vendredi 25 janvier 2013

« Vous entrez sur les Terres des clans communautaires » ! Cheikh Ahmad el-Assir, la suite. (Art.105)


Tayeb, on ne veut pas prendre ça avec humour, soit, on ne va plus en faire ! Toute cette affaire Assir à Ouyoun el-Simane me rappelle la superbe campagne publicitaire des whiskies du Clan Campbell du groupe Pernod-Ricard, réalisée par BDDP & Fils en 2001: Vous entrez sur les Terres du Clan Campbell. C'est parce que certains profitent de l'affaire Assir pour nous projeter en 2023 et continuer leur campagne de dénigrement contre un projet électoral accepté par une partie de ce peuple, il est nécessaire de mettre les points sur les i sur l'affaire en question.

1. FAITS. Ahmad el-Assir, un cheikh sunnite de Saïda, et 350 de ses compagnons, se sont dirigés vers les Terres de Ouyoun el-Simane à l’occasion du « 3id mawlad el Nabaoui el-Charif » (la naissance du Prophète Mahomet). Bé leilé ma fiya daw qamar... Non, c’était en plein journée ! Pour diverses raisons -politique, religieuse et économique- les fils du Clan Kfarzébian leur ont barré la route, comme ils l'ont fait eux-mêmes dans leur fief, sur les Terres du Clan Assir, il y a peu de temps en barrant la route du Sud au Clan Nasrallah ! Il a fallu de multiples contacts et l’intervention musclée des forces de l’ordre, pour permettre au convoi d’atteindre la station de ski. A l’arrivée, après cette vive émotion, la confrontation et toute l’incompréhension, de part et d’autre, à l’heure de la prière, cheikh Assir et son bataillon de fidèles, ont récité la sourate d’ouverture du Coran, la Fatiha, sur les Terres du Clan des maronites de Kfarzébian. Quoi penser de tout cela ? Eh bien, mes chers Kfarzébianais et Assiriens, méditez ce constat gratuit de BB himself : « Je pense que le Mont-Liban et les Terres du Kesrouan se foutent pas mal de toute cette mascarade de petits esprits qui s’est déroulée le 24 janvier 2013 entre vous aux pieds de ses majestueuses collines enneigés de Ouyoun el-Simane. » Mais malgré tout, que les prières sincères soient entendues !

2. AU-DELA DES FAITS. Disons-le d’emblée, à part se divertir, Ahmad el-Assir voulait lancer sa campagne électorale ! Cible prioritaire (à gagner): son électorat sunnite de Saïda (on revient au nuisible vote communautaire en bloc !). Cible secondaire (à provoquer): Michel Aoun. Dégâts : Courant du Futur. Dommages collatéraux : Forces libanaises & Kataeb. Bilan des courses : il a parfaitement réussi ce launching spectaculaire grâce à « Kfarzébian & Fils » ! L’arrière-pensée politique et la provocation gratuite de ce cheikh salafiste sont condamnables, mais toute la suite l’est tout autant.

3. PROFIT.
A part réagir, certains, disons franchement, tous les candidats-rapaces pour les 5 sièges maronites du Kesrouan, y compris les candidats du Courant patriotique libre et les féodaux de la région, ont profité de l’occasion pour greffer leur campagne électorale sur la campagne d’Assir, ou au moins pour exploiter à fond la caisse cet incident. Enfin, mes chers opportunistes de tout poil, prenez ce conseil gratuit de BB himself : « on n’attise pas le feu sans se bruler les doigts ! »

4. DEMAGOGIE.
« L’incident ne devrait pas se répéter. Nous avons réussi cette fois à régler le problème, mais ceci sera plus difficile à l’avenir si ce genre d’incident devait se répéter. Nous avons évité un nouveau bus de Aïn el-Remmaneh ». Une déclaration signée, Michel Aoun himself. Admettons. Mais 2 questions : quels sont les preuves que les 350 compagnons d’Assir étaient armés comme les Palestiniens du sinistre bus le 13 avril 1975 et s’il y en avait -le ministre de l'Intérieur a bel et bien démenti l'info!- pourquoi le barrage de l’armée libanaise de Faqra les a laissé passer (enfin, depuis Saida, le convoi a dû être contrôlé au moins par deux barrages de l’armée libanaise avant d’atteindre Ouyoun el-Simane) ? Aoun a rajouté : « Assir insulte toutes les personnalités libanaises dans ses discours. Il m’a personnellement attaqué plusieurs fois, il a aussi attaqué Hassan Nasrallah et Nabih Berri. Voilà pourquoi certains jeunes ont voulu bloquer la route devant son convoi. » D’accord, mais il y a des tribunaux pour porter plainte, nous ne vivons pas dans une ferme ! Enfin, mon cher Michel, prend ce conseil gratuit de BB himself : « la démocratie a horreur de la démagogie ! »

5. MAUVAISE FOI. Hélas, il n’y a pas que les candidats à la députation au Kesrouan qui ont tenté de récupérer l’affaire Assir et la mettre à profit ! Selon certains opposants au projet de loi électorale sur le « vote intracommunautaire », notamment Nadim Koteich, l’incident isolé d’hier à Kfarzébian, pourrait bien se généraliser au Liban en 2023 ! 10 minutes pour essayer de nous en convaincre, en vain. Désolé, mais la mauvaise foi du journaliste, qui travaille pour la chaine du Courant du Futur -il faut tout de même le rappeler- est flagrante. Cheikh Ahmad el-Assir a parfaitement le droit de circuler librement sur le territoire libanais. Il n'est nullement besoin de s'attarder sur ce point. Cependant, nous avons le droit aussi de douter de la sincèrité du motif de sa visite,
« profiter de la neige et faire du ski ». La mise à l'écart des femmes et des enfants lors de cette virée de 350 personnes, constitue une preuve supplémentaire du caractère politique et provocateur de la visite, que celui-ci soit secondaire ou principal n'a pas beaucoup d'importance. C'était un meeting électoral, ma3lé mich 3layna.

En tout cas, je rappelle que le projet de « vote intracommunautaire » n’a vu le jour qu’à cause de la violation chronique de la démocratie libanaise caractérisée par le vote en bloc des communautés libanaises et la mauvaise représentation des communautés chrétiennes au Parlement libanais, et parce que le Courant du Futur, Walid Joumblatt et les partis chiites, Hezbollah et Amal, rejettent les petites circonscriptions,  les 2 premiers refusant catégoriquement la proportionnelle, seules alternatives sérieuses pour corriger partiellement la tare de la démocratie libanaise, car tous ces projets diminueraient leurs poids électoraux ! Toute cette exploitation est fort regrettable. 

Je comprends que ceux du 14 Mars qui applaudissaient autrefois énergiquement cheikh Assir pour avoir prononcé 3 mots virulents à l’encontre du Hezbollah et 2 mots gentils à l’adresse des chrétiens, doivent grincer des dents en ce moment, vu l’importance que prend le courant salafiste du cheikh religieux Ahmad el-Assir à Saïda au détriment du courant civil du cheikh Saad Hariri. Mais de là, à brandir l’épouvantail de l’incident d’hier pour faire peur aux défenseurs du projet du vote intracommunautaire et les culpabiliser, franchement, c’est de la malhonnêteté intellectuelle. Le problème est ailleurs. Mon cher Nadim, Ahmad el-Assir, représente un courant politique extrémiste qui a trouvé sa cible sunnite facilement car tout simplement la rue sunnite en avait marre des compromis avec le Hezbollah et parce que la nature a horreur du vide. Faut-il rappeler que le leader de la communauté sunnite, chef de l’opposition du 14 Mars, est en black-out depuis 2 ans ? Maa2oul ! 

