jeudi 21 novembre 2013

Comment distinguer les larmes de sang des larmes de crocodile? Dix réflexions sur le double attentat de Beyrouth (Art.193)


1. Ils peuvent déployer toute l’énergie et la malhonnêteté du monde pour prétendre le contraire, ils n’y arriveront pas. Le double attentat survenu le mardi 19 novembre dans la banlieue sud de Beyrouth est lié à l’intervention de la milice chiite du Hezbollah en Syrie, aux côtés de Bachar el-Assad. Qui ne veut pas voir ça, n’a qu’à foutre sa tête d’autruche dans le premier bac à sable qu’il trouve. Ceci étant, rien, absolument rien, ne justifie cet acte terroriste qui a fait plus de 25 morts. Ni cette intervention, aussi révoltante soit-elle, ni les attentats de Tripoli contre la communauté sunnite, aussi odieux soient-ils, ni l’incapacité de l’État libanais à interroger ne serait-ce qu’un vulgum pecus, aussi ridicule soit-elle (les Eid pour être précis, père et fils, leaders de la communauté alaouite libanaise), ni quoique ce soit d’autre. Les politiciens du 8 Mars ont parfaitement raison d’insister sur la nature terroriste de ces attentats. Mais, leur restriction égocentrique, est quelque peu suspecte. Ce camp devrait reconnaitre une bonne fois pour toutes -pour qu’on puisse nous retrouver sur des valeurs communes, et mettre enfin la première pierre pour bâtir un État de droit au Liban- que tuer des innocents demeura un acte terroriste de tout temps et en tout lieu, qu’importe le motif des crimes et la tendance politico-religieuse des cibles. Eliminer un chiite, un juif, un sunnite ou un chrétien, au Liban, en Syrie ou en Bulgarie, wlak même quelqu’un du 14 Mars, c’est pour dire, relève du terrorisme aussi.

2. Nous, on pleure à chaudes larmes les innocents qui sont tombés à Beyrouth. Comme nous avons versé des larmes de sang à la mort de nos compatriotes tombés à Tripoli il y a quelques semaines, après l’explosion de deux voitures piégées devant deux mosquées de la ville à l’heure de la prière. Comme nous avons également pleuré les 150 000 Libanais morts en temps de guerre, dont deux présidents de la République, Bachir Gemayel et René Mouawad, tous deux assassinés par la tyrannie des Assad, en 1982 et en 1989 (un certain 22 novembre!). Mais, il est quand même étrange de constater que le 8 Mars semble systématiquement zapper le fait que depuis ce funeste 14 février 2005, les glandes lacrymales de la moitié des Libanais, toujours les mêmes, sont mises à rude épreuve par les mêmes criminels. Elles n’arrivent plus à produire autant de larmes qu’il faudrait et qu’ils voudraient pour pleurer leurs martyrs en tant de paix. Comme par exemple, la liste n’étant pas exhaustive : Hachem Salman (un opposant chiite au Hezb, tué le 9 juin 2013 devant la même ambassade iranienne visée avant-hier, par des miliciens du Hezbollah et de l’ambassade d’Iran ; l’ironie de l’histoire, ou plutôt la vengeance divine, a voulu que trois de ces miliciens, qui ont réprimé à coup de bâtons la protestation chiite du 9 juin, trouvent la mort dans ce double attentat), Wissam el-Hassan (14 Mars / Futur, tué le 19 octobre 2012), les innocents du 7 mai 2008 (14 Mars / sunnites, tués lors de l’invasion de Beyrouth par la milice du Hezbollah), Wissam Eid (14 Mars / sunnite, tué le 25 janvier 2008), Antoine Ghanem (14 Mars / Kataeb, tué le 19 septembre 2007), Walid Eido (14 Mars / Futur, tué le 13 juin 2007), Pierre Gemayel (14 Mars / Kataeb, tué le 21 novembre 2006, comme aujourd’hui !), Gebrane Tuéni (14 Mars, tué le 12 décembre 2005), Georges Haoui (14 Mars, tué le 22 juin 2005) et Samir Kassir (14 Mars, tué le 3 juin 2005). C'est sans compter les frayeurs des tentatives d’assassinat de Samir Geagea (Forces libanaises), Boutros Harb, Elias el-Murr, Marwan Hamadé et May Chidiac, tous du 14 Mars.

