauté et de splendeur étaient en concurrence! Au fil du temps la grotte de Jeita a passé brillamment toutes les étapes de la compétition. Elle se retrouve aujourd'hui parmi les 28 sites encore en lice dans la dernière ligne droite vers le podium! C'est tout simplement merveilleux.

Etant donné l'enjeu pour le pays du Cèdre, il était normal pour le ministère du Tourisme d'organiser à quelques jours de la clôture de cette compétition, le vendredi 11 novembre 2011, une campagne de sensibilisation nationale et internationale en faveur du site libanais! Jusqu'ici rien d'extraordinaire, rien à redire. Et tout aurait pu aller bien dans la joie, l'espoir et la bonne humeur sans la bévue du 18 octobre 2011. Ce jour-là le ministère du Tourisme mit en ligne un clip de promotion réalisé par Impact BBDO Beirut, une adaptation du superbe court-métrage "Five more friends / Don't vote…" de Steven Spielberg sorti la veille de la dernière élection présidentielle américaine. Et là, surprise et questionnement! Voyez vous-mêmes…

Vote for Jeita Grotto – Ministère du Tourisme
http://www.youtube.com/watch?v=8GnHnUbVXYo

J'aimerai bien savoir pourquoi diable dans un clip de promotion d'une cause nationale, le vote en faveur de la grotte de Jeita, seulement 2 personnages sur les 12 sélectionnés sont musulmans?! Est-ce parce que le site se situe dans une région chrétienne ou c'est parce que les initiateurs et les concepteurs -chrétiens probablement- ne se sont pas rendus compte?

J'aimerai savoir aussi pourquoi diable dans une vidéo de promotion pour une cause apolitique, l'élection de 7 nouvelles merveilles de la Nature, sur les 6 politiciens qui apparaissent, 3 sont aounistes?! Est-ce parce que le commanditaire, le ministre du Tourisme, Fadi Abboud, est membre du courant aouniste ou c'est parce que les initiateurs et les concepteurs –aounistes peut être- ne se sont pas rendus compte? Je peux concevoir la présence de Ziad Baroud sans problème, mais que vient foutre Alain Aoun dans ce clip?

En dépit de tout ce qui précède, oui j'irai sélectionner les "7" nouvelles merveilles de la Nature, j'ai mis 7 entre guillemets, car il ne s'agit pas de sélectionner uniquement la grotte de Jeita mais de choisir bien les SEPT nouvelles merveilles… Il faut sortir un peu de ce nombrilisme nationaliste Monsieur le Ministre! Mais ce n'est sûrement pas ce clip déplacé et cette affiche de mauvais goût, qui m'en ont donné l'envie. Heureusement que nous n'avons pas la petitesse d'esprit que les initiateurs et les concepteurs de ce clip semblent avoir eu en écrivant le scénario de ce film. Heureusement aussi que notre capacité intellectuelle nous permet de dépasser leur mesquinerie partisane en faisant ce casting. Heureusement enfin que notre flamme patriotique reste au-dessus de toute considération.


Post-Scriptum
Mes 7 nouvelles merveilles de la Nature:
- Kilimanjaro (Tanzanie)
- Grand Canyon (USA)
- Grotte de Jeita (Liban)
- Forêt Noire (Allemagne)
- Uluru (Australie)
- Iles des Maldives (Maldives)
- Amazonie (Amérique du Sud)

5 More Friends / Don't Vote – Steven Spielberg
http://www.youtube.com/watch?v=fX40RsSLwF4

Sélectionnez vos 7 merveilles de la Nature
Jusqu'au vendredi 11.11.2011 à 11h 11mn 11s GMT
www.new7wonders.com

samedi 5 novembre 2011

Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde (suite). Réponse du bureau de presse de Nicolas Sehnaoui. Réponse au bureau de presse de Nicolas Sehnaoui (Art.44)


Suite à la publication le 21 octobre dans L'Orient-Le Jour de mon article "Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde", le bureau de presse du ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, a adressé au journal une réponse détaillée à mes critiques. Dans un esprit démocratique, je poste après ma réponse, l'adresse du lien et le texte intégral pour celles et ceux qui seraient intéressés.

