samedi 29 juillet 2017

L'opération « Anti-Liban », une ironie historique, géographique et politique (Art.451)


Certains compatriotes éprouvant un enthousiasme débordant avec les derniers développements au Liban, font encore semblant de ne pas comprendre que nulle part dans ce monde et dans l'histoire, une telle situation n'a perduré aussi longtemps. Commençons alors par ce qui fâche et rappelons d'emblée ce principe fondamental valable pour tout Etat souverain. Un jour, il va bien falloir que l'anomalie que constitue la situation du Hezbollah au Liban cesse d'exister. Etre obligé de le rappeler, quand même ! Hélas, c'est pas demain la veille.



 I  L'OPERATION « ANTI-LIBAN », UNE IRONIE HISTORICO-GÉOGRAPHICO-POLITIQUE EN PREMIER LIEU

Le hasard a voulu que les combats menés conjointement par le régime syrien de Bachar el-Assad et la milice libanaise du Hezbollah contre les organisations à dominante syrienne, Daech et Nosra, sur un morceau du territoire libanais, se déroulent le long d'une chaine de montagnes appelée Anti-Liban, selslit jibal lebanan el-charquiyé. Incroyable! Jamais l'histoire, la géographie et la politique ne se sont liées aussi intimement et ne se sont montrées aussi ironiques à travers une telle appellation. « Anti-Liban », résume bien la situation de ce qui se passe de l'autre côté du « Mont-Liban ». Ces combats se déroulent en partie sur le territoire libanais, alors que paradoxalement, les représentants de l'Etat libanais sont aux abonnés absents et l'armée libanaise est reléguée au second plan. C'est la dernière illustration de l'anomalie du Hezbollah au Liban.

 II  TOUS LES PROTAGONISTES IMPLIQUÉS DANS LA BATAILLE DE JURD ERSAL SONT CLASSÉS TERRORISTES

Quoiqu'on dise du côté des ex-neo-8Mars, le camp « choukran souriya el assad » (Merci la Syrie des Assad) d'hier et d'aujourd'hui, force est de constater que ces combats impliquent, qu'on le veuille ou pas, que ça plaise ou non, à juste titre ou à tort, des protagonistes qualifiés par une partie ou par la totalité de la communauté internationale de terroristes. Vu de l'étranger et d'une grande partie du monde, ce sont donc des terroristes qui se battent entre eux. Que personne ne soit offusqué, voici les faits.

. Bachar el-Assad est issu d'une tyrannie alaouite qui pratique le terrorisme depuis 1970. En Syrie, c'est par la terreur et une répression sanglante (comme à Hama en 1982, jusqu'à 40 000 morts). Elle est la cause principale de l'actuel conflit syrien (330 000 morts), et de ce fait, elle est pratiquement au ban des nations. Elle ne doit sa survie qu'à la Russie et à l'Iran. Au Liban, outre la terreur qu'elle a fait régner au cours des 29 ans d'occupation du pays du Cèdre, celle-ci est aussi responsable, ou soupçonnée de l'être, de nombreux assassinats politiques (Louis Delamare, Bachir Gemayel, Rafic Hariri, René Mouawad, Rachid Karamé, Samir Kassir, Kamal Joumblatt, Gebrane Tuéni, etc.). On lui doit aussi le grand projet terroriste que devait exécuter Michel Samaha en 2012 afin d'embraser le Liban et le replonger dans les guerres confessionnelles, ainsi que les attentats sanglants de Tripoli commis par les leaders alaouites libanais, les Eid, contre deux mosquées sunnites de la ville.

. Le Hezbollah est un parti politique libanais exclusivement chiite qui a la particularité de posséder une branche armée. Il est soupçonné de terrorisme depuis sa création en 1982 par la République islamique d'Iran. A son actif, les attentats contre les Forces multinationales de sécurité américaines et françaises le 21 octobre 1983 (299 morts). D'ailleurs, c'est le Hezbollah qui a ressuscité le mode opératoire des attentats-suicides. Dans les archives qui le concernent, on retrouve cette séquence surréaliste où Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, expliquait au journaliste britannique Robert Fisk, dans un documentaire datant de 1993, ce que peut bien ressentir un kamikaze avant de passer à l'acte : c'est un homme apaisé, souriant, heureux, c'est comme quelqu'un qui quitte un sauna, après y avoir passé des heures, chaud, fatigué et assoiffé, pour rejoindre une pièce confortable et calme, où l'attendent belles paroles, cocktails et musique classique ! Mais attention, c'est valable pour le kamikaze chiite. Pour le kamikaze sunnite, je ne suis pas sûr pour la musique classique. Actuellement, cinq de ses membres sont poursuivis pour le meurtre de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, et de 21 autres personnes. La milice chiite n'a pas hésité à utiliser ses armes à l'intérieur au Liban, contre les miliciens chiites d'Amal (Nabih Berri, 1988-1990, près de 800 morts) et contre les civils et les opposants sunnites (2008, près de 75 morts), et a mené plusieurs actions terroristes à l'étranger (France, Bulgarie, Chypre, Koweit, Egypte, etc.). Jusqu'à nouvel ordre, le Hezbollah est une organisation considérée comme terroriste par la plupart des pays arabes et occidentaux, dont les pays du Golfe, l'Union européenne et les Etats-Unis.

. Daech et Nosra étant des organisations terroristes pour l'ensemble de la communauté internationale sans exception, il est inutile de s'y attarder davantage, passons à l'essentiel.

 III  A-T-ON VRAIMENT FINI AVEC FATEH-EL-CHAM/AL-NOSRA/AL-QAEDA AU LIBAN?

On nous dit qu'ils en ont pratiquement fini. Avec le Front Al-Nosra (ex-Al-Qaeda et actuellement connu sous l'appellation Fateh el-Cham), bien entendu puisque le combat contre Daech n'a pas encore eu lieu. Hassan Nasrallah parle même d'une « très grande victoire militaire ». La soi-disant rapidité avec laquelle le Hezbollah s'est emparée d'une centaine de kilomètres carrés contrôlés par la première organisation terroriste est le moins qu'on puisse dire louche. Alors, de deux choses : soit l'affirmation est inexacte (on n'en a pas encore fini), soit la présence des jihadistes syriens dans ce coin était exagérée (on parlait d'au moins quatre cents combattants), l'un n'empêchant pas l'autre bien entendu. Plusieurs éléments font douter de la véracité des informations filtrées par la milice chiite. Le premier d'entre eux réside dans la question que personne ne s'est posée, à savoir pourquoi le Hezbollah a attendu si longtemps pour se lancer dans une bataille qu'il pouvait gagner en 48 heures ? Mystère et boule de gomme. Pas tant que ça, j'y reviendrai. Le second, vient de cet étrange cessez-le-feu du jeudi matin. On n'accepte un cessez-le-feu, encore plus avec une organisation terroriste, que si la situation est défavorable. L'accord conclu entre le Hezbollah et Al-Nosra après le cessez-le-feu, vient confirmer les doutes. Le troisième, il faut le chercher du côté de Fateh el-Islam, qui s'est emparée du camp palestinien de Naher el-Bared en 2007. Malgré l'évacuation totale du camp et le feu vert donné à l'armée libanaise, il a fallu plus de trois mois de combats et 157 morts, pour venir à bout de cette organisation terroriste qui était pourtant moins puissante qu'Al-Nosra, qui elle, se trouve retranchée dans une zone montagneuse difficile, mais aride, à l'écart des camps de réfugiés.

