dimanche 30 octobre 2016

Qui veut barrer la route à Michel Aoun, peut tout faire SAUF « voter blanc » (Art.397)


Avouez que l'imminence d'une éventuelle élection de Michel Aoun comme 13e président de la République libanaise mérite bien une trilogie. Cet article est le 3e et le dernier volet sur la question. Je le justifie par le fait qu'il me semble que certains députés libanais méconnaissent gravement la Constitution du pays du Cèdre. Je vais donc prendre un peu de temps à quelques heures du scrutin, pour leur expliquer quelques points importants qui y figurent, avant qu'ils ne s'engagent avec leur voix à la légère et n'engagent le Liban sur une voie hasardeuse.

D'abord, un mot sur le boycott. Il n'y a aucune référence dans la Constitution libanaise ni sur la mythologie du « droit de boycott » des séances parlementaires de l'élection présidentielle, ni sur le quorum nécessaire pour les valider. Yi ma3'2oul et pourquoi? Eh bien, parce que les Pères fondateurs n'ont pas imaginé la moitié d'un quart de seconde que 88 ans après la mise en place des fondations de la République libanaise, que des enfants de la patrie, décideront heik 3azaw2oun arbitrairement, de ne pas participer à l'élection du chef de l'Etat. Wou mech enno marra aw tnein, 44 fois svp ! A l'arrivée, nous avons eu deux ans et demi de boycott, ainsi que 890 jours de vacance du pouvoir présidentiel. Et comble du surréalisme politique, des ex-souverainistes, qu'ils le veuillent ou pas, ont fini par leur donner raison indirectement. Et ce qui me dérange au plus haut degré dans cette histoire absurde, ce n'est pas seulement cette méprisable prime au boycott qu'ils ont accordée, c'est le fait que les boycotteurs attitrés de la République libanaise, les députés de Michel Aoun et de Hassan Nasrallah, ne semblent rien regretter et sont naturellement disposés à recommencer. Politique pathétique, bienvenue au Liban.

Passons ensuite sur le quorum. Le Parlement libanais compte au grand complet 128 députés. Le quorum de l'élection présidentielle est fixé arbitrairement à 2/3. Ceci signifie que 86 députés doivent être présents dans l'hémicycle pour déclarer la séance électorale ouverte. Cette question a fait couler beaucoup d'encre au Liban depuis la vacance de 2007-2008. Il n'empêche que je suis plutôt d'accord avec Nabih Berri sur son approche constitutionnelle à ce sujet et ceci pour diverses raisons. D'une part, parce que l'élection du président de la République n'est pas un acte parlementaire ordinaire dans un pays ordinaire et qu'on peut faire passer à la majorité ordinaire. C'est discutable, je l'avoue. D'autre part, à mon humble avis, le chef de l'Etat libanais doit bénéficier d'une légitimité islamo-chrétienne pour exercer ses fonctions au Liban. Celle-ci ne peut être acquise que par la présence des 2/3 des députés libanais, au moment de l'élection, toutes appartenances communautaires et tendances politiques confondues. Les Pères fondateurs étaient bien conscients qu'à une époque où les communautés chrétiennes dominaient sur le plan démographique et parlementaire, cette disposition devait permettre aussi d'éviter que les députés chrétiens ne puissent élire un président sans le consentement des députés musulmans et contre leur gré. Aujourd'hui, nous sommes exactement dans une situation inversée. C'est entièrement dans l'esprit du Pacte national de 1943. Tout est imaginé pour renforcer la confiance mutuelle, la cohabitation communautaire et l'entente entre les Chrétiens et les Musulmans. C'était ainsi et ça doit le rester, ad vitam aeternam.

Abordons enfin, l'élection présidentielle proprement dite. Pour que Michel Aoun soit élu dès le 1er tour, il faut qu'il obtient « la majorité des 2/3 des suffrages ». Aux tours suivants, « la majorité absolue suffit » pour obtenir le Graal. Dans tous les cas de figure, ce que certains députés et même des journalistes ne savent pas, c'est que les deux notions de "suffrages" et de "majorité absolue" renvoient plutôt aux suffrages exprimés et qu'au nombre total de députés, présents et absents. Il y a là une nuance aux nombreuses conséquences. 