4 remarques sur les points abordés par le ministre des Télécoms:

1. Il ne suffit pas de recourir à quelques termes techniques pour avoir raison. Heureusement! Et parce que le meilleur moyen pour dérouter le citoyen du chemin de la vérité c'est de l'assommer par les détails, je vais tenter de simplifier au maximum.
Si la technologie LTE-Advanced est "en cours de finalisation" comme le précise le bureau du ministre, ce n'est absolument pas le cas pour la 3,9G! Or, celle-ci, qui se base aussi sur la technologie LTE (Long Term Evolution), est assimilée de facto par les professionnels du secteur à la 4G, on parle même de la 3,99G (voir réf. TeliaSonera). D'ailleurs, selon une étude d'ABI Research -une entreprise américaine spécialisée dans les nouvelles technologies qui fournit des analyses sérieuses aux décideurs- "4G Subscriber, Device and Networks Market Data", 12 services mobiles en très haut débit utilisant la technologie LTE étaient activés dans le monde au printemps dernier!
Dans tous les cas, même si les normes 3,5G et 3,75G sont des évolutions logicielles ou des variantes (HSPA) de la norme 3G (UMTS), le problème n'est pas là! Il faut savoir qu'avec la 3,9G -la 4G de facto- on change carrément de norme: on quitte celle dite HSPA pour passer à la LTE. Et ceci a des conséquences car contrairement à la 3,5G & 3,75G qui utilisent la même couverture radio que la 3G de base, la LTE (3,9G) nécessite une couverture radio dédiée, d'où dépenses publiques et privées supplémentaires.
Si on veut résumer tous ces détails techniques ennuyeux et bien disons que tout est une question de "débit": plus le débit est élevé, plus il sera possible de regarder une vidéo (ou faire une vidéoconférence) et une émission TV confortablement sur son portable tout en bougeant bien entendu et sans proférer des jurons contre le ministre des Télécoms! Pour simplifier l'exposé davantage, sachez qu'au Liban nous plafonnerons, on n'y est pas encore, à 3,75G! Cette génération offre des débits théoriques maxi de 14 Mbps. Et même l'amélioration promis, HSPA+, ne permettra d'aller que vers un débit de 22 Mbps. En revanche, la 4G de facto, qui se base sur la norme LTE, permet d'obtenir un débit de 100 Mbps!
Enfin, je rappelle au ministre que la 1re communication dans la norme 3,5G en France fut réalisée en juin 2006 et dans la norme 3,75G en sept 2007 et que TeliaSonera, le grand opérateur suédois-finlandais, commercialise les offres utilisant la norme LTE (4G) en Suède et en Norvège depuis le 14 décembre 2009!
Donc notre retard existe bel et bien et il demeurera! Les variantes de la 3G en cours de déploiement au Liban, qui ne dépassera pas la 3,75G pour un bout de temps, est une marchandise périmée ou en cours de l'être!

2. Pas de commentaire particulier sur le 2e point. On jugera ultérieurement les vitesses de connexion sur le terrain!

3. Combien même, cela ne change rien. La baisse de 80% des prix ne concerne qu'une minorité de clients, ceux qui avaient le plan maxi à l'époque de 1 Mbps à 115 000 LL/mois! La majorité de la population libanaise n'a pas connu cette importante baisse, annoncée fièrement par Nicolas Sehnaoui.

4. Il n'a pas échappé aux services du ministère que si j'ai détaillé le cas du Maroc, c'est justement pour éviter l'argumentation rachitique que "La France serait un pays mature où la demande se caractérise par un pouvoir d’achat élevé, ce qui permet à l’opérateur d’allier faisabilité économique et bas prix". Or, je constate avec grand étonnement que le ministre n'a même pas jugé utile ne serait-ce que de commenter les faits que la population libanaise soit obligée de payer 100 $ de plus par mois par rapport à la population marocaine pour bénéficier d'une connexion internet à 8 Mbps et pourquoi nous devons nous résigner à accepter de débourser 28 $/mois au pays du Cèdre pour 1 misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, alors que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 $/mois!
Enfin, je termine par le meilleur, quant au fait que "le Liban se situe d’ores et déjà dans la moyenne supérieure de la région ainsi que dans la moyenne de l’OCDE (pour l’usage faible et 30 % au-dessus pour l’usage fort)"… C'est une allégation pour le moins farfelue de la part du ministère des Télécoms! Le taux de pénétration de l'Internet en Europe est de 58% de la population en moyenne. Plus précisément, il est de 35% en Roumanie, 44% en Albanie et en Turquie, 70% en France, 80% en Allemagne, 92% en Suède et 97% en Iceland! En revanche, il est seulement de 29% au Liban. Bien sûr, on peut frimer devant la Jordanie (27%), la Syrie (20%), le Yemen (10%) et l'Irak (3%), mais pas devant le Maroc (41%), l'Iran (47%), la Palestine (54%) et Israel (70%)! Sur le continent européen, nous ne pouvons frimer que devant le Kosovo uniquement (21%). Désolé qu'il en soit ainsi!