 IV  LES COMBATS DE JURD ERSAL SONT AUTANT UNE OPÉRATION DE COM' QU'UNE OPÉRATION MILITAIRE

Pour apprécier le sacrifice des miliciens du Hezbollah à sa juste valeur, il va falloir un peu plus que la com' de ce « média de la guerre » et une conférence de presse de sayyed Hassan Nasrallah. Il n'est pas question ici de sous-estimer la puissance, la combativité et la détermination des miliciens chiites. Ce qui pose problème c'est cette constante surestimation passionnelle des capacités du Hezbollah de la part de tous les partisans chiites du parti et de certains partisans chrétiens du Courant patriotique libre. Pour les premiers, il s'agit de perdurer l'anomalie que constitue ce dernier au Liban, pour les seconds de justifier l'alliance conclue entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah en février 2006. La passion délirante pour le Hezbollah pousse quelques uns à se persuader même que la milice chiite est plus forte sur le plan militaire que l'armée libanaise. Je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer.

Passons sur la mythologie de la « victoire divine » de la guerre de Juillet 2006, qui sera fêtée le 14 août comme l'a annoncée Hassan Nasrallah il y a quelques jours, où le Hezbollah a donné à Israël une occasion en or pour bombarder le Liban pendant 33 jours, ce qui nous a coûté près de 1 200 civils tués, 1 million de déplacés et plus de 10 milliards de dollars de dégâts matériels et de pertes économiques, soit l'équivalent de près de 50% de notre PIB de l'époque (moins de 200 morts et 4% du PIB côté israélien). Le contraste des chiffres parlant de lui-même, que Dieu nous préserve d'une « défaite divine ».

Depuis mars 2011, le Hezbollah s'est impliqué progressivement et massivement dans la guerre civile syrienne. Il est passé de la stratégie de « je ne suis pas impliqué en Syrie », à celles de « je suis peu impliqué », « je défend les chiites libanais installés de l'autre côté de la frontière », « je combats les takfiristes en Syrie », « j'empêche les jihadistes de venir perturber la vie nocturne à Mar Mikheal et à Jounieh », et enfin à celle de « je défends le Liban et les Libanais du projet américano-sioniste ».

Aujourd'hui, le combat du Hezbollah dans le jurd d'Ersal s'inscrit dans le cadre de cette stratégie globale fixée par « l'internationale chiite » présidée par Ali Khameneï, le Guide suprême de la République islamique d'Iran, depuis le déclenchement de la révolte syrienne contre la tyrannie des Assad : sauver le soldat Bachar, maintenir l'axe logistique Téhéran-Damas-Dahiyé, renforcer le maillon faible du « croissant chiite » au Moyen-Orient (Iran-Irak-Syrie-Liban-Yémen) et garantir la continuité territoriale entre les zones syriennes contrôlées par le régime alaouite syrien et les zones libanaises contrôlées par le Hezbollah chiite, quelque soit l'évolution de la situation en Syrie (même dans le cas de la création de l'Etat alaouite).

Ainsi, on voit bien que les intérêts du pays du Cèdre n'entre absolument pas dans le calcul stratégique du Hezbollah. Certains défenseurs zélés de ce dernier diront, oui mais se débarrasser de Nosra et de Daech est quand même dans l'intérêt du Liban, bordel! Evidemment pardi, mais ce n'est absolument pas le but principal du Hezbollah. Et encore, il faut tenir compte des dommages collatéraux ! D'ailleurs, pour la première, c'est loin d'être fini. Pour la seconde, c'est loin de commencer. On entend dire dans les coulisses, que c'est l'armée libanaise qui mènera désormais la bataille contre les deux organisations terroristes. Tiens, tiens, comme par hasard. J'y reviendrai.

Outre l'enjeu communautaire, la bataille d'Ersal est aussi une énorme opération de com' pour le Hezbollah. Elle vise précisément trois objectifs de la haute importance.

. D'abord, remonter le moral de la communauté chiite libanaise en général, et des miliciens chiites libanais en particulier, tous deux très éprouvés par les six années de guerre en Syrie. Une implication qui s'enlise, demandant de plus en plus d'effort et de sacrifice. On parlait en début d'année de 2 000 combattants tués. Par comparaison, le Hezbollah a reconnu la mort de 250 combattants lors de l'affrontement avec Israël en 2006. On serait à dix fois plus. Même si on se retient de toute critique publique, le soutien des Chiites libanais reste massif et inconditionnel, l'utilité de l'intervention du Hezb en Syrie sème le doute dans les esprits.

. Ensuite, impliquer l'armée libanaise au moment même où les Etats-Unis s'apprêtent à alourdir les sanctions contre le Hezbollah. Le but étant d'imbriquer les dossiers afin d'utiliser les pouvoirs de l'Etat libanais pour contrer les sanctions financières américaines. Là aussi, le timing de l'opération Anti-Liban pose des questions. Elle est programmée pour coïncider comme par hasard, avec la visite du Premier ministre Saad Hariri aux Etats-Unis, dont la date était connue depuis un moment.

. Enfin, justifier son implication massive dans la guerre civile syrienne aux côtés du régime terroriste de Bachar el-Assad, faire oublier ses combats contre les rebelles syriens modérés depuis plus de quatre ans et se faufiler dans le train victorieux en marche, celui de la communauté internationale sur Daech/Etat islamique. En Irak, Mossoul est déjà tombée. En Syrie, qui suit de près ce qui se passe, sait que ni Assad, ni Khameneï, ni Nasrallah, ni Poutine n'a combattu Daech réellement. Ce sont les forces syro-kurdo-sunnites qui le font, ils sont déjà rentrés dans Raqqa, fief de l'Etat islamique, ainsi que les forces américaines, qui assurent seules 96% des 11 000 frappes aériennes de la coalition internationale en Syrie (les pays arabes faisant plutôt de la figuration en Syrie et en Irak).

 V  POURQUOI LE HEZBOLLAH A ATTENDU SI LONGTEMPS POUR LANCER SON OPÉRATION ANTI-LIBAN CONTRE AL-NOSRA ET DAECH?

Une partie des raisons ont été exposées précédemment. Mais ce n'est pas tout. Il faut bien comprendre une chose: si le Hezbollah a patienté pendant des années avant de décider de se débarrasser des épines Nosra-Daech qu'il avait dans les pieds, ce n'est certainement pas parce qu'il attendait le feu vert de Farès Souaid et la bénédiction d'Okab Sakr. Eh oui, si le Hezbollah n'avait pas déclenché l'opération Anti-Liban alors que la présence des groupés armés syriens sur le territoire libanais est attestée depuis au moins 2013, et tient aujourd'hui à ce que l'armée libanaise la poursuive, c'est pour au moins trois raisons.

. Primo, parce que cette bataille n'était pas prioritaire dans le passé. Elle pouvait mobiliser beaucoup d'hommes, pendant longtemps, alors que l'urgence était en Syrie, où l'existence de la tyrannie des Assad était sérieusement menacée.

