vendredi 28 mars 2014

Et déjà un « service politique rendu » pour le gouvernement Tammam Salam (Art.218)


La formation du gouvernement Tammam Salam et sa déclaration ministérielle ont fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Je fais partie de ceux qui ont défendu cette option politique par deux articles: « A défaut d’appliquer le plan A, l’intelligence politique exige d’appliquer un plan B » et « Un pas sur la voie de l’abolition des privilèges du Hezbollah au Liban ». Inutile de vous dire que le premier Conseil des ministres de cette formation était donc très attendu. Il s'est tenu hier au palais présidentiel de Baabda. 

Certes, ce gouvernement controversé ne fera pas de miracles. Ma ra7 yichil el zir min el bir, personne n'est dupe. Mais, force est de constater que dès le départ le « service politique rendu » du gouvernement Tammam Salam, pour reprendre la notion de « service médical rendu » des médicaments, est bien supérieur à celui du gouvernement Najib Mikati, dont le chef était pourtant originaire de Tripoli, cette ville libanaise qui n'en finit pas de saigner. Y'a pas photo ! En conséquence, cela me conforte dans l'idée que mes choix politiques étaient judicieux. 

Voici donc un compte rendu des principaux points abordés lors de la réunion de Baabda (extraits du quotidien Annahar). Je me suis permis quelques commentaires perso, bien entendu. 

خطة امنية محكمة للمناطق التي تسودها التوترات ولا سيما منها طرابلس وعرسال (...) جمع السلاح من المستودعات وازالة الظهور المسلح في كل مناطق التوتر والاشتباكات واصدار الاستنابات القضائية في حق جميع المطلوبين بما يطاول قادة المحاور... ويشار الى ان اقرار الخطة الامنية تزامن مع عمليات دهم قام بها الجيش أمس في عرسال وادت الى مقتل المطلوب سامي الاطرش (...) "الارهابي القتيل مطلوب بجرم تجهيز سيارات مفخخة واطلاق صواريخ وقذائف هاون على قرى وبلدات لبنانية والمشاركة في قتل اربعة مدنيين وقتل عسكريين"... وصرّح وزير الداخلية نهاد المشنوق لـ"النهار"عن اقرار مجلس الوزراء الخطة الامنية: "لقد بدأ العد العكسي (...) لحفظ الامن ومنع الاعتداء والارهاب والتفجير والتزوير والقتل والخطف. وهذه الخطة تطاول المرتكبين فقط أيا كانت مناطقهم وطوائفهم وانتماءاتهم وذلك وفقا لما يقرره القضاء".
 

Et ça, c'est de la politique et non des palabres. Mich nazariyett be 3elm el nabett. Quoique, ça peut le devenir, on verra bien dans la mise en œuvre des décisions gouvernementales. Mais d'ores et déjà, face à l'immobilisme de certains dû à l'attente interminable de la chute du régime d'Assad, considérée en plus comme une panacée, enfin, tout Libanais ne peut être que ravi de ce plan d'action sécuritaire dans les régions de Tripoli et de Ersal

Il était quand même grand temps de charger l'armée libanaise et les Forces de sécurité intérieur de contrôler la situation, d'interdire toute apparition armée, de saisir les dépôts d'armes à Tripoli (quartiers sunnites) et à Jabal Mohsen (quartiers alaouites), et d'arrêter les personnes recherchées par la justice dans toutes les régions libanaises et par tous les moyens nécessaires, y compris ceux impliqués dans les kidnappings, le chantage, les vols de voitures et les délits de faux et d'usage de faux dans la Békaa. 

Inutile de s’attarder sur le fait que personne ne s'approchera des armes illégales de la milice chiite ou n'entravera sa libre circulation à la frontière syro-libanaise. On le sait, pas besoin d'un dessin. Tenez, au passage, ce n'est pas parce qu'il n'est pas encore possible de désarmer le Hezbollah, qu'il faut laisser Tripoli et Ersal s'embraser et hors-la-loi. Ceci étant, la petite histoire ne dit pas que feront les services sécuritaires au cours de ce toumchitt, et lors du passage des régions libanaises au peigne fin, s'ils trébuchent sur les cinq membres du Hezbollah accusés par le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) de l'assassinat de Rafic Hariri, l'ancien Premier ministre du Liban? Auraient-ils des consignes claires de capturer et d'expédier ces suspects à La Haye pour être jugés? Wlak déjà, auraient-ils des instructions de les rechercher à tout hasard et de leur remettre gentiment les actes d'accusation du TSL ? En tout cas, la petite histoire ne dit pas non plus qu'adviendra de Michel Samaha, ancien ministre du 8 Mars, qui est déjà derrière les barreaux. Nul besoin de le chercher et de passer quoi que ce soit au peigne fin, pas même sa chevelure, il s'est arraché le peu de cheveux qu'il lui restaient sur le crâne depuis qu'il a été pris en flagrant délit avec deux douzaines de bombes ramenées des fabriques syriennes de son ami Bachar el-Assad, afin de préparer des attentats terroristes à caractère confessionnel au pays des 18 communautés (notamment contre le patriarche maronite, Béchara Raï).

