vendredi 23 août 2013

Attentats de Tripoli : pas de doute, nous avons vraiment un gouvernement démissionnaire ! (Art.174)


Vendredi, jour de prière et de terrorisme à Tripoli. Bilan : 42 morts et 500 blessés. Et puisque nous sommes entrés dans une phase dépressionnaire, allons encore plus loin dans l'horreur. On dit qu’il n’y a jamais deux sans trois. Après les « attentats-chiites », les « attentats-sunnites », la logique des suites suppose qu’on s’achemine vers la « moussélacé ». Le prochain attentat, ou celui d’après, enfin tôt ou tard, un attentat viserait une région chrétienne, afin que la boucle soit bouclée. Ce jour-là, tout sera alors mis en place « métél ma beddo Bachar », selon les dernières volontés de Bachar el-Assad, transmises aux livreurs libanais de colis piégés syriens, Michel Samaha et consorts. Cet attentat odieux et la sombre perspective qui se dessine pour notre pays, ne peut susciter que la colère.

Savoir qui a commis le double attentat de Tripoli devant deux mosquées de la ville, n’a plus beaucoup d’importance de nos jours. Idem pour les attentats qui ont eu lieu dans la banlieue Sud de Beyrouth. Comme pour les prochains. Même s’il y a beaucoup de suspects au pays du Cèdre, ils sont facilement identifiables, si on tient compte des objectifs de ces attentats. Avec les attentats de la banlieue sud de Beyrouth les terroristes voulaient punir la milice chiite dans son fief pour son implication dans les combats en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Les auteurs seraient donc, soit des djihadistes syriens, soit des salafistes libanais. Il a conduit à l’autonomie de fait de la cité-Etat de Da7iyé. Le Hezbollah se permet aujourd’hui de monter des barrages de contrôle de la population civile au cœur de la capitale de l’État libanais à la place de l’armée libanaise, se permettant même d’arrêter des voitures des Forces de sécurité intérieure, pour des vérifications de routine. Les attentats de Tripoli visaient aussi clairement la population civile. Ils avaient pour but, soit de punir la communauté sunnite pour son soutien aux rebelles syriens, soit de déclencher une contre-réaction communautaire sunnite plus offensive à l'égard du Hezb. De ce fait, les auteurs pourraient être des extrémistes alaouites libanais, des djihadistes syriens ou des salafistes libanais. La menace qui pèse sur la ville, pourrait pousser certains à imposer la privatisation de la sécurité de la ville. Et comme je l’ai dit, pour boucler la boucle, un attentat-chrétien pourrait conduire lui aussi à une réaction communautaire de repli. La suite est facilement imaginable : des réactions communautaires instinctives en chaîne, le prélude à l’embrasement général du Liban. Nous assisterons alors à l’exécution du projet de Bachar el-Assad et de Michel Samaha, avec un an de retard. Personne n’a oublié la fameuse réplique de l'ancien ministre du 8 Mars aux enquêteurs libanais, « heik baddo bachar » (c’est ce que souhaite Bachar), après son interpellation avec des explosifs ramenés de Syrie, destinés à semer la discorde communautaire au Liban. Ceux-ci sont des armes de diversion que Bachar el-Assad réserve aux jours difficiles, et qui pourraient dissuader les pays occidentaux d’agir en Syrie. Toute la question étant de savoir, est-ce que le tyran de Damas vit des jours difficiles ? Je ne crois pas. Enfin, pas encore, hélas.

Et maintenant, on va où ? Contrairement à l’adage libanais à la con, badda tekbar ta tézghar, la descente aux enfers du Liban continuera pour un moment. Non, nous n'avons pas atteint le fond. Des attentats odieux comme celui d’aujourd’hui, il y en a eu des centaines au Liban depuis le funeste 13 avril 1975. Est-ce pour autant qu’on a pu éviter celui de Roueiss et de Tripoli, 38 ans après ? Non. Compter sur la maturité des politiques libanais, est possible, à condition de croire à un autre adage libanais, qui l’annule de surcroit : ntor ya kdich ta yénbout el 7achich.

