jeudi 3 septembre 2015

Régime libanais vs. Tol3et re7etkom : c’est l’histoire d’un ministre de l’Intérieur « gros nounours » face à des activistes « grands méchants loups » (Art.309)


La description que fait un des activistes qui dirigent Tol3et re7etkom, Lucien Bourjeily, de l’intervention des forces de l’ordre au ministère de l’Environnement, occupé pour quelques heures le 1re septembre par le mouvement « Vous puez » ("You Stink"), fait froid dans le dos. « Ils (les agents de l'ordre) nous ont d'abord bloqué l'accès aux toilettes. Ils ont ensuite interdit l'entrée de la nourriture et de l'eau. Puis ils ont coupé la climatisation et fermé les fenêtres » (L’Orient-Le Jour, 2 septembre). Couper la clim et fermer les fenêtres à Beyrouth, le lendemain du dernier jour du mois d’août, ah les sadiques ! « Lorsque les policiers ont voulu nous déloger, ils ont chassé tous les journalistes et ont même coupé les câbles électriques pour empêcher toute retransmission en direct. Ils voulaient cacher les preuves de leur crime... On a tenté de me tuer ». L’accusation est grave, très grave. « Je porterai plainte pour cela contre ceux qui ont ordonné l'évacuation par la force et ceux qui l'ont exécutée ». Il a parfaitement raison. Minute ! mais de quel droit lui et ses friends ont-ils décidé d’occuper les locaux du ministère de l’Environnement ? « Le ministère est un lieu public qui appartient au peuple libanais tout entier ». Ohlala, on n’a pas encore fini avec le gavage du peuple libanais de leur populisme ! Peut-il nous dire depuis quand Lucien Bourjeily représente ce peuple ? L'activiste rajoute plus loin, « nous avons toutefois continué à scander nos slogans de manière pacifique, tout en veillant à ne pas endommager les lieux », comme si c’était suffisant pour donner de la légitimité à une action illégale et irresponsable.

Je ne me prononcerai pas sur ce qui s’est déroulé dans ce bâtiment public avant-hier. Il faudrait une enquête judiciaire pour vraiment discerner le vrai de la grande mise en scène de cette journée, surtout lorsqu’on apprend que les activistes réclamaient une évacuation musclée alors que les forces de l’ordre leur signifiaient qu’elles ne pouvaient pas satisfaire leur caprice de révolutionnaires, quand certaines journalistes au professionnalisme de pacotille faisaient de ces enfantillages les événements les plus graves depuis les protestations contre la guerre du Vietnam (LBCI et New TV), que cette évacuation s’est soldée par plus de blessés dans les rangs des forces de l’ordre que dans ceux des manifestants (cinq en tout et pour tout, dont l’artiste Lucien Bourjeily) et sachant qu’un activiste comme Imad Bazzi, un autre dirigeant du mouvement, a tenté de retrouver les traces de la « brutalité policière » sur son bras, sans jamais y parvenir. Enfin bref, cherchez l’erreur. Mais, comme le dramaturge a annoncé que « les organisateurs se réuniront sous peu pour décider des prochaines démarches », je me suis dit qu’il est temps de rappeler à nos jeunes chéguevaristes quelques évidences d’au-delà de nos contrées.

Quand avec du bon sens, on ne parvient pas à ramener la raison dans un débat passionné, il n’y a rien de mieux que de passer à la comparaison. C’est d’autant plus utile que ces activistes rejettent le « régime libanais ». En matière de droits de l’homme, de démocratie, de liberté d’expression ou d’Etat de droit, l’Occident reste le modèle incontesté pour la majorité des peuples du monde. Deux pôles majeurs retiennent particulièrement l’attention, les Etats-Unis et l’Europe. Le 1er amendement de la Constitution américaine qui date de 1791 svp, sacralise les libertés individuelles en décrétant que « Le Congrès ne fera aucune loi... pour limiter la liberté d'expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement. » Notez bien que cela est conditionné au caractère pacifique de l’expression citoyenne. C’est à peu près la même chose de ce côté de l’Atlantique. Pour le besoin de simplification, je me limiterai à la France.

