samedi 29 août 2015

A l’heure des comptes, les activistes de « Tol3et re7etkom » doivent eux aussi rendre des comptes (Art.308)


Manifestations du weekend 22-23 août 2015,
devant les sièges du Conseil des ministres
et de l'Assemblée nationale 
Photo: Keystone-AP, Bilal Hussein

Partant du dernier communiqué du mouvement Tol3et re7etkom (Vous puez / You stink), appelant à manifester le samedi 29 août 2015, place des Martyrs à Beyrouth, voici quelques remarques sur les dix points qui ont retenu mon attention :

1 & 8. Les activistes de Tol3et re7etkom se félicitent de la pression exercée pour « fermer la décharge de Naamé ». Ils ont le culot aussi de réclamer la démission du ministre de l’Environnement, Mohammad Machnouk, pour « son échec à accomplir son devoir et à éviter la crise des déchets ». Eh bien, les petits malins de ce mouvement devraient savoir que c’est précisément cet acte irresponsable de la fermeture de la décharge de Naamé qui est à l’origine de l’accumulation des ordures ménagères devant les immeubles et les maisons des Libanais à Beyrouth et dans la région du Mont-Liban. On ne ferme pas la seule décharge disponible pour recevoir les ordures de plus deux millions de Libanais, plus de centaines de milliers de réfugiés syriens, avant de trouver un plan B. Tout le monde sait ou devrait savoir, que même si le 17 juillet dernier, à la fin du contrat de Sukleen avec l'Etat, on avait trouvé des remplaçants à cette société, les nouvelles entreprises auraient eu besoin de six mois à un an, pour accomplir les tâches de ramassage et de traitement des ordures. A l’heure des comptes, les activistes qui sont impliqués dans cette fermeture irresponsable de cette décharge, doivent eux aussi rendre des comptes devant le peuple libanais.

2. Il parait qu’une semaine après cette fermeture, les activistes ont décidé de « retourner les poubelles à leur lieu d’origine : le Sérail gouvernemental ». Erreur populiste, erreur d’aiguillage, erreur monumentale. Tout le monde sait ou devrait savoir que c’est le leader druze, Walid Joumblatt, qui a fait pression via Tol3et re7etkom, pour éviter la réouverture de la décharge de Naamé, temporairement évidemment, après le déclenchement de la crise, en attendant de mettre en œuvre une solution durable, quitte à laisser le Liban crouler sous les ordures. Ainsi, les premiers sacs-poubelles auraient dû atterrir au palais de Moukhara plutôt qu’au Grand Sérail. Mais Tol3et re7etkom en a décidé autrement.

3 & 4. Les activistes prétendent que « le sit-in devant le Parlement et le Grand Sérail (siège du gouvernement) était pacifique » et que les gars du mouvement n’ont fait que de « petites heures ». Foutaises. Dans ma revue de presse sur toutes les déclarations de Tol3et re7etkom, j’ai démontré qu’il y avait une volonté de durcir le mouvement dès le départ. Quant au caractère pacifique des protestations, c’est un mensonge comme le montrent la photo ci-dessus et diverses photos du weekend violent du 22 et du 23 août, où l’on a vu ces soi-disant « pacifistes », indépendamment de la horde de casseurs qui seraient d'après plusieurs indices des partisans du Hezbollah et d'Amal, tenter d’arracher les barbelés qui protègent les sièges des hautes institutions de l’Etat libanais : le Conseil des ministres et l’Assemblée nationale. A l’heure des comptes, les activistes qui sont à l’origine de cette idée irresponsable devraient eux-aussi rendre des comptes.

5. Convaincre les Libanais que Tol3et re7etkom est dirigé contre toute la classe politique est une chimère comme le prouve la publication le 22 août sur la page Facebook du mouvement, de la photo d’une pancarte travaillée et flambant neuve, brandie par des manifestants : « Certaines ordures ne devraient pas être recyclées ». On y voit des sacs-poubelles de toutes les couleurs, surmontés de la tête des différents dirigeants libanais, à l’exception de Hassan Nasrallah. Malgré 655 commentaires dont l’écrasante majorité en rapport avec cette absence remarquée qui ne passe pas inaperçue, une couleuvre difficile à avaler et qui reste à travers la gorge de beaucoup de manifestants sincères et désabusés, les activistes de Tol3et re7etkom n’ont pas jugé utile d’apporter le moindre éclaircissement. Silence radio, politique de l’autruche. Et ça veut critiquer les dirigeants politiques !

6. Les activistes prétendent aussi qu’ils ont pu arrêter l’attribution du marché des ordures. Faux, l’annulation de l’appel d’offres a été décidée par le Conseil des ministres, qu'ils rejettent, à l’ouverture des dossiers présentés par les différentes entreprises en lice, à cause des prix élevés proposés par les intéressés, qui sont au-dessus des prix pratiqués par l’entreprise Sukleen qui avait la charge du ramassage et du traitement des ordures ménagères au Liban depuis 1994.

