samedi 23 janvier 2016

De la fuite en avant de Nasrallah, au mutisme de Hariri, à l’hypocrisie de Berri, aux enfantillages de Joumblatt et à l’abjection de Koteich. Tour d’horizon après l’initiative Geagea-Aoun (Art.333)


Trois tweets de Walid Joumblatt à propos de la réunion du bureau
politique du Parti socialiste progressiste suite à l'initiative Geagea-Aoun.

Que l’on soit pour ou contre, ou même neutre, nul ne peut dire que l’intifada du 18 janvier 2016 ne s’inscrira pas dans l’histoire et ne restera pas dans les mémoires. L’initiative Geagea-Aoun ne laisse personne indifférent. Des citoyens aux leaders, de toutes les communautés et tendances politiques, tout le monde au Liban a sa petite idée à ce sujet. En haut de la pyramide, le mutisme des uns, comme Hassan Nasrallah et Saad Hariri, était même plus criant, que l’hypocrisie des autres, comme Nabih Berri et Walid Joumblatt. El-Estèz a décrété que « ce n’est toujours pas suffisant » pour débloquer la situation, alors qu’il y a un mois, il claironnait partout : « Quand on a dit que le problème est maronite, beaucoup de gens nous ont critiqué. Mais la réalité a prouvé que le problème est ainsi. » Hal 3kerit el mwarné, ils t’ont eu, hein ? Quant au second, il continue ses enfantillages sur Twitter. A le suivre depuis un moment, on dirait que le beik de Moukhtara ne sait plus s’exprimer que par des émoticônes. Au passage, entre Michel Aoun et la marionnette de la girouette, Henri Helou, qui en près de deux ans de candidature n’a pas encore juger utile d’ouvrir la bouche, c’est le nouveau général sans la moindre hésitation.

Tayeb. Comme tout le monde, j’ai exprimé clairement mon opinion concernant l’initiative en cours. Je le rappelle avec modestie, l’idée que Geagea et le 14-Mars soutiennent Aoun, je l’ai avancé dans un article datant du 24 mai 2014, càd il y a près de deux ans. Toutefois, je l’avais conditionné à une « mise en scène » publique et comique qui se déroulerait entre Maarab, Rabié et l'église Mar Mikhael, pour prouver clairement aux Libanais, notamment à nos compatriotes de la communauté sunnite, le détachement du Général de l’axe Nasrallah-Assad-Mollahs, condition sine qua non pour faire de lui un candidat consensuel entre le 8-Mars et le 14-Mars. Toujours est-il que si ce détachement n’est pas annoncé urbi et orbi, je ne soutiendrai pas Michel Aoun dans sa course présidentielle. Ma méfiance est évidemment justifiée. Pour paraphraser une célèbre formule française, disons qu’elle l’est parce que « les paroles s’envolent et les gestes restent ». Mais, comme le Général s’est engagé à ce que les dix points « souverainistes » annoncés par Hakim, apparaissent dans son discours le jour où il prêtera serment, je ne la combattrai pas non plus, et pour une raison simple, il existe aujourd’hui, par l’initiative de Samir Geagea, des chances minimes mais non négligeables, de dégager Michel Aoun de l’orbite du 8-Mars et du giron du Hezbollah. Cela dit, avec tout le délire que j’ai lu et entendu au cours de la semaine, il m’est difficile de regarder sans réagir des gens qui continuent comme si de rien n’était, à diffuser leur propagande nauséabonde, pour détourner l’attention de leurs compatriotes du cœur du problème.

Nadim Koteich, n’en a pas encore fini d’enfoncer sa tête dans les sables mouvants de la politique libanaise. Ayant perdu le nord, n’ayant plus aucun sens critique vis-à-vis de son camp-employeur, le Futur, il enchaine désespérément les articles grotesques. Il est aujourd’hui comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Dans son dernier opus « Au-delà du soutien de Geagea à Aoun », publié hier dans le quotidien arabe Asharq al-Awsat, qui est diffusé à 200 000 exemplaires svp, le journaliste du Futur nous explique que la raison principale de ce soutien, réside dans « le besoin de Geagea d’avoir un candidat qui stoppe la forte propulsion politique qui pourrait mener son autre adversaire, Sleimane Frangié, à la présidence ». Notez bien la « forte propulsion politique » ! On croirait lire un communiqué du Baath syrien. Koteich sous-entend, la forte motivation de Hariri dans ce sens, alors que le chef du Futur ne s’est pas encore prononcé publiquement et qu’il ferait bien de le faire de toute urgence. Fidèle à lui-même, au moins ces derniers temps, Koteich déforme de nouveau la réalité, comme ça l’arrange : « A Maarab, l’homme (Geagea) a annoncé son passage de l’identité du 14-Mars, une identité nationale unificatrice..., à une identité chrétienne, et même à la cause chrétienne... qui met sur la table, le projet de révision de l’identité nationale libanaise et de toute la logique de partage avec les Musulmans au sein du régime politique libanais ». Rou7 ya ghadanfar, 2afarta ! Après avoir expliqué à ses lecteurs libanais et arabes, dans un ancien article délirant, en gros, que Geagea, le leader chrétien, était responsable de l’écroulement du 14-Mars, le voilà qui leur explique de nouveau dans un autre article délirant que Hakim, ce leader chrétien, est même responsable de l’écroulement de l’identité libanaise islamo-chrétienne. Bon, Nadim Koteich aurait mieux fait d’arrêter de fumer sa moquette en narguilé et d’écouter consciencieusement ce qui s’est passé et s’est dit à Maarab et de l’analyser d’une manière dépassionnée et réfléchie, au lieu de donner libre cours à des réflexions passionnées et impulsives, comme il le fait de temps à autre depuis « ya chabeb wou ya sabaya, yalla yalla 3al saraya » (octobre 2012).