Quant à la déconfessionnalisation des esprits, aussi bien à Kfarzébian, à Achrafieh, à Saida, à Moukhtara ou à Baalbeck, pas la peine de se voiler la face, le consensus national est de ne rien faire. Sinon, que les partis politiques libanais, notamment le courant du Futur, nous prouvent le contraire en intégrant l'instauration du mariage civil au Liban dans leur programme politique pour les élections de juin!

6. COMPARAISON. Ahmad el-Assir est le pendant chiite de Hassan Nasrallah, toute proportion gardée. Ne pas perdre de vue, le premier a quelques centaines de fidèles et de fonctionnaires dévoués à leur cheikh, mais aucun député ou ministre, le second a une dizaine de milliers de miliciens lourdement  armés -kalachnikovs, missiles et drones- des fonctionnaires, des députés et des ministres dévoués au Hezbollah et au Wali el-Fakih. Salafistes vs mollahs, bienvenue à l’exploitation politique de la religion musulmane. Matière à réflexion : la proposition de sayyed Ali el-Amine qui suggère d’interdire tout parti politique qui se base sur la religion. Ça serait le début de la révolution religieuse au Liban. Personne n’en veut pour l’instant.

7. RAPPEL. Tout le monde devrait se souvenir, quand même, que Hassan Nasrallah himself, l’actuel secrétaire générale du respectable Hezbollah, alias la « Résistance », l’allié de Michel Aoun, avait déclaré il y a quelques années lors d’une conférence de presse sur l’établissement d’une République islamique chiite au Liban que « Kesrouan et Jbeil était des terres musulmanes ». 

8. AVERTISSEMENT.
Et pendant que les Libanais de toutes confessions pataugent tous dans la neige immaculée du Mont-Liban, si par malheur et par insouciance, il vous arrive de s’aventurer au-delà de la paisible station de Ouyoun el-Simane, et avant même d’arriver au 1er virage avec vue panoramique sur la Bekaa, à 5 minutes en voiture de la station de ski, sachez mes chers compatriotes, que « Vous entrez sur les Terres du Clan Hezbollah », vous pourrez être arrêtés et interrogés à tout moment par la milice chiite pour des « motifs sécuritaires ». Nos chers députés du Kesrouan et nos encore plus chers candidats à la députation, soucieux des droits des communautés chrétiennes, feraient mieux de prévenir les vacanciers insouciants du danger qui les guettent au 1er virage s’ils franchissent la ligne qui sépare l’Etat libanais des Terres du Clan Hezbollah à Ouyoun el-Simane !

9. SOUHAIT. Nous aimerions voir aussi, « Cheikh Assir fait du tourisme » à Baalbeck ou à Da7iyé, à Baakline ou à Beiteddine, un film à réaliser de préférence sans aucune concertation préalable avec Hassan Nasrallah et Walid Joumblatt, en toute improvisation comme dans « Cheikh Assir fait du ski », avec 350 personnes comme figurants qui prieront pour le renforcement de la coexistence islamo-chrétienne au pays du Cèdre et des 17 communautés ! Je présume que ça pourrait faire un bon scénario. On aimerait voir également Sayyed Hassan Nasrallah avec 350 fidèles prier à Saïda, Michel Aoun à Tripoli, Samir Geagea à Bint Jbeil et Samy Gemayel à Harit Hreik, chacun débarquant à l'improviste avec 350 sympathisants pour prier et renforcer la coexistence islamo-chrétienne. Tout le monde sait que ce qui s'est passé à Kfarzébian peut avoir lieu dans d'autres régions avec d'autres acteurs et dans des situations similaires conduire à des affrontements plus graves. Oui nous aimerions tous renforcer cette coexistence, SAUF qu'on ne fait pas assez pour cela. On méprise le désir des communautés chrétiennes d'avoir une meilleure représentation parlementaire tout en se gargarisant de notre démocratie, on dénigre le consensus interchrétien des grands partis tout en refusant les projets des petites circonscriptions et la proportionnelle, on a la prétention de s'atteler à la déconfessionnalisation du pays en s'imaginant la création d'un Sénat, confessionnel de surcroît, alors qu'on n'ose pas rendre le mariage civil obligatoire et le mariage religieux facultatif. Non mais bon Dieu, on s'imagine aller où avec ce déni profond de la réalité du terrain de notre bien-aimé Liban ?

10. PRECISIONS. Deux, pas plus. La première. Quand « Vous entrez sur les Terres des clans communautaires », le nombrilisme remplace la citoyenneté ! La deuxième. Quand « Vous entrez sur les Terres du Clan Hezbollah et du Clan Salafiste », le spirituel remplace le spiritueux. Cela va sans dire. Faut quand même pas pousser le bouchon trop loin! Enfin, dans tous les cas, « L'abus de nombrilisme comme de spirituel au pays du Cèdre et des 17 communautés, est dangereux pour la santé individuelle et nationale. A consommer donc avec modération ».


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jeudi 24 janvier 2013

Après le succès de « Cheikh Assir fait du vélo », voilà « Cheikh Assir fait du ski »! (Art.104)


C'est tragique, mais nous allons en faire un clin d’œil comique. Après le succès de la comédie « Cheikh Assir fait du vélo », voilà donc la tragi-comédie « Cheikh Assir fait du ski » ! Et quand je pense que Bakhos Baalbaki parlait dans son article d'hier de la révolution religieuse et du mariage civil au pays du Cèdre! Loool, sacré BB ;) Je crois qu'il faudrait attendre encore un peu, encore longtemps même. Il y a d'autres urgences.

Et l'urgence du jour se déroule à 50 km de Beyrouth, à 1600 m d'altitude, dans un bled paumé d'une région bénie des dieux, le Mont-Liban. Même en oubliant l'hospitalité légendaire de notre montagne, la libre circulation des personnes reste un droit sacré dans tout pays digne de ce nom. Et par conséquent, dans le nôtre, que les populations de Kfarzébian -dans la mésaventure d'aujourd'hui, ou de Da7iyé, de Dénniyé ou d'Achrafieh, dans les mésaventures de demain- le veuillent ou pas. Non mais, quoi encore ?

Ahmad el-Assir peut se rendre librement à Ouyoun el-Simane
avec qui il veut et quand il veut, pour prendre l’air, faire de la luge ou même faire du ski avec une djellaba écossaise en tweed, personne n'a le droit de l'en empêcher ! A lui de voir si sa tenue est plus adaptée au ski ou à la parapente, à la provocation ou au prosélytisme. Idem pour sayed Hassan Nasrallah d'ailleurs, le pendant chiite du cheikh-star-salafiste, et pour quiconque, Libanais ou étranger, qui s'aventure dans nos contrées.  أهلا وسهلا بالجميع


« ويركي أشنه هل حركات. الرايس قال أبدوش مشاكيل بالضيعة. غلبنا نئلكن, افيش عنا شي اسمو غريب بل منطقا كلا! هاودي جميعات مدسوسي. نحنا فرد عيلي بهل بلد, بس كل واحاد يرعى عنزيتو قدام بايتو. يللا خافوا ربكن و باوسو بعضكن تشوف! »

Bienvenue au Liban et au Kesrouan précisément, la terre de mes ancêtres biologiques, la région la plus cosmopolite de tout le Liban !


Au passage, tiens puisqu'on y est, le peuple libanais a aussi le droit de se rendre à l'aéroport de Beyrouth 7j/7 et 365j/an, sans avoir à faire le trajet à pied régulièrement parce que nos chers compatriotes de Da7iyé ont des comptes à régler avec tous les ennemis du Hezbollah de la Voie lactée ! Nos différends ne doivent pas se régler dans la rue, ni avec des pneus, ni avec des pierres, ni avec les armes, mais au Parlement, devant les tribunaux s'il faut et dans les médias et dans l'agora des temps modernes, Facebook !