Hélas, dans le domaine de la téléphonie et de l'internet, je persiste et je signe, n'en déplaise au ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, le Liban demeure un pays du tiers-monde et loin derrière SVP. Il n'y a donc pas de quoi pavoiser!

Ma haute considération à Monsieur le Ministre!

Réf.

Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde
Bakhos Baalbaki - L'Orient-Le Jour 21 octobre 2011 (sur abonnement)
http://www.lorientlejour.com/category/Opinions/article/728092/Telephonie_et_Internet+%3A_le_Liban__demeure_un_pays_du_tiers-monde.html

Nicolas Sehnaoui : la montagne qui accouche d'une souris !
Bakhos Baalbaki - Version complète de l'article publié dans L'Orient-Le Jour
https://www.facebook.com/note.php?note_id=247110842006425

Téléphonie et Internet : le Liban dans la moyenne OCDE
Bureau de presse du ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui
L'Orient-Le Jour 5 novembre 2011
http://www.lorientlejour.com/category/Opinions/article/730475/Telephonie_et_Internet+:_le_Liban_dans_la_moyenne_OCDE.html

4G Subscriber, Device and Networks Market Data
ABI Research - This market data contains regional, as well as selected country-level segmentation for the 4G market, including mobile WiMAX (802.16e and 802.16m) and LTE (LTE and LTE-Advanced)
http://www.abiresearch.com/research/1004252

TeliaSonera first in the world with 4G services
TeliaSonera 14 December 2009 - Today, as the first operator in the world, TeliaSonera launches 4G services commercially to customers in Stockholm, Sweden and Oslo, Norway.
http://www.teliasonera.com/media/press-releases/2009/12/teliasonera-first-in-the-world-with-4g-services/

Internet Usage in Europe
http://www.internetworldstats.com/stats4.htm

Internet Usage in the Middle East
http://www.internetworldstats.com/stats5.htm


OPINIONS 

Téléphonie et Internet : le Liban dans la moyenne OCDE
Bureau de presse du ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui
L'Orient-Le Jour 5 novembre 2011
http://www.lorientlejour.com/category/Opinions/article/730475/Telephonie_et_Internet+:_le_Liban_dans_la_moyenne_OCDE.html


À la suite de l’article intitulé « Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde » paru dans L’Orient-Le Jour du 21 octobre, nous avons reçu du bureau de presse du ministre des Télécommunications la réponse suivante :

N’en déplaise aux esprits chagrins qui ne veulent pas l’admettre, le Liban est bel et bien en train de se doter d’une infrastructure moderne de télécommunications (fibre optique et 3.75G). Dans l’opinion parue dans L’Orient-Le Jour du 21 octobre, M. Bakhos Baalbacki vogue sur la méconnaissance du grand public en matière de télécommunications.

Premièrement : « Alors que le monde passe progressivement à la 4G, on nous fourgue la 3G. »
Plutôt que d’ironiser sur les réalisations du ministère des Télécommunications, l’auteur de cette opinion aurait mieux fait de se renseigner : la 4G est un nouveau standard de téléphonie mobile encore en cours de finalisation. Aucun mobile, terminal ou modem utilisant le standard baptisé « LTE-Advanced » n’est opérationnel à cette date dans le monde. Le déploiement des premiers réseaux commerciaux 4G est attendu pour 2015 voire 2016. Ce qui a été lancé en 2010 en Finlande et en Suède, c’est le réseau mobile au standard LTE qui est une évolution du standard 3G, et plus particulièrement une amélioration du standard HSPA+ en cours d’installation au Liban. Le passage de la HSPA+ au LTE se fera par une mise à jour logicielle sans changement majeur au niveau matériel (et donc pas de gaspillage des deniers publics annoncé par l’auteur). Ce passage se fera tout naturellement dès que le HSPA+ sera déployé entièrement sur le territoire libanais et, surtout, dès lors que les appareils mobiles, les terminaux et les modems supportant le standard LTE auront atteint une masse critique pour être commercialisés, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement. Le saut technologique est donc bien réel pour les usagers libanais qui passent de la 2.75G (GSM/GPRS/EDGE) sur les réseaux mobiles à la HSPA+ (soit 3.75G). Une avancée qui place le Liban dans le peloton de tête régional. Pour des raisons de montée en puissance progressive, la 3G démarre dans un mode 3.5G (21 Mbps théoriques) et passera l’été prochain au mode 3.75G (42 Mbps théoriques). Quant aux vitesses de 1 000 Mbps évoquées par M. Baalbacki, il faut savoir qu’elles ont été atteintes uniquement en laboratoire et qu’aucun usager de la planète ne les verra avant plusieurs années.