7. Ce qui surprend dans ce communiqué de presse, c'est qu'il n’y a pas un mot sur les débordements et la violence du weekend du 22-23 août, ni sur le saccage infâme du centre-ville de Beyrouth. Et pourtant les images que tous les Libanais ont vues sont consternantes. En tout cas, s’il faut enquêter sur la réalité de l’usage excessif de la force durant ce weekend, il faut aussi que les activistes de Tol3et re7etkom rendent des comptes sur leurs responsabilités dans l’agression attestée des forces de l’ordre et dans l'appel d'air qu'ils créent en organisant leurs manifestations exprès en face des centres du pouvoir libanais, le Grand Sérail et le Parlement, en fin de journée et à la tombée de la nuit, ce qui permet à des hordes de casseurs d'opérer sous l'ombrelle de Tol3et re7etkom, rendant l'intervention des Forces de sécurité intérieure et de l'armée libanaise plus compliquée. 

9. Ce point est sans doute la preuve de l’amateurisme étonnant de ce mouvement, même sur la question des déchets et de la corruption. Tol3et re7etkom réclame le transfert vers les municipalités libanaises, de l’argent affecté au traitement des déchets, qui est actuellement prélevé aux municipalités et mis dans une caisse qui dépend de l’Etat. En gros, les activistes veulent que les municipalités libanaises prennent en charge la gestion financière des déchets. C’est tragicomique ! Il faut savoir que ces municipalités ne peuvent pas seules couvrir toutes les dépenses liées à la gestion des déchets, à moins d’augmenter encore les impôts locaux. Elles ont besoin de l’Etat. Mais admettons cette configuration. Enfin, je ne sais pas à quel point il faut être déconnecté de la réalité pour ignorer que c’est au niveau municipal qu’il y a le plus de corruption au Liban. Alors, prétendre combattre la corruption et réclamer le transfert de centaines de millions de dollars aux centaines de municipalités libanaises, est une hérésie hallucinante.

10. Le pont dix, c’est le pompon. Il comporte deux bonnes nouvelles et une mauvaise. La première bonne nouvelle c’est de constater que les gars de Tol3et re7etkom ont fini par comprendre, comme je l’ai dit dans mon dernier article, que le gouvernement de Tammam Salam ne tombera pas, et qu’il faut oublier, must forget, yenso almawdou3, de réclamer d’une manière irresponsable sa démission. La deuxième bonne nouvelle c’est de découvrir que les gars de Tol3et re7etkom ont fini par comprendre aussi que ce n’est pas la peine de faire de la propagande sur « l’illégalité » de l’autoprorogation du Parlement libanais, puisque le Conseil constitutionnel a rejeté le recours en invalidation déposé par les députés de Michel Aoun « pour éviter la vacance généralisée dans les institutions constitutionnelles ». Soit. La mauvaise nouvelle, c’est la réclamation par les activistes de « l’organisation d’élections législatives », comme ça en trois mots secs. Et pourtant, il y a deux problèmes avec cette demande populiste émise à la légère. D’une part, cela suppose que ces élections se dérouleront selon la loi électorale en vigueur, celle dite de 1960, une loi féodale qui n’assure pas une bonne représentation des Libanais, une soi-disant préoccupation de ces activistes, et qui est rejetée par tous les partis politiques chrétiens, les Forces libanaises, les Kataeb et le Courant patriotique libre, ainsi que par tous les indépendants, toutes appartenances communautaires et tendances politiques confondues. D’autre part, comme par hasard, les activistes de Tol3et re7etkom, zappe une élection fondamentale, en faisant fi de la vacance présidentielle actuelle, qui dure depuis le 25 mai 2014. Pas un seul mot, c'est quand même stupéfiant ! La raison en est simple, parler de l’élection présidentielle les obligera à dénoncer les auteurs du blocage de la vie politique libanaise, Michel Aoun et Hassan Nasrallah, dont les députés ont boycotté 26 séances électorales depuis un an et demi, empêchant de ce fait, l'élection du 13e président de la République libanaise. Et si j’ai tort, qu'ils prouvent le contraire, en dénonçant les fautifs.

Vouloir combattre la corruption et demander des comptes avec du populisme et une langue de bois bien pendue, non merci. Je n’y suis pas, je n’y reste pas. Je fais partie des gens qui en ont assez de l’amateurisme et de l’irresponsabilité de certains hommes politiques. Alors, franchement, ce n'est pas la peine d’en rajouter.

Pour revenir aux choses sérieuses, les déchets, à l’origine de ce mouvement subversif, le gouvernement de Tammam Salam doit déclarer l'état d'urgence sanitaire et ordonner la réouverture immédiate de la décharge de Naamé, jusqu’à nouvel ordre, que ça plaise ou non à Walid Joumblatt, et charger la société Sukleen de nettoyer le Liban des monticules d’ordures qui se sont accumulées en six semaines. Assez d’enfantillages et d’amateurisme, et de ménagement de la chèvre et du choux, le gouvernement doit faire protéger ce site par l’armée libanaise, contre quiconque voudrait sa fermeture définitive dans l'immédiat, en attendant la mise en œuvre d’un plan durable pour la gestion des déchets, qui doit être établi dans le calme et non dans la précipitation. Par conséquent, il devient nécessaire de proroger le contrat de Sukleen, la bête noire de Tol3et re7etkom, jusqu'à l'élaboration d'un plan B. Telle devrait être la logique de dirigeants et d'activistes responsables. Et comme l'a dit si bien Victor Hugo, « La logique ne s'attendrit pas ».