Nous réclamons de pied ferme que les commanditaires et les exécutants de l’acte odieux d’avant-hier soient traduits devant la justice et jugés. Nous le demandons avec la même ardeur que nous l’avons fait pour tous les crimes terroristes citées précédemment. Et de ce fait, nous espérons des pôles du 8 Mars, sans illusion aucune, qu’ils agissent de la sorte quand il s’agit des assassinats de leurs adversaires politiques. Pour faire bref, et surtout pour être concrets, nous avons attendu et nous attendons encore du Hezbollah, la remise au Tribunal Spécial pour le Liban des cinq accusés dans l’assassinat de Rafic Hariri (tous membres du Hezbollah) pour que justice soit faite, loin du Liban et des arrangements à la libanaise, au moins dans ce crime, à défaut des autres. Nous attendons aussi le feu vert politique du 8 Mars afin que la justice libanaise puisse juger Michel Samaha, ancien ministre de ce camp, qui projetait à la demande du régime syrien, commettre une vingtaine d'attentats à caractère confessionnel au Liban. Nous espérons également que le camp du 8 Mars permettra aux enquêteurs libanais d'interroger les Eid, qui auraient facilité la fuite en Syrie des criminels impliqués dans les attentats de Tripoli.  

Aujourd’hui, on peut dire avec certitude que ni Hassan Nasrallah, le leader du 8 Mars, ne s’en est occupé, et pour cause ; ni ses alliés, Michel Aoun, Nabih Berri et Walid Joumblatt, ne s’en émeuvent de ce manquement ; ni le gouvernement de Najib Mikati ne s’en est soucié réellement. Allez, bassita, longue vie aux crocodiles !

3. Le modus operandi de ces attentats odieux contre l’ambassade de la République islamique d’Iran n’est pas sans nous renvoyer aux abominables attentats de Beyrouth dont nous venons de commémorer le 30e anniversaire. Rappelons, aux amnésiques par conviction ou par omission, qu’aujourd’hui il est parfaitement établi que les attaques criminelles du 23 octobre 1983 contre la Force multinationale mandatée par l’ONU à la demande du gouvernement libanais, étaient des attentats-suicide, comme ceux d’hier. Il faudrait donc que quelqu'un prévienne la miss de l'OLJ que les attentats-suicide d'al-Qaeda en Irak dans les années 2000, sont venus longtemps après ceux contre la Force multinationale ! Rappelons aussi, que les enquêtes américaines et françaises, sont parvenues aux conclusions que l’attentat contre le QG des marines américains, qui a fait 241 morts, des soldats tués lâchement dans leur sommeil, a été commis par un kamikaze iranien dont le corps a été identifié, Ismail Ascari, et que l’attentat contre le QG des parachutistes français, qui a fait 58 morts, fut organisé par le jeune Imad Moughnieh (qui a gravi par la suite, tous les échelons au sein du Hezbollah ; il a été tué à son tour au cours d’un attentat à Damas en 2008, une élimination attribuée au régime syrien en toute vraisemblance).

4. Certains supporteurs du 14 Mars ont pu se réjouir du fait que ce double attentat ait frappé le fief du Hezbollah. C’est bien regrettable. On ne danse pas sur la tombe de ces adversaires, surtout quand des vies innocentes ont été fauchées. En tout cas, ces quelques esprits égarés, ne valent pas plus que les nombreux partisans du 8 Mars qui ont fêté en grande pompe la chute de la ville Qousseir (Syrie) dans les rues de Da7iyé (Beyrouth) en offrant des douceurs orientales aux passants, que tous ceux qui ont tiré en l’air à la mort de Wissam el-Hassam ou qui ont distribué des baklawas à la mort de Gebrane Tuéni. Je dirais même plus. Cette attitude marginale est sans commune mesure avec les propos abjects du général Michel Aoun sur la « carbonisation » de l’ancien chef des renseignements libanais quelque temps avant son assassinat en plein cœur d’Achrafieh, et les propos infâmes de sayyed Hassan Nasrallah, qualifiant sans vergogne, les événements tragiques du 7 mai 2008, qui ont fait près de 80 morts, de « jours glorieux ».