Pour revenir à l'affaire Assir, et pour prévenir des cas semblables, disons, qui n'est pas content a le choix de se cloîtrer chez lui, d’appeler le barrage de l'armée libanaise situé à quelques minutes de la station de ski, s’il a des soupçons sur la nature de la visite du cheikh salafiste et de ses nombreux compagnons de route, ou ce qui serait encore mieux, peut profiter de ce "désagrément" pour aller yé7allé derso bé Qasr el-7élo à Tripoli (la "la7ém bé3ajin" est exquise !), manger de succulents baklawas chez Seniora du côté de Saïda (oui je sais, je fais de la provocation!) et venir admirer le magnifique temple de Bacchus à Baalbeck, la ville de mes ancêtres adoptifs, laissant un peu de temps à nos hôtes, cheikh Assir et à ses compagnons, de patauger dans la neige, de déguster de savoureux mnakich au saj sous les magnifiques platanes des hautes montagnes et de rentrer apaisés par une superbe journée en plein air et de belles rencontres.

Mais de grâce, ne mélangeons pas tout, comme la politique et le divertissement, keep cool & zen. C'est valable pour tous les acteurs de cette tragi-comédie. A votre santé !

PS: Pour les photos, nous attendons le développement des pellicules... Eh oui, avec cheikh Assir, on le fait encore à l'ancienne !

mercredi 23 janvier 2013

L’heure de vérité a sonné... le glas du mariage civil au Liban (Art.103)


Que l’on soit au poker ou dans un débat, la surenchère ne mène pas bien loin. Le bluff, non plus. La mauvaise foi, encore moins. Les insultes, tous azimuts, raffinées ou vulgaires, n’en parlons pas. Tôt ou tard, l’heure de vérité finit par sonner, game over, il faut découvrir ses cartes !

On a tout lu et tout entendu sur le « vote intracommunautaire » et le consensus interchrétien autour de ce projet entre les grands partis politiques chrétiens (Forces libanaises, Kataeb, Marada et Courant patriotique libre), malgré l’opposition du président de la République et un certain nombre de personnalités indépendantes. Le projet de loi proposé par le Rassemblement orthodoxe, élaboré par Elie Ferzli, un ancien vice-président du Parlement libanais (1992-2004), a déchainé les passions des opposants ces dernières semaines, réveillant les instincts, au point de faire perdre à certains leur calme olympien et leur aura de surcroît !

Pêle-mêle, les opposants à ce projet ont dénoncé « ce repli chrétien », « l’isolationnisme communautaire », « l’alliance des minorités », « ces orthodoxes trop catholiques », « l’obsession identitaire maronite », « le dynamitage de la coexistence », « le tri des électeurs », « l’apocalypse électoral », « la liste de déshonneur », « les erreurs récurrentes », « la folie des adversaires », « le racisme rampant », j’en passe et des meilleures. J’attribuerai la palme d’or de cette campagne de dénigrement, en ex-aequo et en toute amabilité, à certains compatriotes sunnites et d’autres orthodoxes : aux premiers, parce qu’ils affirmaient « défendre le Liban du patriarche maronite Elias Hoyek » (qui a joué un rôle déterminant dans la création de l’Etat du Grand Liban en 1920 et dans le renforcement de la coexistence fraternelle islamo-chrétienne), sous-entendant que les leaders chrétiens d’aujourd’hui ne le font pas, pire, ils seraient une menace pour le Liban de Hoyek !; aux seconds, qui considéraient que « la communauté orthodoxe était étrangère aux revendications identitaires », sous-entendant qu’eux, ils ne seraient pas comme les Libanais maronites, ne voulant pas voir que le vote intracommunautaire a non seulement dépassé le clivage politique septennal, 14 Mars vs 8 Mars, mais aussi les frontières confessionnelles. Deux parfaits exemples de l’esprit communautaire qui se déguise et s’exprime avec « subtilité » s’il vous plaît.

Toujours est-il, à l’heure de l’argumentation à la dérive, à lire et à entendre tout ce beau monde, un extraterrestre dirait que le Liban est le paradis laïc du Système solaire de la Voie lactée, et que rien ni personne ne peut nous faire de l’ombre à 100 000 années-lumière à la ronde ! Bassita, ne nous fâchons pas pour des broutilles, la démocratie nous permet à tous de nous exprimer librement avec force et sans tabou, parfois même avec véhémence et sans retenu. Bien au contraire, nous devons nous en féliciter de cette vitalité de la démocratie libanaise. Dépassons alors les clivages du moment et allons à l’essentiel.

Qui dit crise, dit opportunité. La crise sur la loi électorale, nous offre aujourd’hui l’opportunité d’aborder sérieusement pour une fois, le mariage civil. Et pourquoi diable faut-il s’attarder sur le mariage civil ? Eh bien, je vais vous expliquer pourquoi. En défendant le projet de « vote intracommunautaire » dès le début du mois d’octobre 2012, le seul projet à mes yeux et à ce jour qui permettra dans l’état actuel du communautarisme des esprits de corriger complétement le défaut démocratique chronique qui résulte du vote en bloc des communautés libanaises, j’avais conclu : « A long terme, il faudrait changer la mentalité libanaise. Pour y arriver, nous devons passer impérativement par la révolution religieuse, qui exige pour l’entamer deux lois immédiates : une interdiction des partis politiques religieux (comme le propose et c’est un comble, un homme religieux, sayyed Ali el-Amine) et un droit civil et laïque pour tous indépendamment des religions (pour les naissances, le mariage, le divorce, l’héritage...). C’est la révolution religieuse, et seulement elle qui permettra au citoyen d’émerger dans la société libanaise, et à l’individu de prendre son indépendance de la communauté. Et c’est bien à ce moment-là, qu’il ne votera plus en bloc, solidaire de sa communauté, mais en individu, en son âme et conscience. »

Les mois sont passés, les discussions sur la loi électorale se sont intensifiées et se sont diversifiées. Ce débat passionnant et passionné a eu le grand mérite de nous permettre de placer le doigt sur la plaie qui fait saigner le Liban depuis des siècles, le confessionnalisme maladif des esprits, qui se traduit aujourd’hui par le néfaste vote en bloc des communautés libanaises, le mal à l’origine du projet de vote intracommunautaire. Par ricochet, il a remis au grand jour le débat sur le mariage civil au Liban.

Rappelons que l’ancien président Elias Hraoui, a déjà tenté à la fin des années 90 alors que le pays été enfoncé dans l’ère de la terreur syrienne, d’introduire le mariage civil au pays du Cèdre. Il a essuyé un refus catégorique de toutes les communautés religieuses libanaises. Une union sacrée d’intérêts et de circonstances entre des hommes religieux qui n’ont jamais supporté, et de tous temps, que les descendants d’Adam et Ève échappent aux commandements de Dieu ou qu’ils disposent en toute autonomie, et sans pressions morales, de leur destinée !