Réf.
Les « Vous puez » puent à leur tour : la dérive politicienne d’un mouvement populaire (Art.307) Bakhos Baalbaki

jeudi 27 août 2015

Les « Vous puez » puent à leur tour : la dérive politicienne d’un mouvement populaire (Art.307)


Si on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs, on peut faire une manif sans incidents. Celle du 14 mars 2005 en est la preuve. Un million de personnes place des Martyrs et pas une vitre cassée, grâce au civisme des citoyens et des partis politiques. Certes, l’usage de la force contre les manifestants au cours des deux dernières manifestations à Beyrouth, est déplorable. Mais, les choses sont beaucoup plus compliquées que ce que voudraient faire croire les activistes de Tol3et re7etkom (Vous puez / You stink), le mouvement pop de l’été 2015. Parler de 5e colonne, al-mounddassine, pour expliquer les dérapages graves de ce weekend est l’astuce la plus simple pour fuir ses propres responsabilités et noyer celles des autres. Perte de contrôle des événements, dérive de certains activistes, radicalisation progressive ou révélation d’un agenda caché, qu’importe, une chose est sûre, les dirigeants de Tol3et re7etkom se sont montrés incapables de mener d’une manière responsable ce mouvement de masse. Désolé, mais tout n’est pas la faute du Hezbollah et des éléments indisciplinés qui se sont glissés dans ces manifestations pacifiques. C’est trop facile. Les activistes de Tol3et re7etkom doivent assumer leurs erreurs. Il faut oser dénoncer leurs délires. Cela passe par ce flash-back très instructif d'un mois d'activisme tous azimuts.


Flash-Back sur le mouvement Tol3et Re7etkom

Dimanche 26 juillet, le bulletin d’un mystérieux mouvement qui se fait appeler « Vous puez », en référence aux dirigeants libanais, parle de déchets, uniquement de déchets. Les signataires refusent d’utiliser les carrières comme « terrains d’enfouissement des ordures », et lance « un appel au peuple libanais » pour manifester le 28 juillet. Le jour même, un des activistes du mouvement annonce dans un commentaire « qu’ils feront face à toutes sortes de corruption et de corrupteurs » et « qu’ils sont prêts à assurer une grande partie des coûts du transport ». Un instant, c’est un peu curieux d’avoir autant d’argent pour un mouvement spontané qui vient de voir le jour ! Lundi 27 juillet, le bulletin de Tol3et re7etkom, réclame « le tri à la source, le ramassage et l’exportation, avec le traitement (des ordures) dans chaque caza ». La manifestation du mardi 28 juillet se déroule sans incident notoire. Mardi 1er août, on parle encore de déchets, mais aussi de « demander des comptes à tous ceux qui sont à l’origine de la crise », et tenez-vous bien, « d’effectuer une enquête transparente sur l’argent pillé tout au long du passé », une référence sournoise à la période Rafic Hariri. Ah, merci pour le précieux indice pour savoir à qui nous avons affaire. Jeudi 6 août, des tracts sont imprimés et distribués, où il est question de refuser « les commissions et les transactions » dans le dossier des déchets (sans apporter la moindre preuve qu’elles existent) et un appel pour manifester le 8 août et « dire à la classe politique, vous puez », signés par « des citoyens non-partisans et non-confessionnels ». Soit, disons, qu’il y a tout pour rassembler les Libanais autour d’une cause juste. Le bulletin du vendredi 7 août élargit l’angle d’attaque puisqu’il est soudain question « d’une corruption de la classe politique qui a battu tous les records ». Bienvenue dans le populisme et la confusion du genre. La manif du samedi 8 août se déroule sans incident majeur. Dimanche 9 août, le mouvement réclame à la fois « la démission du ministre de l’Environnement, des appels d’offres et pas de partage du marché, ainsi que des comptes à ceux qui ont pillé l’argent public », encore une référence sournoise aux Hariri, père et fils. Décidément, on est sur la bonne piste. 

Le mercredi 12 août marquera un tournant pour ce mouvement populaire. Sous le slogan « les transactions ne passeront pas », on apprend « qu’étant donné que le pouvoir politique persiste à ignorer nos revendications et à diluer la crise dans une tentative de gagner les transactions et les commissions au détriment de nos vies, nous voyons que tous les choix et les moyens de lutte pacifique sont désormais ouverts devant les citoyens, mais cette fois, notre choix ne se limitera pas à manifester, notre action sera douloureuse et inattendue pour ce pouvoir corrompu ». Des menaces en bonne et due forme ! Savoir si c’est une dérive ou la mise en œuvre d’un agenda caché, n’a pas beaucoup d’importance, le résultat étant le même. Ce qui avait l’air d’être un mouvement spontané d’exaspération, devient un mouvement subversif prémédité. Mardi 18 août, le mouvement accuse le pouvoir politique de « fuite en avant », allez comprendre comment, et lance un appel à manifester le lendemain devant le Grand Sérail à Beyrouth. Mercredi 19 août, quelques heures avant la manif, les activistes accusent le Conseil du Développement et de la Reconstruction, un organisme d’Etat, d’être « le Conseil du vol et de l’insouciance », dénoncent le dépôt des ordures dans certaines zones à Beyrouth, sans préciser où il fallait les mettre en attendant une solution durable, et menacent encore le gouvernement avec « Notre réponse viendra ». La manifestation du 19 s’est déroulée dans un chaos indescriptible, avec dès le départ une volonté flagrante et irresponsable des organisateurs de franchir les cordons de sécurité qui protègent le siège du gouvernement de la République libanaise. Ce jour-là, il y avait beaucoup de Libanais exaspérés par la situation générale, qui ont répondu sincèrement à l’appel des activistes de Tol3et re7etkom. Mais, à côté et en tête, il n’y avait pas de casseurs, aucun, que des bobos imprégnés par des récits d’un temps révolu, qui voulaient jouer aux révolutionnaires, aux soixante-huitards et aux cheguevaristes pour être précis, mais pas de printaniers arabes svp, ce n’est pas assez classe.
 