5. Indépendamment de l'identité des auteurs, les attentats d’avant-hier prouvent que la guerre civile libanaise continue à faire des victimes, 38 ans après son déclenchement. Comme quoi, on sait toujours quand une guerre commence, mais pas quand elle se termine. Ce constat s’applique aussi à la Syrie, bien évidemment. Il faudra donc que tous les acteurs et spectateurs sur l’échiquier politico-militaire moyen-oriental l’intègrent dans leurs agendas, notamment côté libanais, dans le camp du 8 Mars (Hezbollah et son allié, le Courant patriotique libre), dans le camp du 14 Mars (Courant du Futur, Kataeb et Forces libanaises) et dans le camp des genres politiques indéterminés (Beik & Co), ainsi que du côté syrien, le régime et les rebelles.

6. L’attribution de ce double attentat à Israël et à l’Arabie saoudite, est encore un de ces nombreux éléphants roses qui encombrent l’espace aérien libanais et la boite crânienne 8-martienne, sur lequel il est inutile de perdre son temps. Allons à quelque chose de plus utile. Les auteurs de cet acte odieux sont terroristes, qu’importe si la population civile était visée ou pas par les criminels. Savoir que la cible principale des attentats était l’ambassade de la République islamique d’Iran, ne change rien au caractère terroriste de l’attentat. On n’attaque pas les représentations diplomatiques, pas plus qu’on attaque les populations civiles. C’est un principe qui ne se discute pas. Ceci dit, les terroristes de Beyrouth n’ont rien à envier à leurs collègues de Tripoli, à leurs anciens collègues de Da7iyé, à tout poseur de bombe et auteur d’attentat, qu’il soit à Beyrouth, Damas, Bagdad, Madrid, Londres, Paris ou New York. Si tout se passait en vase clos entre terroristes, on pourrait se dire : wlak fékharr yikassir ba3do, qu’ils aillent tous au diable ! Hélas, les terroristes, qu’ils soient libanais ou syriens, pour ces attentats ou pour les autres, qu’ils soient pro-régime ou anti-régime (de Bachar el-Assad), prennent les populations, libanaise et syrienne, comme boucliers humains et comme boites postales. Ils ne doivent avoir droit qu’au mépris et aux barreaux.

7. Deux attentats à Tripoli, région sunnite, trois à Da7iyé, région chiite. Il n’a pas fallu beaucoup pour certains afin de décréter une irakisation du conflit libanais, après la libanisation du conflit irakien. Il n’en sera rien et ceci pour diverses raisons :
- L’échelle du bilan humain. Une étude récente estime que 500 000 Irakiens sont morts entre 2003 et 2011, à cause de la violence et des conséquences indirectes du conflit irakien. Depuis le retrait des troupes américaines, il meurt jusqu’à 1 000 Irakiens par mois. Certains jours, on compte plus de 10 attentats à Bagdad. Aucun de ces trois chiffres n’est imaginable au Liban, malgré notre interminable tragédie.
- Le conflit en Irak est officiellement bipolaire. Il oppose une communauté sunnite puissante (33 % de la population) à une communauté chiite conquérante (67 %), soutenue par le géant chiite iranien. Le 3e acteur irakien, les kurdes (20 %, sunnites), étant indépendant. Le 4e acteur, les communautés chrétiens (3 %), sont minoritaires et contraintes à l’exil du fait des diverses persécutions dont elles ont été victimes par les extrémistes sunnites. Au Liban, la configuration est radicalement différente. Le conflit oppose en apparence les deux communautés musulmanes. Mais, sur le plan démographique, celles-ci sont de poids comparables. Rajoutez à cela, que le 3e acteur, les communautés chrétiennes, sont, quoiqu’on dise, toujours puissantes, sur le plan démographique et politique. Bilan des courses, le conflit libanais, est d’apparence bipolaire, mais en réalité il est tripolaire, comme l’a révélé le débat passionné sur la loi électorale. Et pour bien compliquer la donne, un point à double tranchant, les communautés chrétiennes sont parties prenantes du conflit, réparties entre les sunnites et les chiites.
- La cohabitation communautaire, la tradition démocratique et l’ouverture de la société restent tout de même bien plus grandes au Liban qu’en Irak, et limitent du coup, le risque d'un affrontement intermusulman à l'irakienne.
- Une plus grande efficacité des services de renseignements au Liban (de l'armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure) qu'en Irak.
- Pour une irakisation du conflit libanais, il faut impérativement une forte montée de l’extrémisme sunnite au Liban et son enracinement dans la communauté sunnite libanaise. Nous sommes à des années-lumière de cette configuration comme l’ont prouvé d’une part, les élections législatives de 2005 et de 2009 (gagnées par le courant du Futur, où les islamistes n’ont eu que des miettes), et d’autre part, le ridicule phénomène Assir, qui en dépit des provocations du Hezbollah chiite, est resté un phénomène marginale. En plus, al-Qaeda n’est pas du tout implanté au Liban, comme elle l’est en Irak, au plus grand regret des forces du 8 Mars et des sunnitophobes sans frontières. Hélas, au pays du Cèdre, on n’observe pour l'instant, qu’un seul extrémisme chiite épanoui et son enracinement en masse dans la communauté chiite libanaise. 
- Le Hezbollah, a certainement beaucoup de défauts, mais ce n’est pas une organisation suicidaire, même si la culture du martyre est omniprésente dans le discours des dirigeants. Croire le contraire est particulièrement naïf. Al-Qaeda, non seulement elle l’est, mais elle a de surcroit un fonctionnement archaïque par rapport au Hezbollah. De ce fait, il est certain que la milice chiite ne se lancera pas dans une guerre suicidaire à l’irakienne, par bombes interposées. Elle trouvera d’autres moyens de répliquer aux nouvelles menaces.