Dans le paysage politique avant le 18 janvier, les Libanais avaient un Joumblatt, des politiciens du Futur, un Koteich et d’autres défenseurs zélés de la candidature du beik de Zgharta, qui tentaient désespérément de vendre le « produit Frangié », LE fidèle des fidèles du camp « Merci la Syrie des Assad », le 8-Mars, « frère » siamois de Bachar et de Nasrallah, avec comme unique argument, que c’était la seule et dernière chance possible, et une option, « qui n’est pas content n’a qu’à proposer mieux ». Dans le paysage politique après le 18 janvier, les Libanais ont un Geagea soutenant un Aoun, dont les partisans avaient participé massivement à la manifestation historique du 14 mars 2005 contrairement aux partisans de Frangié (Koteich & Co feraient bien de s’en souvenir !), s’est engagé à inclure dans son serment présidentiel, dix points clés du projet du 14-Mars, dont les principaux éléments peuvent être résumés par : « 1. La réaffirmation de la foi en un Liban souverain et libre, et dans la cohabitation islamo-chrétienne. 2. Le respect de l’Accord de Taëf et de la Constitution libanaise, sans sélectivité et loin des considérations politiques et des interprétations erronées. 3. L’adoption des principes souverainistes pour les questions régionales et internationales. 4. Le renforcement des institutions de l’Etat et le recours à la loi, ainsi que l’engagement à ne jamais recourir à la violence et aux armes. 5. Soutenir l’armée libanaise et permettre aux forces armées légales d’étendre l’autorité de l’Etat libanais seul, sur tout le territoire libanais. 6. La nécessité d’avoir une politique étrangère indépendante dans le respect du droit international et l’établissement de relations de coopération notamment avec les pays arabes ; considérer Israël comme un pays ennemi et s’attacher au droit de retour des réfugiés palestiniens. 7. Le contrôle de la frontière syro-libanaise dans les deux sens, en ce qui concerne les armes et les hommes. 8. Le respect des chartes et des résolutions de l’ONU et de la Ligue arabe. 9. La mise en œuvre des décisions prises lors des réunions de dialogue nationale. 10. La nécessité d’adopter une nouvelle loi électorale qui prend en compte la parité réelle (islamo-chrétienne) et la juste représentation (parlementaire), afin de préserver les règles de coexistence, ce qui constituera l'entrée principale pour rétablir l'équilibre dans les institutions de l'Etat. » Personnellement, j’aurai rajouté beaucoup de choses encore, mais, fad7al zameno, Nadim Koteich, peut-il expliquer à ses lecteurs en quoi l’annonce de Samir Geagea de ces dix points constituerait une révision de l’identité libanaise, un renoncement aux principes du 14-Mars, une défense de la cause chrétienne et un rejet du partage avec les Musulmans ? Non mais, il faut choisir une moquette à fumer de bonne qualité ! Hélas, « dans l’abjection, j’y suis, j’y reste », telle est la nouvelle devise de Nadim Koteich.

Parlons peu, parlons bien. Si je me suis arrêté un peu plus longtemps sur cet article de Nadim Koteich, c’est non seulement pour dénoncer son contenu, mais aussi parce que le journaliste travaille pour le Futur, partie prenante de l’échiquier politique, et il est suivi par de nombreux lecteurs libanais et arabes, notamment de confession sunnite. Comme la bataille d’opinion est capitale en politique, il est de mon devoir patriotique de combattre le parasitage des esprits. Les Libanais doivent savoir qu’ils ont actuellement deux problèmes politiques majeurs. L’élection présidentielle, sachant que la vacance est en place depuis plus d’un an et demi (après le 25 mai 2014), et les élections législatives, qui doivent se tenir dans moins d’un an et demi (avant le 20 juin 2017). Tout le reste est secondaire. J’ai bien dit au niveau « politique », car sur les autres plans, « la crise des déchets » par exemple, restera à jamais, la honte de tous les responsables libanais sans exception, notamment ceux qui forment le gouvernement de Tammam Salam.

Et sur ces deux points, certains ne savent plus quoi inventer pour brouiller les esprits, des Libanais en général et des partisans du Futur tout particulièrement, la communauté sunnite. Sur le premier dossier, certains veulent faire oublier l’erreur politique de Saad Hariri et le caractère délirant du soutien du camp Hariri-Joumblatt à la candidature de Sleimane Frangié, le « frère » de Bachar el-Assad et celui qui ne forme « qu’une seule personne » avec Hassan Nasrallah, qui a été l’élément catalyseur de l’initiative Geagea-Aoun. A propos, en classant mes notes, je suis tombé sur cette déclaration très éloquente de Nouhad Machnouk, le ministre libanais de l’Intérieur, un éléphant du Futur, dont un des conseillers nous dit-on n’est autre que Nadim Koteich, datant du 19 décembre 2015 : « Frangié s’est porté candidat à une présidence du réalisme politique sincère ». Appréciez cette langue de bois très explicite pourtant du « réalisme politique sincère ». Plus grave encore, sur le deuxième dossier, certains font l'impossible pour fuir la réalité de cette nécessité absolue de remplacer la loi électorale archaïque actuelle dite loi de 1960, non représentative, qui se trouve être particulièrement favorable au Courant du Futur et au Parti socialiste, et très défavorable aux Forces libanaises et au Courant patriotique libre, mais aussi aux Kataeb, par une nouvelle loi électorale représentative, la circonscription uninominale (à deux tours ou par tirage au sort), qui est au centre du rapprochement entre les frères ennemis, Geagea et Aoun. Tout le reste n’est que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi balad 2art el 7aké. Et pourtant, des gens, comme Nadim Koteich, insistent avec une malhonnêteté inouïe, pour présenter ce différend politique de nature démocratique, plutôt comme un clivage confessionnel de nature identitaire. C’est consternant et c’est abject. Au lieu de renforcer la concorde nationale, certains nourrissent la discorde islamo-chrétienne. Dans tous les cas, ils assumeront les conséquences. Et des conséquences, il y en aura, s’ils insistent sur cette voie dangereuse, et s'ils n’ont pas le courage de regarder la réalité en face et de faire le bon diagnostic.