أما على محور الاستحقاق الرئاسي فإن تطوراً بارزاً سجّل أمس في تثبيت هيئة مكتب مجلس النواب لأكثرية الثلثين لنصاب كل جلسة انتخابية

Voilà de quoi nous épargner les longues palabres de 2007-2008: la moitié plus un (camp du 14 Mars) ou les deux-tiers (camp du 8 Mars) ? Tout le monde s'est mis d'accord, Dieu merci, pour la séance de l'élection du président de la République libanaise par le Parlement libanais, le quorum de présence requis est égale aux deux-tiers des députés (soit 85 députés). En gros, même avec les girouettes comme les Joumblatt & Co, qui se cachent derrière le centrisme et la neutralité, pour se placer en réalité selon les opportunités politiques, ni le 14 Mars, ni 8 Mars, n'a la possibilité seul, d'assurer la présence des deux-tiers des députés. Eh bien, voilà un casse-tête libanais comme on aime ! Donc, il va falloir encore improviser pour trouver une solution à ce nœud politique gordien, si nous ne voulons vraiment pas de la vacance présidentielle. Il faut déjà commencer par redescendre sur terre et éviter les options surréalistes. 

طرحت قضية اللاجئين السوريين فبرزت ثلاثة توجهات: الاول، عبّر عنه وزير الصحة وائل ابو فاعور يقضي بإنشاء مخيمات داخل لبنان. والثاني، عبّر عنه وزير الدولة لشؤون مجلس النواب محمد فنيش يقضي بانشاء مخيمات داخل المناطق الآمنة في سوريا. والثالث عبّر عنه الوزير قزي يقضي بانشاء مخيمات بمراقبة دولية في مناطق المعارضة السورية الآمنة لانصار المعارضة ومخيمات مماثلة في مناطق النظام لانصاره

Les réfugiés syriens, nous y voilà. Nous ne sommes pas loin du million et demi de réfugiés pour une population de 4,2 millions d'habitants, soit plus du tiers de la population du pays du Cèdre. Aucun pays au monde et dans toute l'histoire de l'humanité, n'a accueilli une telle proportion de réfugiés sur son sol. Non, jamais dans l'histoire de l'humanité ! Alors, face à ce problème incommensurable, et devant la léthargie de la communauté internationale, le Conseil des ministres libanais a débattu de trois options, sans prendre de décision sur le sujet pour le moment.

Waël Abou-Faour (Parti socialiste de Walid Joumblatt) a proposé de créer des « camps » pour les réfugiés syriens au Liban, un mot auquel beaucoup de Libanais, notamment des communautés chrétiennes, sont hautement allergiques. Il serait particulièrement naïf, et irresponsable du coup, de croire que dans quelques mois tout sera réglé en Syrie et que tous les réfugiés syriens retourneront dans les ruines de leur pays avant la fin de l'année. La guerre en Syrie durera encore des années sans l'ombre d'un doute et il va falloir en tenir compte. L'option de « camps syriens » au Liban, avancée par Walid Joumblatt, comporte beaucoup de risques, qu'un pays comme le Liban ne peut tout simplement pas assumer. Elle doit donc être définitivement écartée

La mésaventure palestinienne au Liban, elle aussi, avait un caractère temporaire. 66 ans après, plus de 500 000 personnes vivent dans des conditions misérables dans les « camps palestiniens », sans la possibilité d'être assimilés par la société libanaise, même à long terme, et n'ont aucune chance ni de retourner en Israël et en Palestine, ni d'immigrer dans les autres pays arabes, encore moins occidentaux, pourtant co-responsables de l'expulsion palestinienne de la Terre Sainte (sous mandat britannique de 1917 à 1948), les frontières arabo-occidentales étant hermétiquement fermées aux réfugiés, aussi bien aux Palestiniens d’antan qu'aux Syriens d'aujourd'hui. Ainsi, il est grand temps que les pays arabes et occidentaux assument pleinement leur responsabilité dans la tragédie palestinienne, dans le cadre d'une paix israélo-arabe juste et durable.
 
Par contre, Mohamad Fneich (Hezbollah) propose de créer des camps à l'intérieur des régions sûres en Syrie. Quant à Sejaan Azzi (Kataeb), il propose des camps en Syrie, à la fois dans les régions contrôlées par les rebelles et dans celles contrôlées par le régime. Les deux propositions conviennent mieux à la situation explosive des réfugiés syriens, toute la question étant de savoir comment y procéder. Affaire à suivre.

طرح الوزير باسيل بصفته وزيرا سابقا للطاقة مشروع زيادة تعرفة الكهرباء فلم يستجب له

Mais, il ne décroche pas Gebran Bassil ! Jeu, cherchez l'erreur: « le nouveau ministre des Affaires étrangères a proposé d'augmenter le tarif de l'électricité au Liban ». Fastoche: mais bordel, en qualité de quoi un ministre des Affaires étrangères se penche sur la tarification électrique au Liban? Eh bien, en qualité d'ancien ministre de l'Energie. Lol! Wlé chou wazir elta2a mada el7ayett ! Khalas, décroche, c'est terminé, échec et mat. La demande de Bassil a été ignorée. En tout cas, il serait plus pertinent de commencer par obliger les nombreux fraudeurs libanais à payer leur consommation, avant d'augmenter la tarification pour ceux qui ne se branchent pas illégalement sur le réseau électrique de l'Etat et payent honnêtement leurs factures. Pour rappel, selon les régions en dehors de Beyrouth, 40 à 80 % de l'électricité distribuée est volée (consommation non facturée et factures non payées). Pour rappel aussi, Gebran Bassil a promis aux Libanais en juin 2010, l'électricité 24h/24 pour 2015. Pas la peine de développer. Bienvenue au Liban.