. Secundo, parce que la stérilisation de la chaine de montagnes de l'Anti-Liban des éléments jihadistes, posera inévitablement la question qui fâche, le problème du contrôle de la frontière syro-libanaise dans les deux sens. A défaut, l'opération ne servirait à rien. Quand l'armée libanaise contrôlera d'une main de fer la frontière entre le Liban et la Syrie, il sera difficile au Hezbollah de faire passer ses hommes et ses armes comme bon lui semble.

. Tertio, parce qu'une telle bataille nécessitera une force de frappe et une puissance de feu bien plus importantes que celles dont dispose le Hezbollah. Désolé de briser l'admiration de certains pour ce dernier, mais la milice chiite libanaise seule est incapable de vaincre les groupes jihadistes syriens. Trois éléments le prouvent. Ils se trouvent dans la dernière conférence de presse du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a avoué avoir demandé à l'armée syrienne de l'aider dans cette bataille, qui voudrait passer rapidement les zones conquises à l'armée libanaise et qui a tenu à préciser que « le Hezbollah n'est pas pressé et dispose de tout son temps » pour se débarrasser du Front Al-Nosra. Eh oui, il faut savoir lire entre les lignes et comprendre entre les phrases. Et souvenez-vous du cessez-le-feu d'il y a deux jours et des négociations en cours entre le Hezbollah et Al-Nosra, pour vaincre l'organisation terroriste sans avoir à livrer bataille. Et encore, on ne parle pas de Daech!

La particularité du Hezbollah réside dans sa capacité de mener des actions de guérilla. Or, la guérilla peut être d'une certain efficacité face à une armée régulière comme celle de Tsahal, mais dans le jurd d'Ersal, elle ne présente pas d'avantage sur les groupes jihadistes. Eh oui, c'est la triste vérité qui fera très mal à certains, seule l'armée libanaise au Liban a la force de frappe et la puissance de feu qui permettront de se débarrasser de Daech et d'Al-Nosra, et de sécuriser la frontière syro-libanaise. J'irai même plus loin, la troupe est non seulement plus puissante que la milice, mais seule l'armée libanaise peut obtenir officiellement des armements supplémentaires des pays arabo-occidentaux et demander officieusement à la coalition internationale de mener des frappes contre les positions des jihadistes de Daech et d'Al-Nosra dans les régions montagneuses isolées au fin fond du Liban.

Et dire que certains parlent de complémentarité entre l'armée libanaise et le Hezbollah! C'est là où l'on mesure l'étendue de la naïveté du raisonnement de cette frange de compatriotes aveugles qui ne se rendent pas compte, par conviction ou par omission, à quel point le Hezbollah nuit à l'Etat libanais en général, en violant constamment sa souveraineté, et à l'armée libanaise en particulier, en la privant d'un armement plus conséquent et d'un entrainement de haut niveau. Mais comment en vouloir à des compatriotes mal informés par des médias de propagande, quand leurs leaders eux-mêmes sont si désorientés. Tenez, qui se souvient encore que l'armée libanaise aurait dû recevoir l'équivalent de 4 milliards de dollars en armements et en entrainement de la part de la France? L'Arabie saoudite qui s'est engagée à assurer le financement, a fini par annuler l'opération en février 2016, après avoir constaté à quel point les cinq principaux leaders libanais étaient incapables de s'opposer concrètement à l'hégémonie du Hezbollah au Liban: Michel Aoun et Nabih Berri sont des alliés directs de la milice chiite ; Walid Joumblatt, est un allié de facto du Hezbollah, qui n'a pas hésité à lui assurer le contrôle du Conseil des ministres entre 2011 et 2014 ; Saad Hariri s'est retrouvé comme un ami du Hezbollah par alliance, depuis qu'il a soutenu Sleimane Frangié, un allié indéfectible du régime syrien et du Hezbollah, il lui doit son retour à la tête du gouvernement ; et Samir Geagea lui aussi est devenu un ami du Hezbollah par alliance depuis qu'il soutient Michel Aoun, l'allié indéfectible du Hezbollah. Et ces braves leaders ont même osé critiquer le royaume pour son volte-face !

Hélas, le temps lui a donné raison, comme le confirment les réactions du quintet face à l'opération Anti-Liban. C'est le silence radio du côté du président de la République, Michel Aoun, pourtant, commandant en chef de l'armée libanaise. Quant à Saad Hariri, il aurait « préféré » que « l'armée libanaise fasse ce que fait le Hezbollah aujourd'hui dans le jurd de Ersal ». Extraordinaire, j'en parlerai au chef du gouvernement libanais. Pour Samir Geagea, président du parti des Forces Libanaises, « les sacrifices du Hezbollah » sont appréciables car « l'avancée du Hezbollah a eu un résultat positif pour le Liban ». On dirait qu'il prépare déjà son dossier présidentiel. Et pour Gebrane Bassil, chef du Courant patriotique libre, ce qui compte c'est que « la décision de libérer la terre est une décision purement libanaise ». Je t'assure, je ne sais pas ce qu'il va encore chercher el-Baalbaki. Quant à Walid Joumblatt, qui tweete pour un oui et pour un non, avec moult émoticônes puériles, il est aux abonnés absents. La girouette n'a pas encore déterminé le sens du vent. Wlak yi redd el 3ein 3ankoun.

 VI  LA VICTOIRE EN TROMPE-L'OEIL DU HEZBOLLAH DANS LE JURD D'ERSAL 

« Cette victoire (...) nos moujahidines, nos blessés et les familles de nos martyrs, la dédient à tous les Libanais. (sourire) Comme d'habitude, nous sommes comme ça. Comme en l'an 2000 et en 2006. A tous les Libanais et à tous les peuples de la région qui ont souffert et souffrent du terrorisme takfiriste, de l'horreur takfiriste et de la sauvagerie takfiriste. A tous les Chrétiens et à tous les Musulmans, toutes communautés et confessions confondues. » 

Zappons d'abord, la notion de « victoire » selon les critères de Hassan Nasrallah. Comme on l'a vu plus haut, il ne faut pas aller vite en besogne, la victoire totale sur tous les jihadistes, Daech compris, c'est l'armée libanaise qui l'apportera forcément, le Hezbollah seul n'en est pas capable. En attendant, la bataille d'Ersal est plus une grande opération de com' qu'une opération militaire d'envergure. Le cessez-le-feu de jeudi 27, suivi par l'accord de dimanche-lundi, a permis de dévoiler une partie du plan com' du Hezb. Alors qu'il y a quelques jours, on nous parlait de centaines de jihadistes tués et faits prisonniers, l'accord ne prévoit que l'échange d'une quinzaine de corps (5 du Hezbollah contre 9 de Nosra) et la libération d'une dizaine de prisonniers (8 du Hezbollah contre 2 de Nosra). Pire encore, alors qu'il y a quelques semaines, on nous parlait d'un millier de jihadistes dans le jurd, l'accord ne prévoit de laisser partir en Syrie qu'une centaine au final. Comme le contraste est important, on a tenu à confondre dans la même catégorie tous les candidats au retour, combattants et civils. Du coup, on est passé de 120 à 10 800 personnes prêts à retourner à Idleb et dans le Qalamoun syrien, la confusion servant à amplifier la perception de la victoire dans les esprits chauffés à blanc depuis dix jours

Zappons ensuite, la référence à la guerre de « 2006 », j'en ai parlé précédemment, ce fut un désastre pour les Libanais. Entendre un Ali Fayad, député du Hezbollah, répéter encore que la bataille de jurd Ersal a "renforcé la force de dissuasion contre les Israéliens", et voir que certains compatriotes croient toujours à cette légende, et l'on se dit que nous sommes non seulement très mal barré dans ce pays, mais le pire est à venir. 