Vingt ans plus tard, un autre président de la République, tente la même (més)aventure, avec ou sans parenthèses à votre convenance ! Le 20 janvier 2013, Michel Sleiman, de confession maronite, a abordé le sujet avec ses 170 000 fans sur Facebook : « Nous devons travailler pour l'élaboration d'une loi sur le mariage civil. Il s'agit d'une étape très importante dans l'éradication du sectarisme et pour la consolidation de l'unité nationale. Qu’est-ce que vous en pensez ? » Superbe, bass el 3ein bassira woul yad assira ! Certes, cette position est un appui important pour celles et ceux, comme moi, défendent, profondément et pas superficiellement, la laïcisation des institutions et des lois libanaises. Mais il n’est pas besoin d’être devin et dans les secrets des dieux ou des charlatans de fin d’année de la trempe des Michel Hayek, pour prédire la suite ! 48 h plus tard, le Premier ministre, a signifié aux Libanais lors de la réunion du Conseil des ministres, que « le mariage civil n’est pas à l’ordre du jour, qu’il y a divergence des positions et qu’il n’est pas nécessaire de s’engager dans des débats inutiles dans les circonstances actuelles ». Certes, sa déclaration ne signifie pas forcément qu’il est contre, mais franchement, y a-t-il un moyen plus hypocrite d’esquiver le problème ? Vous comprenez, Nagib Mikati, de confession sunnite, est à quelques mois de s’engager dans la bataille électorale de Tripoli. Au-delà de cette bataille locale, il joue son avenir politique au niveau national, au moins à court terme : il n’a nullement envie de se mettre la communauté sunnite sur le dos et hypothéquer son avenir de Premier-ministrable au lendemain des élections de juin, maintenant qu’il s’est assuré la bénédiction du grand mufti de la République (la plus haute autorité religieuse de la communauté sunnite libanaise). Tiens, tiens, qui dit encore qu’il y a du communautarisme au Liban ? Et voilà qui renvoie gentiment le mariage civil aux calendes grecques.

On le voit bien, la volonté et même la détermination de Michel Sleiman, comme avec son prédécesseur, ne suffiront sûrement pas pour y parvenir -pas à « éradiquer le sectarisme », la quête du Graal pour tout Libanais laïc, mais à instaurer tout simplement le mariage civil- depuis que l’Accord de Taëf a ôté au Président toutes ses prérogatives et que les esprits sont aussi communautaires, autant chez les chrétiens que chez les musulmans. Eh oui, il ne suffit pas de le vouloir bien entendu ! Tenez par exemple, lors de son discours d’investiture le 25 mai 2008, c’est-à-dire il y a presque 5 ans, le président de République a souhaité que les Libanais de l’étranger puissent voter aux prochaines élections législatives dans les ambassades de leurs lieux de résidence. Il évoquait celles de juin 2009, lol ! Non seulement, ils n’ont pas pu le faire en 2009, mais parti comme c’est parti, ils ne pourraient probablement pas le faire en juin 2013. Notre ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour (ministre de Nabih Berri) a fait tout son possible pour ne pas rendre ce vote effectif. Nagib Mikati n’a rien eu à redire. Le 14 Mars était occupé au-delà des frontières. Et le 8 Mars, s’en foutait loyalement. Pourquoi me diriez-vous ? Eh bien, parce que certains politiciens du pays craignent le vote de ces expatriés qui de par leur éloignement physique et psychique du bourbier libanais, étant à l'abri du lavage de cerveau des médias partisans de la métropole, ne sont pas soumis aux pressions politicienne, féodale, clanique et communautaire.

Donc, Michel Sleiman et Nagib Mikati se sont exprimés sur le mariage civil. Et que pensent les autres politiciens ? Que dalle ou presque. Les 29 ministres du 8 Mars et les 128 députés de la Nation, toutes tendances politiques confondues ? Occupés tous par la loi électorale. Néanmoins, cela n'a pas empêché Georges Adwan (Forces libanaises) et Samy Gemayel (Kataeb), défenseurs du vote intracommunautaire à défaut d'autres propositions sérieuses, d'y être favorables et de soutenir la tentative de ce couple libanais, Khouloud Succariyeh (chiite) et Nidal Darwiche (sunnite), d'introduire le mariage civil au Liban en profitant d'une brèche dans la législation libanaise (avant leur "mariage civil", le couple s'est quand même marié religieusement, mais sans procéder à l'enregistrement de leur mariage). Le Courant patriotique libre a abordé le sujet à diverses occasions. Et pour être complet sur ce dossier rajoutons que même le patriarche maronite, Bechara Raï, a affirmé le 30 novembre 2011 que « l’Église maronite est en faveur du mariage civil obligatoire pour tous les Libanais. Le sacrement du mariage viendrait ensuite et serait l’expression de la conviction religieuse des mariés. » Il s’est déclaré « en faveur d'un nouveau pacte social en vertu duquel il y aurait séparation entre la religion et l’État ». Impressionnant ! Encore un religieux, comme sayyed Ali el-Amine, qui va là où certains civils n’osent pas y aller.

Et où sont ceux qui s’offusquaient du communautarisme du « vote intracommunautaire » ? Aux abonnés absents ! Personne ne s’est engagé à intégrer cette proposition dans son programme politique pour les élections législatives du 9 juin 2013 et personne n’a dénoncé cette fuite en avant des opposants au « vote intracommunautaire ». Ni les indépendants chrétiens, Boutros Harb en tête, ni le parti sunnite du Courant du Futur, et surtout pas les champions chiites et druzes de l’abolition du confessionnalisme politique au Liban, comme Nabih Berri, Walid Joumblatt et Hassan Nasrallah, les 3 personnages les plus communautaires de l’histoire de la République libanaise. Une autre union nationale sacrée d’intérêts et de circonstances. Si le ridicule ne tue pas, l’hypocrisie encore moins. Et on ose encore s’opposer au vote intracommunautaire dans un lyrisme patriotique et humaniste creux, au royaume du communautarisme où l'on se crêpent le chignon pour le poste douanier vacant au fin fond du Hermel, sans rien faire pour abolir le confessionnalisme des esprits, à part se jeter sur l’idée saugrenue du Sénat, soutenue notamment par Berri et Joumblatt, qui mériterait un article à part entière tellement elle est grotesque dans l’état actuel des choses.

La lutte de pouvoir bat son plein au pays du Cèdre. Telle est en une phrase le résumé des débats de ces dernières semaines sur la loi électorale. L’ensemble de la classe politique libanaise, qu’elle soit pour ou contre le vote intracommunautaire, cherche à gagner le maximum de sièges électoraux. Tout le monde commence à le reconnaître, ce qui n’est pas forcément condamnable sauf quand cela conduit à biaiser la démocratie par le vote en bloc des communautés libanaises et à baiser les électeurs en leur imposant des candidats « agréés » par les forces communautaires dominantes des circonscriptions. Oui la politique c’est une lutte de pouvoir, nous en avons là une magnifique illustration. Et tout ce qu’on vous dira par ailleurs, n’est que palabres et poursuite de vent. Personnellement, j'ai plus de problème avec l'hypocrisie schizophrénique ambiante qu'avec le système confessionnel de mon pays. Aujourd'hui, l'heure de vérité a sonné le glas du mariage civil au Liban ! C’est bien dommage. Mais il est encore temps de faire pression pour que ce point soit un thème électoral. Nous avons jusqu'au 9 juin.


Réf.
Quelle loi électorale pour le Liban ? Le vote intra-communautaire et Abou Nouwéss ! (Art.78) par Bakhos Baalbaki (7 oct. 2012)

mardi 15 janvier 2013

Les chrétiens du Liban selon Walid Joumblatt : « mauvaises graines » et « isolationnistes » ! (Art.101)


Je me suis levé aujourd’hui entre les flocons de neige et l’odeur de café, dans la joie et la bonne humeur, jusqu’au moment où je me suis mis à lire la presse libanaise du jour. On apprend en ce mardi que Walid Joumblatt dénonce « la vague de surenchères isolationnistes sans précédent », allusion aux discussions « démocratiques » sur les projets de loi électorale pour les prochaines élections qui se tiendraient en juin, dont le très controversé projet de loi du « Rassemblement orthodoxe ». Eh bien, ça y est, ça recommence ? La dernière niaiserie du Bek est arrivée.  