En attendant, Najib Mikati constate que « la main criminelle a pris pour cible Tripoli une nouvelle fois, mais les Tripolitains sont plus forts que le complot ». Décisions concrètes pour éviter que ça ne recommence à Tripoli comme ailleurs ? Que dalle. Pour ceux qui l’ont déjà oublié, Najib Mikati est Premier ministre du Liban. Wlak ma khalas, quand un Premier ministre, la plus haute autorité exécutive de notre pays, originaire de Tripoli en plus, fait de la littérature politique à un moment aussi grave, comment peut-on s’étonner après que notre pays part à la dérive ! On se retrouve avec un gouvernement démissionnaire, un Premier ministre désigné impuissant, un Parlement en sursis, un commandant d’armée temporaire, un chef des Forces de sécurité intérieure mis à la retraite d’office, un Conseil constitutionnel paralysé et une présidence de la République en voie vers une vacance prévisible dans quelques mois. Sans l'ombre d'un doute, le Liban ressemble de plus en plus à un navire sans gouvernail, piraté de surcroit par le Hezbollah. Il n’est donc pas étonnant de le voir voguer au gré du vent loco-régional et des vengeances de l’équipage.

L’accusation du Hezbollah d’être derrière l’attentat de la banlieue sud de Beyrouth est grotesque. Son accusation d’être derrière l’attentat de Tripoli est fantaisiste. Par contre, nul ne peut ignorer aujourd’hui, que si les Libanais sont entrés dans une spirale infernale, c’est bel et bien à cause de la décision de la milice chiite d’aller combattre officiellement et massivement en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Qui ne veut pas voir ça, n’a qu’à foutre sa tête dans le sable, en attendant le prochain attentat.

Par ailleurs, la double explosion d’aujourd’hui n’est pas sans nous rappeler, le cas Michel Samaha. Bien que tous les éléments de l’affaire soient connus et sans ambiguïté, l'ami personnel du président syrien, coule des jours heureux en prison au Liban. Il ne s’est pas beaucoup inquiété depuis son arrestation le 9 août 2012, malgré la gravité des faits qui lui sont reprochés.

La crise syrienne ne touche pas à sa fin. Loin de là. Blâmer Barack Obama et Ban Ki-moon pour ça, est un déni de la réalité, qui s'apparente plus à une fuite en avant qu'à une analyse sérieuse de la situation. De toute façon, cela ne changera rien au cours des événements et ne dispensera pas les dirigeants libanais d’assumer leurs responsabilités. Nous sommes à un tournant historique. Nous avons le choix de conduire le Liban soit vers les cités-États, soit vers un État libanais digne de ce nom. Il faut fixer son cap. La situation n’autorise plus ni les interminables attentes depuis deux ans et demi, ni les conditions capricieuses de certains, ni les improbables miracles des superpuissances. Loin de demander la lune, qui croit encore à l’État libanais, doit exiger et œuvrer immédiatement pour :

1. Le jugement de Michel Samaha, l’incarnation personnifiée de la discorde nationale, de la permissivité de l’État libanais et de l’impunité.
2. La distanciation effective du conflit syrien par toutes les communautés libanaises. Nous n’avons pas à y intervenir.
3. Le déploiement de l’armée libanaise le long de nos frontières terrestres et maritimes, avec ou sans l’aide de l’ONU, et le contrôle absolu des frontières.
4. Le réveil de Tammam Salam de sa torpeur, et la mise en place d’un gouvernement de technocrates, qui doit se mettre à l’œuvre le plus vite possible.
5. La reconduite d'Achraf Rifi à la tête des Forces de sécurité intérieure (FSI), un homme qui a fait ses preuves, ou la nomination d'un homme à la hauteur de la tâche et des risques.
6. La remise des données de télécoms, par le ministre des Télécommunications, à la demande des Services de renseignement des FSI, che3bet el ma3loumett, à chaque attentat terroriste, dans le cadre de la loi évidemment, mais sans tergiversations politiciennes non plus.
7. L’organisation des élections législatives le plus rapidement possible, et la reprise de la vie démocratique dans notre pays, indépendamment du conflit syrien, car il est grand temps de comprendre que ce dernier est encore long. Wlak, depuis l’autoprorogation du Parlement, il y a plusieurs mois, personne ne les a même évoquées ! C'est une honte.