طرح وزير الاتصالات بطرس حرب موضوع تسليم كامل "الداتا" الى الاجهزة الامنية، فجرى نقاش هادئ في شأنه وانتهى بتسجيل اعتراض وزراء "حزب الله" و"التيار الوطني الحر" وتحفظ وزراء حركة "أمل"

C'est sans aucun doute le changement le plus important par rapport au gouvernement hezbollahi précédent. Au grand dam des ministres du 8 Mars, il a été décidé hier par le gouvernement Tammam Salam, de remettre les données de télécommunication aux services libanais de renseignement qui enquêtent sur les assassinats, les tentatives d'assassinat et les attentats commis au Liban, dans le respect des lois en vigueur, loin des décisions capricieuses politiciennes des individus. C'est une grande victoire pour les ministres du 14 Mars du gouvernement Tammam Salam, le trio Rifi-Machnouk-Harb, respectivement ministres de la Justice, de l'Intérieur et des Télécoms. Les ministres de Nabih Berri ont exprimé des réserves. Des réserves et non une franche opposition, une nuance qui s'explique par la volonté du vieux renard de préparer déjà son mandat 2014-2020, ce qui lui ferait un règne de 28 ans sans interruption à la tête du Parlement libanais ! Les ministres de Hassan Nasrallah et de Michel Aoun, se sont opposés en vain à cette décision, se cachant hypocritement derrière « le respect de la vie privée et des libertés individuelles ». « Hors sujet », leur a rétorqué Boutros Harb ! Ah, comme ça fait plaisir d'entendre certaines répliques.

mercredi 19 mars 2014

Un pas sur la voie de l’abolition des privilèges du Hezbollah au Liban (Art.216)


1. Il a fallu presqu’une année de dur labeur à Tammam Salam pour former son gouvernement et des semaines de longues tractations sous le haut patronage du président de la République, Michel Sleiman, pour rédiger sa déclaration ministérielle. Désolé de contredire beaucoup de monde, malgré tant d’erreurs, les pions du 14 Mars sont aujourd'hui mieux placés que ceux du 8 Mars. Ce n’est certainement pas comme beaucoup l’espèrent, mais telle est la réalité des faits. Le 8 Mars a perdu deux-tiers des pions de l’échiquier exécutif. Alors qu’il avait la mainmise sur tous les ministères dans le gouvernement précédent, aujourd’hui le 14 Mars contrôle directement un tiers des ministères, dont ceux de la Justice, de l’Intérieur et des Télécommunications. Achraf Rifi, Nouhad Machnouk et Boutros Harb ont remplacé respectivement, Chakib Cortbawi, Marwan Charbel et Nicolas Sehnaoui, au pays de l’impunité où les Eid père et fils, les Michel Samaha et les Ibrahim el-Amine violent l’Etat de droit sous les œillères de la justice, ce pays qui n’en finit pas de plonger dans l’enfer de l’insécurité ambulante, dans un pays où les enquêteurs de l’Etat doivent supplier des individus pour récupérer la data des télécoms après certains assassinats politiques et des tentatives d'assassinats politiques visant des personnalités du 14 Mars (comme ce fut le cas dans l'affaire Samir Geagea) ! Eh bien, ça se passe de commentaire. De plus, le 14 Mars a réussi a neutralisé la moitié des ministères qui restent. Bilan des courses, le 8 Mars n’a que 8 ministres seulement, au lieu d’une trentaine dans le gouvernement précédent. Ça, c’est de la politique, le reste n’est que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el7aké !

2. Le 8 Mars a également perdu son Premier ministre, Najib Mikati. Et ce n’est pas rien. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Taëf, le pouvoir exécutif au Liban est entre les mains du chef du gouvernement. Virer le « Judas du 14 Mars », tant décrié par le 14 Mars, est donc une double victoire pour le 14 Mars, symbolique et tactique, aux conséquences considérables. Il faut quand même ne pas oublier, qu’en dépit de sa démission, Najib Mikati et ses ministres hezbollahi, comme on avait coutume de les désigner dans les rangs du 14 Mars, expédiaient toujours les affaires courantes au Liban. Plus grave encore, le 14 Mars devait se battre et résister aux multiples démarches du plus rusé de tous, Nabih Berri, président de l’Assemblée nationale since 1992, qui tentait toujours de légiférer comme si de rien n’était.

3. A défaut d’appliquer le plan A, former un gouvernement 14 Mars sans le Hezbollah, l’intelligence politique exigeait d’appliquer un plan B, former un gouvernement mixte avec le Hezbollah, au lieu de palabrer en attendant l’arrivée du prince sauveur pour nous délivrer, et en maudissant Barack Obama matin, midi et soir, pendant que le 8 Mars remodelait le pays à sa guise. Au gouvernement, le 14 Mars y est, il y reste. C’est d’autant plus utile qu’en cas de vacance à la présidence de la République, et en cas de paralysie du pouvoir législatif, c’est un gouvernement contrôlé par le 14 Mars, qui assurera le pouvoir exécutif.

4. Yabroud est tombée en Syrie et ce fut l’explosion de joie dans les fiefs du Hezbollah au Liban. Des manifestations provocatrices s’ensuivirent à Beyrouth et dans ses environs où des militants de la milice chiite n’ont pas hésité à exprimer leur satisfaction par « le traditionnel triptyque de la honte » auquel les Libanais sont aujourd’hui bien habitués : la distribution de douceurs orientales aux passants (comme à la mort de Gebran Tuéni et de Pierre Gemayel, ainsi qu’à la chute de la ville syrienne de Qousseir), la horde des scootards et des chauffards même à Tariq el-Jdidé, Bourj Hammoud, Dekwéné, Fanar et Saïda (une manière bizarre de renforcer la concorde nationale avec les communautés chrétienne et sunnite des zones traversées !) et les tirs en l’air (tant pis pour les blessés par les balles perdues, fida el sayyed Hassan, bien entendu). Vive le « Document d’entente » signé entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah, n'est-ce pas ?