Deuxièmement : « Alors que le ministre annonce des débits théoriques allant jusqu’à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbps et 2 Mbps. »
Nous sommes au tout début d’un nouveau déploiement de réseau 3G/HSPA+. Le processus dure un minimum de temps avant que la vitesse de croisière ne soit atteinte. À l’heure actuelle, la couverture 3G/HSPA+ concerne les villes principales afin d’assurer une couverture nationale identique à celle de la 2.75G (GSM/GPRS/EDGE). L’achèvement de cette étape, prévue pour la fin février 2012, nécessitera à son tour une action d’optimisation afin de rendre cette couverture conforme aux standards internationaux. Après l’achèvement de la couverture du nouveau réseau 3G/HSPA+, vient la phase dite de densification au cours de laquelle la capacité des stations de radiotransmission sera augmentée afin de répondre aux besoins croissants en vitesse et en consommation des abonnés. Ce mode opératoire est tout à fait comparable à tous les déploiements de la 3G qui ont eu lieu dans le monde. On ne peut pas aller plus vite que la musique. Au lieu d’attaquer le ministère, l’auteur aurait mieux fait de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les Libanais ont été si longtemps privés de ces nouvelles technologies.

Troisièmement : « On est loin des 80 % (de baisse des prix) annoncés fièrement. »
Cette affirmation est tout simplement fausse. Pour l’étayer, l’auteur détaille la comparaison qu’il a effectuée entre l’offre commerciale d’un fournisseur de services Internet privé (pour lequel la nouvelle grille tarifaire ne s’impose pas), et la nouvelle offre tarifaire du ministère des Télécoms définie par le décret 6 957 en vigueur depuis le 1er octobre 2011. L’honnêteté dicterait en effet de comparer les tarifs du ministère – qui servent de référence à ceux du marché – avant et après le nouveau décret. Ce tarif réalise bien une baisse de 80 % des prix comme l’atteste le premier plan de 1 Mbps du nouveau décret qui est tarifé à 24 000LL contre 115 000LL avant le 1er octobre. Quant au fait qu’à ce jour seuls 30 % des Libanais ont reçu le upgrade à 1 Mbps, il est dû à l’incompétence et à l’obstruction systématique pratiquée par certains relais de l’administration publique, malheureusement appuyés par certains courants politiques. Le ministre se promet en tous les cas de dévoiler les dessous de cette bataille de l’ombre une fois que le upgrade aura atteint tous
les Libanais.

Quatrièmement : des comparaisons trompeuses avec les tarifs en France et au Maroc.
Cette comparaison est également biaisée et inexacte. Rappelons par exemple que la France est un pays mature où la demande se caractérise par un pouvoir d’achat élevé, ce qui permet à l’opérateur d’allier faisabilité économique et bas prix. Une petite explication est nécessaire. En matière de fibre optique, il faut distinguer deux étapes : la première consiste à relier tous les centraux téléphoniques par de la fibre, une étape franchie par tous les marchés matures ; et la deuxième consiste à faire parvenir la fibre à tous les foyers (phase communément appelée FTTX), une étape que la quasi-totalité des marchés matures n’ont toujours pas franchie (hormis quelques expériences de pointes comme celle de la ville de Stockholm que le ministère des Télécoms suit de près). En France par exemple, seuls 3 % des foyers sont reliés par fibre. La première étape, soit l’installation de la fibre reliant tous les centraux, sera achevée au Liban en octobre 2012. Cette étape, doublée d’un équipement du réseau en VDSL2, est nécessaire pour faire passer la vitesse à plus de 20 Mbps pour les abonnés. C’est également cette disponibilité de l’offre (vitesse et capacité) qui détermine une augmentation de la demande et une diminution des prix.
Il n’est donc pas question de prétendre que le Liban est le pays le plus compétitif en termes de prix. Une telle évolution prend du temps. Mais le Liban se situe d’ores et déjà dans la moyenne supérieure de la région ainsi que dans la moyenne de l’OCDE (pour l’usage faible et 30 % au-dessus pour l’usage fort), comme l’atteste l’étude publiée par l’Autorité de régulation des télécoms vendredi 4 novembre.