D'une part, les bulletins doivent être valides. Pas de gribouillage sur le papier évidemment. On ne peut pas noter par exemple la liste des courses, la recette des brownies ou le numéro de téléphone du coiffeur du collègue de gauche. Il faut inscrire le nom du candidat sans fioritures. Pas de petits cœurs de circonstance et je ne sais quoi d'autres. Pas de noms de défunts non plus, comme l'auraient fait des députés du parti de Michel Aoun lors de la 1re séance électorale en avril 2014, qui ont inscrit les noms de Rachid Karamé et Tony Sleimane Frangié (deux personnalités dont l'assassinat est attribué par les intéressés à Samir Geagea). Montrez par ailleurs, son vote à la caméra, comme l'a souhaité le chef du Hezbollah, pour prouver que ses députés veulent vraiment Michel Aoun, est impossible. Une telle imprudence invalide les bulletins. Ni les fatwa de Nabih Berri, comme la « législation de nécessité » (techri3 el daroura), ni même le « règlement du Parlement » (qanoun el majliss), comme l'a affirmé Hassan Nasrallah dimanche dernier dans son discours, ne peuvent rendre l'astuce possible. Ce n'est pas parce que Bakhos Baalbaki et ses friends veulent installer le doute dans les esprits des sympathisants de Michel Aoun (sur le fait qu'au fond, cela fait deux ans et demi que le Hezb ne veut ni de président ni du Général et ce n'est que récemment après la "transaction politicienne" qu'il a changé d'avis), mais tout simplement parce que l'action est anti-constitutionnelle puisque l'élection présidentielle libanaise se déroule selon un mode de « scrutin secret », comme le précise l'article 49 de la Constitution.

D'autre part, et là je prie les députés frondeurs d'ouvrir bien leurs pupilles. Les bulletins blancs ne peuvent pas être comptabilisés dans l'élection présidentielle, au Liban comme ailleurs. C'est comme s'ils n'ont jamais existé. Les députés qui voteront blancs sont donc pour une grande partie hypocrites. C'est le cas de Sleimane Frangié et ses friends. Les autres, les sincères, ignorent les conséquences désastreuses de ce qu'ils s'apprêtent à faire. Non seulement leur vote n'y changera rien, mais pire encore, il permettra à Michel Aoun d'avoir de bonnes chances d'être élu dès le 2e tour, voire même le 1re tour. Eh oui ! Mais pourquoi donc ? Explications.

Comme je l'ai précisé plus haut, une fois qu'on a passé le 1er tour, où il faut recueillir 2/3 des suffrages pour aller décorer la route de Baabda avec des guirlandes oranges, Michel Aoun peut être élu dès le 2e tour à la majorité absolue, soit la moitié des bulletins conformes plus un, à l'exclusion de tous les votes blancs et non validés. Cela étant dit, pour mieux comprendre le piège du vote blanc, deux exemples concrets et réalistes.

Premier cas de figure. Allez, supposons que les 127 députés seront présents au Parlement ce lundi et imaginons un 2e tour dont le dépouillement donnera les résultats suivants : 0 bulletins « Vote blanc », 51 bulletins « Michel Aoun »29 bulletins « Samir Geagea », 24 bulletins « Dory Chamoun », 19 bulletins « Sleimane Frangié », 3 bulletins « Henri Helou » et 1 bulletin « Bakhos Baalbaki ». La majorité absolue étant fixée d'après la Constitution à (127 bulletins valides ÷ 2) + 1 = 65 voix, Michel Aoun n'est pas élu. Bon, il piquera une grave crise de nerfs et dira aux députés ce qu'il a déjà asséné à maintes reprises dans le passé, comme au cours de cette conférence de presse agitée du 7 juillet 2015 : « Si vous (les députés autoprorogés) aviez une once de dignité, vous démissionneriez et vous rentreriez chez vous... La majorité actuelle n'a pas le droit d'élire le président... Tout le Parlement est illégal... Nous devons élire de nouveaux députés et c'est à eux qu'il reviendra d'élire le nouveau président de la République... Qui leur (les députés actuels, càd ceux qui se rendront place de l'Etoile ce lundi à midi pour l'élire!) a donné le droit de dire qu'il faut élire le président d'abord? C'est une honte. » Eh oui, c'est le Général dans toute sa splendeur !

Prenons maintenant un autre exemple, un 3e tour avec un dépouillement donnent les résultats suivants : 22 bulletins « Vote blanc », 51 bulletins « Michel Aoun »29 bulletins « Samir Geagea », 19 bulletins « Sleimane Frangié », 4 bulletins « el-Général », 2 bulletins « Tarattatta », 1 bulletin « La liste de courses de lundi soir de Gilberte Zoueine » et 1 bulletin « Qu'est-ce que je me suis manqué au cours de ces six dernières années? Okab Sakr ». Les bulletins blancs et les bulletins non conformes, soit au total 30 papiers, seront mis à la poubelle comme le veut la Constitution. La majorité absolue étant alors déterminée par la moitié des votes exprimés et valides plus un, soit (97 ÷ 2) + 1 = 50, Michel Aoun est élu président de la République libanaise, avec le même nombre de voix que le premier exemple, grâce aux génies du vote blanc, qui ont rendu l'impossible possible.

Par conséquent, qui veut sérieusement barrer la route à Michel Aoun, peut tout faire SAUF voter blanc ou gribouiller sur son bulletin de vote. Théoriquement, c'est possible. Mais en pratique, est-ce qu'il y a encore des députés qui veulent le faire ? Tant pis, chacun assumera son vote et à bon entendeur, salut ! Et avant que je n'oublie, mes salutations distinguées à ces députés à l'hypocrisie débordante, qui veulent sauver la face avec le subterfuge politique grotesque du « vote blanc ». 