5. Avec la récente victoire, à court terme, proclamée par le régime syrien dans la bataille de Yabroud (ville syrienne située à une quinzaine de kilomètres de la frontière libanaise), l’implication du Hezbollah aux côtés du régime syrien s’est confirmée une nouvelle fois. Niée catégoriquement au départ (2011-2012), minimisée par la suite (2012-2013), aujourd’hui (2013-2014), Hassan Nasrallah et Bachar el-Assad reconnaissent tous les deux publiquement le caractère « massif » de cette implication. Ainsi, qu’importe les prétextes, nul ne peut encore prétendre que la milice « chiite » libanaise n’a pas les mains bien trempées dans le sang de la population « sunnite » syrienne. Et ils osent encore crier, halte à la discorde intermusulmane !

Tel sera le constat indélébile de l’Histoire à long terme. Rien, absolument rien, ne pourra l’effacer. Ce ne sont surement pas les slogans anti-israéliens creux qu’on entend à des centaines de kilomètres des frontières israélo-arabes, ni toute la mythologie autour de la résistance. Un slogan est mort, un autre est né. « Yabroud, wa ma ba3da yabroud, wa ma ba3da ba3da yabroud », raisonne dans toutes les contrées du Hezbollah au Liban et dans la région frontalière de Qalamoun. Mais, la gloire ne sera pas au rendez-vous, jamais pour longtemps. A moyen terme, l’enlisement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne ne peut que l’affaiblir. On compte à ce jour plusieurs centaines de miliciens tués sur le sol syrien dans « l’accomplissement du devoir djihadiste ». Plus grave encore, on dénombre à ce jour près d’une quinzaine « d’attentats sunnites » perpétués sur le sol libanais contre des « cibles chiites » dans « l’accomplissement du devoir djihadiste » également. Dernier en date, celui de dimanche dans la Bekaa, au cours duquel un responsable du Hezbollah a été tué. Là aussi, nul ne pourra encore prétendre que tous les attentats à venir, et Allah sait qu’il y en aura après la fuite d’un millier de miliciens syriens de Yabroud vers le Liban justement, ne seront pas liés à l’implication massive de la milice chiite libanaise aux côtés du régime alaouite syrien. Et quand on pense que Hassan Nasrallah a justifié cette implication par la nécessité de mener une « guerre préventive » en Syrie pour épargner au Liban les agissements des takfiristes ! Quelle mascarade.

6. Pour l’instant, la communauté chiite libanaise parvient à digérer ces lourdes pertes humaines dans ses rangs, en Syrie et au Liban. Mais, jusqu’à quand ? Jusqu’à quand peut-elle massivement se taire ? Jusqu’à quand peut-elle rester docilement derrière les projets suicidaires du Hezbollah ? Nul ne le sait, mais une chose est sûre, plus la guerre en Syrie perdure, plus le Hezbollah sortira affaiblit. Et tout indique que les miliciens libanais ne sont pas au bout de leur peine.

7. Si nous devions juger les gouvernements sur les déclarations ministérielles, l’Histoire retirerait la confiance à tous les gouvernements du monde, ou presque. Je crois qu’on a donné beaucoup trop d’importance à celle du gouvernement libanais de Tammam Salam. Elle ne méritait pas tant.
- D’abord, parce qu’on a oublié que la « Déclaration de Baabda », la revendication principale du 14 Mars en général, et des Forces libanaises en particulier, a déjà été acceptée par tous les protagonistes libanais, Hassan Nasrallah et Michel Aoun compris, à Baabda justement, le 11 juin 2012. Et depuis elle est restée 7eber 3a wara2. L’essentiel est dans la pratique et non dans la théorie. En tout cas, ce gouvernement prévoit « (le) respect et (le) suivi des décisions prises par le Comité de dialogue nationale au palais présidentiel à Baabda ». Donc, la Déclaration de Baabda figure dans la déclaration ministérielle, quand même.
- Ensuite, parce qu’on a oublié qu’avec ou sans le triptyque controversé, « l’armée, le peuple et la résistance », le Hezbollah a fait et fera ce qu’il veut en Syrie, tant que personne ne donnera un ordre clair à l’armée libanaise pour maitriser d’une main de fer la frontière syro-libanaise et pour rétablir la souveraineté nationale sur tout le territoire libanais, Tripoli et les fiefs du Hezbollah compris, avec ou sans l'aide de la FINUL, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban. Pour l’instant, on est toujours à demander gentiment au Hezbollah de se retirer de la Syrie et de bien vouloir mettre ses capacités miliciennes au service de l’Etat libanais.
- Enfin, parce qu’on a oublié que pour engager une politique de faucon avec le Hezbollah il faut un soutien massif du peuple libanais, et ce soutien massif, que l’on veuille ou pas, fait gravement défaut, le faible nombre de like de la page facebook du Tribunal Spécial pour le Liban demeure à ce jour l’illustration la plus ironique de ce constat amer. Alors, à défaut de pouvoir mener une politique de faucon, l’intelligence exige de s’engager dans une partie d’échecs. Nous y sommes. Donc, au lieu de continuer à râler nuits et jours, mieux vaut se pencher illico presto sur les prochains coups à jouer en ayant en tête que « le gouvernement a vu le jour, afin de se frayer un chemin vers les grandes échéances (...) Nous considérons que le défi le plus urgent pour notre gouvernement est de créer les conditions nécessaires à la tenue de l’élection présidentielle dans les délais (...) Le gouvernement s’engage à faire adopter une nouvelle loi pour les élections législatives ». Eh oui, c’est là précisément et au Liban où tout se jouera pour les Libanais, et non au Palais du peuple à Damas et à la Maison Blanche à Washington !