8. Les crimes d’aujourd’hui nous rappellent amèrement que lorsque les services de l’Etat dorment, les terroristes dansent. Concrètement, tant qu’on ne déploiera pas l’armée libanaise à la frontière avec la Syrie, rien n’empêchera les trafics d’armes, d’hommes, et même d’organes (une honte !), entre les deux pays, avec toutes les conséquences qui en découlent, comme les attentats de Beyrouth et de Tripoli. On peut affirmer aussi, tant que la nomination du chef des Forces de sécurité intérieure (FSI) n’a qu’un objectif, mettre à l’abri des regards les agissements illégaux et criminels du Hezbollah, les Libanais, avec la communauté chiite comprise, ne dormiront pas sur leurs deux oreilles. On peut dire également, tant que le ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui (ministre d’Aoun), ne fournira pas illico presto, sans tergiversation et sans état d’âme, les données des télécommunications aux services des renseignements des FSI, après chaque attentat, chaque assassinat et chaque tentative d’assassinat, les réseaux criminels prospéreront au pays du Cèdre. Et les formulations de ce genre se conjuguent à l’infini.

9. En cette 70e commémoration de notre indépendance, je ne me lancerai pas, ni dans de brefs statuts ironiques, ni dans une longue dissertation, sur les allégeances des politiciens libanais et sur l’indépendance factice de notre pays. Je voudrais tout simplement rappeler une vérité basique, concrète et terre à terre, qui me revient régulièrement à l’esprit : le pays qui ne contrôle pas ses frontières et privatise sa souveraineté -pour des raisons valides ou bidon, qu’importe, ma 7adann yéz3al!- sera toujours le théâtre de tragédies.

10. Qui a vraiment versé des larmes de sang, et non de crocodile, sur les morts du double attentat de Beyrouth, doit réclamer haut et fort deux choses : le contrôle immédiat de la frontière syro-libanaise et la distanciation du Liban de l'interminable conflit syrien. Pour l'instant, nous avons tout le contraire. Il est évident, que dans l'intérêt du peuple libanais tout entier, Hassan Nasrallah et Michel Aoun doivent renoncer à leur stratégie guerrière basée sur la libre circulation des hommes et des armes entre le Liban et la Syrie, ainsi que sur l'engagement de la milice chiite dans
« une guerre préventive contre tous les takfiristes » de Syrie et de toute la Voie lactée, aux côtés de Bachar el-Assad, avec un risque d'enlisement prévisible ! Sinon, « à la prochaine » s’impose d’elle-même, dans son double sens.

dimanche 10 novembre 2013

Hezbollah : l’assurance trompeuse d’un parti en délire et d’une milice sans avenir. Retour sur le discours de Mohammad Raad (Art.191)


Ne me demandez pas pourquoi, mais le bonhomme me donne souvent l’impression de souffrir de problèmes gastro-intestinaux. Je le vois bien alterner indigestion et constipation, au sens propre comme au sens figuré. Comme l’autre fois, il y a quelques jours, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah nous a offert une performance exceptionnelle qui tient de la haute voltige parano-schizophrénique. Selon l’analyse délirante de la situation au Moyen-Orient concoctée par Mohammad Raad, il existe un complot intergalactique contre la milice chiite. Voici donc quinze éléments pour mieux comprendre la nature de cette constipation, ah pardon, de cette conspiration et de ses enjeux.