Zappons enfin, ce côté bon prince, généreux et bienveillant, comme on l'a vu déjà, l'opération Anti-Liban est essentiellement menée dans l'intérêt de la milice chiite et non du Liban, une nuance qui échappe à beaucoup des partisans du Hezbollah, les fidèles comme les infidèles, et à beaucoup de leaders libanais, les ex-8Mars comme les ex-14Mars.


 VII  QUE PEUT FAIRE LE HEZBOLLAH POUR REDORER SON BLASON?

Soyons francs. Le Hezbollah a un passif colossal avec une partie du peuple libanais qui ne peut être soldé ni avec les combats de jurd Ersal, aussi nobles soient-ils, ni avec l'émotion de Hassan Nasrallah en évoquant l'implication de ses hommes, aussi sincère soit-elle. Pour se montrer sous son meilleur jour, faisant bonne impression et bonne figure sur tous les Libanais, le Hezbollah doit cesser ses pratiques miliciennes, mafieuses et islamistes.

. Primo, par la dissolution de sa milice et la remise de ses armes à l'armée libanaise, conformément à la Constitution libanaise, l'accord de Taëf et les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, 1559 et 1701.

. Secundo, par le renoncement aux assassinats politiques concrétisé par la remise de ses membres accusés du meurtre de l'ancien premier ministre Rafic Hariri à La Haye et la collaboration totale avec le Tribunal spécial pour le Liban.

. Tertio, par le rejet une fois pour toutes de l'idée de l'établissement d'une république islamique chiite au Liban, telle qu'elle est régulièrement exprimée par cheikh Naïm Qassem entre autres, numéro deux du Hezbollah (dans ses livres et ses interviews, la dernière fois, c'était en janvier 2016, dans l'indifférence générale des ex-leaders souverainistes).

Le Hezbollah sous le règne de Hassan Nasrallah, depuis 1992 (25 ans déjà), a commis tellement d'erreurs que ce cahier des charges draconiennes ne sera sans doute pas suffisant pour redorer le blason du parti chiite aux yeux d'une partie des Libanais. En tout cas, pour ce faire, le Hezb doit mener immédiatement une action triple : confier l'opération Anti-Liban à l'armée libanaise, se retirer complètement de la guerre civile syrienne et accepter enfin, l'opération Figuiers de Barbarie. Ce projet pour lequel je milite depuis la condamnation de Michel Samaha en avril 2016, prévoit de sécuriser la frontière syro-libanaise d'une manière écologique et à moindre frais, avec la plantation serrée de 187 500 figuiers de Barbarie, en plusieurs rangées. On pourra le compléter si nécessaire avec le déploiement de l'armée libanaise. Rien n'empêche le gouvernement libanais de demander de l'intégrer dans la résolution 1701.

Un poste de l'armée libanaise dans le jurd d'Ersal
Photo Hussein Malla, AP (juin 2016)
Enfin bref, quand le Hezbollah se contentera de faire de la politique, comme tout le monde, ce jour-là il pourra espérer convaincre par la persuasion les Libanais imperméables à son aura, qu'il se bat pour le Liban et non pour le chef de « l'internationale chiite », wali el-fakih, le Guide suprême de la République islamique d'Iran, Ali Khameneï. « Toute guerre qu'Israël mènera contre le Liban et la Syrie ne restera pas limitée à ces deux terrains, mais ouvrira les frontières terrestres et aériennes à des milliers de jihadistes en provenance d'Irak, du Yémen, d'Iran, d'Afghanistan, du Pakistan et d'autres régions du monde, qui viendraient seconder la Syrie et la résistance. » C'est le secrétaire général du Hezbollah qui le dit et c'était il y a un mois. Et après, il vient nous dédier « sa » victoire, et on a des compatriotes, idiots utiles et frappés d'amnésie, qui viennent nous demander de s'incliner devant le sacrifice actuel du Hezbollah dans le jurd d'Ersal. Il faut que tout ce beau monde comprenne, ni Allah ni le gouvernement ni l'ensemble du peuple libanais ni ses représentants n'ont confié la mission de défendre cette contrée au Hezbollah, de fusionner le sort du Liban avec celui de la Syrie et de transformer le pays du Cèdre en une terre du jihadisme chiite. Et dire qu'ils osent prétendre combattre le jihadisme sunnite de Daech-Etat islamique!

Hélas, l'Etat libanais actuellement est réduit à jouer les intermédiaires entre le Hezbollah et Fateh el-Cham (alNosra-alQaeda), deux organisations considérées toutes les deux comme terroristes par une grande partie de la communauté internationale. Il parraine et veille à l'exécution de l'accord conclu entre elles, avec la bénédiction de la majorité des leaders libanais, dont les ex-souverainistes. Pathétique. Toujours est-il que cela ne doit pas détourner l'attention des patriotes de l'essentiel : ils ont leur Liban, nous avons le nôtre. Et dans le nôtre,
seul l'Etat libanais détient le pouvoir souverain de la guerre et de la paix, et seule l'armée libanaise, le monopole souverain des armes. Assez de palabres, tout ce qui est en dehors ça, est illégal, nul et non avenu. 

mercredi 19 juillet 2017

Et si Bachar el-Assad, comme Daech, souhaitait la colonisation du Liban via les réfugiés syriens ? (Art.450)


Doigt d'honneur, allez vous faire foutre,
fuck you, khedo ya ekhwet el charmouta...
appelez-la comme vous voulez, c'était la
campagne publicitaire de Reporters Sans
Frontières pour dénoncer les 35 prédateurs
de la liberté de la presse (2013)
Gandhi ne croyait pas si bien dire, « le monde est fatigué de la haine ». De part et d'autre, des Libanais et des Syriens, partisans ou opposants au régime terroriste de Bachar el-Assad, font consciemment ou pas, par conviction ou par omission, tout ce qui possible et imaginable pour inciter les populations libanaise et syrienne à la haine respective des réfugiés syriens au Liban et de l'armée libanaise. Dans ce melting pot, on trouve de tout, des citoyens, des déplacés, des activistes, des réfugiés, des journalistes, des leaders politiques et des hommes religieux, des deux nationalités et de toutes tendances politiques et appartenances religieuses confondues. Tout le monde s'y met. A suivre l'actualité du Liban ces derniers jours, on dirait que nous autres Libanais, n'avons pas appris grand-chose du passé, et vous autres Syriens, non plus d'ailleurs. Et ce n'est certainement pas le début des combats sur les chaines montagneuses de l'Anti-Liban, qui séparent le pays du Cèdre de la Syrie, qui apaisera les mentalités des uns et des autres. 


I. LES LEÇONS DE L'EXPERIENCE PALESTINIENNE AU LIBAN (1948-1982)

La désastreuse expérience palestinienne au Liban entre 1948 et 1982, aurait dû nous amener à comprendre trois choses.

. Primo, même avec toute la bonne volonté du monde, aucun pays ne peut accueillir à long terme des réfugiés en masse d'une même nationalité, sans problèmes et sans risques de déstabilisation. Le Liban ne fait pas exception, bien au contraire. Qu'importe les erreurs commises par les Palestiniens et les Libanais, notre expérience en la matière l'a magistralement démontré. Tenez, et si on allait voir ce qui se passe ailleurs? En Turquie par exemple.

