mardi 22 janvier 2019

Désormais, Gebrane Bassil est Don Quichotte des Républiques libanaise et syrienne (Art.591)


Malgré tous ces défauts, Gebrane Bassil a beaucoup de qualités. C'est un homme entreprenant, actif, dynamique et audacieux. Sincèrement! Mais, ça ne suffit pas dans la vie politique pour plaire à tout le monde. Ni dans la vie privée d'ailleurs, toute ardeur déplacée pouvant se terminer par un épinglage #metoo, un blocage illico presto, un verre d'eau en plein figure ou une claque retentissante, comme en politique.

Gebrane Bassil, ministre libanais des Affaires étrangères (photo AFP)

En suivant ses récentes déclarations, du bord de sa fenêtre à Laklouk au réveil le lendemain du réveillon à 6h45 précises, lors de son déplacement à Zahlé le 11 janvier, devant les étudiants du lycée Mont La Salle le 13, à la réunion préparatoire des ministres arabes des Affaires étrangères le 18, après le Sommet arabe pour le développement économique et social qui s'est tenu à Beyrouth le 20 et aux pieds des montagnes de Davos le 22, force est de constater que les problèmes d'une frange de Libanais avec cet homme politique sont non seulement pleinement justifiés, mais ils empirent. Cela s'explique aisément par les faits suivants :

 1  Gebrane Bassil est coresponsable du blocage du fonctionnement de la démocratie libanaise


Depuis mai 2018, Gebrane Bassil se dédouane de toute responsabilité dans le blocage de la formation du gouvernement. Et pourtant et voilà, enfin, ba2 el ba7sa, indirectement le 4 janvier. « A propos du refus de donner au président et au bloc, le tiers de garantie... le Hezbollah n'a pas de problème avec ça ». Autrement dit, Aoun, le Bloc du changement et de la réforme, ainsi que le Hezbollah, se retrouvent non seulement retranchés dans le même camp, mais en plus, ils sont bel et bien coresponsables du blocage politique actuel.


Le « tiers de garantie » du CPL-Hezb correspond en réalité à la stratégie du « tiers de blocage », càd obtenir plus du tiers du Conseil des ministres, afin de pouvoir bloquer les décisions du futur gouvernement du Premier ministre désigné Saad Hariri, toutes celles qui n'iront pas dans le sens des intérêts de Gebrane Bassil et de son parti, le CPL.

Tout cela est basé sur l'hérésie politique d'octroyer au président de la République une part du fromage gouvernemental, un droit qui n'existe nulle part, ni dans la Constitution ni dans le Pacte national ni dans les lois en vigueur au Liban. Un caprice d'autant moins justifié que dans ce tweet, le gendre a commis l'erreur de mettre son beau-père avec lui, dans le même camp. Ainsi, nul besoin d'accorder au président une part propre, la sienne fait partie de celle du CPL. Elémentaire.

 2  Gebrane Bassil fuit toujours ses responsabilités dans le fiasco du secteur électrique au Liban


« Nous bataillons depuis 2010 avec un plan concernant l'électricité ». Au moins il l'avoue, c'est depuis 9 ans déjà! « Ils » l'ont bloqué pour des « raisons maintenant connues ». Qui sont-ils et quelles sont-elles, nul ne le sait. Par contre, Bassil est sûr que « si le nouveau gouvernement ne prend pas des décisions au sujet de l'électricité dès le premier mois de sa formation... » Stop, yallé sta7o mé'to, comme on dit au Liban, ceux qui ont eu honte sont morts.


Près de 30 ans après la fin de la guerre libanaise, nous ne pouvons toujours pas bénéficier d'une électricité 24h/24, fournie par un Etat souverain à un prix raisonnable, sans passer par les propriétaires de générateurs privés. Depuis dix ans, le ministère de l'Energie est entre les mains du Bloc du changement et de la réforme, une coalition parlementaire formée autour du Courant patriotique libre.

Le parti qui a le plus contrôlé le ministère de l'Energie est justement le CPL, celui de Michel Aoun et de Gebrane Bassil. Le ministre qui a passé le plus de temps au ministère de l'Energie est justement, encore lui, l'actuel chef du CPL, le gendre de Michel Aoun, Gebrane Bassil, 4 ans et 3 mois. Alors, belote et rebelote, nous sommes nombreux à crier en choeur, « wlak weiniyé hal kahraba el charm**** 24/24 ya Gebrane, where is this fu***** electricity 24 hours a day ya Bassil, non mais, où est cette pu***** d'électricité 24h/24 ya Gebrane Bassil? », celle qu'il a promis aux Libanais pour 2014-2015, il y a quatre ans.


Gebrane Bassil et son ex-conseiller, César Abi Khalil, sont peut-être capables de vendre des congélateurs aux Esquimaux, mais ils ne pourront pas faire oublier que leur passage au ministère de l'Energie est un désastre. Une étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde, pour 2017-2018, montre que le Liban n'arrive qu'à la 134e place (sur 137). On ne fait mieux que Haiti, Nigeria et le Yémen, alors que le secteur électrique coûte près de 5 milliards de dollars par an (EDL, navires en location et générateurs privés). Mais bon, il faut dire que César Abi Khalil et Gebrane Bassil sont tous deux des fervents défenseurs de l'aberrante idée des centrales flottantes turques. Ah mais pour gaspiller l'argent public, on ne peut pas faire mieux! Et c'est loin d'être fini.