L’heure n’est plus aux palabres et aux atermoiements. Près de 70 morts et plus de 800 blessés, en moins de 10 jours. Jamais l'horizon n'a été aussi sombre. Tous les dirigeants libanais, cela va du président de la République aux dirigeants des partis politiques, ne peuvent plus se contenter de déclarations évasives. L’heure est à la prise de décisions concrètes, qui prouve que nous sommes en train de bâtir un État, non des cités-États, seul à même d'éviter d'autres attentats meurtriers et de protéger la population libanaise du terrorisme. Pour l’instant le gouvernement Mikati, chargé d’expédier les affaires courantes et non moins urgentes, est vraiment démissionnaire et les dirigeants libanais crèvent l'écran d'indignation ! It's not enough, it's not enough.

lundi 12 août 2013

Le kidnapping des pilotes turcs à Beyrouth et Miss Anonymous Source ! (Art.171)


Décidément, elle a vraiment la tête ailleurs ! La dernière fois, c’était le 12 juin. Alors que le Hezbollah venait de mater à coups de matraque, une manifestation pacifiste de Libanais chiites devant l’ambassade iranienne, ce qui a entrainé la mort de Hashem Salman, l’activiste de l’Option libanaise d’Ahmad el-Assaad, la Miss avait choisi de nous bercer, la lettre c peut être remplacée par la lettre n, au choix, avec la mythologie de la loyauté et de l’humanisme de la milice-star de la bataille de Qusayr. Délirium !

Aujourd’hui, la Miss récidive, et fait encore un choix indécent et suspect. Le pays est carrément en état de choc après l’enlèvement de deux pilotes turcs à la sortie de l’aéroport de Beyrouth le 9 août 2013. Dans un état de choc, au moins pour une moitié, car cet acte terroriste renvoie les 4,2 millions de Libanais au cauchemar des enlèvements des ressortissants étrangers par le Hezbollah dans les années 80, quand la milice chiite faisait du kidnapping, une stratégie de « résistance », que les amnésiques alliés aounistes zappent allégrement. Cet acte terroriste rappelle amèrement aux 4,2 millions de Libanais, la précarité de la sécurité dans laquelle ils vivent au pays du Cèdre. Pire, il les démoralise, démolit leur espérance, et leur prouve que l’Etat libanais est bel et bien en faillite, incapable d'imposer sa souveraineté sur un bout d'autoroute à Beyrouth. On se demande comment peut-on être responsable politique dans cet Etat nommé Liban, sachant que des citoyens comme Joseph Sader, se volatilisent même en 2009, à deux pas de l’aéroport, sans que l’on ait, quatre ans après, la moindre idée de ce qui s’est passé ! Un Etat malade dans un stade de dégénérescence avancée, dont la souveraineté est rongée par les milices et les bandes armées, ainsi que par la racaille organisée, du Hezbollah aux ailes militaires des familles Maqdad & Co.

Bass, betlawwilé albé hal mara ! Enno, mettons-nous à sa place, ce n’est facile. Malgré le fait que le parti est indéfendable et le religieux est infréquentable, le pacs de Michel Aoun avec Hassan Nasrallah tient toujours, et la Miss de l’Orient-Le Jour essaye encore et toujours, avec beaucoup de volonté, et de mauvaise foi surtout, de redorer le blason du Hezbollah et de son chef. Dans l’article de ce jour, « Un mot d’ordre au sein du Hezb : ne pas répondre aux provocations », elle nous sert comme à l’accoutumée ses habituelles « sources anonymes » wa mouchta2étoun. « Selon ses rares visiteurs (de Hassan Nasrallah)... Toujours selon ses visiteurs ». Chaque auteur a une signature ! Notez que dans cet article, la Miss n’a eu recours à cette ruse que deux fois seulement ! Comparée à la dernière fois où je l’ai lu (10 juillet), la journaliste avait utilisé à dix reprises ses « sources », ayons donc le courage de reconnaitre qu’il y a un certain progrès.