Erdogan qui a envisagé un temps à l'été 2016, l'éventualité de naturaliser les 2,75 millions de réfugiés syriens en Turquie, n'a pas pu éviter le tollé médiatique que son annonce avait provoqué dans les médias et les réseaux sociaux. Ce fut la goutte d'eau qui avait débordé le vase. Aussitôt des propos anti-réfugiés ont inondé les réseaux sociaux turcs sous le hashtage #ülkemdeSuriyeliistemiyoru, #JeneveuxpasdeSyriensdansmonpays. Personne au Liban comme en Syrie des gaillards de la dernière pluie, n'avait songé traiter les Turcs de racistes et de xénophobes, sachant par ailleurs que la Turquie n'a jamais accepté accorder aux Syriens le statut de réfugiés. Le Liban, si ! L'écrasante majorité de ces derniers n'est pas installée dans des camps et vit dans des conditions précaires, comme l'a souligné un rapport récent du Conseil de l'Europe. Là aussi, personne ne s'en émeuve. C'est comme au Liban en fait, sauf que la Turquie devrait encore accueillir 22 millions de réfugiés syriens, càd toute la population syrienne de Syrie, pour battre notre record, 3 autochtones pour 1 ressortissant syrien. Et là encore, ça ne semble déranger personne de notre contrée. 


Erdogan n'est évidemment pas fou, il sait que le taux de natalité de la Turquie est très faible et que des études sur le terrain ont montré que de toute façon, 3/4 des Syriens en Turquie n'envisageaient pas de retourner en Syrie. Ailleurs, en Allemagne, on s'apprête à programmer le retour de 200 000 réfugiés syriens en Syrie, sans que cela ne suscite de déchainements hystériques particuliers contre les Allemands dans les populations libanaises et syriennes. Certes, nous avons des compatriotes aux propos et aux comportements nauséabonds, mais débattre du fardeau des réfugiés syriens au Liban ou ne serait-ce qu'évoquer le problème, et l'on est vite ostracisé par une frange bien pensante de Libanais et de Syriens. 

Toujours est-il que l'expérience palestinienne aurait dû nous faire réfléchir sérieusement sur l'accueil massif de ressortissants d'une même nationalité à long terme. Et sur ce point les ex-8Mars et 14Mars sont tout aussi fautifs les uns que les autres. 

. Secundo, la souveraineté de l'Etat libanais doit être totale sur le territoire libanais, y compris et surtout, dans les camps de réfugiés. Aucune exception ne peut être tolérée sous quelque prétexte que ce soit. Le camp d'Ain el-Heloui au Sud-Liban même de nos jours, comme celui de Nahr el-Bared au Liban-Nord il y a quelques années, qui sont de facto des territoires palestiniens non soumis à la souveraineté libanaise, nous rappelle que ce point est capital. Il ne faut pas seulement voir les choses telles qu'elles sont aujourd'hui, mais telles qu'elles peuvent l'être demain. La guerre civile en Syrie peut se libaniser et même se soudaniser, voire s'éterniser. Tout a commencé avec quelques milliers de réfugiés en 2012, il y a aujourd'hui près de 1,5 million de réfugiés et de déplacés syriens sur le territoire libanais. On parle déjà de 150 000 Syriens nés au Liban. Certains ressortissants syriens y sont depuis plus de 5 ans. Ils peuvent rester encore 5, 10 ou 15 ans, voire plus. Qui exclut une telle éventualité est soit un naïf qui passent trop de temps sur Instagram, soit un suspect qui a un agenda obscur.

. Tertio, il est irresponsable et très dangereux de faire des réfugiés, des ennemis. Aujourd'hui, plus de 450 000 réfugiés palestiniens sont installés au Liban. L'exode avait commencé avec la création illégale de l'Etat d'Israël sur la Palestine. A moins d'un miracle, ils ne retourneront jamais ni en Palestine ni en Israël. On ne pourra pas, et on ne voudra pas, les naturaliser pour des raisons à la fois démographiques communautaires (la majorité étant sunnite), mais aussi pour des raisons patriotiques (leur amour du Liban laisse à désirer et leur relation avec les chrétiens libanais est assez mauvaise). Les villes dans lesquelles ils vivent, appelées encore des camps, sont de facto des territoires palestiniens pas vraiment soumis à la souveraineté libanaise, gérés par différentes milices palestiniennes armées, en violation des lois libanaises, de la Constitution libanaise et des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Pour résumer, disons que les Palestiniens du Liban ne peuvent ni rester ni partir. A qui la faute? Aux Juifs sionistes, aux Ottomans, aux Anglais, aux Palestiniens, aux Libanais, aux Arabes et à toute la communauté internationale, qu'importe. Le Liban a un énorme problème chronique qui n'est pas prêt de disparaître par enchantement. Alors, il faudra décider, est-ce qu'on veut vraiment aujourd'hui transformer les 1,5 million de ressortissants syriens installés au Liban pour un temps indéterminé, en ennemis ?


II. L'APPLICATION DES LEÇONS PALESTINIENNES AU DOSSIER DES REFUGIES SYRIENS

Partant de ces trois leçons, qui aborde sérieusement et impartialement le dossier des réfugiés syriens au Liban, doit parvenir respectivement à ces trois conclusions.

. D'abord, il est impératif d'envisager l'établissement de camps de réfugiés en territoire syrien dans les zones frontalières ou dans les régions syriennes situées en dehors des combats. La construction de ces camps, l'installation des réfugiés-déplacés et la sécurisation des personnes, doivent être menées sous l'égide de l'ONU. 

Poste d'observation de l'armée libanaise
dans la région de Jurd Ersal (chaines Anti-Liban)
Photo Hussein Malla, AP (juin 2016)
. Ensuite, il ne peut être question d'avoir des camps syriens au Liban interdits à l'armée libanaise et des ressortissants syriens armés sur le territoire libanais. Ce sont deux principes non négociables. Aujourd'hui, tout le monde sait que le long de la frontière syro-libanaise, se cachent près d'un millier de jihadistes appartenant à deux organisations terroristes à dominante syrienne, Daech/Etat islamique, Jabhat al-Nasra/Ahrar el-Cham/Al-Qaeda. Ils détiennent encore une dizaine de militaires libanais en otage. Il est donc nécessaire pour la sécurité des Libanais comme des réfugiés syriens, de les neutraliser au plus vite et en finir une fois pour toutes. Qui veut se battre n'à aller en Syrie. On peut bien sûr lier leur présence à l'intervention du Hezbollah libanais aux côtés d'Assad. Mais il faut reconnaître aussi que bien avant l'implication massive de la milice libanaise en Syrie, il y avait des éléments de l'Armée syrienne libre sur le territoire libanais. Cela étant dit, ce n'est ni à l'armée du régime syrien ni à la milice chiite libanaise de le faire. Les combats qui ont commencé ce vendredi 21 juillet sur les chaines montagneuses de l'Anti-Liban (dans le jurd d'Ersal, à Qaa et à Ras Baalbeck), impliquant ces deux formations, constituent une violation grave de la souveraineté de l'Etat libanais. Qui ne les dénonce pas clairement est forcément partisan par omission ou par conviction de l'axe Nasrallah-Assad-Khamenei-Poutine. En conséquence, il revient à l'armée libanaise seule de neutraliser ces jihadistes, mais aussi, la sphère des ex-8Mars l'oublie souvent, de fermer la frontière syro-libanaise dans les deux sens, ce qui impliquerait l'interdiction aux miliciens libanais chiites du Hezbollah de passer en Syrie. Eh oui, il est grand temps de mettre un terme à la privatisation de la souveraineté libanaise par certains. 