Post-scriptum

Nulle part dans la Constitution libanaise qui établit le cadre légal de l'élection présidentielle au Liban, notamment l'article 49, il n'est écrit qu'on doit tenir compte du « nombre total des membres du parlement » pour valider l'élection au 1er tour et aux tours suivants. Qu'elle fut grand ma surprise, de découvrir qu'il s'agit des usages et non du texte constitutionnel.

Voici l'alinéa de l'article 49 qui aborde le sujet et qui remonte à la Constitution de 1926 et que l'on retrouve naturellement sur le site internet de la Présidence de la République libanaise. « Le Président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours de scrutins suivants, la majorité absolue suffit. » Donc, au 1er tour on parle de « suffrages ». Or, les suffrages ce sont des votes exprimés, respectant les règles, et non les députés, présents et absents. Au 2e tour, on parle de « majorité absolue ». Or, il est communément admis dans toutes les législations du monde, que la majorité absolue se réfère à 50%+1 des suffrages exprimés, càd des votes valides, qui ne tiennent pas compte des votes blancs.

Ainsi, une question s'impose et nous laisse dans le désarroi le plus total : est-ce que les dirigeants libanais interprètent mal la Constitution libanaise depuis que celle-ci existe? Dans tous les cas, la conclusion est évidente : on a encore un problème d'interprétation arbitraire de la Constitution libanaise, qu'il va falloir tirer au clair et au plus vite.

jeudi 27 octobre 2016

Michel Aoun n'a aucune chance d'être élu sauf dans le cadre d'une « transaction politicienne » qui n'est pas dans l'intérêt du peuple libanais (Art.395)


 1  Précisons d'emblée, Michel Aoun n'a aucune chance sérieuse d'accéder à la présidence de la République libanaise par la voie de la compétition démocratique. Cela fait 26 ans qu'il essaie, en vain. Il ne pourra y parvenir que par la voie d'une « transaction politicienne » dont voici les grandes lignes.

 2  Le seul véritable pouvoir entre les mains du président de la République libanaise est celui que lui confère trois alinéas de l'article 53 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Chef du gouvernement (...) Il promulgue seul le décret de nomination du Président du Conseil des ministres (...) Il promulgue, en accord avec le Président du Conseil des ministres, le décret de formation du Gouvernement ». Ainsi, Michel Aoun président contrôlera dans les moindres détails la formation et la composition de son prochain gouvernement. Rien dans ce bas monde, à moins d'un usage de la force, ne l'empêchera de bloquer ad vitam aeternam le fonctionnement démocratique des institutions libanaises de nouveau, si le vent ne souffle pas comme le voudraient ses navires.

 3  S'il y a vraiment un consensus pour élire Michel Aoun le 31 octobre, nous pouvons être sûrs qu'il y a eu forcément un « deal » entre les protagonistes sur le court terme de l'après-élection. Oubliez le gouvernement de transition, le gouvernement de Tammam Salam pourrait rester en place jusqu'aux prochaines élections législatives censées avoir lieu avant le 20 juin 2017. Donc, le court terme après l'élection de Michel Aoun concernera essentiellement le gouvernement post-Salam.

 4  Le gouvernement post-Salam qui prendra place entre novembre 2016, au lendemain de l'élection d'Aoun, et juin 2017, à la fin du mandat de l'actuel Parlement, dépendra des résultats des élections législatives. Et encore, il faut bien que ces élections aient lieu. Mais encore, si elles ont lieu, il faut bien savoir selon quelle loi électorale elles se dérouleront. Depuis 2009 svp, les 128 prodiges représentants du peuple libanais sont penchés sur la question. Il est donc illusoire de croire encore que le peu de temps qui reste permettra de se débarrasser de la loi électorale archaïque de 1960 et de bénéficier enfin d'une loi électorale qui assure une bonne représentativité du peuple libanais.

 5  Par conséquent, les Libanais doivent savoir que la « transaction politicienne » à court terme, qui conduira Michel Aoun à Baabda, engloberait une de ces trois options.

A. Prorogation du mandat des députés de 2009, déjà autoprorogés, avec aucune modification du rapport de force en attendant l'évolution de la situation en Syrie, ce qui arrangera les blocs formés autour du Courant patriotique libre (CPL), du Futur, du Hezb, d'Amal et du Parti socialiste progressiste (PSP).

B. Elections législatives sous la loi de 1960, qui convient à tous les grands partis politiques libanais, à l'exception des Forces libanaises (FL), des Kataeb et des candidats indépendants ou opposants aux grands partis cités précédemment, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues.

C. Elections législatives sous une loi électorale apparentée à la loi de 1960, donnant l'illusion du changement aux Libanais, mais assurant le statu quo dans le rapport de force entre les grands partis.

 6  Eh oui, j'ai l'intime conviction qu'il n'y aura pas d'élections législatives sous une loi permettant une bonne représentativité au Parlement et ceci pour diverses raisons.