1. L’ORATEUR : Mohammad Raad. Député de Nabatiyé since 1992, soit 24 ans et 5 mandats à terme. Étant donné l’âge de notre sudiste gaillard, mawalid el khamsaw khamsin, on s’achemine vers 48 ans de règne et 10 mandats... sauf si le complot réussit !

2. LE COMPLOT : « Poignarder la résistance (auto-désignation de la milice chiite) dans le dos. » Hajj Raad voulait avant tout mobiliser et souder ses troupes avec le mot d’ordre : « nous sommes trahis ». Pour le croire, et valider cette étape, il faut être de préférence de confession chiite. Cette adhésion massive n’est pas sans conséquence à long terme. La communauté chiite doit prendre conscience que son soutien inconditionnel au Hezbollah l’isole de plus en plus des autres communautés libanaises, des musulmans sunnites, des pays arabes et de la communauté internationale.

3. LE COMMANDITAIRE : Israël. « Notre ennemi est rancunier... Ils (les complices) voulaient exécuter une mission israélienne. » Ici, seule une bonne cuite avec un alcool fort (type arak, whisky, gin ou vodka) permettra de valider cette fabulation. Wa2illa, comment justifier que les hommes du régime syrien de Bachar el-Assad et de la milice libanaise de Hassan Nasrallah se battent avec plus d’acharnement à Damas, Qousseir et Alep que dans le Golan syrien (région annexée par Israël où il fait très bon de vivre pour un colon israélien) et les fermes libanaises de Chebaa (hameaux occupés par Israël où il est si bon de passer son service militaire pour un jeune israélien). Le député du Hezb a failli s’étouffer avec sa propre hypocrisie.

4. LES EXÉCUTANTS : « Les groupes takfiristes » en Syrie. « N’ayant pas pu nous vaincre en face-à-face (allusion à la guerre de juillet 2006), il (l’ennemi israélien) a voulu nous revenir par derrière les frontières de l’est, via la Syrie, en ayant recours aux groupes takfiristes ». A partir de ce stade le recours à Marie-Jeanne de la Bekaa est vivement recommandé. Mais le plus grotesque dans ces propos, ce n’est pas cette allégation sur les extrémistes sunnites qui seraient dirigés par l’État hébreux, mais cette fabulation sur la victoire de 2006. Bon, ce n’est pas pour énerver hajj Raad, souffrant déjà d'indigestion chronique, mais la réalité étant ce qu’elle est, il m'oblige à rappeler que depuis 2006, Hassan Nasrallah ne voit plus la lumière sereine d’Allah, sob7ano ta3ala, mais vit avec l’électricité capricieuse de ce Gebrane Bassil, alors que la sexy Tzipi Livni, ministre israélienne des Affaires étrangères en 2006, peut bronzer en bikini quand bon lui semble sur les plages de Tel-Aviv. C’est sans parler du fait que cette catastrophe déclenchée par le Hezbollah, nous a coûté près de 1 500 vies et l’équivalent de 50 % de notre PIB de l’époque (une dizaine de milliards de dollars), moins de 175 morts et 3 % du PIB du côté israélien. Wlak khlosna ya hajj, avec cette légende de la victoire divine de 2006.

5. LES COMPLICES : certains pays arabes et le camp libanais du 14 Mars. « Des forces arabes de la région (allusion à l’Arabie saoudite et le Qatar) et des forces politiques au Liban (allusion au camp du 14 Mars, notamment au courant du Futur) ». A partir de cette limite, il faut une overdose de Captagon pour le croire. Rappelons que ce médicament « made in Lebanon », est un produit stupéfiant fabriqué par les laboratoires Moussaoui Bros., les frères du député du Hezbollah, Hussein al-Moussaoui. Il est destiné aux marchés du Golfe, notamment à ce « maudit Royaume », ce qui permet de générer un cash-flow très appréciable à l'heure de l'enlisement en Syrie et des restrictions budgétaires de la maison mère, la République islamique d'Iran.