8. Pour le détail de l’histoire, revenons à la déclaration ministérielle du gouvernement Tammam Salam. Personnellement, je ne pense pas que la dramatisation s’impose. Au contraire, je crois que là aussi, s’il y a des perdants ce sont le Hezbollah et ses alliés, et absolument pas le 14 Mars. La milice chiite s’est accrochée à « une équation de bois rigide » pour entraver l’élaboration de la déclaration ministérielle. A l’arrivée, elle est obligée d’abandonner le triptyque mythologique de « l’armée, le peuple et la résistance » pour se contenter de cette formulation : « Le gouvernement affirme le devoir de l'Etat et sa quête pour libérer les fermes de Chebaa, les collines de Kfarchouba et la partie libanaise du village de Ghajar, par l’ensemble des moyens légitimes, en mettant l'accent sur le droit des citoyens libanais de résister à l'occupation israélienne, de repousser les agressions israéliennes et de récupérer les territoires occupés. » Notez bien que le mot « résistance », auto-désignation du Hezbollah (avec l’adjectif « islamique » pendant longtemps), ne figure plus dans la déclaration ministérielle. « Résister à l’occupation israélienne » est permis à tout le monde et non réservé à la milice chiite. Pour la première fois depuis 1982, l’Etat libanais ignore explicitement l’existence de la milice chiite ! Rajouter à cela qu’il est clairement mentionné que « La sagesse (...) exige de s’engager dans une politique de distanciation et de fortifier notre pays par les meilleurs moyens face aux répercussions des crises environnantes... (Le gouvernement) continuera à renforcer les capacités de l’armée libanaise et des forces sécuritaires afin que celles-ci parviennent à accomplir ce devoir, en plus de celui de protéger et de contrôler les frontières ». Plus grave encore pour le Hezbollah c’est sa résignation à accepter que ce gouvernement s’engage, tenez-vous bien, à « la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU ». Je rappelle que la résolution 1701 qui est la clé de voute de l’édification de la souveraineté nationale au Liban, prévoit « le désarmement de tous les groupes armés au Liban, afin que (...) seul l’État libanais soit autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban ». Non mais, que demande le peuple de plus ? Ça aussi, c’est de la politique, le reste n’est que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el7aké !

9. Le parti des Forces libanaises, mur porteur du 14 Mars, qui a refusé ce modus vivendi avec le 8 Mars, et dont la position peut et doit se comprendre, à juste titre et à juste raison, devrait profiter de sa grande liberté d’action pour garder la barre « des intérêts suprêmes de la nation » haut et dénoncer sans ambages toute dérive de ce gouvernement de la voie principale qu’il s’est tracé et qui conduirait le Liban vers une élection présidentielle, avant le 25 mai 2014, et des élections législatives, avant le 20 novembre 2014. Oui, le 14 Mars peut faire mieux et les Forces libanaises devront y veiller. Oui, le peuple libanais devra attendre encore longtemps pour voir émerger une Assemblée nationale courageuse qui votera l’abolition définitive de tous les privilèges accordés de facto à la milice du Hezbollah depuis 1982, par les différents gouvernements qui se sont succédé au Liban pendant la longue période d’occupation syrienne du pays du Cèdre, y compris ceux de feu Rafic Hariri. Oui, la Constitution libanaise devra un jour mentionner noir sur blanc que nul ne pourra se substituer à l’Etat libanais sous aucun prétexte.  

Néanmoins, il faut le reconnaitre, ce gouvernement et sa déclaration ministérielle constituent une triple victoire pour le 14 Mars tout entier, Kataeb compris, pour le courant du Futur particulièrement, ainsi que pour Saad Hariri et Fouad Siniora spécialement. C’est un premier pas vers l’abolition des privilèges du Hezbollah au Liban, à condition que le reste suive. Le reste commence par le respect des échéances électorales, présidentielle et législative, où tout se jouera pour le peuple libanais. Pour toutes ces raisons, j’accorde « ma confiance » au gouvernement de Tammam Salam.

10. MAIS, il y en a toujours avec moi, soyons francs, il était prévisible de tomber sur une déclaration ministérielle à l’image du pays des palabres. Sans rentrer inutilement dans les termes exacts de ces palabres gouvernementales, à part les points abordés dans l’article, sachez qu’il est question pêle-mêle (mes commentaires perso sont entre parenthèses): « d’un gouvernement de consensus (c'est mieux que d’entente), de la référence exclusive à l’Etat (mon œil !), des graines de la discorde (la hantise omniprésente), de l’intérêt national (ah tiens !), de la reprise du dialogue nationale (oui, parce qu’on n’a pas assez palabré), de la stratégie de défense nationale (sur la table de dialogue depuis 2006), de la décentralisation administrative (pourquoi se presser), d’un engagement à appliquer l’accord de Taëf (qui prévoit la dissolution des milices libanaises, dont le Hezbollah bien entendu), du niveau de vie des citoyens (mince, il y a des citoyens dans ce bled), du secteur touristique (au ras des pâquerettes), des projets des régimes de retraite et de la protection sociale (pas un mot sur la protection des femmes de la violence conjugale malgré plusieurs faits divers tragiques !), du dossier de l’énergie (selon "Gebran Bassil version 2011", nous sommes censés avoir l’électricité 24h/24 en 2015, lol !), des ressources du pétrole et du gaz (une bénédiction ou une calamité pour le Liban ?), de l’établissement des frontières maritimes du Liban (pas un mot sur l’établissement des frontières terrestres avec la Syrie), des nominations administratives (des centaines de postes de première catégorie sont vacants depuis des années), de la disparition de l’imam Moussa el-Sadr (pas un mot sur plusieurs centaines de citoyens Libanais qui croupissent dans les geôles syriennes selon des aveux du régime syrien et d’officiers syriens ayant fait défection récemment), des réfugiés syriens (sa7 el nom ya chabeb), de bonnes relations avec les pays frères (comme j’aimerai bien être fils unique !) et d’un partenariat avec l’Union européenne (faut équilibrer avec les pays frères) ». Les pompons de cette déclaration, c'est qu'il n'y a pas un seul mot ni sur l'obligation du gouvernement d'arrêter les cinq membres du Hezbollah accusés de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, et de les renvoyer devant le Tribunal Spécial pour le Liban, ni sur le devoir de l'Etat et le droit des citoyens libanais de repousser les agressions syriennes et les multiples violations de la souveraineté nationale du Liban par le dernier tyran des Assad et ses sbires libanais. Là par contre, que des « faux pas » !