Les Libanais chrétiens, tous, puisqu’il y a unanimité sur le vote intracommunautaire, en tous cas, une majorité (enfin, entre les grands partis politiques, sans certaines personnalités indépendantes, à savoir les Forces libanaises, les Kataeb, les Marada et le Courant Patriotique Libre), sont de nouveau accuser d’être  « isolationnistes » ! Combien de fois j’ai entendu ce terme durant la guerre civile, à l’époque où le chef de la milice druze était allié avec le 1er tyran des Assad, contre le « maronitisme », et nous envoyait sa haine en fer et de feu sur le « réduit chrétien » !

Passons, c’est de l’histoire ancienne. Mais il n’empêche que décidément la veille des élections rend la girouette de Moukhtara hystérique. Tout le monde se souvient encore des propos abjects de Walid Joumblatt, tenus devant des dignitaires druzes en avril 2009, et qui n'étaient pas censés sortir de ce petit cercle, heureusement il y avait la preuve bel sawt wal soura !, où le leader druze, ce soi-disant socialiste membre de l'Internationale Socialiste quand ça l'arrange, pour redorer un blason terni 1001 fois par des paroles et des actes indignes de cette organisation, parle du retour des « isolationnistes » (chrétiens) dans la bataille électorale du Chouf. Ah, les complexes de l’enfance sont tenaces ! Il n’a pas hésité à rajouter que « la mauvaise graine restera mauvaise graine malheureusement », allusion raciste manifeste aux « Libanais de confession maronite »! Ces propos offline, où le leader druze se sentait en toute confiance, reflètent merveilleusement bien le fond de la pensée Joumblatt.

Zappons encore jusqu’au 15 février 2012. Lors d'une conférence organisée par le Centre des amis de Kamal Joumblatt sur la question de l’arrivée des islamistes au pouvoir dans le monde arabe, Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste, progressiste SVP, a déclaré texto: « Taëf, c'est fini. Nous avons besoin d’un nouveau Taëf entre sunnites et chiites ». Il est intéressant de noter que dans le nouveau Taëf imaginaire du chef druze, les chrétiens ne font pas de la figuration, ils sont mêmes inexistants, tout se fera entre les sunnites et les chiites ! Cela en dit long encore sur le fond de sa pensée. En tout cas, le Bek considère aujourd’hui que Taëf n’est plus fini, qu’un « printemps électoral libanais » est nécessaire, par lequel « la Chambre des députés serait libérée de la représentation confessionnelle, comme prévu par l’accord de Taëf... un Sénat serait mis en place pour représenter les diverses composantes et prendre en charge les grandes questions nationales ».

Avant de libérer le Parlement libanais, il faudrait que « le Bek libère ses régions » de la domination confessionnelle druze, comme prévu par « el ta3éyouch el watané » !
Les massacres de 1977 et 1983 a jeté les populations chrétiennes hors de leurs régions. Depuis, certaines sont rentrées, d’autres pas. Les chrétiens de ces régions vivent dans conditions précaires. Accuser les chrétiens d'être isolationnistes prête au sourire car qui connaît bien le Chouf sait qu'il est impossible pour qui que ce soit, Libanais depuis plus de 10 ans, 100 ans ou 1000 ans, d'acheter le moindre lopin de terre dans cette région car les druzes ne vendent jamais à des non-druzes, et même la vente des terres chrétiennes, de ceux qui ne souhaitent plus revenir dans leurs régions natales après les massacres de leurs proches, est étroitement surveillée par les infiltrés du Bek chez les maires, les notaires et les cadastres, qui trouveront 1001 obstacles à toute transaction non favorable à la communauté druze. Pour simplifier: pas de soucis si les 2 parties sont druzes ou si l'acheteur l'est, par contre les transactions sont impossibles si le vendeur est druze et l'acheteur non-druze, et très difficiles si les 2 parties sont non-druzes! Et il ose parler d'isolationnistes ! Schizophrénie quand tu nous tiens !
 

Avant de créer un Sénat, encore des salaires à vie comme si notre dette n’a pas dépassé les 140 % de notre PIB, et comme si on ne s’approche pas dangereusement de la situation de la Grèce, sans l’Union européenne derrière !, il faudrait SURTOUT, écrit en majuscules au cas où certains ne l’auraient pas remarqué, agir dans 2 directions. D’une part, libérer le vote chrétien de la domination féodale du Bek de Moukhtara, que les électeurs chrétiens du Chouf, de Baabda et d’Aley, entre autres, réclament vivement. Cela demande de se débarrasser de la loi électorale actuelle dite "loi 1960", à laquelle le Bek est très attaché alors qu'elle est rejetée par tous les partis politiques libanais, toutes tendances et toutes communautés confondues. Cette loi archaïque lui permet, d'avoir un poids politique sans commune mesure avec sa taille politique réel ! D’autre part, libérer la classe politique libanaise, toute entière, aussi bien le 8 Mars que le 14 Mars, qui est actuellement pris en otage par ce leader féodal et communautaire. Il n'est pas normal que Walid Joumblatt soit celui qui a permis au Hezbollah de prendre le pouvoir le 12 janvier 2011 et que personne du 14 Mars n’ait pu émettre la moindre critique à son égard pour des raisons électorales. Il n'est pas normal non plus, qu'on n'arrive pas en 2013 à se débarrasser de la "loi 1960" parce que celle-ci convient au Bek ! Seul le vote intracommunautaire permet, actuellement, et hélas !, d’y parvenir afin que la démocratie au Liban ait enfin un sens, en attendant une meilleure loi électorale, et surtout en attendant l’abolition du confessionnalisme des esprits de tous les Libanais, les druzes compris. Nous sommes encore à des années-lumière et on ne fait rien pour aller dans ce sens.


Post-scriptum
Le numéro 100 n'est pas encore attribué à un article. Il le sera ultérieurement, à un article qui mérite d'être le 100e !

vendredi 11 janvier 2013

Réponse à l'article « déplacé » de Fares Khachan: « Même Hakim peut se tromper » (Art.99)


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Monsieur Khachan,
Cher Fares,

Je n'aime pas les polémiques. Et pourtant, c'est un passage obligé parfois, souvent même en politique, notamment au Liban. Vous en connaissez quelque chose. J'ai lu votre dernier article avec beaucoup d'intérêt, comme la douzaine d'autres que je lis tous les jours. Vous n'allez pas me croire, c'est seulement votre dernière phrase qui m'a vraiment décidé à vous répondre. Et puisqu'on y est, permettez-moi de m'étaler un peu. Et avant de le faire, commençons par l'humour pour adoucir les humeurs. Les discussions actuelles sur le « vote intracommunautaire » me rappelle drôlement une petite nouvelle hilarante d'un écrivain italien, dont j'ai oublié le nom, où des policiers engagés dans une course-poursuite derrière un voleur, emportés par l’enthousiasme de l’effort physique, finissent par le dépasser, oubliant ce dont pourquoi ils étaient sortis en mission !

Rappelons tout de même, la démocratie se fonde sur la souveraineté des citoyens élisant librement leurs représentants et l'acceptation par le peuple de ce que décident ses représentants. Toute violation de cette équation signifie que nous ne sommes plus en démocratie. Dans une dictature, une ferme, un salon de thé, à Baawerta, n'importe où sauf dans une démocratie. Que l'on soit dans une démocratie à la libanaise, à la zimbabwéenne ou à l'américaine, c'est ce même principe que l'on doit retrouver dans toute démocratie digne de ce nom. Actuellement, ce n'est pas le cas au Liban en dépit des grosses pilules schizophréniques que certains, comme vous, voudraient nous faire avaler, ça ne passe pas. Le vote en bloc des électeurs de chaque communauté libanaise pour les candidats de leur communauté et uniquement pour ceux qui sont alliés avec leur communauté, bonjour la démocratie et l'ouverture d'esprit!, avec toutes les conséquences qui en découlent, violent le fondement même de la démocratie. C'est indiscutablement ce qu'il y a de plus grave dans toute cette histoire.

