vendredi 24 juin 2011

Les droits de la femme vus par les hommes de Dar El-Fatwa (Art.20)


Que Dar el-Fatwa rejette le nouveau projet de loi concernant la protection des femmes de la violence familiale est tout à fait prévisible. C'est son droit démocratique d'exprimer ses convictions religieuses tant qu'il reste tout de même loin de l'extrémisme de l'universitaire suisse, Tariq Ramadam, qui face à la campagne des défenseurs de droits de l'homme contre la lapidation des femmes dans certains pays, avait prôné un "moratoire" sur cette pratique! Bon, au Liban nous sommes bien sûr très loin de cette mentalité moyenâgeuse, qu'on retrouve encore en Iran et en Arabie saoudite, mais force est de constater que la position de Dar el-Fatwa sur la violence à l'encontre des femmes dans le cadre familial est troublante!

Si l'interdiction d'un film amateur iranien, Green Days, nous a révolté il y a à peine quelques jours, le communiqué de Dar El-Fatwa aujourd'hui est tout simplement consternant par son extrémisme et sa portée.
- Il n'est pas admis qu'en 2011 la femme libanaise n'ait pas les mêmes droits que l'homme libanais. Et si Dieu l'a établi ainsi et bien nous les hommes nous n'en voulons pas!
- Il est grand temps de limiter l'intervention des autorités religieuses, aussi bien musulmanes que chrétiennes, dans tous les domaines de la vie privée des libanais, surtout en matière de droit élémentaire de la femme au respect absolu de son intégrité physique et à disposer librement de son corps, qu'elle soit mariée ou pas!
- Avant d'espérer rêver de la suppression du confessionnalisme politique dans notre pays, il faut peut être commencer à l'ôter des esprits. La position de Dar el-Fatwa ne va pas dans ce sens, bien au contraire!

Qu'un chrétien dénonce ça, peut paraître déplacé, mais c'est surtout d'aucune efficacité. Voilà pourquoi il est donc nécessaire que le principal parti politique sunnite, à qui d'ailleurs ce communiqué est adressé essentiellement, le Courant du Futur, dénonce avec la plus grande vigueur l'approche archaïque des droits de la femme par les hommes de Dar el-Fatwa.

Communiqué de Dar el-Fatwa [L'Orient-Le-Jour 24.6.2011]

Dar el-Fatwa a annoncé hier, dans un communiqué, son refus du projet de loi lié à la protection des femmes de la violence familiale. Et ce suite à une réunion élargie présidée par le mufti, Mohammad Rachid Kabbani.
Le communiqué critique la légalité du projet de loi, estimant qu’il « porte atteinte à la femme musulmane » et « lui refuse certains droits qui lui sont accordés par les tribunaux religieux ». Il observe que ce projet, « qui est conforme à la manière occidentale », ne correspond pas aux valeurs de notre société, et « met en danger la cellule familiale traditionnelle ». Dar el-Fatwa observe aussi que ce projet dénie au père le droit d’éduquer ses enfants, et plus spécifiquement ses filles, « qui ont le plus besoin de la protection de leur père ». Le communiqué déplore, de plus, le fait que ce projet « ôte leurs prérogatives aux tribunaux islamiques », (dans les articles 15 et 18). L’instance sunnite dénonce, par ailleurs, « la création de nouveaux crimes », comme le viol de l’épouse par son mari. Il observe aussi que certaines sanctions ne sont pas conformes avec l’esprit du code pénal, notamment concernant la sanction en cas de menace. Il regrette que ce projet ouvre la voie à la délation dans le domaine de la violence familiale, refusant l’ingérence de la police dans les affaires familiales. Il refuse, par le fait même, l’utilisation des témoignages d’enfants mineurs. Le communiqué de Dar el-Fatwa appelle les musulmans à lutter contre ce projet de loi qui est en opposition avec le statut personnel islamique et avec la composition de la cellule familiale musulmane.

dimanche 19 juin 2011

Une proposition de loi : les armes illégales contre des pistolets à eau (Art.19)


Tripoli
Vendredi 17 juin 2011
5pm
906 ans après la mort du Comte Raymond de Saint-Gilles, quelque part entre Bab El-Tabbané et Baal Mohsen.