Toujours est-il, alors que les Libanais sont en état de choc après le kidnapping des deux ressortissants turcs, Miss Anonymous Source est préoccupée par l’image de marque du Hezbollah, gravement ternie par l’intervention armée de la milice chiite aux côtés de l’armée alaouite de Bachar el-Assad. Deux extraits marquants (réarrangés):
 
- « En Syrie, et en particulier à Qousseir, il (le Hezbollah) s’est transformé en attaquant, montrant de nouvelles capacités militaires qui inquiètent les Israéliens... Israël aurait ainsi modifié tous ses plans de défense. » Eh na3am ! Et pourquoi la Miss ? Car il parait que les Israéliens ont déduit que « le Hezbollah aurait des plans pour tenter de faire une incursion dans cette portion de territoire (Galilée) en cas de nouvelle confrontation. » Yé3né bel mchabra7, bel nésbé la scarlett, 3am béchékho batata el israéliyé ! Désolé la Miss, tu es prise en flagrant délire ! Tu aurais dû te contenter de repasser en boucle le discours du Président de la République, Michel Sleiman, haut commandant des forces armées du Liban : « Il est temps que l’État avec son armée et son haut commandement politique, soit le régulateur principal et le décideur de l’utilisation de cette capacité (de résister et de défendre le Liban exclusivement) ». 

- « À ceux qui critiquent cette intervention (en Syrie), le Hezbollah demande ce qui se serait passé si elle n’avait pas eu lieu : les groupes de l’opposition syrienne auraient continué à bombarder régulièrement le Hermel et ses environs, puis Baalbeck et ses environs... pour faire le lien entre Ersal et le nord du Liban assurant ainsi une large zone tampon à l’opposition syrienne, ensuite pour pousser la population chiite à se rebeller et à se lancer dans une riposte contre les opposants sunnites, plongeant ainsi le pays non seulement dans le prolongement de la guerre syrienne, mais aussi dans la discorde confessionnelle. » Tu es encore prise en flagrant délire la Miss. Que tu le veuilles ou non, le fond du problème réside dans l’implication injustifiée du Hezbollah dans la guerre civile syrienne, peu de temps après le déclenchement de la révolution syrienne en mars 2011! Le discours du Hezbollah et ses défenseurs est passé par trois phases. Dans un premier temps il fallait « mentir » aux Libanais : le Hezbollah n’intervient pas en Syrie. Dans un second temps, il fallait « duper » les Libanais : des chiites interviennent librement en Syrie mais pas le Hezbollah. Et dans un troisième temps, il fallait « assumer » devant les Libanais : le Hezbollah intervient en Syrie. La suite était toute tracée : justifier cette implication consternante aux côtés du dernier tyran des Assad. C’est à quoi s’est employée Scarlett Haddad, point final.

Le reste, n’est que de la littérature politique. Enfin, bientôt la Miss pourrait écrire un article sans s’inventer des sources et des visiteurs imaginaires, pour dire tout haut ce qu’elle pense tout bas. Enno bassita, ce n’est pas une honte d’être pro-Hezbollah, fi 7oriyét bel balad. En fin de journée, l’article n’a récolté que trois likes. Même les gens acquis à sa cause, n’y croit pas.

Revenons au kidnapping odieux des ressortissants turcs que Scarlett Haddad aurait préféré reléguer sans doute aux faits divers. Quatre remarques. 

1. Il n’y aurait pas eu de « pèlerins » chiites kidnappés, si le Hezbollah ne s’était pas mouillé dans la guerre civile syrienne. Donc la faute dans ce dossier revient principalement au Hezbollah.

2. Le kidnapping des deux civils turcs est un acte terroriste, qui doit être reconnu en tant que tel par le gouvernement démissionnaire de Najib Mikati et par le Premier ministre désigné, Tammam Salam. Le but de cet acte est de faire pression sur le gouvernement turc. Pas pour qu’il s’active dans la libération des otages, non. Croire que les Turcs ont une quelconque influence dans ce dossier relève de la pure naïveté. Le kidnapping, et toute la campagne anti-turque menée depuis plus d’un an, vise à pousser le gouvernement turc à limiter le champ d’action des rebelles syriens sur son sol. Tout cela, laisse penser que les auteurs du kidnapping ne font pas partie des familles des pèlerins, comme on veut faire croire, mais carrément du Hezbollah. En tout cas, le Hezbollah est le chef d’orchestre de cette opération. 