mardi 11 mars 2014

L’hystérie contre Sleiman, la méfiance de Bassil des expatriés et la pétition de Siniora à l’ONU (Art.215)


A l’heure des lamentations récurrentes d’une partie des Libanais à propos de la performance du président américain Barack Obama, je me demande qui dans nos contrées est bien au courant de ce qui s’est passé d’important les 27 et 28 février 2014, du côté de ce pays en détresse nommé Liban ? Peu de gens, j’en suis sûr. Et pourtant, les infos auraient dû mobiliser les partisans du 14 Mars et de la société civile libanaise qui lui est proche. Il n’en est rien. A qui revient la faute n’a plus beaucoup d’importance. Ceux qui sont à l’origine de ces actions pertinentes, ainsi que ceux qui ont la charge d’informer les citoyens libanais, ont dû juger qu’il devrait en être ainsi. Soit.

En cette journée du 27 février, l’ancien Premier ministre libanais, Fouad Siniora, incontestablement « le plus intelligent d’entre nous », pour reprendre la formulation de Jacques Chirac sur Alain Juppé, a remis au coordonnateur spécial des Nations Unies pour le Liban, Derek Plumbly, une pétition. Elle ne concerne ni la protection des ficus des trottoirs d’Achrafieh des excités du sécateur de la municipalité de Beyrouth, ni la mise en route d’urgence d’un plan national pour assurer aux générations futures l’eau au robinet à tous les étages, dans toutes les régions et en toute saison. Non hélas, double hélas. Néanmoins, la démarche était capitale pour tout citoyen libanais exaspéré par les palabres après chaque assassinat politique et soucieux un tant soit peu de l’Etat de droit au pays du Cèdre. La pétition est signée par 69 députés du bloc du courant du Futur de Saad Hariri, du Front de lutte nationale de Walid Joumblatt, des Kataeb d’Amine Gemayel, du parti des Forces libanaises de Samir Geagea et de divers parlementaires indépendants dont Boutros Harb. Elle est adressée au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Les signataires réclament dans ce texte, le transfert de tous les dossiers d’assassinats politiques et des tentatives d’assassinats politiques commis récemment au Liban contre des personnalités de la Révolution du Cèdre, au Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) à La Haye au Pays-Bas. Cela va de la tentative d’assassinat de Marwan Hamadé en octobre 2004 à l’assassinat de Mohammad Chateh en décembre 2013, en passant par ceux de Pierre Gemayel en novembre 2006 et de Wissam el-Hassan en octobre 2012.

Certes, il s’agit d’une excellente initiative mais il y a deux bémols. Selon l'article premier du statut du TSL, il revient aux représentants de la République libanaise, signataires de l'accord judiciaire avec l'Organisation des Nations Unies, d’effectuer cette demande et non à une partie de ces autorités, au TSL la charge d’examiner le lien de connexité avec l’assassinat de Rafic Hariri, condition sine qua non pour valider ce transfert. Ainsi, une telle demande aurait dû être remise aussi au gouvernement de Tammam Salam ou à son successeur après les élections législatives. L’autre bémol, concerne l’incompréhensible léthargie de l’index des mains 14-marsistes dès qu’il s’agit de la page facebook du TSL. Elle me conforte dans l’idée que le Liban est un pays qui a plus d’attention de la part de la communauté internationale qu’il ne mérite réellement. En tout cas, les voies du militantisme libanais sont aussi impénétrables que celles du Seigneur. Mystère et boule de gomme. Tenez, by the way, le Tribunal Spécial pour le Liban vient de publier le 5e rapport annuel sur son activité. Il couvre la période allant du 1er mars 2013 au 28 février 2014, celle qui a connu l’ouverture du procès criminel contre les cinq membres du Hezbollah accusés de l’assassinat de l’ancien Premier ministre du Liban, Rafic Hariri.

Et puisque j’ai votre attention, je voudrais aussi revenir sur un tout autre événement qui n’est pas passé inaperçu, fort heureusement, c’est le discours prononcé par le président de la République lors de la conférence « Ma terre: un avenir prometteur » organisée par l’Université Saint-Esprit à Kaslik le 28 février 2014. Hélas -il y en a toujours avec moi- la polémique autour du triptyque mythologique « l’armée - le peuple - la résistance », a occulté le reste du discours présidentiel, qui méritait pourtant toute l’attention des citoyens libanais. En relisant ce texte, je trouve que ce discours de fin de mandat peut être considéré comme une feuille de route pour le prochain président de la République. Avis aux intéressés.