mardi 19 janvier 2016

Au-delà de la « bataille présidentielle », l’enjeu du soutien de Geagea à Aoun reste la « guerre législative » (Art.332)


Il était dispensé de le faire. J’ai bien dit « dispensé » pour barrer la route à Sleimane Frangié, mais il l’a fait quand même. Connaitre toutes les raisons qui ont poussé Samir Geagea à retirer sa candidature à la présidence de la République libanaise pour soutenir Michel Aoun dans sa course présidentielle, est important, mais pas autant que l’évaluation des conséquences de cette décision historique.

A ce stade des péripéties, l’enrobage diplomatique est déconseillé. Il faut parler des choses telles qu’elles se sont présentées et se présentent. Disons-le d’emblée, le Courant du Futur et le Parti socialiste (PS) principalement, ainsi qu'Amal et le Hezbollah secondairement, portent une lourde responsabilité dans cette décision inattendue du président du parti des Forces libanaises (FL) et de l'ancien chef du Courant patriotique libre (CPL).

L’élément majeur qui a pesé de tout son poids dans ce dossier réside dans l’enlisement des pourparlers sur une nouvelle loi électorale. Depuis 2009, on cherche à trouver de quoi remplacer la loi électorale archaïque de 1960, en vain. Deux pôles ont tout fait pour qu’on y reste, c’est le Courant du Futur et le Parti socialiste, et deux pôles se sont accommodés de cette aubaine, Amal et le Hezbollah. Ni Saad Hariri ni Walid Joumblatt ni Nabih Berri ni Hassan Nasrallah n’était pressé pour modifier une loi électorale qui leur est particulièrement favorable, alors que les quatre leaders musulmans savaient à quel point celle-ci ne l’était pas pour les deux leaders chrétiens. Ce fut la première fissure importante dans les relations entre Hariri et Geagea, qui ne fut que partiellement comblée lors du soutien par le premier de la candidature du second, sachant que tout le monde savait que Hakim avait peu de chance d’être élu.

Dans l’autre camp, le Hezbollah a retardé jusqu’à la dernière minute l’adoption publique de la candidature d’Aoun. Il ne l’a fait que contraint et forcé pour sauver son alliance. Le manque de soutien concret du parti chiite aux revendications du général, de la nomination d’un nouveau commandant de l’armée libanaise à l’élaboration d’une nouvelle loi électorale, a fini là aussi, par fissurer la relation entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre.

Déçus par leurs alliés respectifs, Samir Geagea et Michel Aoun, n’avaient guère le choix que d’enterrer la hache de guerre et de se rapprocher. Ceci a donné lieu à une « Déclaration des intentions » construite autour de la nécessité absolue de remplacer la loi électorale actuelle, loi de 1960, par une nouvelle loi, plus représentative pour les Libanais en général, et les Chrétiens en particulier. Les leaders chrétiens ont fait même de ce point une condition sine qua non, pour participer au vote du « bazar des nécessités », en novembre 2012.

Le forcing Geagea-Aoun fut très mal vécu par le Courant du Futur et le Parti socialiste, d’autant plus, qu’il devait conduire, s’il était mené à terme, élections législatives sous une loi électorale représentative, à réduire l’influence des deux partis dans la rue sunnite et druze, en donnant plus de place aux « opposants » des deux communautés, et à mettre un terme au contrôle électorale des candidatures chrétiennes, la rue chiite étant elle, complétement verrouillée par le duo Amal-Hezbollah. Ainsi, tout le monde savait qu'une nouvelle loi électorale diminuera forcément la taille des blocs parlementaires du Futur et du PS au profit des camps chrétiens, FL, CPL et Kataeb. Et c’est là où certains de l’entourage de Walid Joumblatt et de Saad Hariri ont eu la malencontreuse idée de la candidature de Sleimane Frangié, qui fut perçue comme une offense et un coup bas par et contre, Samir Geagea et Michel Aoun, dont l’objectif est de se débarrasser des deux « poids lourds » chrétiens et de s’affranchir d’une nouvelle loi électorale, qui était l’enjeu non avoué de la candidature de Frangié.