3. L’identité des auteurs du kidnapping est secondaire. Eh oui ! Je m’explique. Le kidnapping a eu lieu dans une zone contrôlé à 100% par le Hezbollah. Alors de deux choses l’une :
- soit c’est le Hezbollah qui l’a fait, ou l’a commandité, voire en a été informé, et se réfugie naïvement derrière les familles des pèlerins, ce qui est très grave;
- soit ce n’est pas le Hezbollah, ce qui serait tout aussi inquiétant, et fait poser des questions sur les capacités de cette milice à affronter Israël alors qu’elle n’est pas fichue de contrôler un « fief » de quelques kilomètres carrés!


4. Les forces politiques libanaises doivent mettre en demeure le gouvernement Mikati. Réclamer l’ouverture des aéroports de Hamat ou de Qle3at, à l’aviation civile, relève du fantasme. Outre les problèmes techniques et financiers, il est grotesque de vouloir tout délocaliser à chaque fois qu’il y a un problème quelque part dans une région libanaise ! A commencer par le festival de Baalbek qui se tient à Jdeidé comme si de rien n’était. Une mascarade. Mais quoi encore, on n’a plus qu’à demander la partition du Liban et qu’on en finisse alors ! Et puisqu'on y est, demandons dans la foulée la délocalisation des 4,2 millions de Libanais sur les îles grecques, en attendant de jours meilleurs. On fait fausse route. Nous devons réclamer la sécurisation complète de la route principale de l’Aéroport international de Rafic Hariri à Beyrouth par le déploiement de l’armée libanaise entre le centre-ville et l’aéroport, à supposer que la sécurité dans Beyrouth intramuros est garantie, mais aussi autour de l’aéroport et à l'intérieur de l'aéroport. Cela nécessitera peut être, l’installation d’un barrage par kilomètre, tous les cent mètres si nécessaire, et la mise en garde urbi et orbi, à tous acteurs de la scène loco-régionale, que toute intrusion sur cet « axe rouge », quelque soit sa forme et sa motivation, sera sévèrement réprimée, wou no2ta 3al sater. Wlak chou 3am nél3ab ghammida !

samedi 3 août 2013

Quelle sale journée pour le Hezbollah, ce 2 août 2013 ! Du discours de Michel Sleiman à l’ordonnance du Tribunal Spécial pour le Liban (Art.167)


Il y a des jours qui commencent mal, se terminent mal, et se passent tout aussi mal, du début à la fin. Le 2 août 2013 en fait partie. Mal m’a pris de ne pas être précis, c’est bien du Hezbollah dont il s’agira dans ce récit.

Nous sommes à l’aube du 2 août. Ibrahim el-Amine boucle son article. Il n'est pas content du discours prononcé la veille par le président de la République, Michel Sleiman. Tout comme le Hezbollah. Mais alors pas du tout. Il le fait savoir avec l'insolence et l'agressivité habituelles. Le journaliste d'Al-Akhbar se demande dans l’édition de ce jour maudit : « Mais qui pense pour lui (Michel Sleiman) et à sa place? » Lol, il y a des mots très révélateurs d’un certain état d’esprit, n'est-ce pas? El m3attar, il croit que tous les journalistes de la Planète Bleue sortent de l'Ecole des Assad, attendant dans leur rédaction les orientations du raïss el qa2ed el battal el mouméni3, arnab el joulénn, ghadanfar lebnénn ! Après 23 questions du même genre, yé3né bel bchabra7 2art 7aké 3al iyéré, Ibrahim el-Amine trouve que nous avons écouté hier « la nouvelle lubie du président Sleiman ». 2élét ana het ta nchouf ya fad7al zaménak, chou hiyé bed3it sleïman el jdidé. Ya chabeb wou ya sabaya, la nouvelle lubie de votre président là-voici: 

« La mission de l'armée sera plus difficile, si un ou plusieurs groupes de Libanais s'impliquent dans des conflits en dehors des frontières. Ceci conduit à importer les crises externes à l'intérieur du pays... La mission de l'armée sera plus difficile, voire impossible, avec la persistance de la dualité entre les armes légales et illégales... Il est devenu impératif d'adopter une stratégie nationale de défense, à la lumière des développements régionaux, et du changement d'affectation des armes de la Résistance qui ont franchi les frontières libanaises. »