 3  Gebrane Bassil est toujours pro-Hezbollah et pro-Assad


Il peut parader à Davos le 22 janvier et faire savoir sur Twitter qu'il s'y rend pour « discuter des politiques internationales avec les ministres des Affaires étrangères du Qatar, des Pays-Bas, de l'Afghanistan et de l'Algérie », comme il peut se réveiller tôt le 1er janvier, pendant que les Libanais dorment encore, pour peaufiner son tweet et faire croire aussi que « de sa fenêtre à Laklouk, la neige blanche, le ciel bleu et l'horizon orange lui permettent d'avoir de l'espoir, de la confiance et une vision pour notre pays, de voir en ce début d'année toutes les couleurs du Liban réunies dans un gouvernement fédérateur, juste et efficace », blablabla et patati et patata, cela ne changera rien à son positionnement politique que la moitié des Libanais ne partage pas.


D'ailleurs, Gebrane Bassil ne s'en cache pas. Il tient à l'affirmer, en revenant encore sur l'accord de Mar Mikhael conclu entre le CPL et le Hezbollah, un parti-milicien armé, pour soi-disant renforcer « l'union et l'entente nationales ». Faut avoir beaucoup de culot pour oser le dire !


Il tient aussi à exprimer clairement son attachement et sa loyauté à la tyrannie des Assad : « Nous nous sommes opposés depuis le départ à la suspension de l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe et nous avons gardé les meilleures relations avec elle. Aujourd'hui, il est donc normal que nous travaillons à son retour. »


Pour rappel, la suspension de la Syrie de la Ligue arabe a eu lieu le 13 novembre 2011, huit mois après le début du conflit syrien à cause du rejet par Bachar el-Assad du plan arabe lui demandant de cesser la répression sanglante de la révolte populaire et d'entamer un dialogue national avec les opposants pacifiques à son régime.

L'exclusion temporaire de la Syrie a été votée par 18 pays arabes sur 22. Alors dites, savez-vous qui sont les 4 pays qui se sont opposés à cette décision? La Syrie, évidement ; la Libye, qui était suspendue pour les mêmes raisons ; le Yémen, c'est tout aussi évident; et le Liban, bien entendu. Pour rappel aussi, le pays du Cèdre était dirigé à l'époque par le gouvernement Mikati (un ami de Bachar), un pouvoir composé exclusivement des pôles du 8-Mars (Hezbollah, Courant patriotique libre, Amal, etc.). Bassil était à l'Energie et Mansour (Berri) aux Affaires étrangères.

 4  Gebrane Bassil est prêt à tout pour réhabiliter le régime syrien


Notamment sous le prétexte de la reconstruction de la Syrie et de la prospérité qu'elle amènera au Liban. Dès le 4 janvier, Gebrane Bassil a commencé à défricher le terrain: « Nous devons être des partenaires de la reconstruction... » Zappons pour l'instant la première partie pour nous concentrer sur la suite: «... comme nous avons été des partenaires dans la victoire sur le terrorisme ». Ah tiens donc, comment? Par la victoire d'Assad peut-être, l'incarnation même du terrorisme, comme l'ont prouvé, entre autres:

. le long conflit en Syrie : répression sanglante des manifestants désarmés, la torture et la mise à mort des prisonniers immortalisés dans l'album de César, les bombardements à l'aveugle des civils par des barils d'explosifs, le massacre de la population syrienne avec du gaz sarin et du chlore, etc. ;

. l'affaire Michel Samaha au Liban : « heik baddo bachar », de l'aveu même du prisonnier libanais, c'est ce que souhaite Bachar el-Assad ; la programmation d'une trentaine d'attentats et d'assassinats, visant même le patriarche maronite dans une région sunnite et des imams sunnites lors de la rupture du jeûne pendant le mois de ramadan.

Et sans doute par l'intervention du Hezbollah aux côtés d'Assad, depuis 2012, ce qui a aggravé la situation sur le terrain, accentué la fracture sunnite-chiite, nourri les jihadistes de Daech et accéléré l'afflux massif des déplacés syriens vers le Liban.


Il en a remis une couche le 11 janvier. « Après la guerre, il y a la reconstruction. Est-il envisageable qu'on se punisse et qu'on n'y participe pas car il y a un pays qui nous l'interdit et qui nous menace avec les sanctions. Est-ce que ce pays a accompli ses obligations envers nous? » En ligne de mire, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, sans l'aide de qui le Liban ne serait qu'un satellite de l'Iran, depuis belle lurette.


Le coup de grâce est tombé le 18 janvier: « Personne ne pourra empêcher les Libanais de participer à la reconstruction de la Syrie... La Syrie se relèvera et le Liban avec elle ». Ah, mais il mise sur ce moment depuis fort longtemps. Tout est devenu public lors du salon « Rebuild Syria ». C'était au Biel à Beyrouth le 27 octobre 2017: « Que la reconstruction de la Syrie soit la reconstruction de la Syrie et du Liban. »


Le raisonnement de Bassil tiendrait la route si le Liban n'avait plus aucun dossier litigieux avec le régime syrien, à commencer par le contrôle de la frontière syro-libanaise d'une main de fer, les ingérences syriennes dans les affaires libanaises et le retour des ressortissants syriens installés au Liban dans leur pays. Le raisonnement tiendrait la route si et seulement si, nous mettons par ailleurs de côté les valeurs humaines et religieuses qui régissent le monde d'aujourd'hui, le Moyen-Orient notamment. L'interminable guerre en Syrie a fait des centaines de milliers de morts, autant de blessés, plusieurs millions de déplacés et un volume de destruction évalué par l'ONU à 400 milliards de dollars.