dimanche 16 octobre 2011

Nicolas Sehnaoui : la montagne qui accouche d'une souris ! (Art.40)


Cela fait des mois qu'on nous rabâche les oreilles qu'ils vont enfin sortir le Liban de son tiers-mondisme numérique et téléphonique. "Ils" ce sont les 8marsiens du gouvernement hezbollahi, représenté par le très jeune ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui. Soyez-en assurés, j'ai rien contre ce "jeune" ministre, j'en veux plus à son populisme trompeur, qui est lié peut être à sa jeunesse, à son inexpérience, à son appartenance politique au courant aouniste, à son désir de prendre sa revanche aux prochaines élections législatives à Achrafieh ou aux 4 à la fois! "Nous" c'est ce "cha3b maghloub 3ala amro" à qui on promet monts et merveilles, et qui se réveille toujours dans les ravins des politiciens-démagogues et les gouffres financiers!

Aujourd'hui il est donc question de l'internet fixe et mobile. Alors état des lieux.

Commençons par l'internet mobile, la fameuse 3G, abréviation de "troisième génération". Celle-ci désigne une génération de normes de téléphonie mobile permettant des débits plus rapides qu'avec la génération précédente, le GSM (2G). Les applications sont nombreuses: internet mobile (sur un cellulaire ou un ordinateur portable), le visionnage de vidéos ou d'émission TV et la vidéoconférence.

L'énoncé est incontestablement très alléchant... sur le plan théorique. Car comme à l'accoutumée dans notre pays, on déchante à l'examen de la réalité. Alors que le monde passe progressivement à la 4G, Nicolas Sehnaoui nous fourgue la 3G ! Et oui, une marchandise périmée ou en cours de l'être! En effet, les pays scandinaves bénéficient de la 4G depuis 2009. Les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon depuis 2010. L'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont passés à la 4G au cours de cette année. Et même les 5,4 millions d'Ouzbékistanais y auront droit prochainement! Cette génération offre des débits théoriques de 100 Mbps (si mobilité importante) jusqu'à 1000 Mbps (si mobilité faible ou nulle, piéton ou immobile), soit 5 à 50 fois plus rapide que ce que Nicolas Sehnaoui prévoit!

Mais ne soyons pas aussi négatifs, oublions un instant la 4G. Pour mesurer notre retard, il faut savoir que la 3G est en vigueur depuis 2004 en Afrique du Sud et l'île Maurice, 2006 au Maroc, 2007 au Kenya, 2008 au Pakistan, en Inde, en Corée du Nord et aux Philippines, 2009 en Turquie et en Chine. Et ce que notre cher ministre n'ose pas vous dire c'est que 80% de l'Europe était couverte par la 3G à la fin de l'année 2005, il y a déjà 6 ans! Idem pour l'Amérique du Nord et les autres pays occidentaux. Et même quand on se compare à nos voisins que nous snobons, surprise : la 3G a été lancée en Iraq en 2007 et en Syrie en 2010!

On aurait bien aimé que ça soit tout mais hélas ce n'est pas le cas. Alors que le ministre annonce des débits théoriques allant jusqu'à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbps et 2 Mbps. Sachant qu'on est à 4000 utilisateurs seulement, je vous laisse imaginer la descente vertigineuse de ces chiffres quand on atteindra 100 000, 250 000 ou 500 000 utilisateurs! Enfin, dernière info sur ce dossier, le prix de ce service. Etant donné que le consommateur libanais est considéré comme une vache à lait par les opérateurs télécoms depuis une quinzaine d'années, il faut s'attendre au pire. Pourtant un tel service est assuré pour une modique somme comprise entre 9 et 12 $ TTC/mois (6 à 9 €) en France et entre 12 et 24 $/mois au Maroc!

Voilà pour la 3G. Qu'en est-il maintenant de l'internet fixe? Passons d'abord sur un 1er fait: le jeune ministre a évité soigneusement de préciser que le dit progrès n'a pas pu voir le jour que grâce à l'initiative de Marwan Hamadé quand il était au ministère des Télécoms. Passons ensuite sur un 2e fait: le prédécesseur de Nicolas Sehnaoui, Charbel Nahas, qui est de la même couleur politique, ne s'est pas pressé pour faire bénéficier les libanais de l'internet rapide sous le gouvernement Hariri, alors que le câble de fibre optique transcontinental IMEWE –grâce auquel l'amélioration de l'internet au Liban a été rendue possible- est opérationnel depuis fin 2010! Passons enfin sur un 3e fait: les libanais ne pourront pas bénéficier pleinement de la puissance du câble IMEWE avant l’accomplissement du réseau national de fibre optique et croyez-moi ce n'est pas demain la veille!