Tout le monde connait les liens qui lient Fares Khachan à la famille Hariri, père et fils. Donc il n'était point étonnant de vous retrouver contre le projet de loi sur le vote intracommunautaire. Ce qui l'était, ce sont vos arguments ! Il faut tout de même préciser, ce que vous avez omis volontairement de dire, le consensus des partis chrétiens avant de mécontenter toute la communauté sunnite comme vous le sous-entendez, déplait surtout au principal parti sunnite, le courant du Futur, qui est profondément contre ce projet mais espère encore que ce dernier tombera à l’eau comme ce fut le cas il y a quelque mois, et qu’il n’aura pas à le combattre publiquement. Le dilemme du Futur est grand : accepter ce projet de loi qui pourrait lui faire perdre sa domination sur la communauté sunnite à cause de la proportionnelle -au profit d'autres courants politiques, salafistes compris, à Tripoli, dans le Akkar, à Beyrouth et même dans la ville natale de Saad Hariri à Saïda, surtout après le petit succès des derniers mois du cheikh Ahmad al-Assir qui profite pleinement du blackout médiatique depuis 2 ans du chef de l'opposition - et le droit de regard actuel du Futur sur les candidatures des autres communautés, mais qui permet une meilleure représentation des communautés chrétiennes, ou refuser ce projet au risque de s’aliéner ses dernières ?

في 14 آذار، المستقلون يتمتعون بحيثية معنوية كبيرة. هؤلاء ساءهم سلوك الأحزاب المسيحية عموما وجعجع تحديدا. بالنسبة لهم، السير بالقانون الأرثوذكسي، يؤكد مخاوفهم من أدلة تظهر ، تباعا، لمحاولة تهميشهم، وفي أحسن الأحوال، لاستتباعهم

Vrai et faux. Mais c'est curieux qu'un journaliste comme vous, Fares Khachan !, n'accorde que peu d'importance à la raison d'être du vote intracommunautaire: 1 député chrétien sur 3 est choisi par le quartet Hariri-Joumblatt-Berri-Nasrallah! Indépendants ou pas, vous ne trouvez pas qu'il serait peut être utile aussi de penser aux électeurs chrétiens de Beyrouth, de Baabda, d'Aley, du Chouf, de Marjeyoun, de Rachaya, de Baalbeck, du Akkar, de Tripoli et de Jbeil, qui se sentent eux aussi, à juste raison, marginalisés puisque leurs voix n'y changent rien, souvent, qu'ils s'expriment ou qu'ils ne s'expriment pas, le quartet décide pour eux ! Pourquoi tant de malhonnêteté alors que tout le monde sait qui est à l'origine de la tiédeur du 14 Mars, et c'est sûrement pas du côté de Samir Geagea et de Samy Gemayel qu'il faut la chercher ! Ma3lé...

بعد موافقته على مشروع اللقاء الأرثوذكسي، سواء أصبح هذا المشروع قانونا أم لا، لن يعود جعجع إلى الحجم الوطني الذي كان عليه
 
Intéressante analyse. Mais je vais m'autoriser à rappeler quelques évidences, pas à la communauté sunnite -car celle-ci se souvient très bien de ce que je dirai, je n'en ai pas le moindre doute et sa reconnaissance est grande, j'en suis sûr- mais à Fares Khachan himself !

Les leaders chrétiens de ces partis «  traitres  » du 14 Mars (allons-y, il n'y a plus qu'à sortir le mot!), Samir Geagea, mais aussi les Gemayel père et fils, en ex-æquo avec Saad Hariri, sans exagération aucune, sont sans doute les leaders qui ont le plus parlé de Rafic Hariri, la plus illustre figure du sunnisme libanais. Ils sont ceux qui ont le plus défendu le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), la plus importante cause du sunnisme libanais. L'instinct primaire de Samir Geagea pouvait le conduire à rendre ce grand leader sunnite, pour toutes les raisons que nous connaissons, comme coresponsable de sa détention politique et de la marginalisation des communautés chrétiennes entre 1990 et 2005 ! Niet. En plus, malgré le fait que le nom Bachir Gemayel n'ait jamais été prononcé par les leaders musulmans, qu'ils soient sunnites ou chiites, qu'importe la raison, alors que le jeune président chrétien reste 30 ans après sa mort, le plus grand martyr des communautés chrétiennes, Samir Geagea n'a jamais manqué de parler du martyr de Rafic Hariri durant la messe annuelle des martyrs des Forces libanaises. 

Depuis 7 ans, Hakim est aux côtés de son fils, cheikh Saad, l'héritier du sunnisme libanais, contre vent et marrées, quand d'autres alliés aussi fiables que friables, ont poignardé l'ex-Premier ministre dans le dos, à la première occasion opportuniste, remettant les rênes du pouvoir à la milice du Hezbollah qui a, au passage M. Khachan, 4 membres en fuite recherchés par le TSL dans l'assassinat du père, Rafic Hariri
. Comme j'aurais bien aimé lire un article de la même teneur à l'adresse de la girouette de Moukhtara le 12 janvier 2011 ! Yalla, bassita. 


Sans Samir Geagea, et les Gemayel aussi, Saad Hariri se serait senti seul, bien seul, sur la scène politique libanaise depuis l'assassinat de son père! J'avoue je ne comprends pas comment vous qui êtes forcés à s'exiler pour sauver votre peau, vous pouvez oublier un instant que la vie de ces deux personnalités chrétiennes, Samir Geagea et Samy Gemayel, est sérieusement menacée (on a même tenté de liquider le premier), à cause des idées qu'elles défendent et de leur positionnement au cœur même du 14 Mars avec le leader sunnite Saad Hariri ! Depuis 2 ans, et contrairement à beaucoup de leaders libanais -notamment celui qui aide activement le régime alaouite à réprimer la population sunnite (le Hezbollah au cas où ce n'était pas clair) et un autre qui n'a pas lâché le régime alaouite que lorsque le compteur des morts en Syrie est passé à 5 chiffres (Walid Joumblatt au cas où vous aviez un doute)- le chef des FL soutient le peuple syrien, une cause chère pour les sunnites libanais, dans ses revendications légitimes depuis le jour J de la révolution syrienne. Comment pouvez-vous oublier Fares Khachan, que contrairement à beaucoup de monde, Samir Geagea a été toute sa vie durant, contre la tyrannie des Assad, père et fils ? Mais enfin, passons, tout cela ce sont des histoires anciennes.

Le petit détail qui vous a échappé et qui mérite plus l'attention de nos lecteurs, c'est que vous oubliez un peu vite que les relations entre les communautés dans une nation notamment en politique sont comme dans un couple : on doit retrouver écoute, échange, respect et compréhension. A défaut, crise. A crise insoluble, divorce. En plus, les autoroutes de la communication sont toujours à double sens. Je comprends que l’adoption par les chrétiens du 14 Mars, les Forces libanaises et les Kataeb, du vote intracommunautaire puisse décevoir certains alliés sunnites à première vue. Mais je ne comprends pas, pourquoi ça serait à sens unique ? Pourquoi les déçus, ne peuvent pas aussi comprendre qu’il n’est pas normal dans une démocratie, que 1 député chrétien sur 3 soit choisi par un quartet musulman, pas dans l'autre sens, et que dans les meilleurs des projets proposés pour l'instant à part le vote intracommunautaire, une dizaine de députés chrétiens seront toujours choisis par le quartet, et encore, pas dans l’autre sens ! Ce n'est pas la peine de se perdre dans les détails et les slogans creux. On peut mentir aux autres mais jamais à soi-même ! Vous savez bien plus que moi que tout le problème du Liban réside dans l'esprit communautaire qui touche toutes les communautés libanaises, sans exception, et le vote en bloc des communautés libanaises que l'on constate à chaque élection, n'est qu'une des manifestations de ce mal qui ronge la société libanaise. C'est lui qui est à l'origine du projet de loi que vous décriez tant.