Aucune leçon n’étant tirée, aussitôt Tol3et re7etkom appelle à manifester de nouveau le samedi 22 août place de l’Etoile à Beyrouth. Là aussi, dès le départ, il y avait une volonté flagrante et irresponsable des activistes du mouvement de franchir les cordons de sécurité qui protègent le siège de l’Assemblée nationale de la République libanaise. Comme le prouvent les affiches apposées sur les bus affectés au transport des manifestants par ce soi-disant mouvement spontané, « Votre temps est compté », une référence claire aux ministres du gouvernement libanais. Un 2e point de non-retour est franchi ce jour-là à 17h15 quand le mouvement publie lui-même sur sa propre page Facebook, la photo d’une pancarte travaillée et flambant neuve, brandie par des manifestants : « Certaines ordures ne devraient pas être recyclées ». On y voit des sacs-poubelles de toutes les couleurs, surmontés de la tête des différents dirigeants libanais. On y retrouve Tammam Salam, Saad Hariri, Samir Geagea, Achraf Rifi, Amine Gemayel, Walid Joumblatt, Sleiman Frangié, Nabih Berri et Michel Aoun. Tout le monde y figure à l’exception de Hassan Nasrallah. Malgré 655 commentaires dont l’écrasante majorité en rapport avec cette absence remarquée qui ne passe pas inaperçue, une couleuvre difficile à avaler et qui reste à travers la gorge de beaucoup de manifestants désabusés, les activistes de Tol3et re7etkom n’ont pas jugé utile d’apporter le moindre éclaircissement. Silence radio, politique de l’autruche. Et ça veut critiquer les dirigeants politiques ! 

Comme si de rien n’était, le dimanche 23 août à 4h07 du matin, le mouvement appel de nouveau sur Facebook à manifester en fin de journée. Dans ce bulletin, les activistes décrètent « un sit-in ouvert, place Riyad el-Solh (à Beyrouth)... jusqu’à la libération de tous les détenus (aucune condamnation des actes de vandalisme infâmes de la veille), le jugement de ceux qui ont donné l’ordre aux militaires de tirer sur les manifestants pacifiques (rien sur les attaques odieuses des forces de l’ordre) et le jugement du ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk (aucun mot sur les tentatives irresponsables de franchir avec une violence inouïe les cordons de sécurité) ». Et comme s’ils ne s’étaient pas montrés pas assez enfantins et irresponsables jusqu’à maintenant, les activistes mégalomanes ont le culot de déclarer que « lorsque tous ces objectifs seront atteints, nous sortirons de la rue, pour revenir et réclamer précisément au moins la démission du gouvernement, avec sa transformation en un gouvernement expédiant les affaires courantes, et la tenue d’élections législatives, selon des conditions qui seront établies après notre retrait de la rue ». Hey, il faut arrêter de fumer de la mauvaise moquette les gars ! Aucune mention n’est faite de l’élection présidentielle soit dit au passage, ce qui doit vous donner une idée encore plus précise sur le penchant politique de ces révolutionnaires de pacotille. La manifestation a eu lieu avec son cortège de violence, sous des slogans comme « Le peuple veut la chute du régime » et « Le peuple veut la démission du gouvernement ». Après le passage de Tol3et re7etkom, le centre-ville ressemblait à un champ de bataille.

Tol3et Re7etkom : entre populisme et langue de bois

Il est clair à la lecture de cette chronologie accablante que la volonté de durcir les protestations était palpables manif après manif, à la fois chez les manifestants softs de Tol3et re7etkom, mais aussi chez les hards de ce mouvement et chez les parasites de tout poil qui ont pris le train en marche. Les forces de sécurité ne sont intervenues qu’après un harcèlement incessant dont elles ont été victimes et une volonté affichée clairement, par les hards et les parasites de Tol3et re7etkom, de forcer les cordons sécuritaires qui protègent les sièges du Conseil des ministres et de l’Assemblée nationale. Les choses se sont aggravées avec le déchainement d’une horde de casseurs, certains portaient des armes blanches, dont les tatouages ne laissaient guère de doute quant à leur appartenance politico-religieuse, le duo chiite, le Hezbollah (Hassan Nasrallah) et Amal (Nabih Berri). Comme ils n’étaient pas masqués, certains ont été identifiés. Etant donné que ces partis tiennent bien leurs militants, tout laisse à penser que l’action était concertée et qu’il y a eu feu vert. Il y avait aussi de nombreux Syriens et des Palestiniens parmi les fauteurs de troubles. Les forces de l’ordre ont été attaquées avec des bouteilles en verre et en plastique, des pierres, des barricades et des pétards. Rien n’a été épargné dans le saccage prémédité du centre-ville de Beyrouth : les vitrines, les voitures, les mobiliers urbains, les feux de signalisation, les bacs à fleurs et les arbres. Des murs ont été tagués, des couteaux brandis, des pneus brûlés et lancés vers les forces de l’ordre, des véhicules incendiés et des cocktails Molotov jetés sur les représentants de l'Etat. C’est dans ce contexte de vandalisme délibéré que les forces de l’ordre ont décidé pour contenir cette violence inouïe depuis l’invasion de Beyrouth par les miliciens du Hezbollah le 7 mai 2008, de lancer les jets d’eau et les gaz lacrymogènes, et de recourir aux balles en caoutchouc et à des tirs en l’air quand la gravité de la situation l’exigeait. C’est grâce aux interventions des Forces de sécurité intérieure et de l’armée libanaise, que la situation a été maitrisée, les casseurs ont été refoulés du centre-ville et que plusieurs dizaines d’entre eux ont été arrêtés. 