. Enfin, il serait particulièrement stupide de considérer de paisibles réfugiés syriens au Liban de potentiels terroristes. Dans ce domaine, la règle est très simple, la loi libanaise doit s'appliquer à tous, Libanais comme Syriens. Et qui jugent que la loi libanaise est insuffisante, pour gérer la concurrence économique déloyale par exemple, n'a qu'à militer pour la changer, et non pour appliquer ses propres fatwas. Rouer de coups un Syrien, quelle que soit la raison, est un acte abominable, mais ça reste un fait divers contrairement à ce que voudraient faire croire certains Libanais et Syriens. Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c'est l'interdiction de circuler la nuit, imposée par certaines municipalités libanaises à tous les ressortissants syriens de leurs communes. Cette discrimination doit cesser


III. LES LEÇONS DE L'EXPERIENCE SYRIENNE AU LIBAN (1976-2005)

La désastreuse expérience syrienne au Liban entre 1976 et 2005, aurait dû elle aussi nous apprendre trois choses.

Bachar el-Assad, prédateur de
la liberté de la presse (RSF 2013)
. Primo, Bachar el-Assad n'est ni un ami ni quelqu'un qui nous veut du bien. C'est tout le contraire, c'est un ennemi qui nous veut du mal. C'est un grand prédateur, pas seulement pour la liberté de la presse ! Son refus de longue date de tracer la frontière syro-libanaise une fois pour toutes et pour l'histoire, le prouve magistralement. Aujourd'hui, le dernier tyran des Assad a trois moyens de nuire gravement au Liban.

D'abord, en restant au pouvoir sans envisager une transition politique, ce qui conduira inévitablement à l'enlisement du conflit militaro-politique en Syrie et au prolongation ipso facto du séjour des réfugiés syriens au Liban. 

Ensuite, en concoctant des projets de déstabilisation du pays du Cèdre à chaque fois qu'il sentira que les intérêts de son régime au Liban sont menacés. Rien de nouveau avec la tyrannie des Assad. De Bachir Gemayel à Rafic Hariri, l'assassinat politique est une pratique très prisée par les tyrans de Damas. Tel père, tel fils, deux malédictions pour le Liban comme pour la Syrie, depuis 1970. Outre les assassinats politiques, il faut rajouter les tueries de masse. Les deux dernières fois c'était à travers un double attentat à Tripoli devant des mosquées sunnites (dont l'exécution était confiée aux leaders alaouites libanais, les Eid ; c'était en aout 2013, 42 morts et 500 blessés ; le fils recherché par la justice libanaise est actuellement réfugié en Syrie), mais aussi à travers le grand projet terroriste pour embrasser et replonger le Liban dans les tensions communautaires dont l'exécution était confiée à Michel Samaha (arrêté en août 2012 et condamné en 2016 à 13 ans de prison et de travaux forcés ; le projet d'Assad prévoyait plus d'une vingtaine d'attentats au véhicule piégé et des assassinats ciblés, visant des hommes religieux sunnites et maronites).

Enfin, en manipulant le dossier des réfugiés syriens. Et là curieusement, les intérêts du régime terroriste d'Assad rejoignent ceux des organisations terroristes islamistes (Daech, Nosra, etc.). Ce nouveau front vise le même objectif avec la même détermination : l'installation à long terme des ressortissants syriens réfugiés et déplacés au Liban. Pour Daech c'est évident, le Liban n'existe pas, il fait partie du califat islamique. Pour le régime, c'est encore plus clair: les Assad père et fils, n'ont jamais accepté de tracer les frontières entre le Liban et la Syrie, car viscéralement ils considèrent le pays du Cèdre comme une partie intégrante de la Syrie. C'est de loin, la capacité de nuisance la plus grave, d'où la suite.

. Secundo, si en plaisantant on dit à juste raison qu'un Assad est un « lapin dans le Golan » mais un « lion au Liban », on pourra rajouter que père et fils sont des renards rusésPar exemple, de 1976 à 2005, la Syrie n'occupait pas officiellement le Liban, les troupes syriennes répondaient à une demande légale émanant du pouvoir libanais. C'est contraint, forcé et humilié que Bachar el-Assad s'est vu obliger de rapatrier les troupes syriennes du Liban, grâce à la pression conjointe du peuple libanais (rassemblé le 14 mars 2005 après l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri ; à l'exception des partisans du Hezbollah et du régime) et de la communauté internationale. Son obsession depuis le 26 avril 2005, c'est d'y revenir

Aujourd'hui, la guerre civile syrienne offre à tous les nationalistes syriens qui ignorent la souveraineté libanaise, comme Daech et Al-Nosra, ou qui ne la reconnaissent que du bout des lèvres, notamment le régime de Bachar el-Assad, une chance historique de « coloniser » le Liban via les réfugiés et les déplacés syriens installés au Liban. Par la colonisation du Liban avec des ressortissants syriens, Bachar el-Assad réalisera le rêve de son père et le désir des nationalistes syriens, qu'ils soient islamistes ou pas. 

Pour ce faire, ce « front anti-Liban » doit passer par trois moyens : inciter les populations syriennes réfugiés au Liban à haïr le Liban, les Libanais et l'armée libanaise (présentés respectivement comme un pays hostile, des racistes et des brutes; comme le démontre la campagne haineuse qui a suivi l'opération militaire du 30 juin dans les camps syriens d'Ersal), taper sur la fibre nationaliste de la Grande Syrie (pour faire oublier la guerre civile), empêcher les réfugiés et les déplacés syriens au Liban de rentrer en Syrie (d'où le refus absolus du régime depuis 2012 de construire des camps de réfugiés en territoire syrien et l'insistance suspecte sur la coordination entre l'Etat libanais et l'Etat syrien). 

Certes, Bachar el-Assad voudrait faire rentrer les Syriens déplacés chez eux au plus vite, pour annoncer la fin de la guerre et se déclarer grand vainqueur. Mais, il n'en a plus besoin. Ce n'est qu'un secret de Polichinelle, le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad à long terme est une chose pratiquement acquise sauf grand miracle. Aujourd'hui son objectif est plutôt de laisser une grande partie des réfugiés et des déplacés syriens au Liban, ad vitam aeternam. C'est tout bénef. D'une part, ils seront à la charge des autres et il n'aura pas à s'en occuper, et d'autre part, il pourra ainsi réaliser civilement ce que lui et son père n'ont pas réussi à faire militairement, annexé le Liban par la Syrie, de facto dans un premier temps, et de jure dans un second temps. Encore une fois, il faut se projeter dans l'avenir et envisager le pire. Qui aurait cru que la Russie annexerait la Crimée un jour ?