وليد جنبلاط كان يحمل مشروع " الوحدة الإسلامية" لـ"حماية لبنان". وحدة كان من شأنها أن تجد أرضية مشتركة بين الحريري و"حزب الله" على حساب المسيحيين. قبل وليد جنبلاط، أتى النائب محمد رعد الى قريطم، على رأس وفد من "حزب الله" وحمل الى سعد الحريري مشروعا: أعطنا مشروعية حمل السلاح، وخذ مشروعية إدارة السياسة. رفض سعد الحريري. وثمة اعتقاد بأن رفض هذا التوجه ، على حساب المسيحيين في لبنان عموما ومسيحيي 14 آذار خصوصا، كان القطبة المخفية التي أفشلت ما سمي بالـ"سين.سين".

La meilleure ! Je suis désolé Fares Khachan, mais là, vous avez tout faux. Il était question des armes ? Lol ! Accord qui devait se faire au détriment des chrétiens ? Vous plaisantez ! Saad Hariri a refusé les projets de Walid Joumblatt et du Hezbollah, essentiellement parce que ces derniers cherchaient avant tout une contrepartie à « l'union islamique et la préservation du Liban des troubles confessionnels entre les sunnites et les chiites », l'abandon du Tribunal Spécial pour le Liban, qui faut-il le rappeler, jugera les assassins de son père, l'ex-Premier ministre du Liban, Rafic Hariri !

مع هذا القانون، سيعود العد الطائفي الذي أوقفه اتفاق الطائف، وسيقلب الشكوى من مكان الى آخر. المسيحيون الذين يشكون اليوم من سوء التمثيل، سيجدون المسلمين يفعلون ذلك. من يعتبر اليوم أن نصف النواب لا يأتون كلهم بأصوات المسيحيين، سيجد أمامه، طالما أن الطائفية هي الموجه، من يشكو أن ربع اللبنانيين يتمثلون بنصف عدد النواب، في حين أن ثلثي اللبنانيين يتمثلون بالنصف الآخر

Je trouve navrant, au plus haut degré, d'en arriver. Désolé M. Khachan, cet épouvantail ne marche pas. Bien sûr, dans une démocratie, aucun sujet n'est tabou. Les Libanais de confession musulmane peuvent très bien remettre en cause l'égalité parlementaire et administrative au Liban, fixée par l'accord de Taëf. Cela suppose, et vous devez le savoir, une alliance opportuniste, entre les sunnites, les chiites et les druzes, contre les chrétiens, une perspective inenvisageable, même sur le plan théorique. Tout le monde connait les raisons. De plus, tous les Libanais savent qu'une telle réclamation équivaut à l'ouverture de la boîte de Pandore, qui pourrait réveiller les vieux projets démentiels sur le « fédéralisme » et la « partition », et même pire, des projets qui pourraient nous ramener tous vers la « guerre civile »! En dépit de l'effort de certains, comme vous, à dramatiser la situation, le « vote intracommunautaire » est innocent de tout cela, puisqu'il est à durée d'utilisation optimale, voire à usage unique ! Kamén ma3lé...

Par ailleurs, je ne comprend pas qu'un homme comme vous revient sur ce vieux sujet de comptage. Non M. Khachan, les chrétiens du Liban ne représente pas le quart de la population libanais ! Je ne sais pas où vous êtes allés chercher ce chiffre, mais croyez-moi il n'est pas bon. Rappelons que le dernier recensement de la population au Liban date de 1932. Depuis, on n'ose pas y penser. Durant les années de discorde, les musulmans réclamaient un rééquilibrage des pouvoirs puisqu'ils étaient devenus majoritaires. Avec l'accord de Taëf en 1989, c'est chose faite, au prix d'un dépouillement du poste présidentiel de toutes ses prérogatives. Les chrétiens eux demandaient de prendre en compte l'immigration massive des communautés chrétiennes, depuis les massacres de 1860, et réclamaient, en vain pour l'instant, la facilitation de l'acquisition de la nationalité libanaise par les descendants de ces immigrés; et là, ce sont les chrétiens qui deviendraient  majoritaires; c'est bien la raison pourquoi cette revendication n'a jamais été acceptée par les musulmans. Tous les chiffres avancés aujourd'hui sont des estimations et même en se basant sur les listes électorales du ministère de l'Intérieur, qui ne prennent en compte que les Libanais de plus de 21 ans, les électeurs chrétiens étaient plus de 43% en 2000, près de 37% en 2009. C'est sans parler aussi de la distribution de la nationalité libanaise à des résidents musulmans durant les années de terreur (1990-2005) afin de pouvoir influencer les élections dans le sens souhaité par la tyrannie des Assad. Ainsi, 200 000 musulmans ont été naturalisés en 1994 (soit 5 % de la population libanaise ou 6 % des électeurs libanais). A ce stade, deux comprimés de Panadol sont nécessaires pour continuer mais je préfère arrêter les dégâts.

أحيانا، يخطئ الحكيم ويتخطى الخيط الرفيع الذي يفصله عن ...ذاك المجنون
 
Évidemment. Et même Fares Khachan peut se tromper ! Notamment en écrivant un article injuste et déplacé. Traiter les adversaires de « fous », n'aide pas à relever le niveau du débat politique. Toute cette propagande de dramatisation n’a pas raison d’être. Les beaux discours sont très jolis en théorie, mais la réalité nous rattrape et elle est amère. Ce défaut démocratique de la représentation chrétienne doit être corrigé. Elle est là la première urgence. Qui rejette le « vote intracommunautaire » doit proposer une alternative qui corrige complétement, et non en partie, le défaut démocratique chronique dont sont victimes les communautés chrétiennes au Liban.


L’autre urgence c’est d’entamer illico presto dès la prochaine législature, et Fares Khachan pourrait ainsi transmettre le dossier au chef de l'opposition du 14 Mars, Saad Hariri, des réformes pour déconfessionnaliser les esprits des Libanais, comme la séparation de la religion du Code civil, ce que Bakhos Baalbaki réclame, ou l'interdiction de tout parti politique qui se base sur la religion, comme le réclame Sayyed Ali el-Amine. Sans vouloir vider les mosquées et les églises de leurs fidèles, on peut déjà commencer par placer « mariage, divorce et héritage » loin des soutanes, pour espérer un jour, lointain, parvenir à la « citoyenneté libanaise ». Enfin, dites-moi Fares Khachan, qui de ceux qui s'indignent aujourd'hui du vote intracommunautaire oserait intégrer de telles propositions dans son programme électoral ? C'est le test de vérité.

Réf. 

«Même Hakim peut se tromper » par Fares Khachan (Youkal.net 10 janvier 2013)

Le « vote intracommunautaire » : qui veut dynamiter le consensus entre les partis chrétiens ? (Art.98) par Bakhos Baalbaki (9 janvier 2013)

Quelle loi électorale pour le Liban ? Le vote intracommunautaire et Abou Nouwéss ! (Art.78) par Bakhos Baalbaki (7 octobre 2012)

mercredi 9 janvier 2013

Le « vote intracommunautaire » : qui veut dynamiter le consensus entre les partis chrétiens ? (Art.98)


C’est tellement rare pour être souligné. Oui les partis chrétiens peuvent s’entendre sur quelque chose. Et pas sur n’importe quoi s’il vous plaît. Tenez-vous bien, sur la loi électorale par exemple ! Dimanche dernier, les Forces libanaises, les Kataeb, les Marada et le Courant Patriotique Libre, sous la bénédiction du patriarche maronite Bechara al-Raï, se sont mis d’accord pour adopter le « vote intracommunautaire » (plus connu dans les médias comme le projet de « loi orthodoxe » ou le projet Ferzli) aux prochaines élections législatives qui devraient se tenir normalement le 9 juin 2013. Et il semble par ailleurs, d’après les dernières nouvelles, que les partis chiites, Hezbollah et Amal, y soient aussi favorables.