Acculés par leurs camps respectifs, Geagea et Aoun, n’avaient donc plus le choix que de se rapprocher davantage. La nouvelle alliance chrétienne, qui se concrétise par le soutien de Samir Geagea à Michel Aoun, vise avant tout à renvoyer la candidature de Frangié six pieds sous terre, le candidat de Joumblatt-Hariri, un objectif qui arrangera les affaires de Geagea-Aoun. Mais, celle-ci y était déjà, par la libération de Michel Samaha, alors pourquoi insister ? Si Michel Aoun est sorti glorifier de ce soutien, Samir Geagea était d’autant plus dispensé de le faire que les retombées pour les FL sont discutables. A commencer sur le plan éthique. A tort ou à raison, qu'importe, son image d'homme d'Etat est égratignée, même si sa décision prouve à quel point son intérêt personnel passe au second plan par rapport à certains hommes politiques libanais. En effet, tout ce qui s’est dit sur Sleimane Frangié s’applique sur Michel Aoun. Le général est favorable au régime syrien, il ne l’a jamais renié. Il a même signé une alliance avec le Hezbollah, toujours valide svp. Les deux hommes sont ex æquo dans les dérapages, innombrables et mémorables. Alors, par quel miracle et selon quel principe doit-on refuser l’un et accepter l’autre ? Certes, la popularité du général dans la rue chrétienne est un argument de poids. Mais, comment peut-on zapper le fait que par sa décision inattendue, Samir Geagea encourage, félicite et récompense Michel Aoun, d’avoir bloqué l’élection présidentielle au Liban pendant 20 mois, en boycottant 33 séances électorales ?

Et ce n’est pas tout. Il n’est pas certain que Samir Geagea gagnera l’entière sympathie des partisans de Michel Aoun. Et vice versa. En tout cas, il y a gros à parier que l’embellie ne sera que temporaire, les sujets de divergences profondes sont très nombreux. Etre d'accord sur des généralités et la théorie, ces dix points typiquement 14-Mars qu'Aoun s'est engagé à respecter (dont la nécessité de voter une nouvelle loi électorale moderne), ne peut faire oublier que le diable se cache dans les détails et la pratique (comment se traduira par exemple, le contrôle de la frontière syro-libanaise dans les deux sens?). Faut pas rêver ! En somme, Geagea risque de perdre l’estime d’une frange des partisans du 14-Mars, au sein des Forces libanaises même. Pire encore, en soutenant Aoun, el-Hakim a dilapidé une partie du capital de sympathie gagné durement depuis plus de dix ans, dans la rue sunnite. Donc, son « capital chrétien ou laïc » n’évoluera pas d’une manière spectaculaire, son « capital sunnite » s’effondrera, son « capital chiite ou druze » ne bougera pas d’un iota, bilan des courses, son « capital libanais » baissera. Pour le Général, rien ne changera vraiment. Et pourtant, il l'a fait, en se désistant au profit de son adversaire.

Le nouveau cheval de la course présidentielle, Michel Aoun, a peu de chance de franchir la ligne d'arrivée, puisque tous les leaders musulmans lui sont actuellement hostiles : Hariri, Joumblatt, Berri, et même Nasrallah, ne sont pas enthousiastes pour combler la vacance présidentielle par le Général. Ce n’est pas leur priorité, encore moins maintenant. Le Hezbollah, tout comme la République islamique d'Iran, préfère garder cette carte pour les jours difficiles. Le parti chiite trouvera une excuse pour torpiller encore l’élection présidentielle sous le prétexte bidon, comme il l’a fait pour Frangié, de retrouver l’unité du camp du 8-Mars sur une seule candidature ou la nécessité de trouver un compromis sur tous les dossiers en suspens, blablabla. Effet indésirable, le Hezbollah et le Futur, mais aussi Amal et le Parti socialiste, on revient à « l’alliance quadripartite », s’entendront probablement pour barrer la route de Baabda au général de Rabié, chacun ses raisons. Comment réagira dans ce cas Michel Aoun ? Nul ne le sait, mais il ne rompra probablement pas avec le Hezbollah pour des raisons électorales et politiciennes.

Plus grave encore, même s’il n’y a pas de divorce pour l’instant entre Saad Hariri et Samir Geagea, il y a bel et bien, une séparation des corps et la liberté de mœurs pour les deux leaders, le premier dialogue avec Nasrallah, le deuxième avec Michel Aoun. En soutenant Aoun, Geagea s’engage en réalité dans deux dossiers politiques aux côtés du général et non aux côtés du cheikh : la « bataille présidentielle », qui n’est qu’une bataille secondaire, et la « guerre législative », la mère de toutes les batailles et tous les combats, celle qui déterminera le poids politique des uns et des autres. Pour la « bataille présidentielle », Geagea a peu de chance de placer « son » candidat. Elle serait donc perdue d’avance. Alors, pourquoi s’y engager ? Peut-être que cette option fait partie de sa tactique, qui consiste à faire d’une pierre deux coups. En soutenant Michel Aoun, hakim Maarab grillerait à la fois la candidature du général de Rabié et du beik de Zgharta, et la sienne aussi. On reviendra à la recherche du candidat de compromis. Le hic, c’est que du fait de son nouveau positionnement, il pourrait perdre également la guerre de la nouvelle loi électorale et des législatives, ce qui est beaucoup plus grave. Il n’est pas difficile d’imaginer que sormais, le Courant du Futur tiendra plus que jamais, à la loi électorale de 1960, ou militera pour une autre qui lui est favorable, voire, il bloquera sans état d’âme une loi qui lui est défavorable. Du fait de son alliance avec le Hezbollah, qu’il ne s’engage pas à rompre, et de sa popularité dans la rue chrétienne, Michel Aoun pourrait très bien s’en accommoder. Pas les Forces libanaises.