Alors que le weekend fut particulièrement violent et les auteurs étaient bien identifiés, tout ce que les activistes ont trouvé à dire c’est de balancer une accusation populiste vaseuse qui ne les engage en rien, « les partis politiques avec leurs hooligans ont tenté de kidnapper le mouvement ». C’est c’là, les partis politiques. Alors, adeptes de la langue de bois et ça veut être révolutionnaires ! Il est clair que Tol3et re7etkom voulait éviter d’accuser les éléments chiites du Hezbollah et d’Amal. Ceci ne les a pas empêcher d’organiser une conférence de presse le lundi 24 août, pour asséner les crétineries des jours précédents et en rajouter de nouvelles, des plus hallucinantes, « demander des comptes au ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk... arrêter immédiatement et sans plus tarder les éléments qui ont tiré (sur les fauteurs de trouble) », et tenez-vous bien, « considérer le Parlement autoprorogé comme illégal ». Tiens, tiens, une revendication aouniste de longue date ! Non mais franchement, pourquoi s’encombrer encore avec les sages du Conseil constitutionnel, quand on a les énergumènes de Tol3et re7etkom ? Mardi 25 août, dans une schizophrénie stupéfiante, les activistes préviennent leurs 140 000 likeurs que « la révolution contre les corrompus se poursuit... jusqu’à la réalisation de toutes les revendications et le jugement général de tous ceux qui nous ont volé, nous ont tué et nous ont vendu pour leurs propres intérêts ». Non mais qui ça ? Qui vous a volé, tué et vendu au juste ? Allez, encore une couche de populisme et de langue de bois. Pas de doute, ça va de mal en pis chez ces gars.

Tol3et re7etkom perd en crédibilité et Tammam Salam ne tombera pas

Il est évident que dans un mouvement hétéroclite comme Tol3et re7etkom, il existe diverses tendances. Il est clair aussi, que certains activistes de ce mouvement ont orienté la contestation dans un sens bien déterminé et hautement politisé, sous l’hypocrite camouflage d’être apolitique. Il est non moins clair également, que certains opportunistes ont saisi la situation pour parasiter le mouvement populaire. Toujours est-il qu’avec un peu de recul, il en ressort trois certitudes.

Primo, Tol3et re7etkom a perdu une grande part de sa crédibilité. A moins d’un miracle, d’un sursaut et de quelques éclaircissements, le mouvement s’essoufflera tôt ou tard à la manière du soutien massif et éphémère à Jackie Chamoun. Pour regagner en crédibilité, il va falloir que les activistes abandonnent ces amalgames à cinq piastres et la langue de bois, et prouvent par les actes qu’ils ne sont ni pro-Hezbollah ni pro-Aoun. Le mouvement devra par exemple s’expliquer pourquoi Hassan Nasrallah ne figurait pas sur la pancarte déplacée brandie à Beyrouth le samedi 22 août et pourquoi ils n’ont pas jugé utile de répondre aux 655 commentaires des Libanais qui leur ont posé la question sur leur page Facebook. Elément isolé et 5e colonne, sont des arguments d'hypocrites à l’adresse de quelques naïfs. Le mouvement devra aussi identifier, dénoncer et condamner sans ambages, les casseurs qui s’infiltrent dans ses manifestations. Ces torses nus et tatoués, ne sont pas venus de Jounieh et de Saïda, mais bel et bien de zones sous l’influence du Hezbollah et d’Amal. Le mouvement devra également, revenir sur sa réclamation irresponsable de la démission du gouvernement de Tammam Salam et sur ses propos puérils concernant l’illégalité du Parlement, et se contenter de déchets, uniquement des déchets. Et s’ils veulent passer au-delà du sujet des ordures, ils devraient se rendre devant les résidences de Hassan Nasrallah et de Michel Aoun, les deux responsables du blocage de la vie démocratique et économique au Liban.

Secundo, le gouvernement de Tammam Salam ne tombera pas -oubliez, forget, nsou el ma3dou3- encore moins sous la pression d’une rue inféodée par le camp du 8 Mars. Aucune partie de l’échiquier loco-régional n’en a intérêt, le Hezbollah en tête. Tout ce qui se passe autour du mouvement Tol3et re7etkom, en dehors de la sincérité de certains, n’est qu’enfantillages et manœuvres politiciennes.