6. LES PRÉPARATIFS : « Ils ont commencé à se préparer d’une façon continue sur un an et huit mois... Trafic d’armes et d’hommes (entre le Nord du Liban et la Syrie) ; ouverture de camps d’entrainement dans le Nord (du Liban) et à Ersal dans la Bekaa ; formation des takfiristes ; affrètement de bateaux vers les ports du Nord avec la complicité de certains services officiels ; déchargement des armes des navires ; stockage des armes par les gangs dans le Nord ; transfert des armes vers la Syrie ; infiltration des bandes armées (de la Syrie vers le Liban) pour créer leur base d’attaque (contre le Hezbollah) ; transformation de la ville de Qousseir (Syrie) en un axe hostile ». Foutaises. Qui peut croire la moitié d’un quart de seconde que tout cela a pu exister réellement, au vu et au su des renseignements de l’armée libanaise, sans laisser beaucoup de traces ? Personne. Faudra rappeler au député du Hezb que la bande à Assir a été réduite en poussière en quelques heures, alors le déchargement des nombreux bateaux bourrés d’armes à Tripoli et tous ces camps d’entrainement à Ersal, font plutôt sourire. Ce qui est sûr et certain, c’est que le Hezbollah dispose du Liban comme bon lui semble (détention illégale d'armes légères et lourdes, stockage d'armes sur tout le territoire libanais, disposition d'un réseau illégal de communication, création de zones extraterritoriales interdites aux services de l’État libanais, contrôle de l'aéroport et du port de Beyrouth, etc.) et la frontière syro-libanaise est grande ouverte aux miliciens chiites. Wlak ya hajj, il ne faut jamais trop grossir la couleuvre, après les gens ne parviennent plus à l’avaler !

7. LE SUPERVISEUR : le général Achraf Rifi. « Nous avons vu comment leur ancien directeur (des complices) a révélé son vrai visage de chef d’une milice, et non de directeur général des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) ». Pas de doute, cet honnête citoyen est la bête noire du Hezbollah, comme l’a été son subordonné, le chef des renseignements des FSI, Wissam el-Hassan, assassiné il y a un peu plus d’un an. Ces deux patriotes irréprochables sur le plan national depuis qu’ils ont réussi à démanteler de nombreux réseaux d’espionnage au profit d’Israël (dont celui de Fayez Karam, un proche du général Michel Aoun, l’allié du Hezbollah), sont ceux qui ont permis à diverses enquêtes criminelles de progresser, mais hélas, pas dans le sens souhaité par la milice chiite : sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri (qui a conduit à l’accusation de cinq membres de la milice chiite), sur le projet terroriste de leur allié Michel Samaha (qui planifiait plusieurs attentats confessionnels au Liban à la demande du régime syrien), et sur les attentats perpétués cet été à Beyrouth et à Tripoli (qui conduisent vers leur allié syrien). Ce n’est pas par hasard que Hassan Nasrallah et Michel Aoun ont remué ciel et terre pour ne pas proroger le mandat d’Achraf Rifi à la tête des FSI.

8. LES EXPLOITS : « Tout ce qu’ils (les complices) ont préparé et réalisé sur 1 an et 8 mois (les préparatifs), la résistance l’a dynamité en 18 jours, renversant la table sur leurs têtes, modifiant l’équation en Syrie et dans la région. » Une victoire schizophrénique à rajouter au tableau mythologique du Hezbollah, juste après la délirante « victoire divine » de 2006. Le hajj a omis de préciser à son audience que le Hezb a déjà perdu plusieurs centaines de ses miliciens en Syrie, morts sans pouvoir changer la donne sur le fond, et que le régime syrien, qui est soutenu massivement par la Russie et l’Iran, ne parvient toujours pas, après 128 semaines de combats et malgré la supériorité militaire, à écraser une « rébellion d’obsédés sexuels par le nika7 », à croire les services syriens de propagande, qui de surcroit, n'est soutenue ouvertement par personne !