Avouez qu'il n'y a rien d'extravagant et rien de bien méchant. On ne peut pas dire que Michel Sleiman est un faucon du 14 Mars ! Oui mais, le président de la République ose « penser », et ça ne plait pas au camp du 8 Mars. « Ce que le président a dit signifie qu'il a décidé, sans que l'on sache pourquoi, que la Résistance est devenue dangereuse pour le pays et la sécurité des personnes. Le président a décidé que la Résistance a franchi ses limites, et les frontières du Liban. » Il ne sait pas pourquoi et doute que le Hezbollah ait franchi les limites, ainsi que les frontières ? Encore un amnésique à qui il faut rappeler que quatre membres du Hezbollah sont recherchés pour l’assassinat de Rafic Hariri et 4 000 miliciens du Hezbollah ne font pas que du shopping dans les souks de Damas ! Le pauvre Ibrahim a si peu à dire, et c’est peu dire, qu'après ces deux constats aussi brefs que nases, il passe directement à la conclusion. Wlak chi développement, chi fekra, chi 7kéyé heik 3al méché ! Ma beddo, déghré 3al conclusion. Zi7o min el tari2 3mélo ma3rouf : « Il n'est plus important de discuter avec le président de ce qu'il dit. Il n'est plus utile de discuter avec lui de quoique ce soit... La seule logique, ou l'unique langage, ou la courte phrase qui sert à quelque chose avec lui aujourd'hui et demain: il est temps de quitter ton poste. Dégage ! » Si, si, mes services ont vérifié, Ibrahim el-Amine est Libanais depuis plus de 10 ans. Une dernière chose, jetez un coup d’œil sur la pub en bas de la première page d’Al-Akhbar du 2 août :
« Il faut déraciner le germe de la corruption 'Israël' ». Macha2’Allah, tout un programme réjouissant !

Même ambiance du côté de Jean Aziz, qui se dépêche à son tour de boucler la boucle. Ce partisan aouniste -transfuge des Forces libanaises, qui est allé jusqu’à idolâtrer El-Hakim ; si, si, c’est lui, qui a béatifié Samir Geagea de son vivant !- se trouve condamner lui aussi, comme Michel Aoun himself, à défendre l'indéfendable, une organisation considérée comme terroriste par l'ensemble des pays arabes et occidentaux. Le collègue d'Al-Amine, considère que le discours du président de la République, est « une déclaration de guerre d'élimination contre la Résistance, et non contre le Hezbollah uniquement ». Il fait le malin Jean. Lui aussi croit que Michel Sleiman, ne peut pas penser de lui-même: « Celui qui a écrit le discours a pensé, blablabla. » Il ne faut pas oublier quand même, l'Ecole des Assad kharrajit wou assarit 3al 3adid minna el taba2a el siyésiyé woul é3lémiyé, since 1970 ! Aziz est un peu plus prolixe sur la question. Il prend le temps d’argumenter. Il aurait aimé entendre le discours de Michel Sleiman le 7 août 2001, allusion à la répression musclée des opposants libanais, notamment du Courant patriotique libre, par le régime sécuritaire syro-libanais. Il aurait dû préciser à ses fidèles lecteurs du 8 Mars, que c'était l’époque Emile Lahoud, Jamil el-Sayyed, Ghazi Kenaan et Bachar el-Assad, les alliés du Général aujourd’hui. Wlak ya Jean, énno chou, c'est une raison logique d'être aujourd'hui dans les bras du régime des Assad et allié avec ses comparses libanais ? Et pour conclure, Jean Aziz fait un jeu de mots et de langue, en arabe, qui vaut le détour certes, mais n'est pas moins à la mords-moi-le nœud, pour dire que le « temps » du président a expiré. C’est moins cru que « dégage ! », mais tout aussi limpide : hala2tni, n’y pense même pas à la prorogation de ton mandat dans la République des prorogations, dirait le Général ! Eh oui, on s’est passés le mot dans le camp du 8 Mars : désormais, Michel Sleiman est persona non grata.