A. Les résultats des élections municipales du printemps. Les grands partis politiques savent très bien que le désaveu des Libanais pour toute la classe politique sans exception, aux élections municipales -notamment à Beyrouth avec le mouvement civil « Beirut Madinati » et à Tripoli avec Achraf Rifi, l'ancien chef des Forces de sécurité intérieur- a toutes les chances de se répéter. D'où leur peu d'empressement pour abroger la loi électorale de 1960 qui leur est plutôt favorable.

B. Les déclarations de Nabih Berri dimanche de Genève. « On dit qu'il y a un accord non déclaré pour garder la loi de 1960, sans (voter) une nouvelle loi électorale ». Dans son apparition sur la chaine LBCI lundi, Sleimane Frangié, qui a décidé de rester dans la course présidentielle, a révélé que Saad Hariri lui aurait assuré au cours des négociations préalables au soutien de sa candidature, que « la loi électorale de 1960 lui convient ». Du côté de Michel Aoun, il est utile de rappeler à ceux qui ont la mémoire courte, que le Général a pavoisé pendant 7 jours et 7 nuits au printemps 2008, car il aurait soi-disant récupéré les droits des chrétiens, en imposant la loi électorale archaïque de 1960 dans l'accord de Doha. Walid Joumblatt est comme tout le monde le sait, un fervent défenseur de la loi de 1960, qui lui donne plus de poids politique qu'il n'a de poids populaire. Quant à Hassan Nasrallah et Nabih Berri, ils n'en ont cure de la loi de 1960 car les régions chiites sont plus homogènes et bien verrouillées sur les plans démographique et politique. Ainsi, le grand perdant de cette transaction politicienne sera Samir Geagea, l'initiateur de l'idée de l'élection de Michel Aoun. La loi de 1960 lui donne un poids politique inférieur au poids populaire de son parti. Samy Gemayel, dont le parti est aussi lésé par la loi de 1960, s'est placé de toute façon en dehors de la transaction. 


C. La conférence de presse de Hassan Nasrallah dimanche aussi, le jour où il a rencontré Michel Aoun et Gebrane Bassil. « Qui dit que nous ne voulons pas de l'élection du général Aoun ? Qui dit que le Hezb ne veut pas de président ? » S'il était sincère, il n'avait même pas besoin d'évoquer la question. Dire que Hassan Nasrallah se préoccupe tellement de la vacance présidentielle et veut tellement Aoun président, qu'il a consacré la longue première partie de sa conférence de presse du 23 octobre, plus de 45 minutes, à Hatem Hamadé, un combattant du Hezbollah mort en Syrie, au cours de la « guerre fatidique » de la « grande bataille » d'Alep. Le sujet « Michel Aoun » était relégué à la 2e partie et n'a occupé Hassan Nasrallah que 33 minutes. Comprenne qui voudra.


 7  Certes, le chef du Hezbollah a affirmé que « nous élirons le général Aoun président ». Mais bizarrement, il a tenu à s'adresser aux sympathisants du CPL : « Ne permettez à personne de déformer la relation qui existe entre nous ». Et comment pourrions-nous le faire si tout était au beau fixe ? Là aussi, si el-Sayyed est obligé d'en parler, c'est qu'en réalité, le doute existe, et qu'il n'a besoin de personne d'autre que le chef du Hezbollah pour gagner les esprits. La surenchère a franchi le seuil du grotesque avec la demande de Hassan Nasrallah d'autoriser les députés du Hezbollah à « dévoiler leur bulletin de vote aux caméras, afin de prouver la présence du nom 'Michel Aoun'». On aurait rit à gorge déployée si cela ne constituerait pas une énième violation de la Constitution libanaise, dont l'article 49 stipule que l'élection présidentielle libanais se déroule selon un « scrutin secret ».


 8  Une grande partie de la conférence de presse de Hassan Nasrallah dimanche était consacrée à la guerre en Syrie. « La seule situation qui nous ramènera au Liban, c'est notre victoire en Syrie, c'est-à-dire quand notre projet gagnera et quand l'autre projet finira ». Les politiciens libanais étaient tellement occupés à pavoiser la route de Baabda et à accrocher les guirlandes sur les fenêtres du palais présidentiel, qu'ils n'ont eu le temps ni de relever la phrase ni de commenter la gravité de sa portée : le chef du Hezbollah a signifié clairement aux Libanais que la frontière syro-libanaise ne sera jamais fermée dans les deux sens.

Et comme si de rien n'était, les dirigeants des Forces libanaises et du Courant du Futur, ex-piliers du mouvement souverainiste du 14-Mars, ont continué de rassurer le peuple libanais en lui expliquant que « lorsqu'Aoun le pragmatique accédera à la présidence de la République, sa principale préoccupation sera d'assurer le succès de son mandat » (Samir Geagea) et que « Michel Aoun sera le président de tous les Libanais » (Saad Hariri). Mais voyons ! Nous tâcherons de nous en souvenir et de vous le rappeler. Pour ce qui est des convertis zélés à la candidature de Michel Aoun, ils se sont ingéniés pour expliquer des nuances subliminales qui auraient échappées aux Libanais : « Les bulletins blancs ne seront pas comptabilisés pour déterminer le rapport de force entre Frangié et Aoun » (Georges Adwan, n°2 des FL) ; « Par l'élection d'Aoun le 31 octobre, le Hezbollah aura largement contribué à mettre fin aux marques d'influence syrienne au Liban » (Charles Jabbour, journaliste gravitant autour des FL). Mieux vaut en rire.