. Tertio, dans l'Orient compliqué, tout est politisé, le prénom, l'accent ou même la façon de s'habiller. Le dossier des réfugiés syriens au Liban n'échappe pas à la règle. Un quart des habitants du Liban aujourd'hui sont Syriens. Depuis 2011, 150 000 Syriens sont nés sur le territoire libanais. Pour des raisons diverses, certains d'entre eux sont apatrides. Si on tient compte de l'enlisement de la guerre civile syrienne, des visées nationalistes du régime syrien comme de Daech sur le pays du Cèdre, du contentieux historique entre le Liban et la Syrie, de l'animosité qui existe entre les deux peuples et du désir d'une frange de réfugiés syriens de ne pas rentrer dans leur pays, la présence des ressortissants syriens au Liban constitue une situation forcément explosive

C'est ce qui a amené le Premier ministre libanais, Saad Hariri, de confession sunnite, à dire il y a quelques mois (fin mars), que la crise des réfugiés syriens au Liban, qui sont en majorité de confession sunnite aussi, a « atteint un point de rupture » et que les tensions entre les Libanais et les Syriens peuvent dégénérer en « troubles civils ». Contrairement à ce que certains esprits maléfiques voudraient faire croire, celles-ci ne concernent pas seulement les communautés chrétiens libanaises. Là aussi le Premier ministre l'a bien rappelé « dans la plupart des communautés hôtes aujourd'hui (sunnite comprise), il y a une grande tension entre Libanais et Syriens (…) Ils (des présidents de municipalités) me demandent de trouver un moyen de les laisser repartir en Syrie »


IV. L'APPLICATION DES LEÇONS PALESTINIENNES ET SYRIENNES A LA CRISE DES REFUGIES SYRIENS AU LIBAN

Parlons peu, parlon bien. Le diagnostic du gouvernement libanais concernant le dossier des réfugiés syriens au Liban est bon. Mais son traitement ne l'est

On envisage de demander à la communauté internationale d'investir massivement dans les infrastructures libanaises, près de 11 000 $ par réfugié syrien sur une période de 6 ans, afin d'aider le Liban à faire face à la crise des réfugiés. Soit, il le faut. Certains Syriens sont arrivés au Liban il y a 6 ans. 6 + 6 = 12 ans. Le temps de trouver les fonds pour mettre ce plan hypothétique en marche, il faut peut-être 2 ans. Alors, 6 + 6 + 2 = 14 ans. Si on investit des dizaines de milliards de dollars dans les infrastructures et en aides diverses, c'est qu'on envisage une installation de longue durée des ressortissants syriens au Liban, au moins jusqu'en 2025. Sachant que la majorité des réfugiés et des déplacés syriens ne retourneront pas en Syrie tant que Bachar el-Assad est au pouvoir et que le maintien de ce dernier au pouvoir à long terme est une chose acquise, on peut confirmer la conclusion précédente, les Syriens sont encore au Liban pour longtempsIl y aura bien une jeune génération de Syriens qui n'aura pratiquement rien connu de la Syrie et qui ne voudra certainement pas rejoindre un pays de désolation où ils ne possèdent rien et où les perspectives sont désastreuses pour plusieurs générations. Sans être pessimistes, disons que le Liban ne tiendra pas. La présence massive syrienne au pays du Cèdre ne pose pas que des problèmes aux infrastructures libanaises. Ne serait-ce que sur le terrain de l'emploi et du logement, la situation est catastrophique pour les Libanais. Et dire que c'est dans ce contexte alarmant que les incompétents députés libanais, dont la légitimité est remise en cause par l'autoprorogation de leur mandat expiré en juin 2013, viennent d'augmenter massivement les taxes hier, après avoir mis fin au régime des locations anciennes il y a quelques mois. Pathétique.

Il n'est question dans cet article ni d'exagérer les faits ni de les minimiser d'ailleurs, mais de réfléchir sur un problème qui risque de s'aggraver avec le temps et de nuire à tout le monde. Syriens et Libanais doivent dépasser les faits divers aussi ignobles soient-ils, les erreurs, les peurs et les égarements. Ils doivent se concentrer sur l'essentiel. Ils partagent et subissent la même tyrannie, celle des Assad, depuis 1970. Cela devrait les unir pour faire face au projet diabolique et pernicieux de Bachar el-Assad : empêcher le retour des réfugiés et des déplacés syriens du Liban en Syrie, afin de permettre la colonisation du pays du Cèdre par les ressortissants syriens, en vue de son annexion éventuelle dans bilad el-cham un jour lointain.

Le Liban remplit son devoir humanitaire envers le drame syrien au-delà de ses capacités et de tout ce qui est possible et imaginable, n'en déplaise à tous les libanophobes, qu'ils soient Libanais ou Syriens. Aucun pays au monde n'a donné aux Syriens autant que les Libanais. Surement pas la Turquie, comme on l'a vu au début de l'article. Mais il est temps de tirer la sonnette d'alarme. S'il est important de mettre fin à la guerre en Syrie au plus vite, il est urgent de sortir du statu quo. Sinon le pire est à venir. 

Cela passe par la création de camps de réfugiés dans des zones sécurisées du territoire syrien, l'anéantissement total des organisations terroristes Daech et Nosra, la mise en place d'une transition politique en Syrie qui prévoie le renvoie d'Assad en Sibérie à défaut de La Haye. En parallèle, il est impératif d'assurer un meilleur accueil des réfugiés syriens dans les pays concernés et surtout, une répartition du fardeau des réfugiés syriens sur toute la communauté internationale, selon les degrés de responsabilité dans cette grave crise humanitaire, càd sur l'Iran, le Qatar, l'Arabie saoudite, les Etats-Unis, la Chine et évidemment, la Russie. Si ces deux derniers pays n'avaient pas bloqué sept résolutions de l'ONU concernant la Syrie, nous ne serons pas dans cette impasse si dangereuse à la fois pour le Liban et pour l'Europe toute entière, un pays et un continent qui ne sont pour rien dans cette histoire. En attendant, tous les gens de bonne volonté doivent commencer à conjuguer leurs forces pour mettre en oeuvre l'accord Trump-Poutine conclu lors du G20 il y a deux semaines, qui prévoit un cessez-le-feu et la création de zones de désescalade dans le sud-ouest de la Syrie. C'est dans l'intérêt de tous, Libanais et Syriens.

mercredi 12 juillet 2017

Le journaliste Fidaa Itani confond la lutte idéologique et la liberté d'expression (Art.447)


La liberté d'expression est un droit qui fait partie des libertés fondamentales de l'homme. Elle permet à tout un chacun d'exprimer ses opinions sans craindre d'être poursuivi injustement par ceux qui font l'objet de ses critiques. Toutefois, ce droit ne permet ni à Fidaa Itani ni à Bakhos Baalbaki ni à quiconque de ce pays et d'ailleurs, de la planète Terre ou de la Voie lactée, de salir les individus et les institutions d'un pays gratuitement. Et pour cause, cela tombe sous la coupe de la diffamation, interdite par la législation des pays les plus démocratiques.

On peut regretter les ennuis judiciaires actuels de Fidaa Itani après la plainte déposée par Gebrane Bassil, le chef du Courant patriotique libre, mais force est de constater, depuis des années déjà, ce journaliste abuse de son droit à la liberté d'expression, en ayant consciemment et fréquemment recours à des propos approximatifs dans un but à peine caché de nuire à la réputation de ses adversaires politiques.