Les spéculations iront bon train ce matin. Et elles dérailleront certainement. Mais, deux choses sont sûres et certaines. Sur le plan humain, nous ne pouvons que nous réjouir de voir autant de sourires et d'espoir à Maarab, entre les frères ennemis, FL-CPL . Mais sur le plan politique, ce rapprochement suscite des inquiétudes et des déceptions. Dans sa décision hier, Samir Geagea n’a pas voulu tenir compte d’un élément fondamental. Ce que ses partisans chrétiens aiment chez lui, depuis toujours, et c’est précisément ce qui a séduit ses compatriotes musulmans, ce sont sa droiture et sa détermination, ainsi que son attachement aux principes et sa capacité à affronter ses adversaires. Il avait la possibilité aujourd’hui de rassembler tous les Libanais mécontents de la politique politicienne et des compromis nauséabonds, ainsi que tous les opposants au régime de Bachar el-Assad et au Hezbollah, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, surtout au sein de la communauté sunnite. En dépit de ses qualités, Saad Hariri n’a pas réussi à prendre la relève de son père, Rafic Hariri. En exil, voguant de compromis en compromis, de la visite absurde à Bachar el-Assad au dialogue stérile avec le Hezbollah, et jusqu’à l’adoption abjecte de la candidature de celui qui se considère comme le « frère » de tyran de Damas et ne formant « qu’une seule personne » avec Hassan Nasrallah, deux entités soupçonnées de l’assassinat de Rafic Hariri et des personnalités du 14-Mars, une frange des Sunnites voyaient en Samir Geagea, ce chrétien maronite, l’homme providentiel. Il pouvait devenir une sorte de Mandela des communautés chrétiennes et musulmanes libanaises. Il a décidé de décliner ce rendez-vous historique à cause de cet engagement politique, aux côtés du général, qui permettra peut-être, de doter le Liban d'une loi électorale moderne et représentative de toutes les communautés et de toutes les tendances politiques. Mais, hélas, l’histoire n’est pas comme le facteur de ce vieux film américain, elle ne sonne pas toujours deux fois. Il va donc falloir forcer le destin pour prendre un autre rendez-vous. En attendant, la politique politicienne au Liban suivra son cours, comme un long fleuve tranquille.


Post-scriptum

Samir Geagea aurait dû soumettre son soutien à Michel Aoun pour la présidence de la République libanaise, à LA condition, ne serait-ce que symbolique, de déchirer la « Feuille d’entente » signée le 6 février 2006 avec Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, comme je l’ai suggéré la veille de la vacance présidentielle au 14-Mars et aux deux candidats, il y a près 20 mois*, et d'annoncer urbi et orbi, la rupture de ses relations diplomatiques avec le régime syrien et le régime des mollahs. D'ailleurs, on aurait pu éviter la vacance présidentielle et gagner près de deux ans d'activités normales. Tenez, mieux vaut tard que jamais. On peut même fixer le 6 février 2016, comme date de cérémonie, d'autant plus que le 8 février coïncidera avec la 35e tentative pour élire le 13e président de la République libanaise. Déchirer ou même brûler, les deux procédés seront admis. 10 ans, c’est un bon chiffre pour divorcer à l’amiable, hein ?


« ... Bon, forçons les choses un peu plus et soyons pour la suite surréalistes. Vu le blocage politique actuel, à part l’élection surprise d’un outsider, Ziad Baroud, Riad Salamé ou Bakhos Baalbaki, je ne vois qu’une issue à court terme. Je vous préviens, elle a peu de chance de se réaliser. Mais de par cette chance, elle a droit de cité. Alors, imaginez avec moi un deal national que Samir Geagea proposerait à Michel Aoun. Brouhaha général... wlak sma3ouné chouei ! Voilà, dans l’intérêt suprême de la nation, el-hakim annonce de Meerab le retrait de sa candidature à l’élection présidentielle, au cours d’une conférence de presse solennelle, entouré de Gebrane Bassil, le gendre du général, et Alain Aoun, le neveu du général. Bisbille en perspective sur le placement protocolaire. Qui sera à droite et qui sera à gauche de Samir Geagea ? Mais bon, el-sitt Sethrida saura trouver un compromis. À la fin de la conférence, el-hakim passe chercher el-général en voiture à Rabieh. Normal, les jeunes doivent du respect aux vieux, comme l’exige la tradition libanaise. Les deux hommes se rendent à l’église Mar Mikhael dans la même voiture. Tout un symbole, j’ai déjà la larme à l’œil, droite ou gauche, je ne sais pas encore. Elle est conduite personnellement par le général Chamel Roukouz. Ils discutent de la prochaine nomination de ce brave militaire, gendre du général - la famiglia è una cosa sacra!- comme commandant de l’armée libanaise. C’est l’autre œil qui larmoie maintenant. Sous les applaudissements, les tzolghout et les jets de riz, avec une transmission directe commentée par la députée du Kesrouan, Gilberte Zouein, qui ne croit pas ses yeux et reste sans voix, Michel Aoun déchire devant les caméras le fameux « Document d’entente » qu’il a signé huit ans auparavant avec Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah. Ce n’est pas parce que celui-ci a une quelconque importance politique en soi, mais uniquement pour le côté symbolique du geste, qui signifie urbi et orbi, la rupture de l’alignement du général Michel Aoun sur l’axe Dahiyé-Damas-Téhéran... »

samedi 16 janvier 2016

La mauvaise nouvelle, c’est la libération de Samaha. La bonne, est que celle-ci enterre le soutien de Hariri à Frangié et du coup, dispense Geagea d’appuyer Aoun (Art.331)


Pour ceux qui ont raté sincèrement le chapitre Samaha, ainsi et surtout, pour ceux qui l’avaient classé déjà, notamment au sein du 14-Mars, et ce n’est pas la peine de balancer les noms dès la première phrase de l’article, je dois une remise en mémoire et cette piqure de rappel.