9. LA MOTIVATION : « Nous sommes intervenus en Syrie pour empêcher leur intervention, leur complicité et leur conspiration contre la résistance, sa population, ses hommes et ses réalisations afin de protéger le Liban de leurs actes et de leurs crimes. » Wlak ya hajj, kel chi mata ma zed, na2ass, même en fumant toute la récolte de marijuana de la Bekaa en une seule nuit, on ne pourra pas te croire ! La milice chiite libanaise n’est intervenue aux côtés du régime alaouite syrien, qu’à la demande de la République islamique chiite d’Iran, que pour protéger sa base logistique et pour maintenir l’axe Téhéran-Damas-Da7iyé, pleinement opérationnelle.

10. LES MENACES à l’encontre du 14 Mars : « Nous avons renversé la table sur leur tête. Et gare à vous de penser refaire la même chose. Nous nous sommes défendus et nous avons défendus notre Liban... Mais méfiez-vous, ne nous pousser pas à agir autre que par la défensive... Nous couperons la main de ceux qui ont voulu faire du Liban un lot de consolation pour certains de ce monde (allusion aux Etats-Unis, Arabie saoudite et Qatar). » Rien de nouveau dans la linguistique du Hezbollah. Il s’agit d’une arrogance fanatique, qui n’a rien à envier aux propos les plus takfiristes de Jabhat el-Nosra et d’al-Qaeda. Tout le monde se souvient des affiches menaçantes placardées en plein cœur de Beyrouth où le prétendu parti d’Allah menaçait de « couper la main et la tête, et d’arracher l’âme de tous ceux qui pensent au désarmement du Hezbollah » afin d’éviter le questionnement sur le désastre qu’il a déclenché le 12 juillet 2006. C’est sans parler aussi des menaces proférées à diverses reprises par Hassan Nasrallah himself de réitérer l’exploit funeste de son « jour glorieux » (invasion de Beyrouth et du Mont-Liban le 7 mai 2008) et de trancher les mains, à chaque fois que son organisation s’est retrouvée dans un sacré merdier. Aujourd’hui, le Hezb cherche par tous les moyens d’éviter le questionnement sur son intervention massive au-delà des frontières, à des centaines de kilomètres de la frontière libano-israélienne. Shalom à tous !

11. LE MESSAGE : « Le centrisme ne doit pas signifier du tout la neutralité... Il n’y a pas de centrisme qu’on appelle distanciation de soi. » On ne peut pas faire mieux pour conditionner le comportement du maillon faible de l’échiquier politique libanais, Walid Joumblatt, et intimider le chef de l’État, Michel Sleiman, qui a osé à plusieurs reprises remettre le Hezbollah à sa place, la veille de l’élection présidentielle.

12. LES DIVAGATIONS : « Nous sommes ceux qui comprennent et incarnent le sens de la souveraineté, et non ceux qui commercent avec la souveraineté et qui brandissent ses slogans uniquement sur les places publiques ». Wlak ya hajj ya 3aïné, yallé beito min 2ezéz ma béréchi2 el ness bel 7jar ! Le député de Nabatiyé a oublié sans doute que le slogan de rassemblement du Hezbollah le 8 mars 2005 à Beyrouth, était « Merci la Syrie des Assad ». De quelle souveraineté il parle, alors que sa milice ne cache pas sa fierté de son allégeance à Wali el-Fakih, le guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei. Quelle mascarade.

13. L’EXPLOITATION. Ce discours abject n’aurait jamais pu avoir lieu si le 14 Mars, principal camp d’opposition à l’hégémonie du Hezbollah sur le Liban, avait su s’opposer efficacement à la plus grave menace pour la structure et l’identité libanaises : en affichant plus de fermeté avec le Hezbollah (un honteux « 7 mai » ne se termine pas par un honorable accord de Doha !), ainsi qu’avec Walid Joumblatt (l’incarnation de l’opportunisme politique), en ne misant pas sur la « chute imminente » de Bachar el-Assad (annoncée tous les vendredis depuis 128 semaines) et en présentant à la population libanaise un programme politique ambitieux avec des engagements concrets, précis et clairs.