Une manifestation de soutien au peuple syrien, dans son courageux face-à-face avec une des dictatures les plus archaïques de l'histoire, dégénère gravement.
Bilan, plusieurs morts et des blessés, civils et militaires.
Présent sur les lieux, pour fêter la naissance de son gouvernement mort-né, toujours du point de vue de l'Histoire, notre Premier ministre organisa une conférence de presse aussitôt. Lui, qui d'habitude donne l'impression de ne pas faire de mal à une mouche, s'emporte, s'énerve et tire sur l'opposition. Prière de faire attention sur le mot "opposition". Najib Mikati sait très bien que l'opposition c'est le 14 Mars et le 14 Mars ce sont essentiellement 3 hommes: Samir Geagea, Saad Hariri et Fouad Siniora, que le dictateur de Damas aimerait bien neutraliser.

Nous nous attendions non seulement à un tout autre ton, mais aussi à un tout autre contenu. En tout cas, si j'avais à rédiger un communiqué de presse au nom d'un Premier ministre responsable qui tient vraiment à son armée et aux citoyens de son pays, je l'aurai fait dans ses termes: "Après les accrochages de Bourj Abi-Haidar en août 2010, le meurtre du lieutenant Samer Hanna de sang froid en août 2008, l'invasion de Beyrouth et l'assassinat d'une centaine de paisibles citoyens en mai 2008, voilà mes chers compatriotes, vous avez aujourd'hui devant vous une preuve de plus que seule l'armée libanaise doit porter les armes au Liban"!

Si les coupables doivent être poursuivis en justice, cela va de soi, pourquoi tirer alors sur le 14 Mars, qui n'est pour rien, si ce n'est pour faire plaisir à Bachar El-Assad? Après 5 mois de vinification, le Mikati nouveau a un goût de bouchon! Il commence très mal. Dommage, je voulais lui donner une chance. Il n'a pas tenu 24h dans mon estime!

Pur hasard, au même moment et pas de bol pour lui, le journal Al-Akhbar, qui ne nous porte pas dans son cœur, donc pas prêt de nous faire un cadeau si ce n'était pas véridique, raconta dans les moindres détails l'escapade de Taha Mikati à Damas samedi 11 juin, 2 jours avant la néfaste signature de Michel Sleiman, où le jeune dictateur, qui croit pouvoir torturer les peuples syrien et libanais encore longtemps, a fait comprendre à son interlocuteur que "la pause était terminée, il y va de l'intérêt de la Syrie"!

L'agressivité de Najib Mikati envers le 14 Mars est de très mauvais augure! Encore une fois, se pose la question de la "contrepartie". L'équation est simple: Assad a soutenu Mikati, celui-ci doit se montrer reconnaissant. Il vient de payer la 1re facture présentée par la dictature de Damas. Il a pactisé avec le diable. Hélas, ce n'est que le début.

En tout cas, les forces du 14 Mars doivent s'engager devant le peuple libanais, dès à présent, qu'en cas de victoire aux élections législatives de 2013, ou aux élections anticipées qui auraient peut être lieu à l'enterrement de ce gouvernement mort-né, de faire voter la loi suivante:
Art.1 Tout milicien encore en activité au Liban, 20 ans après la dissolution des milices libanaises, qu'il soit hezbollahi, nationaliste-syrien, palestinien, salafiste ou gorille de politique, dispose de 6 mois pour échanger son arme contre un pistolet à eau.
Art.2 Au-delà des 6 mois, toute arme qui n'est pas entre les mains de l'armée libanaise sera confisquée. Son détenteur ne pourra plus profiter de la générosité de l'Etat et sera poursuivi devant les tribunaux.

Que les miliciens se rassurent, il y a des pistolets à eau très sophistiqués comme le montre la photo ci-dessus. Ainsi, les excités de la gâchette qui souhaitent encore utiliser leurs armes à l'intérieur de notre beau pays, auront la possibilité de le faire en toute liberté. Ils pourront même colorer l'eau avec le pigment qui les caractérise. Jaune, orange, vert, noir, j'en passe et des meilleurs. Tout le monde sera content, les mômes en premier. Le Liban deviendra le plus grand champ de bataille d'eau de l'histoire de l'humanité! Nous serons la 1re destination touristique de celles et ceux qui ont su gardé une âme d'enfant! Saint-Exupéry sera aux anges! Je suis sûr que le barrage de Chabrouh ne suffira pas à étancher la soif de certains compatriotes de jouer à la guerre. On sera donc obligé de leur construire d'autres sans doute. Comme "dommage collatéral" de cette nouvelle guerre, on aura l'eau au robinet 24h/24h pour alimenter nos valeureux guerriers. On aura également moins besoin d'AC et par conséquent une consommation électrique moindre au niveau national. Notre environnement se portera mieux, surtout si on impose l'utilisation de pigments naturels. J'en ai la chair de poule à l'idée. Mais de grâce, qu'ils laissent la défense du pays à nos forces armées.