Les messages croisés de la classe politique via Tol3et Re7etkom

Tertio, par les manœuvres de parasitage du mouvement Tol3et re7etkom, le duo chiite, Hassan Nasrallah et Nabih Berri, l’allié chrétien, Michel Aoun, et le leader druze, Walid Joumblatt, (s')adressent plusieurs messages croisés et règlent leurs comptes les uns avec les autres. J’en ai intercepté quatre.

1. Message de Hassan Nasrallah à Saad Hariri. Ce message consiste à maintenir une épée de Damoclès au-dessus de la tête du Premier ministre, Tammam Salam, afin de signifier à Saad Hariri, le chef sunnite du 14-Mars, qu’à défaut de déterminer les orientations politiques de ce gouvernement, le parti chiite a la capacité de paralyser totalement l’Etat libanais. Tammam Salam serait donc appelé à s’en souvenir dans l’exercice de ses fonctions.

2. Message de Nabih Berri à Michel Aoun et Samir Geagea. Le leader chiite veut absolument faire comprendre aux leaders chrétiens, tous deux candidats à l'élection présidentielle, qu’il faut oublier leur « Déclaration des intentions » et leur entente sur le boycott de toute séance législative qui ne comporte pas dans son ordre du jour une nouvelle loi électorale et une loi pour l’acquisition de la nationalité libanaise par les descendants de Libanais. El-Estez leur signifie ainsi, que s’ils n’acceptent pas sans condition le principe de la « législation d’exception », qui est d'ailleurs une hérésie constitutionnelle, il y aura le chaos.

3. Message de Michel Aoun à Saad Hariri et Hassan Nasrallah. Dans ce message à son ennemi sunnite comme à son allié chiite, le leader chrétien veut signifier son mécontentement concernant la prorogation du mandat du commandant de l’armée libanaise Jean Kahwaji, au détriment de la nomination du général Chamel Roukouz, son gendre, une opération qui n’a pas pu se faire sans un feu vert tacite du Hezbollah. Le leader chrétien voulait aussi signifier sa rage aux intéressés, malgré toutes les gesticulations et mises en scène au cours des réunions du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, n’arrive pas à prendre le dessus sur le Premier ministre, Tammam Salam. Enfin, Michel Aoun cherche à se rattraper après le fiasco retentissant de ses manifestations rachitiques du 12 août dernier.

4. Message de Walid Joumblatt à Tammam Salam. C’est le dernier de la série, le plus important et le plus révoltant. Le leader druze continue d’une manière irresponsable à faire pression, via Tol3et re7etkom, pour éviter la réouverture de la décharge de Naamé, temporairement évidemment, en attendant de mettre en œuvre, une solution durable, quitte à laisser le Liban croulé sous les ordures. Les premiers sacs-poubelles auraient dû atterrir au palais de Moukhara plutôt qu’au Grand Sérail. Et s’il fallait défoncer un cordon de sécurité, c’était plutôt celui du Beik. Mais, Oscar gardait bien les lieux, Tol3et re7etkom n’en a pas voulu comme par hasard, et il en fut autrement.

Pour la réouverture immédiate de la décharge de Naamé et sa protection par l’armée libanaise

Peu de chose différencie « Tol3et re7etkom » (Vous puez) de « Tol3et re7ethom » (Ils puent). Les « Vous puez » puent à leur tour. Il fallait y prêter attention. La langue d’al-Moutanabbi est impitoyable, il suffit de modifier une seule lettre et l’accusation se retourne contre ses auteurs. Pour revenir aux choses sérieuses, les déchets, à l’origine de ce mouvement subversif, le Premier ministre doit déclarer l'état d'urgence et ordonner la réouverture immédiate de la décharge de Naamé, jusqu’à nouvel ordre, que ça plaise ou non à Walid Joumblatt, et charger Sukleen de nettoyer le Liban des monticules d’ordures qui se sont accumulées en cinq semaines. Assez d’enfantillages et d’amateurisme, et de ménagement de la chèvre et du choux, le gouvernement libanais doit faire protéger ce site par l’armée libanaise, contre quiconque voudrait sa fermeture définitive dans l'immédiat, en attendant la mise en œuvre d’un plan durable pour la gestion des déchets, qui doit être établi dans le calme et non dans la précipitation. D'où la nécessité absolue de prolonger le contrat de Sukleen jusqu'à l'élaboration d'un plan B. 

Réf.
A l’heure des comptes, les activistes de « Tol3et re7etkom » doivent eux aussi rendre des comptes (Art.308) Bakhos Baalbaki

jeudi 20 août 2015

Les centres du pouvoir libanais sont des lignes rouges, nul n’a le droit de les franchir illégalement quel qu’en soit le contexte (Art.306)


1. Le gouvernement libanais a l’obligation de garantir à tout un chacun le droit d’exprimer ses opinions et de protester contre une décision ou une situation qu’il juge injuste. Le mouvement « Tol3it ri7etkoum » (Vous puez / You stink) devrait donc, en principe, bénéficier de la bienveillance des autorités libanaises.

2. Toute expression démocratique doit se faire dans le respect des lois libanaises en vigueur. L’attitude de certains manifestants de Tol3it ri7etkoum hier, ne s’inscrit pas dans cette logique. Elle est donc condamnable.