On peut décider de tout zapper, sauf que tout peut recommencer après-demain, puisque rien n'a été réglé sur le plan politique :
. en Syrie d'une part, on a une minorité de confession alaouite, qui ne représente que 10% de la population syrienne, mais qui continue de dominer une majorité de confession sunnite à plus de 70% ;
. au Liban d'autre part, on a un régime syrien qui considère encore et toujours le pays du Cèdre comme faisant partie de sa sphère d'influence.

On peut même décider de faire table rase du passé, en Syrie et au Liban, il n'empêche que la responsabilité de la tyrannie des Assad, père et fils, est bel et bien établie, hier comme aujourd'hui, à la fois dans :
. les massacres en Syrie : le père, notamment lors du massacre de Hama en 1982, le fils depuis 2011, avec toutes les horreurs citées précédemment ;
. les massacres au Liban pendant la guerre : entre 1976-2005, la Syrie des Assad n'était pas seulement partie prenante du conflit libanais, elle a fait couler le sang de toutes les communautés libanaises sans exception (chrétienne, sunnite, druze et chiite), mais en plus, elle est soupçonnée entre autres, d'être impliquée dans l'assassinat de deux présidents de la République, Bachir Gemayel et René Mouawad, et un ancien Premier ministre, Rachid Karamé;
. les massacres au Liban après la guerre : depuis 2004, la Syrie est soupçonnée d'être impliquée dans la quinzaine d'assassinats politiques (et tentatives d'assassinat), dont celui de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri.

Ainsi, les Libanais comme Gebrane Bassil peuvent baver sur l'aubaine de la reconstruction de la Syrie, mais ils ne pourront pas s'offrir le luxe d'une amnésie sélective, concernant les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis par la tyrannie des Assad père et fils, au Liban et en Syrie, depuis 1970, à moins d'en devenir des complices par omission.

 5  Gebrane Bassil est tombé dans le piège du projet de colonisation du Liban concocté par Bachar el-Assad, via les réfugiés et les déplacés syriens


Commençons par le commencement, cerner le problème et poser une question fondamentale. L'afflux massif de ressortissants syriens au Liban, déplacés et réfugiés, s'est fait entre les années 2011 et 2014. A cette période, le Liban était dirigé par un gouvernement composé essentiellement par les pôles du 8-Mars. La nouvelle configuration politique n'a vu le jour qu'après le basculement de Walid Joumblatt dans les bras du 8-Mars, le déploiement des miliciens du Hezbollah dans les rues de Beyrouth le 12 janvier 2011 et la chute du gouvernement de Saad Hariri.

Dans le nouveau gouvernement Mikati, Nasrallah-Berri et alliés avaient 7 parts ministérielles, Mikati 6 parts, Sleiman 3 parts, Joumblatt 3 parts et le bloc du changement et de la réforme dirigé par Aoun-Bassil, 11 parts ministérielles svp! Il n'y avait à l'époque, aucun ministre du 14-Mars au gouvernement. Qu'est-ce que tout ce beau monde a fait pour maitriser l'afflux de ressortissants syriens au Liban pendant ces trois années (2011-2014)? Rien. Plus grave encore, qu'est-ce que Aoun et Bassil ont fait précisément pour empêcher l'installation de 1,5 à 2 millions de réfugiés et de déplacés syriens au Liban? Rien, à part les palabres, alors qu'ils détenait déjà à l'époque, le soi-disant « tiers de garantie », le fameux « tiers de blocage ».

Vous comprenez mieux maintenant la mascarade actuelle de Gebrane Bassil autour des réfugiés syriens, un drame humanitaire exploité à des fins politiciennes, et autour de la part ministérielle du président Michel Aoun, une hérésie politicienne exploitée à des fins communautaires ! Des foutaises sur toute la ligne.

Passons maintenant au vif du sujet, le retour des ressortissants syriens en Syrie. Tout le monde est soi-disant pour ce retour. Admettons. Alors question, pourquoi un tel retour nécessite une coordination-collaboration à haut niveau avec le régime de Bachar el-Assad? Ce n'est pas à l'ordre du jour en Turquie et en Jordanie. Et pour cause, il n'y a aucune raison à cela. Si le régime syrien et les pro-régime libanais reviennent sur le sujet régulièrement, c'est que le but de ce matraquage dépasse le retour des réfugiés. La preuve par Bassil lui-même : « Notre intérêt et la politique que nous appliquerons, consiste en un retour des réfugiés dans leur pays, l'ouverture des frontières et des relations avec la Syrie conformes avec l'intérêt du Liban » (11 janvier).


Très bien, sauf que le retour ne se fait qu'au compte-gouttes. Et pour cause, ce qui les a fait fuir, est toujours en place. Alors, pour justifier pourquoi le régime syrien complique le retour des ressortissants syriens installés au Liban, le ministre libanais ne sait plus quoi inventer pour alimenter son délire: « Y a-t-il un pays qui nous a donné de l'argent ou l'ont-ils donné aux réfugiés pour qu'ils restent et pas pour qu'ils retournent? » (11 janvier) Qui par exemple, les Européens, les Occidentaux ? « Ceux qui ont fait partir les Syriens (déplacés et réfugiés), souhaitent qu'ils restent » (18 janvier). Qui ça au juste, les Arabes, les Européens, les Extraterrestres?