Commençons par nous faire plaisir, en reparlant de ce qui a mis la clique d’Ibrahim el-Amine, propagandiste en chef du quotidien al-Akhbar, au bord de l’hystérie. Dans ce discours, Michel Sleiman nous a gâté et gratifié en affirmant que « la terre, le peuple et les valeurs communes, constituent le triptyque en or permanent de la patrie, celui qui est indispensable pour lier son passé à son avenir », renvoyant du coup l’insertion du triptyque mythologique dans la déclaration gouvernementale aux calendes grecques. Afin de recommander son « envoi » et de s’assurer de la « réception » du message par son destinataire, Michel Sleiman a invité tout le monde, à « ne pas s’accrocher à des équations de bois rigides qui entravent son élaboration ». Formulation vague mais suffisamment cadrée pour provoquer un tollé dans les médias du Hezbollah et consorts. Ma yallé ta7ét bato sallé, bten3aro !

Pour donner à ce discours de fin de mandat la solennité d’un discours d’investiture, Michel Sleiman a rajouté que « la Déclaration de Baabda est devenue une des constances, au même titre que le pacte national ». Plus que la résistance des matériaux, c’est précisément ce qui a mis hors d’elle, toute la horde 8-marsiste. Rappelons que la fameuse Déclaration de Baabda a été adoptée le 11 juin 2012 par le Comité de dialogue national. Elle résulte d’un consensus. Yé3né bel mchabra7, tous les leaders libanais sans exception -Saad Hariri, Amine Gemayel et Samir Geagea, mais aussi Hassan Nasrallah, Walid Joumblatt, Nabih Berri et Michel Aoun- ont accepté :

- primo, de « se tenir à l’écart de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux et éviter les retombées des tensions et des crises régionales pour préserver les intérêts supérieurs du Liban, son unité nationale et la paix civile » ;
- secundo, de « veiller à maîtriser la situation à la frontière libano-syrienne (...), le pays ne pouvant servir de base ou de point de passage pour la contrebande d’armes et l’infiltration de combattants » ;
- et tertio, tenez-vous bien, de « respecter les résolutions internationales et notamment la résolution 1701 du Conseil de sécurité ».

Alors, vous comprenez mieux maintenant la nature de la crise hystérique contre Michel Sleiman, celle qui a agité les milieux politiques et les réseaux sociaux du 8 Mars (voir les deux photos publiées par le site Youkal) ? Le Hezbollah n’a pas tardé à publier un communiqué de presse le jour même, dans lequel il a affirmé « qu'avec tout le respect que nous portons pour le poste de la présidence de la République, nous pensons, suite au denier discours du président Sleiman, que le palais de Baabda exige des soins intensifs parce que son occupant actuel ne sait plus distinguer entre le bois et l'or ». Eh bien, faut pas s’énerver comme ça ! Qu’entend le Hezbollah par soumettre le palais présidentiel à des « soins intensifs » ? Mener une expédition punitive comme celle du 7 mai 2008 contre la girouette de Moukhtara ou informer le locataire de Baabda que son mandat ne pourra être prorogé sous aucun prétexte ? Qu’importe, de part et d’autre, le message a été reçu cinq sur cinq, sauf que le Hezbollah a oublié qu’il représente un parti politique dont la branche armée constitue une milice qui ne possède aucune légalité, condamnée par l’Histoire à disparaître, tôt ou tard, alors que « l’occupant actuel du palais de Baabda » est président de la République libanaise et commandant en chef des forces armées libanaises, jusqu’au 25 mai 2014. En tout cas, Michel Sleiman a aussitôt répondu via Twitter que « le palais de Baabda est tenu de reconnaître les décisions qui ont été prises à l'unanimité, comme la Déclaration de Baabda ». Eh oui, tweeter peut faire plus mal que de presser un citron sur une plaie.

Pour rappel, encore un, la résolution 1701, votée le 11 août 2006 du temps du gouvernement de Fouad Siniora, a mis un terme à la guerre désastreuse en cours « depuis l’attaque du Hezbollah en Israël le 12 juillet 2006 », pour reprendre les termes précis de l'ONU. Dans cette résolution clé, « le Conseil de sécurité (...) souligne qu’il importe que le Gouvernement libanais étende son autorité à l’ensemble du territoire libanais (...) afin d’y exercer intégralement sa souveraineté... (avec) application intégrale des dispositions pertinentes des Accords de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban, afin que, conformément à la décision du Gouvernement libanais du 27 juillet 2006, seul l’État libanais soit autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban ». Difficile d’être plus explicite : aucune « résistance » n’a droit de cité, la milice du Hezbollah et les milices palestiniennes doivent être dissous et désarmées.

Au cours de ce discours axé en grande partie sur les difficultés économiques actuelles du Liban, le président a souligné l’importance de « respecter les échéances électorales, présidentielle et législatives, et de mettre en œuvre des gouvernements efficaces », pour que le Liban puisse obtenir une aide financière de la communauté internationale, comme ça a été le cas récemment lors de la Conférence du Groupe de soutien au Liban à Paris. Il a rappelé que la société libanaise croule littéralement sous « le poids des réfugiés » -aussi bien syriens, avec plus d’un million de personnes, que palestiniens, avec plus d’un demi-million de personnes- dont le nombre au total représente aujourd’hui un tiers de la population du pays, « une proportion qui constitue une menace durable pour la terre et ses richesses, ainsi que pour l’équilibre démographique et communautaire, pour l’intégration sociale et pour la stabilité économique ». Oui, il faut prendre conscience que le Liban d'aujourd’hui court de grands périls ! Voilà pourquoi, il est important aux yeux du président « d’être strict dans l’application de la loi concernant l’appropriation immobilière des étrangers et le refus d’implantation des réfugiés palestiniens sur notre territoire ».