 9  Bien avant Samir Geagea et Saad Hariri, j'avais suggéré dans un article publié le 24 mai 2014, « Et si le 14-Mars remplaçait Samir Geagea par Michel Aoun ? Les trois options du général : la grande porte, la petite porte ou la trappe ». En voici un résumé. « Soyons pour la suite surréalistes... je ne vois qu’une issue à court terme... un deal national que Samir Geagea proposerait à Michel Aoun... El-hakim annonce de Meerab le retrait de sa candidature à l’élection présidentielle, au cours d’une conférence de presse solennelle, entouré de Gebrane Bassil, le gendre du général... À la fin de la conférence, el-hakim passe chercher el-général en voiture à Rabieh... Les deux hommes se rendent à l’église Mar Mikhael dans la même voiture... Elle est conduite par le général Chamel Roukouz. Ils discutent de la prochaine nomination de ce brave militaire, gendre du général, comme commandant de l’armée libanaise... Sous les applaudissements, les tzolghout et les jets de riz, avec une transmission directe commentée par la députée du Kesrouan, Gilberte Zouein, qui ne croit pas ses yeux et reste sans voix, Michel Aoun déchire devant les caméras le fameux 'Document d’entente' qu’il a signé huit ans auparavant avec Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah. »



 10  A la grande différence de Samir Geagea et de Saad Hariri, j'ai conditionné ma proposition. Pas de chèque en blanc pour Michel Aoun ou pour n'importe qui d'autre ! Ce n’est pas parce que le « Document d'entente » a une quelconque importance politique en soi, mais uniquement pour le côté symbolique du geste, qui aurait signifié urbi et orbi, la rupture de l’alignement du général Michel Aoun sur l’axe Dahiyé-Damas-Téhéran. Saperlotte, mais qu'on dise au peuple libanais, sur quoi Michel Aoun s'est-il engagé sérieusement pour qu'on l'élise ? L'accord Geagea-Aoun conclu à Meerab peut-être ? Il ne s'est même pas donné la peine de le lire lui-même et avant même d'être élu, il n'a pas respecté le point 2 où il est clairement dit qu'Aoun-candidat-soutenu-par-Geagea doit « respecter la Constitution sans sélectivité, loin des considérations politiques et des interprétations erronées ». Le boycott de toutes les séances électorales depuis le 18 janvier 2016 sont des violations à la fois de la Constitution et l'accord de Meerab.

 11  Cette malheureuse phrase qui s'est glissée dans le discours de Hassan Nasrallah (point 8), résume bien la position de la milice chiite depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie, le 15 mars 2011 et tout le danger de l'élection d'un Michel Aoun comme président de la République libanaise, qui s'est révélé au cours des dix dernières années, comme un soutien infaillible du Hezbollah. Pire encore, c'est un élément de plus qui montre à quel point Samir Geagea et Saad Hariri sont inconsistants en soutenant deux candidats du 8-Mars, Michel Aoun et Sleimane Frangié, qui n'ont jamais raté une occasion depuis la seconde indépendance, pour prouver leur alignement politique sur les positions du Hezbollah et leur soutien à ses projets. A une période où les pays arabes, européens et américains durcissent de plus en plus leur législation à l'égard du Hezbollah, chapeau les gars ! Soit, mais de grâce, épargnez-nous à l'avenir, les critiques de la présence du Hezbollah en Syrie. Vous soutenez des candidats qui ont toujours justifié l'intervention de la milice chiite libanaise dans la guerre civile syrienne, l'élément déclencheur de la décompensation du Liban et la détérioration de son état aux niveaux politique, économique, touristique, social, écologique, sécuritaire et vie quotidienne, dues notamment à l'afflux de deux millions de ressortissants syriens dans un pays de quatre millions d'habitants.

 12  L'élection de Michel Aoun, ou même de Sleimane Frangié, comme 13e président de la République libanaise comporte trois risques majeurs pour le peuple libanais. Primo, l'enlisement du Liban dans la formation des gouvernements pour des raisons partisanes, politiciennes et populistes (point 2). Secundo, le sabotage de la démocratie libanaise par la prorogation du mandat du Parlement actuel, voire la tenue des prochaines élections législatives sous la loi électorale de 1960 ou une loi apparentée (point 5). Tertio, la défense d'une ligne politique pro-Hezbollah, pro-Assad et pro-iranienne, notamment en ce qui concerne l'intervention de la milice chiite libanaise dans la guerre civile syrienne, avec toutes les conséquences qui en découleront (point 11). Etant donné que ces trois risques sont parfaitement identifiés et prévisibles, les citoyens devront tenir tous ceux qui ont soutenu cette transaction politicienne, entièrement responsables des complications qu'ils font courir au Liban et au peuple libanais. Il faut faire savoir aux députés qui sont sur le point de la conclure, qu'ils seront sanctionnés dans les urnes le moment venu.