Notez bien en revanche à quel point la réhabilitation du régime syrien par Gebrane Bassil se fait à grande vitesse. Dès le début de l'année, le ministre libanais des Affaires étrangères a fait savoir que « Le Liban peut prendre des initiatives et travailler pour le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Notre avis sur la question est connue » (4 janvier). Eh bien, voilà!


« Quand les troupes syriennes se sont retirées (du Liban), nous avons fait savoir notre détermination à établir les meilleures relations avec la Syrie. Alors n'ayons pas honte avec ça (…) Nous sommes les premiers à demander le retour de la Syrie dans la Ligue arabe » (11 janvier). Qui dit mieux!


« La grande absente de cette conférence aujourd'hui est la Syrie. Nous sentons le poids de son absence, au lieu de ressentir la légèreté de sa présence. La Syrie doit revenir vers nous, afin de limiter nos pertes... Sans plus attendre, la place de la Syrie doit être au sein de la Ligue arabe, au lieu de la jeter entre les bras du terrorisme... afin de ne pas nous couvrir d'une honte historique à cause de la suspension de son adhésion » (18 janvier). Eh bien, la messe est dite.



Toujours est-il que je l'ai dit et redit, je persiste et signe, le projet de Bachar el-Assad depuis 2005, était, est toujours et le restera à jamais, la colonisation du Liban via les ressortissants syriens installés au pays du Cèdre. S'il n'y a qu'une seule personne au monde qui ne souhaite absolument pas le retour des déplacés et réfugiés syriens à l'étranger, c'est bien Bachar el-Assad. J'ai abordé la question dans le passé à de multiples reprises, à chaque fois que j'avais un élément nouveau pour étoffer mon hypothèse, qui est devenu au fil du temps un constat.

Pour ce faire, la stratégie du régime syrien de Bachar el-Assad est multiple : compliquer le retour en imposant l'autorisation préalable, obliger les jeunes revenants à servir dans les rangs de l'armée syrienne, raser les habitations et les quartiers selon les contraintes du nettoyage ethnique, modifier les cadastres selon les exigences communautaires, compliquer la reconnaissance des enfants nés au Liban, évoquer même le bénéfice du départ de millions de syriens (essentiellement de confession sunnite) en termes d' « homogénéisation » de la société syrienne (moins d'opposants potentiels), pousser des personnalités syriennes proches du régime à demander la nationalité libanaise, etc.

Aujourd'hui, la perspective est de plus en plus nette. Bachar el-Assad liera la participation du Liban à la reconstruction de la Syrie, au non-retour des ressortissants syriens installés au Liban. Walid el-Mouallem, le ministre syrien des Affaires étrangères, l'a dit franco à Gebrane Bassil à New York, il y a moins d'un an et demi. Assad fera croire que la mesure est temporaire en attendant la fin du chantier de la reconstruction. Or, sur le terrain, cette reconstruction durera des décennies et s'étalera sur plus d'une génération. C'est une quasi certitude et il y a plusieurs raisons à cela.

• Primo, parce que la guerre ne connaitra pas une fin nette et claire, tant que le régime d'Assad est en place.

• Secundo, parce que l'argent ne viendra jamais des pays arabes et occidentaux, les seuls à pouvoir reconstruire la Syrie, tant que le régime d'Assad restera en place, comme si de rien n'était. Ces pays ne cessent de faire savoir qu'ils ne participeront pas à cette reconstruction, sans la mise en place d'une solution politique, juste et durable, qui conduira à long terme, au départ de Bachar el-Assad.

• Tertio, parce que l'écrasante majorité des ressortissants syriens installés au Liban, en Turquie et en Jordanie aussi, ne retourneront jamais en Syrie, tant que la tyrannie des Assad continuera à terroriser la population.

Ainsi, sans solution politique juste et durable, qui implique de mettre fin à la longue dictature des Assad, nous aurons une Syrie éternellement instable, un financement de la reconstruction colossal qui fera toujours défaut, du rafistolage plutôt qu'une véritable reconstruction et des ressortissants syriens toujours pas encouragés à quitter le Liban, la Turquie et la Jordanie, et à rentrer dans leur pays.

Le retour des déplacés et des réfugiés syriens des pays avoisinants -Liban, Turquie et Jordanie- en Syrie, ne fait absolument pas partie des priorités de Bachar el-Assad. Ce sont des millions de personnes de confession sunnite, donc de potentiels opposants au régime alaouite, qui sont actuellement en dehors du pays, à la charge de la communauté internationale pour une grande partie. Pourquoi les faire rentrer? Le cas de ceux installés sur le territoire libanais est encore plus intéressant pour Bachar el-Assad. En les laissant au Liban le plus longtemps possible, le tyran de Damas rendra leur retour de plus en plus difficile. Cela lui permettra de phagocyter le pays du Cèdre à long terme, sans tirer un coup, par le biais démographique.

Beaucoup de compatriotes, Gebrane Bassil en tête, ne se sont pas rendus compte du piège tendu par le tyran de Damas aux Libanais, 14 ans seulement après la fin de l'occupation syrienne du Liban. La carotte de la reconstruction aura un prix, l'implantation des ressortissants syriens au Liban. Ce n'est pas eux qui ne souhaitent pas retourner en Syrie, c'est le régime de Bachar el-Assad qui ne veut pas qu'ils retournent chez eux.