Par ailleurs, afin de raviver les liens entre la diaspora et la terre des ancêtres, Michel Sleiman recommande « d’accélérer les mécanismes de récupération de la nationalité libanaise » par les descendants de Libanais, de tout mettre en œuvre afin de « faire participer les expatriés aux élections législatives » et « de faire voter au plus vite une loi électorale afin de renouveler la classe politique ».

Enfin, le commandant en chef des forces armées a appelé à la tenue d’une table de dialogue aussitôt après le vote de confiance du gouvernement Tammam Salam afin de « discuter de la stratégie nationale de défense de notre terre, pour faire face au terrorisme criminel et pour le contrôle des armes répandues dans toutes les régions libanaises », tout en rappelant qu’il a lui-même présenté une vision à ce sujet qui vise « à regrouper les capacités nationales sous le commandement de l’Etat et sous son autorité, et à armer l’armée libanaise ».

Si la milice chiite s’est contentée d’une brève attaque virulente contre le président maronite, ce sont ses fidèles alliés maronites qui se sont chargés des détails et du zèle. Triste destin pour des leaders qui se targuent de défendre contre vents et marées « les droits des chrétiens » ! C’est par la voix de Gebran Bassil, le dauphin-gendre du général, sur la chaine sous perfusion, New TV, que l’allié stratégique du Hezbollah a répondu à Michel Sleiman. « Si l’équation (peuple-armée-résistance) est de bois, elle a quand même prévalu six ans. Elle serait aussi une description du règne de la présidence ». Il faut reconnaitre qu’au cours de ce mandat, le général et son gendre, ont eu de très mauvaises relations avec le palais de Baabda. Continuons, j’ai mieux pour vous.

« Personne ne peut éliminer la résistance, parce que c’est une résistance contre Israël, qui vise à libérer les territoires occupés et afin d’affronter toute attaque israélienne. Cette résistance est pour défendre le Liban. » El3ama wlo, wlé sté7é, même le Hezbollah n’ose plus aborder le sujet de la « résistance contre Israël » ! Le Hezbollah défend le Liban ? Avouez qu’il est difficile de faire plus « langue de bois ». Rappelons à l’amnésique par omission et par conviction, que Hassan Nasrallah est enlisé dans le « djihad » en Syrie depuis au moins un an et demi, les mains bien trempées dans le sang de la guerre civile syrienne, aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad, à des centaines de kilomètres de la frontière de l’Etat hébreux. C’est au point qu’ils ne se donnent plus la peine tous les deux d’ailleurs, de répondre aux nombreux raids israéliens. La « résistance contre Israël », la mythologie antique !

Le dérapage de Gebran Bassil était encore plus flagrant sur le vote des expatriés. Lisez vous-mêmes la déclaration du gendre-zélé, le nouveau ministre libanais des Affaires étrangères. « Il n’est pas permis, aux expatriés (libanais) qui se trouvent dans des pays lointains, qui ne vivent pas la situation au Liban de participer à l’élection de tous les députés. Il faut leur réserver un certain nombre de députés qui les représentent ». Lointains de combien : 100, 1 000, 5 000 ou 10 000 km ? Qu’il est ridicule ce Gebran Bassil, on se croirait à l’époque de l’immigration libanaise vers le Brésil et l’Argentine à la fin du 19e siècle et au début du 20e. Coucou, l’humanité a fait des progrès depuis : il y a des avions, il y a des chaines satellites, il y a internet, le Mont-Liban n’est plus sous occupation ottomane et Gilberte Zouein défend les droits de la femme libanaise dans un silence assourdissant ! Quoique, j’ai des doutes sur la nature du progrès pour ce dernier point. Mais bordel, est-ce qu’il existe un seul Libanais dans ce monde -« Libanais » c’est-à-dire détenteur de la nationalité libanaise, donc automatiquement inscrit sur les listes électorales, et non descendant de Libanais qui ne possèdent pas le passeport libanais- qui ne « vit pas la situation au Liban », ne se sent pas concerné par l’avenir de son pays et qui ne soit pas capable de choisir le député dans SA circonscription ? Foutaises. 

Pour faire bref, la participation des expatriés aux élections, comme la récupération de la nationalité libanaise par les « douze millions » de descendants de Libanais réclamée par le président Michel Sleiman, représentent deux des revendications les plus anciennes des chrétiens du Liban, notamment des maronites. Alors vous comprenez, ce n’est surement pas à deux arrivistes opportunistes de passage, comme Michel Aoun et Gebran Bassil, de marchander ces droits contre un bénéfice bassement électoral, et d’établir le degré d’attachement de tout Libanais au Liban. S’ils sont motivés par des calculs apothicaires électoraux, c’est leur problème et pas le nôtre. La réalité est bel et bien ailleurs. Le général et son gendre craignent au plus haut degré le vote indépendant des expatriés libanais. Etant à l’abri de la propagande syro-irano-hezbollahi-aouniste, ils désavoueront l’alliance contre-nature de Michel Aoun avec le Hezbollah, une organisation considérée par l’écrasante majorité des pays du monde arabe et occidental comme étant de nature terroriste, qui fait tout pour isoler le Liban de la scène internationale et le placer sur l’axe Syrie-Iran.