Au pays de la Révolution française, il faut savoir que toute manifestation sur la voie publique doit être déclarée au préalable aux autorités. Celle-ci peut être interdite s’il existe un risque de trouble à l’ordre public ou si les mots d’ordre sont contraires à la loi. Les auto-déclarés révolutionnaires du Liban, qui citent parfois la France pour justifier la montée d’adrénaline dans leur sang, devraient méditer longuement l’article 412-1 du Code pénal français avant de se lancer à l’assaut du Grand Sérail et du Parlement la prochaine fois : « Constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ». C’est un crime au sens de la loi. Il est puni de 30 ans de prison et de 450 000 euros d’amende. C’est trop fort ? Bon, l’article 412-3 qui est plus soft stipule quand même : « Constitue un mouvement insurrectionnel toute violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République. » On s’approche un peu plus des actions des révolutionnaires libanais, qui ne veulent plus du "système", puisque l’article 412-4 précise « qu’en occupant à force ouverte ou par ruse... tout édifice ou installation (de l'Etat) », revient à participer à un mouvement insurrectionnel. Il est donc clair que la présence de Lucien Bourjeily et de ses amis de Tol3et re7etkom au ministère de l’Environnement revêtait selon la législation française un caractère insurrectionnel. Toujours est-il que nos protestataires devraient savoir que cette lubie est vendue à demi-tarif, 15 ans de détention criminelle et 225 000 euros d’amende par personne. Mais attention, les chefs insurrectionnels eux, comme Lucien Bourjeily et Imad Bazzi par exemple, encourent en théorie, la perpétuité et 750 000 euros d’amende chacun. C’est toujours trop fort ? Bon, j’ai quelque chose qui ira très bien aux gars. C’est l’article 431-3. « Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public. » Avouez que c’est taillé sur mesure par rapport à ce qui se passe actuellement à Beyrouth, et à la quasi paralysie de la vie économique dans le centre-ville de Beyrouyh et des commerces qui s'y trouvent. Tenez, j'ai autre chose qui devrait beaucoup intéresser Lucien, Imad et leurs friends, la loi française nous dit dans cet article « qu’un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet ». L’article L211-9 précise même que « les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ». Ce fut le cas de figure lors du weekend violent du 21 et du 22 août.

Et ce n’est pas fini. L’article 431-4 prévient que « continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations (valable pour les manifs devant le Grand Sérail et le Parlement, ainsi que pour l’occupation des ministères) est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». Au passage, il faut que nos compatriotes du Hezbollah et d’Amal, qui s’invitent dans les manifs en dissimulant leurs visages, prévoient de tout multiplier par trois. Eh oui, c’est un luxe qui se paie plus cher. A part ça, la pénétration illégale au ministère de l’Environnement, en forçant les cordons de sécurité tombe aussi sous les articles 421-1 et 412-4, cités précédemment. L’évacuation des occupants tombe sous le coup de l’article 431-4. La loi française précise aussi dans l’article 433-6 que « le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant, dans l'exercice de ses fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique », comme l’ont fait certains activistes, Lucien Bourjeily compris, constitue « une rébellion... punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » Et ce n’est pas tout. Avant de proférer des insultes tous azimuts contre les forces de l’ordre, comme ce fut le cas au ministère de l’Environnement, et autour des bâtiments du Grand Sérail et du Parlement, les zozos devraient connaitre aussi l’article 433-5 car « lorsqu'il (un outrage par la parole, un geste, une menace, un écrit ou une image) est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique (forces de l’ordre), l'outrage est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende », surtout que les deux chiffres doublent lorsque les délits sont commis en réunion, comme c’était le cas. En plus, avant de délirer grave sur les réseaux sociaux, comme l’ont fait les activistes de Tol3et re7etkom en appelant leurs fans sur leur page Facebook à les rejoindre sur place, il faut que les intéressés sachent également que « La provocation directe à la rébellion, manifestée soit par des cris ou des discours publics, soit par des écrits affichés ou distribués, soit par tout autre moyen de transmission de l'écrit, de la parole ou de l'image, est punie de deux mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende », selon les termes pas très drôles de l’article 433-10 du Code pénal français. Alors, franchement, après une telle revue terrifiante, au lieu de demander des comptes au ministre libanais de l’Intérieur, yitobbo yibouso el2ared el chabibé, et qu’ils s’estiment chanceux d'être tombés sur un Nouhad Machnouk doux comme un gros nounours, puisqu’il négocie leur évacuation pendant des heures et ne demande même pas de déclaration préalable aux activistes de Tol3et re7etkom sur leurs actions et protestations. Rien que ce manquement, aurait coûté aux organisateurs six mois de prison et 7 500 euros d’amende par personne.

Si je me suis donné la peine de faire ce survol juridique c’est dans le but de mettre un terme à la désinformation et au populisme continus de Tol3et re7etkom. NON, tout n’est absolument pas permis au Liban, pas plus qu’en France. Les Libanais doivent savoir que les activistes de ce mouvement ne pourraient pas faire 1/10e de ce qu’ils font actuellement à Beyrouth, ailleurs qu'au Liban. Si ce qui se passe actuellement au Liban se déroulait en France, tous les dirigeants de ce mouvement seraient derrière les barreaux pour un long moment, et nous serions obligés d’importer des oranges pour étancher leur soif. OUI, le paragraphe D de la Constitution libanaise affirme que « le peuple est la source des pouvoirs et le détenteur de la souveraineté » -c’est le point qui fait délirer certains activistes sur le trip « le Grand Sérail, le Parlement et les ministères appartiennent au peuple », jamais la présidence de la République comme par hasard- il précise quand même que la souveraineté doit s’exercer « à travers les institutions constitutionnelles ». Les activistes devraient aussi apprendre par cœur l’article 13 de notre Constitution et s’en souvenir avant de faire les zouaves et de prendre des selfies, que « la liberté d’exprimer sa pensée par la parole ou par la plume, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté d’association, sont garanties dans les limites fixées par la loi ».