Dans des posts et un article récents consacrés à l'opération militaire qui a eu lieu il y a deux semaines dans les camps de réfugiés syriens de la région Ersal, où cinq kamikazes a priori syriens se sont faits exploser, Fidaa Itani ne s'est pas contenté de remettre en cause l'utilité militaire de l'intervention, il a affirmé aussi que « l'armée libanaise tue les détenus syriens sous la torture ». On peut arguer à juste raison que c'est son opinion. Cependant, en lisant attentivement ses écrits, on se rend compte que le journaliste prend des libertés que la liberté d'expression ne couvre pas. La torture est une accusation suffisamment grave qui contraint celui qui l'émet et qui prétend de surcroit être journaliste, de fournir des preuves solides. Ce ne fut pas le cas de Fidaa Itani. Pire encore, ce dernier a prétendu que ces actes infâmes relevaient d'une « décision politique ». Là aussi l'accusation est grave et gratuite, elle vise probablement le président de la République, Michel Aoun. Sur Facebook, Fidaa Itani est plus explicite : « Enfant écrasé. Raids. Harcèlement des réfugiés. Meurtre à l'aveugle. Des centaines d'arrestations. Obliger les gens à retourner en Syrie par la force. La poubelle de Michel Aoun et des forces armées rejoignent les fascistes du Hezbollah et les rancunes des restes du maronitisme politique. Des allégations sur la présence de terroristes qu'aucune partie neutre ne peut confirmer. Tout cela avec la saveur Saad (Hariri) - (Nouhad) Machnouk - (Wafiq) Safa. Un pays qui vaut Gebrane Bassil. » Comme nous sommes au Liban, je suis contraint d'apporter cette précision, le journaliste est de confession musulmane sunnite, partisans de la cause palestinienne et de la révolution syrienne. Chacun est libre d'apprécier de tels propos à leur juste valeur. Je ne m'avance pas trop en disant que dans n'importe quel pays de droit, Fidaa Itani aurait été poursuivi pour injure, diffamation et incitation à la haine raciale. Certes, il n'est pas le seul à être dans ce cas, mais le cas Itani est beaucoup plus grave qu'on ne le pense.

Plus grave encore, Fidaa Itani a le culot d'accuser « les organismes officiels (libanais) de n'être en position de force qu'uniquement quand des leaders de communautés libanaises (allusion aux communautés maronite et chiite) leur demandent de réprimer les réfugiés syriens, avec l'approbation des autres leaders communautaires (sunnites et druzes) ». Là aussi l'incitation à la haine communautaire est flagrante. Non seulement, le journaliste n'aborde aucun des problèmes qui découlent de la présence de plus de 1,5 million de ressortissants syriens au Liban, soit un quart de la population (sécurité, économie, emploi, logement, tourisme, électricité, eau, embouteillage, etc.), mais il va jusqu'à dire que ce n'est pas la première fois que les Libanais prennent « l'autre » pour un bouc-émissaire, rappelant que la dernière fois c'était avec « le palestinien » et que cette attitude nous avait conduit à la guerre civile.

Certes, il n'a pas complètement tort. Il n'empêche que Fidaa Itani reproduit le discours type d'une certaine gauche libanaise incapable depuis 1975 de comprendre d'une part, c'est parce que des leaders libanais musulmans ont interdit à l'armée libanaise de mettre un terme définitif aux agissements des milices palestiniennes au Liban (fin des années 1960), et d'autre part, à cause de l'entêtement des leaders libanais chrétiens à ne pas réformer le système politique libanais, que la tension politique islamo-chrétienne s'est envenimée, sur fond de divergences idéologiques à propos de l'orientation politique du Liban (monde arabe pour les premiers vs. monde occidental pour les seconds). Et c'est cela qui a conduit à la guerre.

Parlons peu, parlons bien. Pour l'opération d'Ersal comme dans l'affaire Fidaa Itani, il revient à la justice libanaise de décider ce qui est sous la loi et ce qui ne l'est pas. J'ai voulu dans la première partie de ce post mettre en ligne quelques infos basiques pour que chacun puisse se faire une opinion. Cela étant dit, pour mieux comprendre la personnalité de Fidaa Itani, il suffit de prendre du recul et de fouiller dans les archives. Il y a quelques années seulement, bien après la seconde indépendance, un certain vendredi 18 novembre de l'an de grâce 2011, ce journaliste libanais a publié un article dans Al-Akhbar, qui est resté dans toutes les mémoires. Rappelons d'emblée qu'Al-Akhbar est un quotidien pro-Assad et pro-Hezbollah, ce qui devrait suffire pour vous donner une idée précise où se situait sur le plan politique le journaliste en question.

L'immaturité politique et l'aveuglement idéologique de Fidaa Itani l'avait conduit à reprocher à Saad Hariri « de se solidariser avec des piliers de l'autre camp (les chrétiens en général et les partis des Forces libanaises et des Kataeb en particulier), en oubliant tout ce que ce dernier avait commis contre le droit du peuple palestinien dans les camps (au Liban), depuis les années 60 ». Pas la peine de revenir sur la question palestinienne, on en a parlé un peu plus haut. Arrêtons-nous sur la suite. Le journaliste considérait à l'époque que le chef du Courant du Futur commettait « la faute la plus grave » en adoptant la candidature de Samir Geagea, le président du parti des Forces libanaises, pour le poste de président de la République libanaise. Ça alors, mais pourquoi donc? Voici ce qu'il a écrit texto pour justifier sa position : « Geagea ne restera pas seulement le symbole de la collaboration avec l'Occident -sur lequel il a misé contre son pays, son peuple et sa citoyenneté- le symbole des combats fratricides et l'icône des aventures foireuses de se réarmer. Il ne restera pas seulement un mendiant d'armes aux portes de l'ambassade américaine, pour affronter l'expansionnisme syro-iranien via le Hezbollah. Proposer Samir Geagea comme prochain président de la République signifie la renaissance d'un ancien projet au Liban, qui nous ramènera à l'époque de 1982... Samir Geagea ne pourra représenter que l'héritier légitime du projet d'alliance du Liban avec Israël, ainsi que l'héritier de la gouvernance des Forces libanaises obtenue grâce aux tanks israéliens... Quelque chose de semblable couterait beaucoup de sang et de destruction... Saad Hariri ne sait pas que 'lorsqu'on ôte la goupille de sécurité d'une grenade à main, 'le maitre de la grenade' devient notre ennemie', il faut le jeter loin, et il ne convient pas, en aucun cas, de porter sa candidature à la présidence de la République. »

Je me sens navré d'avoir écrit cet article car je partage beaucoup de constats socio-politiques de Fidaa Itani. Et pourtant, il m'est difficile de défendre cet ex-journaliste d'Al-Akhbar qui se montre en parallèle aussi sectaire, immature et aveuglé, et qui semble confondre la lutte idéologique avec la liberté d'expression. On peut évidemment reprocher à l'armée libanaise, Michel Aoun, Gebrane Bassil et Samir Geagea un tas de choses. Le problème n'est évidemment pas dans ce droit de critiquer, mais dans la manière de le faire. Si la liberté d'expression accorde des droits, elle exige des devoirs. On a cru naïvement qu'on s'était débarrassés des délires idéologiques qui ont ravagé beaucoup d'esprits au Moyen-Orient au cours des soixante dernières années. Eh bien, non, pas encore.