Michel Samaha est une figure importante du camp qui a défilé sous le slogan « Merci la Syrie des Assad », désigné ultérieurement par le 8-Mars, lors d’une manifestation indécente à cette date en 2005, trois semaines seulement après l’assassinat de Rafic Hariri et de 21 autres personnes, et malgré 29 ans d’occupation du pays du Cèdre par l’armée syrienne. Il a été pris en flagrant délit au mois d’août 2012, de préparation d’actes terroristes avec un arsenal impressionnant, comprenant des grenades, des mines et des revolvers silencieux, mais aussi 24 charges explosives de TNT, composées de 4 charges de 20 kg et de 20 charges de 1 à 2 kg. Les premières bombes, celles de 20 kg de TNT, étaient destinées à commettre des attentats publics. On en a connu des centaines depuis 1975, dont le double attentat à la voiture piégée qui a frappé Tripoli en 2013. Ce fut l'attaque la plus sanglante au Liban depuis la fin de la guerre en 1990. Elle a eu lieu devant deux mosquées sunnites de la ville, à la sortie de la prière du vendredi. Elle a fait une cinquantaine de morts et des centaines de blessés. Les leaders alaouites libanais, la famille Eid, père et fils, qui sont impliqués dans cet acte terroriste, et inculpés svp, sont actuellement en fuite. A ce qu’il parait, ils se seraient rendus, comme par hasard, chez le régime alaouite syrien, avec l’aide des services de Sleimane Frangié, le fidèle des fidèles de Bachar el-Assad, dont Walid Joumblatt en personne, des politiciens de l’entourage de Saad Hariri, comme Nouhad Machnouk, et même des journalistes du Futur TV, comme Nadim Koteich, nous vantaient l’utilité de sa candidature à la présidence de la République, il y a encore quelques semaines. Les secondes bombes devaient servir à l’élimination ciblée de personnes, par l’explosion de leurs propres voitures. On en a connu des dizaines de ces actes odieux et lâches, surtout depuis la seconde indépendance de la Syrie le 26 avril 2005. Ils n’ont touché, comme par hasard, que des personnalités souverainistes du 14-Mars, anti-Assad, dont l’écrivain Samir Kassir (tué), le politicien Georges Haoui (tué) et la journaliste May Chidiac (gravement blessée). Il est intéressant de préciser que les explosifs confisqués chez Michel Samaha sont de même nature que ceux qui ont visé ces trois personnalités, là aussi, comme par hasard. Quant aux revolvers silencieux, ils étaient destinés à la liquidation discrète. Dans tous les cas, la liste précédente n’était pas exhaustive, comme l’a dit le terroriste lui-même : « Quand je monterai (en Syrie), j’en ramènerai encore ».

Grâce à des vidéos enregistrées à l’insu de Michel Samaha et aux aveux propres du chef de projet terroriste lui-même, les Libanais ont eu accès pour la première fois de leur histoire tragique, à la « tête » d’un de ces terroristes qui ont ensanglanté le Liban et endeuillé ses citoyens 1001e fois en 40 ans de guerre. On comprend de ces vidéos et aveux, qui vous glacent le sang, que Bachar el-Assad, le chef du régime syrien, a dû donner l’ordre à Ali Mamelouk, le responsable syrien de la sécurité du régime, et à Michel Samaha, sbire libanais du régime, de préparer 4 grands attentats terroristes au véhicule piégé au Liban et d’assassiner plus d’une vingtaine de personnalités libanaises. L’objectif syrien était triple.

Primo, éliminer physiquement les personnes gênantes, « tous ceux qui entravent le régime syrien » au Liban, comme l’a déclaré Samaha lui-même. Dans les enregistrements, Samaha accuse d’ailleurs l’armée libanaise de couvrir le trafic d’armes entre le Liban et la Syrie et traite de « fils de pute », le président de la République libanaise, Michel Sleimane, et le Premier ministre, Najib Mikati. En tout cas, c’est dans ce cadre précis qu’il faut se remémorer les déclarations de Sleimane Junior, deux semaines seulement après l’assassinat du chef des Renseignements libanais des FSI en octobre 2012. « Pourquoi Imad Moughnieh n'est pas considéré comme un martyr alors qu'il est mille fois plus important que Wissam el-Hassan?... Peut-être il (Hassan) a été tué à cause de l'arrestation de Samaha (deux mois et demi auparavant)... c'est peut-être Israël... La Syrie a mille raisons de tuer Wissam el-Hassan... c'est la règle du jeu pour qui se mêle de la sécurité, notamment en ce qui concerne la chute du régime syrien ». Une chose est donc sûre et certaine, Wissam el-Hassan était en haut de la liste de ceux qui entravent le régime syrien au Liban, puisque c’était lui qui avait procédé au démantèlement de la cellule terroriste syrienne de Michel Samaha.

Secundo, semer la terreur au Liban. Michel Samaha dit dans un des enregistrements, « Ils (les Syriens) avaient préparé une livraison (explosifs) qui demandait un van ». C’est pour dire l’ampleur du projet terroriste concocté par Bachar el-Assad pour le Liban. Les attentats prévus par les terroristes libano-syriens visaient en priorité les rassemblements sunnites libanais et syriens au Nord-Liban, même si cela devait passer par l’assassinat de civils lors des repas de ramadan (de toutes confessions mais, comme le précise le chef de projet terroriste, « ils (la tyrannie alaouite des Assad) ne veulent pas que des Alaouites (soient tués) »), de députés de la nation, dont Khaled el-Daher, et d’hommes religieux (comme il dit, « tant pis pour eux, comme ça, ils n’assisteront plus (aux iftars) »), dont le mufti sunnite de Tripoli et du Liban-Nord, Malek Chaar. Le projet criminel de Bachar el-Assad visait aussi le patriarche maronite, Bechara Raï, lors de sa visite de cette région mixte du nord, où cohabitent des communautés sunnites et chrétiennes.

