mercredi 12 juillet 2017

Le journaliste Fidaa Itani confond la lutte idéologique et la liberté d'expression (Art.447)


La liberté d'expression est un droit qui fait partie des libertés fondamentales de l'homme. Elle permet à tout un chacun d'exprimer ses opinions sans craindre d'être poursuivi injustement par ceux qui font l'objet de ses critiques. Toutefois, ce droit ne permet ni à Fidaa Itani ni à Bakhos Baalbaki ni à quiconque de ce pays et d'ailleurs, de la planète Terre ou de la Voie lactée, de salir les individus et les institutions d'un pays gratuitement. Et pour cause, cela tombe sous la coupe de la diffamation, interdite par la législation des pays les plus démocratiques.

On peut regretter les ennuis judiciaires actuels de Fidaa Itani après la plainte déposée par Gebrane Bassil, le chef du Courant patriotique libre, mais force est de constater, depuis des années déjà, ce journaliste abuse de son droit à la liberté d'expression, en ayant consciemment et fréquemment recours à des propos approximatifs dans un but à peine caché de nuire à la réputation de ses adversaires politiques.

Dans des posts et un article récents consacrés à l'opération militaire qui a eu lieu il y a deux semaines dans les camps de réfugiés syriens de la région Ersal, où cinq kamikazes a priori syriens se sont faits exploser, Fidaa Itani ne s'est pas contenté de remettre en cause l'utilité militaire de l'intervention, il a affirmé aussi que « l'armée libanaise tue les détenus syriens sous la torture ». On peut arguer à juste raison que c'est son opinion. Cependant, en lisant attentivement ses écrits, on se rend compte que le journaliste prend des libertés que la liberté d'expression ne couvre pas. La torture est une accusation suffisamment grave qui contraint celui qui l'émet et qui prétend de surcroit être journaliste, de fournir des preuves solides. Ce ne fut pas le cas de Fidaa Itani. Pire encore, ce dernier a prétendu que ces actes infâmes relevaient d'une « décision politique ». Là aussi l'accusation est grave et gratuite, elle vise probablement le président de la République, Michel Aoun. Sur Facebook, Fidaa Itani est plus explicite : « Enfant écrasé. Raids. Harcèlement des réfugiés. Meurtre à l'aveugle. Des centaines d'arrestations. Obliger les gens à retourner en Syrie par la force. La poubelle de Michel Aoun et des forces armées rejoignent les fascistes du Hezbollah et les rancunes des restes du maronitisme politique. Des allégations sur la présence de terroristes qu'aucune partie neutre ne peut confirmer. Tout cela avec la saveur Saad (Hariri) - (Nouhad) Machnouk - (Wafiq) Safa. Un pays qui vaut Gebrane Bassil. » Comme nous sommes au Liban, je suis contraint d'apporter cette précision, le journaliste est de confession musulmane sunnite, partisans de la cause palestinienne et de la révolution syrienne. Chacun est libre d'apprécier de tels propos à leur juste valeur. Je ne m'avance pas trop en disant que dans n'importe quel pays de droit, Fidaa Itani aurait été poursuivi pour injure, diffamation et incitation à la haine raciale. Certes, il n'est pas le seul à être dans ce cas, mais le cas Itani est beaucoup plus grave qu'on ne le pense.

Plus grave encore, Fidaa Itani a le culot d'accuser « les organismes officiels (libanais) de n'être en position de force qu'uniquement quand des leaders de communautés libanaises (allusion aux communautés maronite et chiite) leur demandent de réprimer les réfugiés syriens, avec l'approbation des autres leaders communautaires (sunnites et druzes) ». Là aussi l'incitation à la haine communautaire est flagrante. Non seulement, le journaliste n'aborde aucun des problèmes qui découlent de la présence de plus de 1,5 million de ressortissants syriens au Liban, soit un quart de la population (sécurité, économie, emploi, logement, tourisme, électricité, eau, embouteillage, etc.), mais il va jusqu'à dire que ce n'est pas la première fois que les Libanais prennent « l'autre » pour un bouc-émissaire, rappelant que la dernière fois c'était avec « le palestinien » et que cette attitude nous avait conduit à la guerre civile.