 13  Tout député qui veut se faire réélire par la frange du peuple libanais soucieuse des intérêts suprêmes de la nation, devrait transformer la séance parlementaire du 31 octobre en un guet-apens tendu aux boycotteurs attitrés, qui auront à leur actif 890 jours de vacance du pouvoir et jusqu'à 44 séances électorales de boycott -les députés de Hassan Nasrallah, de Sleimane Frangié et de Michel Aoun- pour élire un homme compétent et digne de la République libanaise, de la trempe de Riad Salameh, le gouverneur de la Banque du Liban. Et quitte à élire un homme du quatrième âge, je propose les noms de Dory Chamoun, chef du Parti national libéral, et même du cardinal-patriarche maronite Mar Nasrallah Boutros Sfeir, deux des derniers défenseurs acharnés de la souveraineté et de l'Etat libanais qui n'ont jamais transigé sur les grands principes.

samedi 22 octobre 2016

Michel Aoun, 13e président de la République libanaise ? Rien n'est moins sûr (Art.394)


Soit. Mais, est-ce que la 46e séance parlementaire prévue le 31 octobre, pour élire le 13e président de la République libanaise, sera la bonne ? Conduira-t-elle à l'intronisation de Michel Aoun après ces longues années de lutte ? Sortira-t-elle le Liban de son marasme ? Rien n'est moins sûr. Mais encore, quelques réflexions à chaud après l'adoption par Saad Hariri, le chef du Courant du Futur, de la candidature de l'ancien chef du Courant patriotique libre, actuellement soutenu par Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, et supposé l'être par Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah.

Affiche du 8-Mars datant de la période 2006-2008 

1. Il faut commencer par admettre que les Libanais vivent une période surréaliste politique inouïe depuis l'été 2015. Jusqu'alors, le clivage politique au Liban était clair, binaire comme dans la plupart des pays du monde, 14-Mars vs. 8-Mars. Et voilà qu'après le changement de saison, tout s'est embrouillé. Les deux principaux opposants à l'élection de Michel Aoun, Samir Geagea et Saad Hariri, sont devenus des défenseurs de sa candidature, et les deux principaux alliés de Michel Aoun, Hassan Nasrallah et Nabih Berri, des opposants à son arrivée à Baabda. Entre les deux camps, Walid Joumblatt, l'homme au cul entre deux chaises. Il était et l'est toujours, opposé à tout candidat chrétien indépendant, ayant une assise populaire importante et un caractère affirmé, qu'il s'appelle Geagea ou Aoun. Son candidat, Henri Helou, est tout le contraire. En tout cas, je persiste et je signe, c'est le Beik de Moukhtara qui serait à l'origine du changement climatique politique récent au Liban, qui a pris place avec la candidature du Beik de Zgharta. Il voulait faire d'une pierre deux coups, se débarrasse du tandem maronite Geagea-Aoun, et ce n'était pas pour déplaire au tandem chiite, Berri-Nasrallah.

2. Depuis le retrait de Samir Geagea de la course présidentielle au profit de Michel Aoun, le 18 janvier 2016, tout indique sur le terrain et dans la pratique, que la greffe Forces libanaises-Courant Patriotique Libre n'a pas pris. La bataille municipale de Jounieh, entre autres, menée sans concession par un des gendres de Michel Aoun, Chemel Roukoz, qui veut verrouiller la région chrétienne du Kesrouan avant les prochaines élections législatives, l'a magistralement démontré. Certains défenseurs de la tactique saugrenue de Meerab nous ont expliqué que l'adoption de la candidature du Général par Hakim était censée barrer la route à l'élection du Beik grâce au Cheikh. Foutaises. A l'arrivée, Michel Aoun n'a jamais eu autant de chance dans sa vie d'être élu qu'aujourd'hui. D'autres défenseurs zélés ont justifié la tactique par la volonté de coincer le Hezbollah. Grotesque. Comme si on était dans un combat de boxe où il suffisait de marquer des points pour gagner le match. Pire encore, Aoun a réussi la prouesse politique d'obtenir le soutien de Geagea, et maintenant de Hariri, sans rompre son alliance avec Nasrallah, pour des raisons idéologiques et électorales. Plus grave encore, comme il y a de fortes chances qu'il n'y ait pas d'élections législatives sous une nouvelle loi électorale représentative, alors là, on peut le dire et sans l'ombre d'un doute, le grand perdant de toutes ces manœuvres politiques, si Michel Aoun est élu président de la République, est paradoxalement Samir Geagea, celui qui a rendu cette élection possible.