Il faut dire que les deux journalistes d’Al-Akhbar et d’OTV, avaient de quoi être en rogne. El-Amine et Aziz ont zappé les parties les plus dérangeantes du discours présidentiel. Tayeb, enno mettez-vous à leur place ! Imaginons vous étiez dans votre canapé à siroter votre bière en mangeant des chips et tout d’un coup « l’épouvantail » de votre écran plat et de la République -enfin, c'est ce que vous croyiez- vous balance dans les oreilles :

« Il est temps que l’État avec son armée et son haut commandement politique, soit le régulateur principal et le décideur de l’utilisation de cette capacité (de résister et de défendre le Liban exclusivement)... L’armée sera donc mieux disposée et mieux équipée, ce qui lui permettra d'être chargée à elle seule de défendre le Liban, sa souveraineté, ses frontières (...) et de finaliser l’application de toutes les clauses de la résolution 1701 (qui prévoit le désarmement de toutes les milices et groupes armés libanais, Hezbollah compris). Je dis à voix haute que le vrai martyre est seulement pour la patrie, pour défendre son unité, son territoire et sa dignité. Ce que le peuple libanais veut, c’est se sacrifier pour le Liban. Ce que le peuple libanais ne veut pas, c’est que le sang de ses enfants irrigue un sol autre que le sol sacré de sa patrie. »

Waouh,
un discours digne d'un grand président de la République ! Notez bien le choix des termes, « son armée », représentée par le commandant et l’état-major de l’armée libanaise, que la milice du Hezbollah ne s'est même pas donnée la peine de consulter avant d'envoyer le drone Ayoub (oct. 2012), ni de leur transmettre les clichés d’espionnage qui ont été remis uniquement à l'Iran, et surtout « son haut commandement politique », c’est-à-dire, le Conseil des ministres, conformément à l’accord de Taëf, ainsi que le président de la République, haut commandant des forces armées et le ministre de la Défense ! Yé3né, tout pour déplaire à la milice chiite du Hezbollah.

Quelques heures après
cette puissance de feu dont a fait preuve le général Michel Sleiman, vers minuit, deux roquettes tombent sur la région de Baabda, une zone militaire sous contrôle de l'armée libanaise, qui comprend le palais présidentiel, le ministère de la Défense, le commandement de l'armée libanaise, l'état-major de l'armée et de nombreuses casernes. Les roquettes ont été tirées de Dhour Aramoun, où est basé le Front populaire de libération de la Palestine d'Ahmad Jibril (Commandement Général), une milice palestinienne opérant au Liban, fidèle au régime de Bachar el-Assad. C'est le 3e incident en moins de 3 mois, dans la région de Beyrouth. Et quand je pense, que les organisateurs du Festival International de Baalbeck ont délocalisé cet événement culturel et traditionnel de la ville du soleil, Baalbek, pour le foutre dans les ruelles de Beyrouth, vers Séd el-Bouchriyé à Jdeidé, pour des raisons de sécurité, on a envie d'en rire. En tout cas, ces roquettes nous rappellent pour la énième fois, que le pays qui ne contrôle pas ses frontières, privatise sa souveraineté et ne cherche pas à étendre cette dernière sur tout son territoire, sera toujours le théâtre de tragédies.

Et l’après-midi d’hier ne fut guère mieux pour le Hezbollah que la nuit et la matinée du 2 août, avec les roquettes sur Baabda et la rogne d’Al-Akhbar, ainsi que la matinée et l’après-midi du 1er août, avec l’article de Bakhos Baalbaki n° 166 et le discours de Michel Sleiman ! A l’occasion de yaom el-Qods -une journée pour Jérusalem, instaurée par Khoumeini, l’ancien Guide suprême de la République islamique d’Iran- on nous annonça en grande pompe l’apparition live du chef du Hezbollah. Il faut dire que depuis la guerre de juillet 2006, sayyed Hassan Nasrallah ne peut plus apparaitre en public, craignant d’être la cible des Israéliens. Mais, attention, pas de mauvaise lecture svp, il s’agit d’une « victoire divine » quand même, malgré le fait que les leaders sionistes, par contre, sont toujours libres de leurs mouvements. En tout cas, el-sayyed a voulu impressionner les esprits. « La Palestine doit être rendue dans sa totalité à son peuple... Il est de l'intérêt national de tous les pays de la région, dont le Liban, qu'Israël disparaisse. » Waouh ! Mais désolé mon cher Hassan, c’est bien maigre pour redorer le blason de la milice chiite, impliquée massivement depuis plus deux ans dans le massacre de la population arabe sunnite de Syrie, à Damas, Homs et Qusayr. En tout cas, il est intéressant de s’arrêter un instant  sur la gravité de ces propos. Après le désir, ou le délire au choix, affirmé il y a quelques semaines par Hassan Nasrallah himself, sur la disposition du Hezbollah à libérer le Golan pour les beaux yeux de « arnab el joulénn », la milice chiite s’attaque aujourd’hui à la libération de la Palestine. La Tchétchénie c’est au programme de 2015, patience ! Habitué à prendre des décisions au nom des autres, des Libanais, puis des Syriens, le Hezbollah décide maintenant pour tous les Arabes et pour les Palestiniens. « Aucun roi, prince, dirigeant, président ou État n'a le droit de sacrifier un grain de sable du territoire palestinien... Dites que nous sommes des terroristes, des criminels, dites ce que vous voulez (...) nous, les chiites, ne laisserons jamais la Palestine. » Quel avenir prospère pour le Liban et pour tout le Moyen-Orient ! Peuples libanais et arabes, on ne vous demande pas la lune, juste un peu de sacrifices sur l’autel de Wali el-Fakih. Sans l’ombre d’un doute, nous avons là toutes les caractéristiques d’un délire mégalomaniaque. Et vous trouvez encore que j’exagère en disant que le Hezbollah est tout simplement indéfendable et que Michel Aoun est dans un sacré merdier depuis le 6 février 2006 !