Tertio, installer la discorde entre les Libanais, en déclenchant des troubles confessionnels au Liban, entre les Sunnites et les Chiites, mais aussi entre les Musulmans et les Chrétiens, dans le but de justifier la propagande de la tyrannie des Assad et du Hezbollah, mise en place depuis le début de la révolte syrienne en 2011, prétendant que le régime alaouite syrien et la milice chiite libanaise combattent les djihadistes sunnites libano-syriens, qui visent sans distinction les Libanais et les Syriens.

Toujours est-il qu’à la surprise générale et malgré des faits accablants pour Michel Samaha, la peine judiciaire contre le chef libanais du projet terroriste syrien, n’a été que de 4 ans et demi de prison. Il n’empêche que ce Corleone à 5 piastres est pourtant bel et bien condamné par le Tribunal militaire d’avoir projeté « mener des actions terroristes au Liban et d'appartenir à un groupe armé ». Ali Mamelouk n’a pas répondu à l’appel de la justice libanaise et Bachar el-Assad n’a jamais été entendu dans cette affaire criminelle alors qu’il en est le principal instigateur. Vous trouverez tous les détails sur ce dossier, comprenant les vidéos accablantes et leur transcription, dans l’article que j’ai rédigé à ce sujet au mois de mai, à l’annonce du verdict allégé contre « l’homme aux figues de Barbarie ». Tout un destin.

Parlons peu, parlons bien. Je l’ai dit à l’époque, je persiste, je signe et je vais même plus loin.

1. L’essentiel n’est pas dans la peine prononcée, élément qui est de toute façon subjectif, mais dans la condamnation explicite et sans appel de Michel Samaha pour « terrorisme » et sa déchéance de ses « droits civiques ». Donc, la question aujourd’hui est de savoir qui des politiciens du 8-Mars osera encore s’afficher aux côtés d’un « terroriste » officiellement reconnu, titre décerné par la juridiction militaire ? Rappelons aussi dans ce cadre, tout à l’honneur du Tribunal militaire, que même s'il n'a pas été entendu, le juge d’instruction avait requis en février 2013 la sentence maximale, la peine de mort, contre le maitre d’œuvre terroriste car « Michel Samaha avait l'intention de faire usage des explosifs saisis dans sa voiture (...) mais les attentats n'ont pas eu lieu pour des raisons indépendantes de sa volonté ». Nuance.

2. La bataille est loin d’être terminée. Il faut continuer à faire pression pour que le jugement de Michel Samaha, qui est cassé en appel, soit revu et corrigé, afin que la sentence finale soit alourdie.

3. C’est à la communauté chiite libanaise et au Hezbollah, d’être le plus révoltés par la condamnation allégée de Michel Samaha et c’est à eux qu’il revient de réclamer le plus, l’alourdissement de la peine. Si le projet terroriste libano-syrien avait pu être exécuté, notamment dans son volet anti-sunnite, c’est le Hezbollah qui aurait été accusé en premier, comme pour Rafic Hariri, et c’est la communauté chiite qu’on aurait blâmée en second, de soutenir massivement et sans réserve le parti chiite.

4. Qu’on ne se trompe pas de cible. Le problème n’est pas dans le caractère « militaire » de ce tribunal d’exception, ou même dans le fait qu’il serait sous l’influence du Hezbollah, autant qu’il est dans les « pressions » exercées sur ceux qui sont censés rendre justice dans notre pays, qu’ils soient civils ou militaires. Et comme les premiers sont forcément plus sensibles à ces pressions que les derniers, je suis contre l’abolition hâtive et irréfléchie du Tribunal militaire réclamée par certaines personnes impulsives, comme Okab Sakr par exemple, qui ferait mieux de rester sur son vœu de silence. Dans l'état actuel des choses, un tribunal civil pourrait faire pire au Liban ! D'ailleurs, il faut savoir que le président de l'autorité pénale de la Cour de cassation militaire qui a ordonné la libération de Michel Samaha, Tany Lattouf, et qui faisait pression sur les autres juges dans ce sens, est le seul civil d'un groupe de cinq personnes. Le pays n’étant pas encore prêt, il faut plutôt chercher à réformer le Tribunal militaire plutôt qu’à le supprimer.

5. Cette condamnation et cette libération ont l’immense mérite de souligner la difficulté de rendre ‪‎justice avec justesse dans nos contrées d'Orient et de clore définitivement le débat sur lutilité du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL). Si le 14-Mars n’avait pas réussi à imposer une enquête internationale, les cinq membres du Hezbollah poursuivis par le TSL pour le meurtre de l’ancien Premier ministre du Liban, Rafic Hariri, et de 21 autres personnes, et élevés par la milice chiite au rang de « saints », se promèneraient sur la corniche de Raouché et donneraient aujourd’hui des conférences sur « l’héroïsme de la résistance » aux quatre coins du Liban.

6. La libération de Michel Samaha devrait mettre un terme à l’abjection de la candidature de Sleimane Frangié. Pour bien comprendre pourquoi, il faut remonter au 6 mai 2015. Une semaine avant le verdict allégé sur Michel Samaha, Walid Joumblatt avait révélé devant le TSL et sous serment, que l’homme qui allait devenir quelques mois plus tard, le candidat chouchou de Joumblatt, Hariri, Koteich et quelques politiciens du Futur, s’était comporté après l’assassinat de Rafic Hariri en 2005, comme un « chef de gang menaçant ». On sait aussi, que Sleimane Frangié pourrait être impliqué dans l’évasion des Eid, chez les Assad, après le double attentat qui a frappé les deux mosquées de Tripoli à l’été 2013. Le beik de Zgharta avait même trouvé des justifications à l’assassinat de Wissam el-Hassan en 2012 (voir la déclaration plus haut).