Indépendamment des revendications du moment, qu’elles soient légitimes ou pas, qu’elles collent avec nos convictions ou pas, tout « citoyen démocrate » est en principe forcément du côté de toute protestation pacifique qui s’exprime dans le respect de la Constitution et des lois libanaises. La violence ou la répression à l'égard de manifestants pacifiques et légalistes, est condamnable au plus haut degré. Néanmoins, forcer les barbelés et attaquer les forces de l’ordre qui protègent les sièges des hautes institutions de la République libanaise -la Présidence, le Conseil des ministres et l’Assemblée nationale- et occuper des ministères publics, comme le font les activistes de ‪‎Tol3et re7etkom, ne rentrent pas dans ce cadre. Là, il faut reconnaitre qu’on n’est plus ni en démocratie ni dans un Etat de droit ni dans la liberté d’expression. Cela relève en quelque sorte de l'hooliganisme pur et simple, qui est une forme de terrorisme, où des activistes utilisent la force et s’octroient le droit de violer la législation, pour imposer leurs visions sur les autres. Dans ce cas de figure, tout « citoyen responsable » ne peut que se ranger derrière les représentants officiels de l’Etat libanais, le gouvernement Tammam Salam.

On sera d'autant plus rassuré et confiant que les revendications politiques de Tol3et re7etkom sont bidon. Il faut que les médias osent les dénoncer. Donner « au pouvoir libanais », c’est-à-dire au gouvernement légitime de la République libanaise, « un ultimatum de 72h pour répondre à nos revendications », de la part d’une bande d’activistes qui jouent aux "grands méchants loups" et qui ne respectent pas la Constitution et les lois libanaises, est un acte puéril infâme. Réclamer des élections législatives, en zappant l’élection présidentielle et sans dire un mot sur la nécessité d’adopter une nouvelle loi électorale, prouvent à la fois l’amateurisme de ce mouvement et son alignement sur les positions politiques du Hezbollah (Hassan Nasrallah) et du Courant patriotique libre (Michel Aoun). Considérer que le Parlement autoprorogé est « illégale et inconstitutionnel » relève de la propagande et de la désinformation puisque le Conseil constitutionnel a rejeté le recours en invalidation de cette autoprorogation, déposé par les députés aounistes. Que Tol3et re7etkom cesse de parler au nom du peuple. Le peuple libanais ne peut être représenté par des gens aussi irresponsables et amateurs, qu’ils soient de la société civile ou de la société politique. Les novices qui ne vont pas manquer de se déchainer sur mon mur sachent que je ne cesse de critiquer les dirigeants libanais dans mes écrits. Plus de 300 articles témoignent de ma lutte quotidienne pour la renaissance du Liban, celui sur les déchets en est la preuve. Je n’ai pas mâché mes mots à l'égard de la classe politique car les faits étaient accablants pour elle.

Je ne suis pas là pour défendre les dirigeants politiques libanais, mais pour protéger mon Liban et la République libanaise de certains enfantillages irresponsables. Assez de nivellement par le bas. Je combats depuis longtemps cette hérésie qui consiste à faire croire que tout est la faute des dirigeants et que nous sommes le plus merveilleux peuple de la Voie lactée. Foutaises. A force de parler du 8-Mars et du 14-Mars, nous avons fini par croire que nos dirigeants viennent vraiment de la planète Mars. Le peuple est responsable de son destin à plusieurs égards : dans le choix de ses représentants, dans l’abstention de choisir ses représentants, dans l’exigence vis-à-vis de ses députés, dans son soutien à certains révolutionnaires (de pacotille et de plateaux qui se désintéressent de la politique 364 j/an), dans sa recherche à s’informer correctement ou à se désinformer volontairement, dans son implication en politique, j’en passe et des meilleures. Ras-le-bol de ce nombrilisme stérile qui règne actuellement. Qui n’est pas satisfait de la situation, doit « agir » sur tous ces points et tous les jours de l’année, dans le respect des lois libanaises en vigueur. Basta cosi.

Réf.

Mode d’emploi pour (re)passer du pays où s’entassent les déchets, au pays où coulent le lait et le miel (Art.300) Bakhos Baalbaki

A l’heure des comptes, les activistes de « Tol3et re7etkom » doivent eux aussi rendre des comptes (Art.308) Bakhos Baalbaki