3. Certes, le discours de Saad Hariri, annonçant l'adoption de la candidature de Michel Aoun, est un discours responsable dans sa globalité. Tout comme la conférence de presse de Samir Geagea tenue au mois de janvier dans le même but. Ces deux personnalités sont des hommes d'Etat, qui ont su montrer par leur action qu'ils arrivent à contrôler leur ego et leur ambition, dans l'intérêt du Liban, ce qui n'est pas le cas de leur candidat et tant d'autres. Toutefois, Samir Geagea a commis une erreur politique et morale, en adoptant la candidature de Michel Aoun, et Saad Hariri en a commis deux, en adoptant successivement celles de Sleimane Frangié et de Michel Aoun. Ces deux candidats ont violé la Constitution de la République libanais, en boycottant les séances parlementaires d'élection. Et ce n'est pas tout. Aux pires moments de l'histoire contemporaine du Liban, lorsque des personnalités souverainistes tombaient sur le champ d'honneur les unes après les autres (de Rafic Hariri à Mohammad Chatah, en passant par Samir Kassir et Pierre Gemayel), Aoun et Frangié se sont montrés solidaires des présumés-coupables, le régime syrien de Bachar el-Assad et le Hezbollah. Cela étant dit, le Courant du Futur, à la différence des Forces libanaises, sauvera la mise, d'une part, parce que la base sunnite lui reste massivement acquise, et d'autre part, la loi électorale actuelle de 1960 (ou une apparentée), lui permettra tout de même, de se tailler la part du lion aux prochaines élections législatives.

4. L'élection de Michel Aoun après 890 jours de boycott de 44 séances parlementaires -eh oui, 890 jours et 44 séances de boycott !- de la part des députés du Courant patriotique libre et du Hezbollah, est le moins qu'on puisse dire, une prime à tous ceux que la conscience politique, à tort ou à raison qu'importe, autorise à bloquer le fonctionnement démocratique au Liban. Et puisqu'on y est, que voudra le « serment de fidélité, devant le Parlement, à la Nation libanaise et à la Constitution » qui sera prêté par un président comme Michel Aoun, ou même Sleimane Frangié, avant la prise de ses fonctions, tel qu'il figure dans l'article 50 de la Constitution libanaise, « Je jure par le Dieu Tout-Puissant, d'observer la Constitution et les lois du Peuple libanais », alors qu'en boycottant les séances parlementaires électorales (les convocations pour élire le président) et en assistant aux séances parlementaires législatives (les convocations pour voter des lois), sachant que le poste présidentiel est vacant, les deux candidats présidentiels du camp du 8-Mars (pro-Hezbollah et pro-Assad), se sont rendus coupables d'une violation flagrante de la Constitution libanaise et de ses articles 74 et 75, qui stipulent clairement et sans la moindre ambiguité ou interprétation fantaisiste, « qu'en cas de vacance de la présidence... l'Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau Président (...) La Chambre réunie pour élire le Président de la République constitue un collège électoral et non une assemblée délibérante. Elle doit procéder uniquement, sans délai ni débat, à l'élection du Chef de l'Etat » ? Tout serment dans de telles conditions est une mascarade qui entache l'honneur de la République libanaise.

The Daily Star
Juillet 2015
5. Law badda tchaté ghaïyamitt. Michel Aoun a réussi un tour de passe-passe extraordinaire, celui de faire oublier aux Libanais qu'il est installé dans leur paysage militaro-politique depuis 1984. Eh oui, il a été respectivement, 6 ans commandant en chef de l'armée libanaise, 2 ans Premier ministre et multi-ministre, 14 ans opposant politique exilé et libre, 11 ans député et chef du plus grand bloc parlementaire chrétien, 11 ans au gouvernement et en opposition, et 10 ans allié du Hezbollah et des régimes syro-iraniens. Ainsi, il cumule 54 ans de fonctions et de positionnements au plus haut sommet du pouvoir et de toutes les influences au Liban. Alors, ya cha3eb lebnan el 3azim, mes chers compatriotes, comme on dit en Orient, s'il devait pleuvoir, le ciel se serait couvert de nuages il y a belle lurette ! Sans remonter à l'époque de Mathusalem, qu'ont fait Aoun et consorts, pour éviter au Liban le fardeau de deux millions de réfugiés syriens (alors qu'ils contrôlaient 1/3 du Conseil des ministres et 1/5 du Parlement libanais) ou pour ramener l'eau et l'électricité 24h/24 dans les foyers libanais comme ils l'ont promis (alors que le ministère de l'Energie et de l'Eau est entre les mains de leur bloc parlementaire depuis plus de huit ans) ? Rien, absolument rien d'efficace.

6. Comme tout ce qui se fait sous le soleil n'est que « vanité et poursuite de vent », comme nous dit la Bible, Michel Aoun est amené un jour, après une longue vie heureuse, de bons et loyaux services, à nous quitter afin de comparaitre devant Dieu pour le jugement dernier. Que Dieu fasse en sorte que ce jour soit le plus lointain possible. En attendant, on a beau faire des liftings du visage et cacher les valises sous les yeux, en usant et en abusant de subterfuges esthétiques, on a l'âge de ses artères et de son ADN. Aoun est entré dans sa 84e année. S'il est élu, il sera de ce fait, un des dirigeants les plus âgés du monde. Toutes mes félicitations mon général ! Alors, ce n'est pas pour dire, mais à cet âge, la sagesse des années aurait dû le pousser à être faiseur de roi que roi.