A peine terminé, le chef du courant du Futur, Saad Hariri, monte à la charge. Tout en se montrant prêt au dialogue et très attaché à l'Etat et ses institutions, contre vents et marées, cheikh Saad met les points sur les i, et des i, il n'en manquait pas. « La politique du Hezbollah a affaibli l’État... Les armes illégales montrent qu'il n'y a pas de président au Liban, ni de Premier ministre, ni des services de sécurité. Les armes (...) se sont transformées en un des moyens pour intimider les adversaires politiques... Il y a des armes qui suscitent la terreur dans la vie politique libanaise... L’utilisation des armes du Hezbollah en Syrie soulève de grands points d’interrogation sur les risques de se baser dessus dans la discussion sur toute stratégie de défense. Il n’y aura pas de sortie du tunnel pour le Liban (...) sauf avec la restriction de l’usage des armes à l’Etat... Les armes et l’Etat, ne font pas bon ménage. Les armes illégales (...) ont produit un Etat déficient sur les plans sécuritaire, politique et constitutionnel... Tout le monde sait que le problème principal ce sont les armes. Dans le prochain gouvernement, un camp pourrait demander ‘armée-peuple-résistance’ (dans la déclaration gouvernementale), et nous répondrons que c’est impossible... Notre unique projet est celui de l’Etat (...) afin de rétablir la considération pour le nom du Liban, pour l’identité libanaise, pour le passeport libanais (wou machkour ya cheikh Saad min BB himself, d'y avoir pensé !), pour chaque Libanais et Libanaise dans le Golfe, en Europe, en Amérique et partout dans le monde. Le projet de l’Etat sera victorieux ! » Eh bien, il n’y a pas à dire, ce fut une sale journée pour le Hezbollah !

Et comme si à chaque jour ne suffisait pas sa peine, ce n’était pas tout pour le 2 août 2013. Il a fallu que le hasard du calendrier fasse en sorte que le juge de la mise en état du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), Daniel Fransen, publie, enno ma fi yontorlo chi chouwaïyé !, une ordonnance fixant provisoirement la nouvelle date d’ouverture du procès des quatre membres du Hezbollah accusés de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, et de 21 autres personnes, au 13 janvier 2014, au lieu du 25 mars 2013 prévue initialement, et en l’absence des accusés s’il le faut. Ce report fait suite à la demande des avocats de la défense. Il est dû en partie aux volumineux dossiers à charge (25 000 pièces svp!), dont la majorité est en langue arabe alors que les juges de défense, commis d’office en l'absence des accusés, sont de nationalité étrangère. Rappelons que le gouvernement Mikati, dans lequel siègent des ministres du Hezbollah, est censé arrêter les quatre accusés du Hezbollah. Quelle mascarade ! En tout cas, l’ordonnance du TSL rafraichira sans l’ombre d’un doute, la mémoire de ceux qui ont choisi la voie amnésique, par conviction ou par omission, comme Hassan Nasrallah, Ibrahim el-Amine, Jean Aziz et Michel Aoun. Ouf, heureusement que nous sommes le 3 août. Kébouss wou mara2 !