Qui -Libanais, Arabes, Iraniens, Russes ou Occidentaux- militent aujourd'hui pour la réhabilitation du régime syrien à grande vitesse, sous le prétexte de l'hypothétique fin de la guerre civile et de la chimère participation à la reconstruction de la Syrie, oubliant les crimes commis, ainsi que l'absence d'un financement international conséquent, et sachant que le retour des ressortissants syriens installés dans les pays avoisinants se fera au compte-gouttes tant qu'il n'y aura pas de solution politique, sont purement et simplement des « idiots utiles » de Bachar el-Assad. Ils contribueront, de leur gré ou malgré eux, à la pérennisation du conflit syrien et du drame des réfugiés, ainsi qu'à la mise en œuvre à long terme du projet pernicieux du régime syrien, la colonisation du Liban via les déplacés syriens. 

vendredi 4 janvier 2019

Voici 2019, voilà 2018 : les perspectives pour le Liban (Art.587)


Pour savoir où nous allons, il faut connaitre où nous étions. Le Liban entre 2018 et 2019, les perspectives en 21 points.


1. Elémentaire me diriez-vous. Pas pour les adeptes de la politique de l'autruche, le député chrétien Nicolas Sehnaoui en tête, qui s'est précipité pour publier une vidéo du réveillon du Nouvel an, indiquant avec une fierté débordante que « ce n'est ni New York, ni Paris, ni Londres... c'est Achrafieh, place Sassine ». C'est un peu limité comme ambition. On aurait demandé à un môme de sept ans de remplacer les trois points de suspension par la suite logique, il aurait sans doute mis Beyrouth. Oui mais Beyrouth, c'est Basta et Zqak el-Blatt aussi. Enfin, ce n'est pas le cas non plus pour les fidèles à la tartufferie sur les réseaux sociaux, plus (pré)occupés par cette députée musulmane, Rola Tabsh-Jaroudi (Courant du Futur), qui a eu le malheur de « s'excuser auprès de Dieu » et devant le mufti, après avoir été bénie par un prêtre dans une église, qui a posé le ciboire contenant les hosties sur sa tête, un comportement à deux volets qui a doublement déplu à une frange de zélotes des deux religions monothéistes, chacun y allant de son couplet et de son zèle !

2. Et comment voulez-vous ne pas s'attarder encore sur 2018, cette année de désastres, pour le Liban, la France, le Brésil, les Etats-Unis, le Moyen-Orient, le monde et la Planète bleue. C'est d'autant plus factuel qu'on ne peut rien archiver pour l'instant, tout sera d'actualité en 2019. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil sur quelques titres de mes 59 articles et mes 22 notes de l'année écoulée pour s'en convaincre. Pour éviter de nous disperser, nous allons nous limiter au cas du pays du Cèdre.

3. Dans le blog Focus sur le Liban, on trouve 16 articles sur la politique libanaise. Un tout petit millésime par rapport aux autres années marquées par 21 à 39 articles par an (depuis 2011) et une moyenne de 30 articles annuels, 2013 restant l'année record, 50 articles au compteur. J'étais jeune et idéaliste, je croyais encore à l'avenir de notre pays. Et puis, il se passait quelque chose d'intéressant à l'époque. Aujourd'hui, plus aucun espoir. Les dirigeants et une majorité des citoyens libanais sont aux abonnés absents, le Liban est mal en point et nous sommes une minorité à nous en soucier.

4. L'année m'a donné l'occasion de dénoncer trois scandales, la résidence à vie accordée aux propriétaires étrangers (l'affaire de l'article 49), le décret de naturalisation de ressortissants palestiniens et syriens peu recommandables (l'affaire Aoun-Hariri-Machnouk) et la dispense des ressortissants iraniens de se faire tamponner le passeport lors de leurs visites au Liban (l'affaire Ibrahim-Berri-Nasrallah). Et pourtant, « Derrière le 'décret secret' de naturalisation, la volonté libanaise de prendre part au business de la reconstruction de la Syrie et la détermination syrienne de coloniser le Liban ». Mais rien à faire. Les concernés nous ont promis toute la vérité sur ces trois affaires et depuis, c'est le silence radio. Il faut dire que Quelle mascarade! Il faut dire que les promesses n'engagent que ceux qui les croient, les dindons de la farce.

5. J'avais commencé l'année par deux événements surréalistes : la joute oratoire entre Gebrane Bassil et Nabih Berri (traité de 'baltajé' avant de se rétracter sous la pression des partisans de l'estéz) et l'histoire rocambolesque de la lieutenant-colonel Suzanne el-Hajj avec le comédien Ziad Itani (une tragi-comédie inouïe en onze actes). Le premier s'est terminé par une séance de tébwiss léhé, en attendant le prochain épisode, et le second attend sa mise en scène au théâtre et au parquet.