3. Les sièges des hautes institutions de l’Etat libanais -la présidence de la République, le Conseil des ministres et l’Assemblée nationale- indépendamment de leurs locataires et de la compétence de ces derniers, constituent des lignes rouges. Nul n’a le droit de les franchir illégalement quel qu’en soit le contexte. Par conséquent, rien ne peut justifier les débordements d’hier.

4. Jeter des sacs-poubelles et des œufs dans le périmètre du Grand Sérail, siège du gouvernement libanais, et forcer les barbelés qui protègent l’unique institution en état de fonctionnement dans notre pays, sont par les temps qui courent, des incivilités irresponsables et stériles. C’est d’autant plus condamnable qu’on a entendu ici et là des slogans proches du 8-Mars. La récupération politicienne par ce camp était donc flagrante et déplacée.

5. Il est plus que normal que les forces de l’ordre interviennent pour protéger le siège du gouvernement libanais. Il se serait passé la même chose à Paris, Londres, Washington ou Moscou. Ma3lé ma 7adan yetfalsaf. Les jets d’eau auraient dû réveiller les protestataires excités et les dissuader de forcer la ceinture sécuritaire. S’obstiner dans ce contexte ne relève plus de la liberté d’expression, c’est un trouble à l’ordre public et une menace contre l’Etat libanais, aussi insignifiante soit-elle. Les activistes, Lucien Bourjeily, Waref Sleiman, Hassan Chamas, Ihab Abu Mujahid et les autres, auraient dû le prévoir. La charge de la police antiémeute qui protège ce centre du pouvoir de l’Etat libanais, contre ceux qui voulaient forcer les périmètres de sécurité, est parfaitement justifiée, ainsi que la garde à vue de quatre activistes, qui n’a duré que quelques heures, soit dit au passage. Accuser les Forces de sécurité intérieure « d’enlèvement  », est de mauvaise foi et prouve l’amateurisme des assaillants. Tout cela est regrettable. Les coups de matraque sont condamnables. Il n’empêche que dans toute action il faut connaitre ses limites et savoir où s’arrêter, au pied de la légalité. Aller au-delà, en connaissance de cause, ou plus grave encore, en ne prévoyant pas les risques, est irresponsable.

6. Le hashtag #LaRépubliquePoubelle du journal L’Orient-Le Jour est doublement déplacé. Non seulement il est populiste mais il est déconnecté de la réalité. Si nous en sommes arrivés là, en politique comme pour les déchets, c’est à cause de certains dirigeants libanais. Et si une majorité des dirigeants libanais n’est pas capable d’assumer des hautes responsabilités, c’est à cause des électeurs qui les ont choisis, ainsi que des électeurs qui se sont abstenus de faire leur choix le jour des élections. Il faut donc cesser de faire croire que les Libanais sont des perles exceptionnelles de la Voie lactée, que les dirigeants du pays du Cèdre sont des ordures et que leur République n’est qu’une poubelle. La République libanaise est à l’image de ses citoyens et les citoyens sont à l’image de leurs dirigeants. Eh oui, ce n’est pas vendeur de le dire ainsi, mais il le faut pourtant. Nous sommes hélas une minorité à sortir du lot, à mériter mieux et à travailler efficacement pour la renaissance de notre bien-aimé Liban.

7. Qui n’est pas content des règles qui régissent la vie publique au Liban et des conditions de vie ou qui est mécontent de la gestion de certains dossiers, œuvre pour les changer ou pour améliorer la situation, et non pour renverser la table. C’est valable à la fois en politique, pour l’élection présidentielle, et dans la vie quotidienne, pour les crises des déchets, de l’eau, de l’électricité, des locations anciennes, de l'environnement, des réfugiés syriens, etc. Si nous en sommes arrivés là, indépendamment de tous les autres paramètres, c’est à cause de deux facteurs essentiels. D’une part, l’incapacité de certains dirigeants et politiciens, comme de certains médias et militants, à faire le bon diagnostic et à prescrire le bon traitement. Désolé, mais dans la crise des déchets, la corruption n’explique rien. Je l’ai démontré dans un article publié il y a trois semaines. J'y reviendrai. En politique non plus, d’ailleurs. D’autre part, si nous sommes dans la merde, c’est aussi à cause de l’incapacité des sympathisants des divers partis politiques libanais, à critiquer leur camp. Avec les mauvais diagnostics des uns et la complaisance des autres, comment peut-on espérer améliorer la situation au Liban ? Ainsi, il faut cesser là aussi, de déplacer le problème sur les autres, de fuir ses propres responsabilités et de mettre tout sur le dos de l’Etat. El dawlé ! Weiniyé eldawlé ? Un exemple parmi d’autres, « non » ce n’est pas l’entente entre l’Arabie saoudite et l’Iran qui nous donnera un président de la République, mais la participation des députés du Hezbollah et du Courant patriotique libanais (CPL) à la 28e séance électorale prévue le 2 septembre, place de l’Etoile. Tant que les partisans de Hassan Nasrallah et de Michel Aoun, ne font pas pression sur leurs députés, pour qu’ils accomplissent leur devoir démocratique, ils se rendent coresponsables du blocage du fonctionnement de la vie démocratique au Liban. Comme par hasard, on n’entend pas le mouvement « Tol3it ri7etkoum » sur ce point précis, et pourtant, les fautifs sont connus de tous. Ah, les amalgames, mettre tout le monde dans le même sac, rendent bien des services à certains. Autre exemple, avec Gebran Bassil, un ministre du CPL. Il a promis il y a quelques années que les Libanais pourront bénéficier du courant électrique 24h/24 en 2015. Nous y sommes. Jamais les Libanais n’ont eu autant de coupures électriques. Ils paient la peau des fesses pour avoir quelques misérables ampères. Quel sympathisant aouniste ou militant de « Tol3it ri7etkoum » ose rappeler ces faits ? Personne. Le Courant du Futur est le fer de lance de la libération des loyers anciens à Beyrouth, une loi qui expulsera la classe moyenne de la capitale et les natifs de la ville de leurs logements, offrant les beaux quartiers aux promoteurs sans scrupules. Quel militant du Futur ou militant de « Tol3it ri7etkoum » ose le dénoncer ? Personne. Le Liban vit dans l’instabilité politico-sécuritaire depuis le déclenchement de la guerre en Syrie et l’implication de la milice chiite dans la guerre civile syrienne. Quel partisan du Hezbollah ou militant de « Tol3it ri7etkoum » ose s’y opposer ? Personne. Il y a quelques semaines, le ministre du Travail, Sejaan Azzi, a officialisé la corruption à défaut de la combattre. Quel militant des Kataeb ou militant de « Tol3it ri7etkoum » a osé protester contre cette mesure absurde ? Personne. Il est là le fond du problème. On le trouve dans la crise des déchets. Certains partisans critiquent tous azimuts les adversaires politiques et se taisent sur les erreurs de leur propre camp, quand d’autres, comme ceux du mouvement « Tol3it ri7etkoum » se limitent à des constats vaseux et des slogans creux, en diluant les responsabilités des uns et des autres.