Certes, il n'a pas complètement tort. Il n'empêche que Fidaa Itani reproduit le discours type d'une certaine gauche libanaise incapable depuis 1975 de comprendre d'une part, c'est parce que des leaders libanais musulmans ont interdit à l'armée libanaise de mettre un terme définitif aux agissements des milices palestiniennes au Liban (fin des années 1960), et d'autre part, à cause de l'entêtement des leaders libanais chrétiens à ne pas réformer le système politique libanais, que la tension politique islamo-chrétienne s'est envenimée, sur fond de divergences idéologiques à propos de l'orientation politique du Liban (monde arabe pour les premiers vs. monde occidental pour les seconds). Et c'est cela qui a conduit à la guerre.

Parlons peu, parlons bien. Pour l'opération d'Ersal comme dans l'affaire Fidaa Itani, il revient à la justice libanaise de décider ce qui est sous la loi et ce qui ne l'est pas. J'ai voulu dans la première partie de ce post mettre en ligne quelques infos basiques pour que chacun puisse se faire une opinion. Cela étant dit, pour mieux comprendre la personnalité de Fidaa Itani, il suffit de prendre du recul et de fouiller dans les archives. Il y a quelques années seulement, bien après la seconde indépendance, un certain vendredi 18 novembre de l'an de grâce 2011, ce journaliste libanais a publié un article dans Al-Akhbar, qui est resté dans toutes les mémoires. Rappelons d'emblée qu'Al-Akhbar est un quotidien pro-Assad et pro-Hezbollah, ce qui devrait suffire pour vous donner une idée précise où se situait sur le plan politique le journaliste en question.

L'immaturité politique et l'aveuglement idéologique de Fidaa Itani l'avait conduit à reprocher à Saad Hariri « de se solidariser avec des piliers de l'autre camp (les chrétiens en général et les partis des Forces libanaises et des Kataeb en particulier), en oubliant tout ce que ce dernier avait commis contre le droit du peuple palestinien dans les camps (au Liban), depuis les années 60 ». Pas la peine de revenir sur la question palestinienne, on en a parlé un peu plus haut. Arrêtons-nous sur la suite. Le journaliste considérait à l'époque que le chef du Courant du Futur commettait « la faute la plus grave » en adoptant la candidature de Samir Geagea, le président du parti des Forces libanaises, pour le poste de président de la République libanaise. Ça alors, mais pourquoi donc? Voici ce qu'il a écrit texto pour justifier sa position : « Geagea ne restera pas seulement le symbole de la collaboration avec l'Occident -sur lequel il a misé contre son pays, son peuple et sa citoyenneté- le symbole des combats fratricides et l'icône des aventures foireuses de se réarmer. Il ne restera pas seulement un mendiant d'armes aux portes de l'ambassade américaine, pour affronter l'expansionnisme syro-iranien via le Hezbollah. Proposer Samir Geagea comme prochain président de la République signifie la renaissance d'un ancien projet au Liban, qui nous ramènera à l'époque de 1982... Samir Geagea ne pourra représenter que l'héritier légitime du projet d'alliance du Liban avec Israël, ainsi que l'héritier de la gouvernance des Forces libanaises obtenue grâce aux tanks israéliens... Quelque chose de semblable couterait beaucoup de sang et de destruction... Saad Hariri ne sait pas que 'lorsqu'on ôte la goupille de sécurité d'une grenade à main, 'le maitre de la grenade' devient notre ennemie', il faut le jeter loin, et il ne convient pas, en aucun cas, de porter sa candidature à la présidence de la République. »

Je me sens navré d'avoir écrit cet article car je partage beaucoup de constats socio-politiques de Fidaa Itani. Et pourtant, il m'est difficile de défendre cet ex-journaliste d'Al-Akhbar qui se montre en parallèle aussi sectaire, immature et aveuglé, et qui semble confondre la lutte idéologique avec la liberté d'expression. On peut évidemment reprocher à l'armée libanaise, Michel Aoun, Gebrane Bassil et Samir Geagea un tas de choses. Le problème n'est évidemment pas dans ce droit de critiquer, mais dans la manière de le faire. Si la liberté d'expression accorde des droits, elle exige des devoirs. On a cru naïvement qu'on s'était débarrassés des délires idéologiques qui ont ravagé beaucoup d'esprits au Moyen-Orient au cours des soixante dernières années. Eh bien, non, pas encore.