6. J'ai couvert les élections législatives les plus bizarroïdes depuis notre seconde indépendance, à travers six articles portant sur la tactique politicienne saugrenue des protagonistes, l'arbre de décision de l'électeur responsable et la remise des prix aux plus méritants. Si nous voulons améliorer notre démocratie bananière, il va falloir agir sur beaucoup de paramètres, à commencer par la loi électorale. Elle est mauvaise pour diverses raisons, nous venons de la tester. Antoine Constantine Pano (Beyrouth/CPL) est un représentant de la nation avec 539 voix préférentielles et Eddy Demirdjian (Zahlé/indépendant) est élu avec 77 voix préférentielles seulement, représentant 0,7% des suffrages préférentiels exprimés. La loi électorale est en partie responsable de la paralysie du pouvoir. Je reste partisan de la circonscription uninominale à un tour, avec réduction du nombre de député de moitié (64 députés, c'est largement suffisant pour le Liban), combinée à un dose de tirage au sort (pour dynamiser la démocratie libanaise). Sur ce dernier point, je suis aussi sérieux que l'étaient Aristote, Rousseau et Montesquieu. En tout cas, ces deux modes de scrutin permettront de déconfessionnaliser partiellement les élections au Liban, ce qui serait déjà pas mal.

7. Au pays d'entre les deux gendres, l'actualité fut marquée aussi par les tenants du titre, bien évidemment: « Michel Aoun, Gebrane Bassil et Chamel Roukoz : de grandes manoeuvres politiques en famille ». Par souci d'équité, j'ai rédigé deux articles politiques sur Chamel Roukouz et deux autres sur Gebrane Bassil. Mais tout le monde sait que ce dernier est à la fois le chouchou de Michel Aoun et le dada de Bakhos Baalbaki. Pour le président de la République, je ne sais pas pourquoi. Mais de mon côté, si le gendre prodige mérite tant d'attention, c'est parce qu'il se croit mieux que les autres et qu'il est même le meilleur de tous, alors qu'il est comme les autres, avec la particularité bien fâcheuse d'être le champion du lâcher d'éléphants roses qui encombrent le ciel libanais. Il était donc normal que je lui consacre les deux articles phares de mon blog-Liban et du millésime 2018 : « Gebrane Bassil, l'homme qui se prend pour Don Quichotte de la République libanaise », à la suite des élections législatives, et « Faut-il voter une loi qui interdit à Gebrane Bassil tout ministère public et d'inscrire dans la Constitution l'impossibilité de l'élire comme présidence de la République? », à l'occasion d'un retour sur son projet de 2013, « Rêve d'une nation », où il avait promis aux Libanais pour 2020, entre autres, l'électricité 24h/24, un parc d'attraction sur la décharge de Bourj Hammoud, le métro pour les Beyrouthins et de l'eau potable pour Chypre. Tout cela pour l'année prochaine! Et dire qu'on trouve encore des Libanais froissés par les titres de mes articles.

8. Des événements marquants ont mérité un article à part. Parmi eux, il y a la fin du réquisitoire accablant et des plaidoiries du Tribunal spécial pour le Liban, où sont jugés cinq membres du Hezbollah pour leur implication dans l’attentat terroriste du 14 février 2005, qui a causé la mort de 22 personnes, dont l’ancien Premier ministre du Liban, Rafic Hariri. C'était l'occasion d'évoquer l'attribution du nom du chef présumé de la cellule terroriste, Moustapha Badreddine, à une rue de la banlieue-sud de Beyrouth, et l'indifférence générale du pouvoir libanais -notamment du président de la République Michel Aoun et du président du Parlement Nabih Berri- au sujet du TSL.

9. Comme événement marquant, on trouve aussi la rencontre historique entre Geagea et Frangié, plutôt apolitique et désintéressée. Celle-ci m'a donné l'occasion de revenir sur une autre réconciliation interchrétienne, politique et intéressée, entre Geagea et Aoun, un fiasco qui restera dans les annales. Rappelez-vous c'était pour enterrer la hache de guerre entre le Courant patriotique libre et le parti des Forces libanaises, et mettre fin à la vacance du pouvoir. Mieux vaut en rire.

10. Pour terminer l'année sur une note politique positive, quand même, j'avais proposé aux députés et au peuple libanais un deal : « Elisez-moi président de la République et je donnerai au Liban un gouvernement en 180 secondes », un titre cynique pour mieux ressortir l'incompétence de la classe politique libanaise, toutes tendances politiques confondues, et évoquer sérieusement les réformes constitutionnelles d'urgence pour faire fonctionner l'Etat libanais, avec trois idées phares : le « conclave présidentiel » enfermant les députés place de l'Etoile jusqu'à l'élection du président de la République, la « non-rémunération des parlementaires » en cas d'autoprorogation de leur mandat et le « tirage au sort ministériel » pour l'attribution des ministères au cours de la formation d'un nouveau gouvernement.

J'avais oublié que nul n'est prophète en son pays et les dindons de la farce sont légion dans nos contrées. Aucun leader d'aucun parti politique libanais ne propose une esquisse d'ébauche de procédure draconienne aux trois problèmes récurrents qui sabotent la vie démocratique au Liban : la vacance du pouvoir présidentiel, l'autoprorogation du mandat du pouvoir législatif et l'enlisement dans la formation du pouvoir exécutif. Les solutions existent, mais pas la volonté politique, et la majorité du peuple et des médias au Liban est aux abonnés absents. Dans ces conditions, espérer le moindre changement relève de l'utopie.