8. J’ai consacré un long article sur la crise des déchets, le moteur de la manifestation hier. Dans ce document, qui a connu un grand succès, j’ai pointé du doigt les responsabilités des dirigeants libanais, qui n’ont pas été à la hauteur des enjeux, mais aussi celles du peuple libanais, qu’il ne faut pas négliger dans ce dossier. Certes, le mouvement « Tol3it ri7etkoum » est légitime. Il a même tout pour séduire et canaliser le mécontentement général de la population libanaise. Sa principale erreur est de faire un mauvais diagnostic de la situation. Rendre les dirigeants libanais seuls responsables de la situation, sous le slogan généraliste de « la corruption de la classe politique », est à la fois simpliste et populiste, car en mettant tout le monde dans le même sac, on noie les responsabilités individuelles. Or, comme on le voit, en politique par exemple, comme pour l’élection présidentielle, certains sont plus responsables que d’autres dans le pourrissement de la situation. Et pourtant, le mouvement n’ose pas les dénoncer. Au sujet des déchets précisément, qui est à l’origine de cet activisme aigu, les responsables du mouvement dispensent le peuple libanais de tout effort et le dégage de toute responsabilité dans cette grave crise. Hélas, les semaines passent et me donnent raison. Beyrouth demeure le nœud de la crise des déchets. La capitale libanaise n’a ni terrain d’enfouissement, ni la possibilité de construire une unité de traitement des ordures ménagères, ni même l’option farfelue de l’exportation des ordures ménagères. La ville dépend entièrement des autres régions libanaises. Faire croire que les Beyrouthins peuvent se payer le luxe de continuer leur mode de vie, comme auparavant, comme si de rien n’était, c’est leur mentir et les mener droit dans le mur. On peut trouver un terrain d’enfouissement dans le Akkar, le Kesrouan, le Chouf ou la Békaa,  et commencer à y déposer les déchets de Beyrouth dès lundi. Mais, il sera saturé dans moins de cinq ans. Et après ? Comme je l’ai dit dans l’article Mode d’emploi pour (re)passer du pays où s’entassent les déchets, au pays où coulent le lait et le miel, « On ne peut pas demander à n’importe quelle région libanaise d’accepter les déchets des Beyrouthins et des Mont-Libanais, alors que nous résidents de la capitale et des régions qui l'entourent, nous ne faisons pas d’efforts, ou disons pas suffisamment, pour réduire le volume de nos déchets. Les chiffres sont là pour rappeler une réalité libanaise amère sur laquelle il faut impérativement agir : les zones urbaines produisent deux fois plus de déchets par habitant que les zones rurales. Le tiercé gagnant pour sortir le Liban du pétrin des déchets à long terme, valable pour le reste du monde aussi, est le suivant : par ordre d’arrivée et d’importance: RÉDUIRE, TRIER et RECYCLER. »

9. S’il faut faire pression sur l’Etat afin d’amener les dirigeants libanais à assumer leurs responsabilités, et sur ce point « Tol3it ri7etkoum » a entièrement raison, le mouvement a l’obligation d’inciter les citoyens libanais à se montrer plus consciencieux, comme dans la gestion des ordures, et plus exigeants à l’égard de leurs députés, comme pour le blocage de l'élection présidentielle, où les fautifs sont connus de tous, Hassan Nasrallah et Michel Aoun. A défaut, les activistes de ce mouvement doivent faire attention, le slogan qu’ils ont créé risque rapidement de s'appliquer sur eux.