Pire encore, moins d’une semaine après l’arrestation de Michel Samaha le 9 août 2012, Sleimane Frangié, qui a été le premier pôle du 8-Mars à briser le silence de ce camp après la mise au grand jour du projet terroriste libano-syrien, ne savait plus quoi inventer pour innocenter son « ami » et son « frère », Bachar el-Assad, et dédouaner Michel Samaha. « Mais enfin, la Syrie n’a-t-elle pas d’autres personnes que Michel Samaha pour le charger de mettre des explosifs dans les régions (libanaises) ?... L’histoire de Samaha vise peut-être à retourner les Chrétiens contre le régime syrien ». Alors que le terroriste Samaha avait avoué qu’une des bombes devait viser le patriarche de la communauté chrétienne maronite, Bechara Raï, lors de sa visite dans le Akkar (région sunnite-chrétienne, et ceci dans le but d’accuser les Sunnites), Sleimane Frangié a eu le culot de rajouter, « je crains pour la vie du patriarche Raï et je rends les services de sécurité, Achar Rifi (chef des Forces de sécurité intérieure) et Wissam el-Hassan (chef des enseignements des FSI) responsables dans ce domaine (sur sa vie) », sachant que ce sont Achraf Rifi et Wissam el-Hassan précisément qui ont empêché Michel Samaha de mettre en œuvre le projet terroriste syrien de Bachar el-Assad. Le délire ! Rajoutez à cela, que le président de l'autorité pénale de la Cour de cassation militaire, Tany Lattouf, qui a ordonné la libération de Michel Samaha est, comme par hasard, originaire de la région de Zgharta, comme Sleimane beik. Et ce n'est pas tout, alors que la Cour qui est composée de cinq juges, était divisée à ce sujet, il parait que c'est lui, le seul civil, qui s'est montré fervent partisan de cette remise en liberté du "conseiller" de Bachar. Enfin, tout cela pour souligner à quel point Sleimane Junior est fidèle à la tyrannie des Assad.

Or, qui connait bien le Liban sait que le scandale Samaha est avant tout une affaire de « pressions » et non de Tribunal militaire. Pour que les pressions soient efficaces et produisent les effets escomptés, il faut qu’elles émanent de « fidèles » qui font partie des rouages du pouvoir. Et nous voilà au cœur du problème. Je ne rentrerai pas dans le jeu, « qui est proche de qui » au sein du tribunal militaire, pour moi toute la campagne contre le Tribunal militaire est un hors sujet. Mais, aujourd’hui, comme beaucoup de Libanais, je me pose une question toute simple : à quoi s’attendent les défenseurs zélés de la candidature de Sleimane Frangié -de Walid Joumblatt à Nadim Koteich, en passant par Saad Hariri et Nouhad Machnouk- en plaçant à la tête de l’Etat libanais, « un chef de gang menaçant », qui se considère comme le « frère » du tyran de Damas et qui ne forme « qu’une seule personne avec Hassan Nasrallah », qui a accablé Wissam el-Hassan et dédouané le duo Assad-Samaha dans le scandale des 24 charges explosives ? Je vais vous le dire à quoi. A une République bananière, dominée par la tyrannie des Assad et la milice du Hezbollah, où l’on regrettera un jour, « l’impitoyable sentence » prononcée contre un dénommé Michel Samaha. Pathétique.

7. Allons plus loin. On nous dit que Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, qui boxe dans la catégorie des « poids lourds », est sur le point de retirer sa candidature à la présidence de la République libanaise afin de soutenir celle de Michel Aoun, l’ex-chef du Courant patriotique libre, un autre « poids lourd ». L’objectif étant double, coincer le Hezbollah, en prouvant à Michel Aoun que son allié ne veut pas de lui, et rendre la candidature de Sleimane Frangié, qui boxe dans la catégorie des « poids mouches », caduque. Aujourd’hui, avec la libération de Michel Samaha, Samir Geagea n’a plus besoin de ce procédé tarabiscoté pour parvenir à ses fins. Et comment peut-il en être autrement ? On s’offusque de la libération du « conseiller » de Bachar el-Assad, qui de toute évidence aura à l'avenir un rôle marginal à jouer après avoir démontré qu'il n'est qu'un tocard, mais on s’agite pour mettre à la tête de l’Etat libanais, le « frère » du tyran de Damas, qui n’a jamais raté une occasion pour voler à la rescousse du régime syrien, et qui a fourni, à en croire Achraf Rifi, le ministre libanais de l’Intérieur, des armes aux milices libanaises alaouites de Tripoli. Ça ne tient pas la route. Michel Aoun et Sleimane Frangié apparaissent aujourd'hui comme des dommages collatéraux de la libération de Michel Samaha. La présidence de la République ne peut pas aller à quelqu'un du 8-Mars sous aucun prétexte.

Ce grain de délire, que Geagea allait soutenir Aoun, a émergé dans les esprits de ceux au sein des Forces libanaises qui voulaient se venger de Saad Hariri, de les avoir poignardé dans le dos avec la candidature de Frangié, et ceux au sein du Courant du Futur, qui voulaient rendre la trahison des principes du 14-Mars et leur choix de Frangié plus acceptables. La candidature du beik de Zgharta est morte, non de sa belle mort mais parce qu’elle était un projet abject, mort-né dès le départ. La libération de Samaha est venue nous le rappeler amèrement. Celle-ci devrait a priori, remettre les pendules des hommes politiques libanais à l'heure. Affaire à suivre.