Les partis chrétiens sont tous sincères sans l'ombre d'un doute. Il se peut que les deux partis chiites ne le soient pas, mais espèrent que le parti sunnite du Futur se chargera de faire échec au projet lors des discussions en commission au Parlement. Qui fait du bluff, qui est sincère, on le saura sous peu. Rappelons que le vote intracommunautaire repose sur les principes suivants : le Liban circonscription unique, chaque électeur libanais élirait les candidats de sa communauté et tout se décide à la proportionnelle. La répartition des sièges reste
à égalité entre chrétiens et musulmans, proportionnellement entre les communautés des deux parties et proportionnellement entre les régions. Sa raison d’être est le défaut chronique de la mauvaise représentation des communautés chrétiennes au Parlement libanais.

Avec ce projet de loi, le clivage septennal 14 Mars vs 8 Mars vole en éclats. La dramatisation bat son plein sur Facebook. Un certain nombre de personnalités chrétiennes indépendantes du 14 Mars, comme Carlos Eddé, Dory Chamoun et Boutros Harb, ont manifesté leur opposition, plus parce qu'ils sont marginalisés par les grands partis chrétiens que pour d'autres raisons. Ce consensus déplait beaucoup, évidemment. Il fait grincer des dents pas mal de monde. A commencer par le courant du Futur qui serait profondément contre mais espère encore que le projet tombera à l’eau comme ce fut le cas il y a quelque mois, et qu’il n’aura pas à le combattre publiquement. Le dilemme du Futur est grand : accepter ce projet de loi qui pourrait lui faire perdre sa domination sur la communauté sunnite à cause de la proportionnelle -au profit d'autres courants politiques, salafistes compris, à Tripoli, dans le Akkar, à Beyrouth et même dans la ville natale de Hariri à Saïda, surtout après le petit succès médiatique des derniers mois du cheikh Ahmad al-Assir- et le droit de regard actuel sur les candidatures des autres communautés, mais qui permet une meilleure représentation des communautés chrétiennes, ou refuser ce projet au risque de s’aliéner ses dernières ?

Sans surprise c’est Walid Joumblatt qui est aujourd’hui l’opposant le plus farouche au vote intracommunautaire.
Voilà un homme politique libanais, féodal et communautaire à souhait -il n’y a qu’à aller faire un tour dans le Chouf pour s’en rendre compte (même la vente des terres des chrétiens est étroitement surveillée !)- que l’on surnomme la « girouette de Moukhtara » à cause de ses retournements opportunistes, bénéficiant d’une immunité sans égale à toute critique -même quand il a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat le 12 janvier 2011- qui a une « taille politique » sans commune mesure avec la réalité de ce bas-monde mais qui impose ses orientations sur la classe politique libanaise, et tout cela est possible parce que grâce au système électoral libanais et à l’esprit communautaire de la communauté druze, comme pour les autres communautés d’ailleurs, le Bek décide aujourd’hui qui peut être candidat et qui peut être élu dans le Chouf, Aley et Baabda. Comme le vote intracommunautaire lui ôtera ce privilège féodal et le ramènera à sa taille réelle, vous comprenez bien pourquoi il s’oppose avec force au consensus chrétien et au vote intracommunautaire. Il va jusqu’à menacer de retirer ses ministres du gouvernement si le Premier ministre adopte le projet. On aurait aimé observer la même motivation pour pousser le gouvernement Mikati à retrouver les 4 accusés du Hezbollah recherchés par le Tribunal Spécial pour le Liban dans le meurtre de son « ami » Rafic Hariri !


Pour certains ce projet serait anticonstitutionnel, comme si la Constitution est paroles d’Evangile, qui n’a jamais été remodelée depuis l’émir Fakhreddine Ier et que Taëf n'était qu'un songe d'une nuit d'automne. Pour d’autres, comme le journaliste Nkoulas Nassif, c’est un piège tendu par le Hezbollah aux partis chrétiens. Les imbéciles, nul n’est prophète dans son pays mon cher Nkoula ! L’argument choc, le vote intracommunautaire favoriserait le communautarisme. S’offusquer  du communautarisme dans un pays comme le Liban, c’est lol de chez lol ! Qu’est ce qui serait plus grave, que chaque libanais vote pour les candidats de sa communauté, dans un pays où les 17 communautés se crêpent le chignon pour le poste douanier vacant au fin fond du Hermel, temporairement comme avec toute loi électorale, ou bien de constater que 1 député chrétien sur 3 est choisi par le quartet, Hariri, Joumblatt, Berri et Nasrallah et que les voix des électeurs chrétiens de certaines régions ne servent à rien, comme à Jbeil, à Tripoli et dans le Chouf par exemple ?

C’est navrant d’en arriver là. Je peux écrire des dizaines d’articles sur le sujet et sur le défaut grave de la représentation des communautés chrétiennes au Parlement libanais. Mais c’est peine perdue. Allons à l'essentiel. Qui s’offusque du communautarisme et se préoccupe de l’abolition du confessionnalisme au Liban doit déjà commencer à séparer la religion de notre Code civil, qui n’a rien de civil à part le nom, pour placer « mariage, divorce et héritage » hors de la portée des soutanes, afin de libérer l’individu de sa religion et de sa communauté ! Figurez-vous qu’on n’a même pas pu voter une loi ferme contre la violence conjugale, à l’égard des femmes évidemment, qui est beaucoup plus répandue qu’on ne le pense, pour raison communautaire, les cheikhs de Dar el-Fatwa se sont opposés à « l’ingérence de la police dans les affaires familiales » ! Que l'on m'explique, comment  peut-on s’offusquer du communautarisme au Liban alors que tout nouveau-né dans ce pays n’existe pas, au sens propre comme au sens figuré, sans appartenir à une communauté religieuse ? Il est là le fond du problème, le reste n’est que palabres.

Naturellement, une loi électorale basée sur la petite circonscription avec le vote pour un seul candidat, à deux tours, au scrutin majoritaire, est préférable au vote communautaire. Cela ne fait aucun doute. Mais il faut savoir que dans le meilleur des cas, une douzaine de députés chrétiens seront toujours choisis par le quartet musulman. En plus, le risque majeur de la petite circonscription est l’achat de voix qui sera à la portée de tout candidat motivé. Les Libanais n’ont pas d’idée de ce qui se passe en coulisse lors des élections ! La petite circonscription est une alternative au vote intracommunautaire mais à certaines conditions. J'y reviendrai à l'avenir.

En tout cas, 2005 a connu la bourde de l’accord quadripartite, un accord loco-électoral entre Hariri, Joumblatt, Berri et Nasrallah, qui s’est fait au détriment des partis chrétiens et qui s’est soldé par le raz-de-marée « Michel Aoun ». Tout semble indiquer que 2013 connaitra une bourde de quadruple ampleur de celle de 2005. Rejeter le vote intracommunautaire, qui résulte d’un consensus entre les partis chrétiens, contrairement à la volonté de ces partis représentant les communautés chrétiennes, conduirait au même résultat ! A bon entendeur, salut.


Réf.

« Quelle loi électorale pour le Liban ? Le vote intracommunautaire et Abou Nouwéss ! »
par Bakhos Baalbaki (7 octobre 2012)


Réponse à l'article « déplacé » de Fares Khachan: « Même Hakim peut se tromper » (Art.99) par Bakhos Baalbaki (11 janvier 2013)

Al-Hayat du 8 janvier 2013