14. L’ANGOISSE. En dépit de cette assurance affichée devant quelques villageois, hajj Raad sent que le vent locorégional n’est plus aussi favorable. Les sujets d’inquiétude pour le Hezbollah sont nombreux. Les dérapages sécuritaires impliquant directement la milice du Hezbollah et ses alliés (les combats contre les miliciens d’Assir aux côtés de l’armée libanaise ; les barrages miliciens à Beyrouth et dans la Bekaa ; les projets d’attentats de Michel Samaha à la demande du régime syrien ; les attentats de Beyrouth et de Tripoli qui mènent vers le régime syrien et la complicité de chefs alaouites libanais) ; l’enlisement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne ; la grogne dans la communauté chiite libanaise (due à l’implication du parti chiite en Syrie, à l’intimidation des opposants chiites comme Rami Ollaik, au meurtre d’opposants chiites comme Hachem Salman, à la persécution d’opposants chiite comme Ahmad el-Assaad et sayyed Ali el-Amine) ; le classement du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes par l’Europe ; l’écrasement de ses alliés Assad-Poutine devant l’armada américaine (pour éviter l’humiliation des frappes) ; l’obligation du régime syrien et de son protecteur russe d’accepter de détruire l’arsenal chimique syrien, sans aucune condition ; l’asphyxie économique de l’Iran, son protecteur ; le possible accord international sur le dossier nucléaire iranien ; l’imminence de l’ouverture du procès des cinq membres du Hezbollah (chiites) accusés de l’assassinat de Rafic Hariri (sunnite).

15. LA CERTITUDE. De tous ces sujets d’inquiétude, le point qui effraye le plus la puissante milice chiite, c’est incontestablement le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL). C’est le seul paramètre que le Hezbollah ne contrôle pas, et ceci grâce au génie du 14 Mars, spécialement de Fouad Siniora, qui a placé ce dossier loin des magouilles orientales et des arrangements à la libanaise, entre les mains du Conseil de sécurité de l’ONU.

Le Hezbollah a échoué à discréditer la plus haute juridiction internationale. Il sait que le distinguo entre les accusés et le Hezb est une omission politique volontaire et temporaire. Il sait aussi que les accusations contre lui sont en béton. Il sait intimement que sa condamnation judiciaire est inévitable. Il sait également qu’il y aura un avant et un après la condamnation du Hezb par le TSL.

Voilà pourquoi Hassan Nasrallah veut désespérément entrer dans le gouvernement de Tammam Salam, qui sous sa gouvernance aura probablement lieu le procès historique de l'odieux crime du 14 février 2005. Voilà aussi pourquoi Michel Aoun fait les yeux doux à Saad Hariri, mettant au placard son Pacs contre nature avec Hassan Nasrallah. Sauve qui peut à l’heure où son ennemi juré, Samir Geagea, risque de lui voler le rêve de sa vie, et à l’heure où Dory Chamoun, Amine Gemayel, Carlos Eddé et Sleiman Frangié ont tous plus de chances que lui, de briguer la présidence de la République libanaise. Voilà également pourquoi Mohammad Raad voudrait en pleines échéances gouvernementales, législatives et présidentielles, empêcher Walid Joumblatt de faire une énième volte-face, vers le 14 Mars cette fois-ci, et cherche à intimider le général Michel Sleiman, dont les prises de positions patriotiques depuis un certain temps inquiètent particulièrement les instances du Hezb et qui pourrait voir son mandat prorogé. Nabih Berri ne veut surtout pas rater une occasion en or pour jouer au messie politique, et battre son propre record à la tête du Parlement (since 1992 too), et Najib Mikati souhaite effacer de la mémoire collective libanaise qu’il fut pendant un laps de temps, Judas l’Iscariote, à la solde des assassins de l’ex-Premier ministre du Liban, le plus grand leader de la communauté sunnite libanaise. Tous les protagonistes de l’échiquier politique libanais sont conscients que toute erreur aujourd’hui, sera payée double demain.

Le TSL a fixé provisoirement la date d’ouverture du procès des assassins de Rafic Hariri au 13 janvier 2014. Ghamdo 3ein, fatt7o 3ein, on y sera et ça fera mal. Les problèmes gastro-intestinaux de hajj Mohammad Raad ne feront que s'aggraver. Le Hezbollah ne s’en remettra pas d'une telle condamnation de sitôt, à condition que le 14 Mars ne fasse pas de faux pas, encore. Il y a un risque important de récidive. Il faut dire que le
« syndrome de Doha » est pernicieux. Achtung baby !