Bref, alors que nous avions la pire connexion au monde, voyons donc où nous en sommes aujourd'hui. Un coup d'œil chez IDM, le plus important fournisseur d'accès internet au Liban, montre que la baisse des prix de 80% ne concerne en réalité que ceux qui avait déjà le Plan 4 (1024 Kbps) et qui payaient 70$ HT, inutile de préciser que c'était une minorité de gens; aujourd'hui ils ne payeront que 19 $ (une baisse de 73% pour être précis). Mais pour la majorité des gens, qui avaient les plans 1 (128 Kbps) et 2 (256 Kbps), qui payaient respectivement 19 $ et 23 $, cette baisse n'est en réalité que 0% (-0$/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 1) et 18 % (-4$/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 2). Certes c'est mieux que rien mais on est loin des 80% annoncés fièrement par le jeune Nicolas.

Mais encore une fois, on ne se rend pas compte de notre retard qu'en comparant le Liban à des pays développés. L'offre internet en France –qui est loin d'être le pays occidental le mieux branché- est d'une grande simplicité: aucun saucissonnage! Avec la société Orange, le plus important fournisseur d'accès internet en France, et pour 30 à 40 €/mois -soit 40 à 52 $/mois, qui ne représente en réalité que 2,8 à 3,7 % du salaire minimum mensuel français- le résident de France et de Navarre a une connexion internet ADSL dont le débit peut aller jusqu'à 20 Mbps ou une connexion fibre optique dont le débit atteint 100 Mbps, un download/upload illimité 24h/24, le téléphone fixe illimité vers les numéros fixes et les cellulaires en France, vers les fixes d'une centaine de destination internationale (tous les pays d'Europe, Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, …) et vers les cellulaires de certains pays (Etats-Unis, Canada). A cela, il faut rajouter la possibilité de bénéficier d'une centaine de chaines de TV! C'est tout simplement, énorme.

En revanche, la meilleure offre au Liban à ce jour ne permet pas d'aller au-delà des 8 Mbps. Elle est facturée, tenez-vous bien, 121 $ TTC/mois (soit 89 €/mois), ce qui représente 26% du salaire minimum libanais (en dépit de la récente hausse), avec un download limité à 30 GB par mois, pas de communications nationales et internationales incluses, pas de cellulaire et aucune chaine TV numérique non plus. Enorme aussi, mais pour d'autres raisons!

Certains diront mais enfin comparons des pays comparables! Soit, allons donc faire un tour au Maroc. Et bien figurez-vous qu'à l'extrême Maghreb, une connexion à 8 Mbps est facturée 24 $/mois (soit 8,5% du salaire minimum marocain). Eh oui! En d'autres termes, nous payons 100 $/mois de plus au Liban pour la même vitesse de connexion! Et ce n'est pas tout, car alors qu'au pays du Cèdre 8 Mbps est le plafond que nous ne pouvons pas dépasser pour l'instant, au Maghreb on peut surfer à 20 Mbps pour seulement 60 $ TTC/mois!

Finalement, avec ce rapide tour d'horizon hors de nos frontières on s'aperçoit que l'ambitieux Sehnaoui n'a accouché que d'une souris. Le Liban demeure un pays du tiers-monde dans la téléphonie et l'internet. Et comment! Pour 1 misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, nous déboursons 28 $/mois, sachant que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 $/mois!

Certes, ce n'est pas entièrement de la faute de notre jeune ministre des Télécoms. Mais ces chiffres montrent qu'il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser. Nicolas Sehnaoui ferait donc mieux de conserver un profil bas. Il devrait profiter du temps qu'il lui reste à ce poste ministériel et se mettre effectivement au travail –dans l'intérêt du peuple comme il dit- pour nous placer au moins au niveau du standard marocain, au lieu d'être obsédé par cette hypothétique revanche électorale à Achrafieh en 2013, qui le pousse pour l'instant vers un populisme stérile à 5 piastres!

[Article publié le 18 octobre 2011 sur Middle East Transparent] 
http://www.metransparent.com/spip.php?page=article&id_article=16540&lang=fr