7. Il est quand même curieux de constater le déchaînement sans retenue de certaines politiciens et journalistes sur Michel Aoun, et toutes les précautions d'usage dont ces personnes s'entourent quand il s'agit d'évoquer les manœuvres politiciennes de Nabih Berri. Le président de l'Assemblée nationale fait partie des problèmes du Liban et non des solutions, comme d'autres politiciens d'ailleurs. Qui ne l'a toujours pas compris, a la mémoire courte. El-estèz a fermé le Parlement libanais, comme si c'était beit beiyo, la maison de son père comme on dit, et a occupé le centre-ville de Beyrouth, avec el-Sayyed et le Général, du 1er décembre 2006 au 25 mai 2008, soit près d'un an et demi de législature. Il l'a fait pour diverses raisons dont une était justement en rapport avec l'élection présidentielle, celle du 12e président de la République. Il faudrait ne pas oublier si vite que baï el misé2iyé, le père du pacte national comme on le surnomme parfois, n'a appelé à aucune séance électorale après l'expiration du mandat d'Emile Lahoud en novembre 2007. Il a fallu l'enlisement des milices du 8-Mars dans les rues de Beyrouth le 7 mai 2008, qui a conduit à l'accord de Doha, pour permettre à Michel Sleimane d'être élu. Pire encore, toutes les séances législatives qu'il a organisées depuis le 25 mai 2014, à l'expiration du mandat de Michel Sleimane, sont anticonstitutionnelles. Alors, mieux vaut garder l'encensoir dans la sacristie.
LBC via L'Orient-le-Jour
Octobre 2016
8. Cela étant dit, Nabih Berri est profondément opposé à l'élection de Michel Aoun. Il l'a fait savoir urbi et orbi. Et puisqu'un renard comme lui ne dit son dernier mot qu'avec le dernier souffle et comme ce vieux rusé semble en pleine forme, il fera tout pour empêcher cette éventualité. En tout cas, parce qu'il est prêt à battre son propre record de longévité à la tête du Parlement libanais -since 1992 svp, soit depuis 24 ans- Nabih Berri n'aurait jamais pris le risque ne serait-ce que la moitié d'un quart de seconde, de s'opposer publiquement à l'élection de Michel Aoun, s'il avait la certitude que le Général possédait une chance sérieuse d'être élu. Contrarier celui avec qui on va cohabiter pendant six ans, manquerait singulièrement d'intelligence. Croire qu'il l'a fait pour mieux négocier le prix de son approbation durant les dix jours qui nous séparent de l'élection présidentielle prévue le 31 octobre, est le moins qu'on puisse dire naïf. Comme le montre la photo ci-jointe, l'accueil glacial qu'il a réservé à Michel Aoun qui lui a rendu visite, prouve que les deux hommes sont irréconciliables.

9. Bien qu'il ait signé un document d'entente avec Michel Aoun en 2006, Hassan Nasrallah ne veut pas voir son fidèle allié en pole position dans la course présidentielle. La preuve ? El-Sayyed, qui a mis beaucoup de temps avant d'admettre la candidature de Michel Aoun il y a plus de deux ans, s'ingénie aujourd'hui pour multiplier les obstacles sur la route de Baabda. Et dire qu'il exige une entente entre Aoun et Frangié d'une part, et entre Aoun et Berri d'autre part, sachant pertinemment que cette double mission est impossible à accomplir. Et pourquoi il fait cela ? Primo, parce qu'il ne fait pas confiance à son allier. Secundo, parce que l'élection présidentielle est une carte importante qu'il ne compte pas jouer, sans y être contraint et forcé, sauf s'il a la certitude qu'elle renforcera l'hégémonie exercée par le Hezbollah sur le Liban. Tertio, parce que sa priorité reste l'issue de la guerre en Syrie. Et tout ce qui est en dehors de ça n'est que palabres et poudre aux yeux.

10. Il faut admettre en dernier que certains Libanais sont encore moins enclin à accepter la candidature de Michel Aoun que celle-ci apparaît aujourd'hui comme le fruit d'une entente entre les principaux leaders des communautés maronites et sunnites, soucieux de sortir du « blocage-chantage présidentiel », alors que les principaux leaders des communautés druzes et chiites, privilégient la piste du « panier-fourre-tout », l'arrangement à la libanaise, comme on a toujours fait, comme si de rien n'était et comme si la présidence de la République libanaise -poste réservé selon le Pacte national de 1943 à une personne de confession maronite, faisant du Liban le seul pays arabe présidé par un citoyen chrétien- n'avait plus aucune utilité.

Par conséquent, aussi paradoxale que ça puisse paraître, Michel Aoun n'a jamais eu autant de chance dans sa vie d'être élu président de la République libanaise qu'aujourd'hui. Pourtant, ses chances restent minimes. Et c'est en grande partie de sa faute. Enfin bref, on n'est pas sorti de l'auberge.