11. Dans le blog Focus sur le Monde, plusieurs articles concernent le Liban en totalité ou en partie. Le premier fait suite aux menaces proférées par le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, le faucon d'extrême droite, d'origines soviétique et moldave, qui n'a retrouvé le chemin de la Terre promise qu'en 1978 svp, de renvoyer « tout Beyrouth dans les abris », si le Liban tente d'exploiter le gisement de gaz du bloc numéro 9, situé en partie dans les eaux territoriales libanaises. L'affaire est suspendue à l'arbitrage de la communauté internationale et aux cadeaux-surprises du Hezbollah chiite à l'Etat hébreux. Tenez, un tunnel transfrontalier par exemple, quoi d'autre?

12. Dans ce sillage, notez que j'ai consacré un article à une info qui n'a pas fait beaucoup de bruit au pays du Cèdre, et pourtant c'était un petit événement. L'armée libanaise a reçu en mai dernier quatre avions militaires Super Tucano (A-29), commandés par le Liban, fabriqués par le Brésil, financés par l'Arabie saoudite et livrés par les Etats-Unis. Les défenseurs zélés de la troupe, des hezbollahi-compatibles en partie, ont préféré avaler leur langue et détourner les yeux, comme pour mieux laisser perpétuer l'anomalie que constitue la situation milicienne du Hezbollah au Liban.

13. Sillage pour sillage, dans le blog-Monde, j'ai consacré plusieurs articles à la Syrie, où il était question du Liban. « La guerre en Syrie : le point sur la situation alors que les batailles d'Idlib et de la réhabilitation de Bachar el-Assad sont engagées », m'a permis d'évoquer les principaux protagonistes et leurs intérêts, le Hezbollah libanais en tête, à l'aube de la fin d'un chapitre important de cette interminable guerre qui a fait des centaines de milliers de morts, autant de blessés, plusieurs millions de déplacés et un volume de destruction évalué à 400 milliards de dollars, qui fait baver tant de gens au Liban et ailleurs dans le monde. Dans un autre article j'ai dénoncé les « idiots utiles » de Bachar el-Assad, en Orient comme en Occident, suite à la politique éditoriale adoptée par la web-tv française d'obédience mélenchoniste, qui a décidé de ne pas montrer des images sanglantes du conflit, car « aucune » ne serait vérifiée, comme pour mieux minimiser les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par le tyran de Damas, afin de rendre sa réhabilitation possible.

14. Dans mes divers blogs, on y trouve aussi, plusieurs articles et notes sur Donald Trump. A chaque fois que l'occasion s'est présentée, j'ai mis en garde ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et les ai prévenus que le locataire de la Maison Blanche est un bouffon, un tocard, un abruti, et j'en passe et des meilleurs. Et il le restera à jamais. Beaucoup de compatriotes ne m'ont pas cru. Ils se sont réjouis du durcissement de la politique américaine à l'égard de l'Iran et des frappes folkloriques américaines sur les positions des troupes d'Assad en Syrie. Il n'a fallu que quelques mois, pour que le fan club du président américain au Liban déchante. Donald Trump a terminé l'année 2018 en annonçant le retrait sans conditions des troupes américaines de Syrie et a commencé l'année 2019 en donnant aux Iraniens le feu vert de « faire ce qu'ils veulent » en Syrie. Cet homme est un désastre ! L'incapacité de former un gouvernement au Liban depuis huit mois, est une des conséquences des décisions stupides prises par Donald Trump. En somme, il fait beaucoup d'heureux dans la région : Assad, Nasrallah, Khamenei et Poutine, bien sûr, Daech aussi, et surtout, Erdogan, le grand gagnant de cette farce, qui a désormais carte blanche pour écraser les forces kurdes de Syrie, alors que celles-ci ont combattu avec beaucoup de courage les jihadistes de l'Etat islamique.

15. La grande surprise de l'année dernière, une bonne nouvelle quand même, est venue d'une étude internationale menée par le Pew Research Center, un think tank américain, qui laisse penser que nous sommes parmi les populations les plus attachées à la démocratie représentative au monde ! Certes, ils ne donnent pas l'air de l'être, mais les Libanais sont 5e au classement, juste derrière les Suédois, loin devant les Français. Qui l'aurait cru? Bon, c'était pour la théorie. Dans la pratique, notre pays est rongé et paralysé par l'esprit confessionnel, comme le montrent les deux événements de l'intro du présent article.

16. Dans le blog Impressions du Liban et du Monde, consacré aux articles non politiques, le Liban occupe une bonne place. Au cours de l'année, il a été question pêle-mêle d'une énième tentative de censurer un film de Steven Spielberg, The Post - Pentagon Papers, parce que le réalisateur américain a fait un don d'un million de dollars à Israël au cours de la guerre de Juillet 2006 ; de la leçon déplacée de Manar Sabbagh, journaliste chiite d'al-Manar, la chaine de télévision du Hezbollah, adressée à la « bande d'intellectuels » et aux « fils de la Phénicie » (sous-entendant les chrétiens en général et les maronites en particulier), qui ont exprimé leur joie et leur fierté après la victoire de Nadine Labaki au Festival du film de Cannes, accompagnée d'un photo-montage d'une cinquantaine de combattants du Hezbollah morts à Qousseir en Syrie, qualifiés de « saints-martyrs », précisant au passage que « le Liban peut se contenter de cette gloire pour des siècles » ; et de l'initiative sexiste et ringarde de Pierre Achkar, chef de la municipalité de Broumana et président du syndicat des hôteliers du Liban, d'embaucher des jeunes femmes pour les déguiser en policières et les habiller en short, serré et pas très couvrant, pour soi-disant attirer les touristes occidentaux, alors que l'offre global d'hébergement touristique au Liban est non seulement très insuffisante, mais chère par rapport à d'autres pays touristiques comme la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce et la Turquie.

17. Au cours de 2018, je fus amené à dénoncer les pratiques indignes de certaines écoles privées au Liban. Si certains établissements religieux et laïcs n'ont plus une éthique et des valeurs pour prendre en compte les difficultés financières des Libanais, il revient à l'Etat libanais de légiférer en la matière pour mettre un terme aux abus et aux dérives dans ce secteur. Dans un autre domaine aussi, nous devons légiférer d'urgence car « c'est aux juges et non aux policiers et militaires de constater et de sanctionner les éventuels abus en matière de liberté d'expression au Liban ». C'était à l'occasion des ennuis qu'ont connu, entre autres, le journaliste Marcel Ghanem, et les activistes Imad Bazzi, Walid Asmar et François Maraoui. Là encore, les partis politiques libanais ne sont pas à la hauteur.

18. Comment couvrir l'actualité de l'année sans aborder le plus grand scandale de l'histoire du Liban, l'électricité. Près de 30 ans après la fin de la guerre, nous ne pouvons toujours pas bénéficier d'une électricité 24h/24, fournie par un Etat souverain à un prix raisonnable, sans passer par les rapaces des générateurs privés. Depuis dix ans, le ministère de l'Energie est entre les mains du Bloc du Changement et de la Réforme, une coalition parlementaire formée autour du Courant patriotique libre. Le parti qui a le plus contrôlé le ministère de l'Energie est justement le CPL, celui de Michel Aoun et de Gebrane Bassil. Le ministre qui a passé le plus de temps au ministère de l'Energie est justement, l'actuel chef du CPL, le gendre de Michel Aoun, Gebrane Bassil, 4 ans et 3 mois. Ce fut donc une occasion d'interpeller l'intéressé avec « Wlak weiniyé hal kahraba el charm**** 24/24 ya Gebrane, where is this fu***** electricity 24 hours a day ya Bassil, non mais, où est cette pu***** d'électricité 24h/24 ya Gebrane Bassil? » L'article fut rédigé comme une expo-revue de presse, une vingtaine d'étapes qui couvrent la période entre 2010 et 2018.

19. Et comme pour mieux illustrer la gestion calamiteuse du secteur électrique par le Hezbollah (2005-2008) et le Courant patriotique libre (2008-2018), il a fallu terminer l'année par le scandale de « L'échange surréaliste de César Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, avec Joe Kaeser, le PDG de Siemens », qui m'a amené à me poser sérieusement la question s'il ne fallait pas destituer César Abi Khalil, bannir Gebrane Bassil et engager Joe Kaeser, pour que, enfin, les Libanais aient le courant électrique 24h/24. Abi Khalil, ex-conseiller de Bassil, s'est permis de dédaigner les propositions de la chancelière allemande Angela Merkel et du PDG de Siemens Joe Kaeser, pour améliorer la production électrique au Liban, alors qu'une étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde montre que le Liban n'arrive qu'à la 134e place (sur 137) et que le secteur électrique coûte près de 5 milliards de dollars par an (énergie de l'Etat libanais via EDL, des centrales flottantes en location et des générateurs privés). Il a fallu une vive polémique à laquelle j'ai pris part, pour qu'enfin Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, daigne s'intéresser à l'offre de Siemens, avec 4 mois de retard. Il faut dire que César et Bassil sont plus (pré)occupés à promouvoir l'aberrante idée des centrales flottantes turques. Et c'est loin d'être fini.

20. Mes deux derniers articles en 2018 concernent l'environnement. Le premier était consacré à l'embouteillage monstre la veille de la célébration du 75e anniversaire de l'indépendance du Liban. En cause, apparente, les préparatifs du défilé militaire du 22 novembre. Tout le monde avait tiré à boulets rouges sur l'armée libanaise, comme si l'axe routier est une promenade de santé le reste de l'année, alors que le problème est beaucoup plus profond: « Et si on parlait du désastreux aménagement urbain du Liban et de Beyrouth en particulier ». Le second était consacré aux révélations d'une étude hollandaise récente qui montre que « Nous respirons un air empoisonné au Liban et personne ne s'en soucie ». Tout le pays, du nord au sud, et de l'est à l'ouest, est au seuil maximal de pollution au dioxyde d'azote. Le territoire libanais est plus pollué que les régions parisiennes et milanaises confondues. Ainsi, tous les Libanais, respirent un air toxique pour la santé humaine, qui provoque 500 000 morts par an dans le Grand Moyen-Orient. Pour l'aménagement urbain et la pollution atmosphérique, les solutions existent. Certaines coutent chères d'autres pas. Une chose est sûre : la prise de conscience, la volonté politique et l'incorruptibilité font défaut au Liban. Encore des affaires à suivre.


21. Ce fut une année bien remplie. Comme on peut s'en rendre compte aussi, la majorité des sujets abordés en 2018, seront toujours d'actualité en 2019. Ainsi, question écriture et lecture, nous ne chômerons pas, ni vous ni moi. Mais hélas, si quelques hirondelles ne font pas le printemps, une minorité de Libanais éclairés ne fera pas la renaissance. Mais être réalistes ne doit pas nous empêcher de nous battre pour laisser le Liban dans un meilleur état que celui dans lequel nous l'avons trouvé. C'est pour dire, nous aurons du boulot.