Basta cosi!

mardi 14 juin 2011

Lecture dans le marc de café et horizon politique au Liban (Art.18)


Répression de plus en plus sanglante en Syrie, anticipation de la 1re explosion nucléaire expérimentale en Iran, gouvernement hezbollahi pro-syrien au Liban, Bachar El-Assad se précipitant pour féliciter son homologue libanais, les ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Télécoms entre les mains des formatés Aoun, bien qu'elles fussent prévisibles, ces dernières nouvelles nous laissent tout de même perplexes. L'action la plus urgente que nous devons entreprendre aujourd'hui, nous les exclus des sphères de l'exécutif, aussi bien du 14 Mars que du Centre, est de se poser tranquillement pour évaluer le nouveau rapport des forces, scruter notre horizon politique et lire l'avenir dans le marc d'une tasse de café, disons plutôt autour d'une tasse de café, c'est mieux!

1. Sur la chute de la dictature syrienne
Depuis le 15 mars 2011, on attend tous les vendredis la chute de la dictature syrienne. 3 mois se sont écoulés et toujours rien! Or, si au printemps dernier la situation en Syrie paraissait floue, aujourd'hui les choses sont un peu plus claires. Hélas, le régime syrien ne cédera pas de sitôt. L'opposition syrienne a franchi le point de non retour, mais n'arrive toujours pas à déchirer le tendon d'Achille du régime de Bachar. Un consensus au niveau de la communauté internationale sera toujours difficile malgré la situation dramatique de la population. Dans tous les cas, le régime de Bachar possède 2 atouts majeurs sur l'opposition aussi déterminée soit-elle : il n'est pas isolé (puisqu'il est soutenu par le régime fasciste de l'Iran, le camp libanais du 8 Mars et maintenant le gouvernement Mikati!) et surtout il a une arme redoutable de destruction massive, une arme de dissuasion, il n'hésitera pas à s'en servir, il a même menacé de le faire: la guerre civile! Bref, le régime syrien n'est pas prêt de tomber. Faut pas rêver! L'Histoire dit, pas encore. Très mauvaise nouvelle pour le peuple syrien et pour nous aussi!

2. Sur la fin du fascisme iranien
Le régime iranien a montré en juin 2009 sa grande capacité d'une part à mater tout mouvement de contestation et d'autre part à gagner du temps au sujet de son programme nucléaire. Rajoutez à cela que rien ne pourra aujourd'hui pousser le candidat Obama à s'aventurer dans une quelconque confrontation militaire avec la République islamique d'Iran avant l'épreuve de nov. 2012. Bref, le régime iranien lui aussi ne craint rien à court terme. L'Histoire nous dit également, patience. Encore une mauvaise nouvelle pour les peuples iranien, syrien et libanais.

3. Sur l'affaiblissement de ce gouvernement 8 Marsien et du Hezbollah en particulier
Depuis la Nuit des chemises noires, aucun indicateur ne laisse penser que le camp du 8 Mars doute de ses capacités ou disons-le franchement, craigne les camps du 14 Mars et du Centre. Ayons le courage d'avouer que la politique du "dos rond" n'impressionne pas nos adversaires! Quand je dis aucun indicateur, c'est vraiment aucun: les nombreuses visites de Walid Joumblatt à Bachar El-Assad, l'attaque des forces des Nations-Unies au Sud-Liban, l'offensive du Hezbollah via Charbel Nahas sur les renseignements des FSI, la visite folklorique de Michel Aoun au Sud-Liban, les activités militaires douteuses dans le Nord-Est du Liban, l'arrogance des orateurs du Hezbollah, les menaces sur la personne de Saad Hariri et tenez la cerise sur le gâteau, la formation du nouveau gouvernement!

La lenteur de Mikati & Co, était interprétée par le camp du 14 Mars, comme un signe d'impuissance du Hezbollah et une désorientation du camp du 8 Mars. Erreur! On a même espéré pendant longtemps que le stylo du président de la République pouvait nous aider à lutter contre l'hégémonie du Hezbollah sur le peuple libanais. En vain!

Jamais le Hezbollah n'a été aussi fort qu'aujourd'hui. Sa prudence dans la formation du gouvernement n'était pas un signe de faiblesse, mais bien au contraire c'était parce qu'il ne souhaitait pas perdre ses acquis, qu'il a évité de faire le moindre faux pas. Il a bel et bien réussi à renverser la majorité. Il a laissé passer quelques mois pour "dégonfler" la colère du camp du 14 Mars après le changement de majorité par l'intimidation lors de la Nuit des chemises noires. Il peut maintenant gouverner sans partage. Le Bey est plus que jamais ancré dans le camp du 8 Mars. Et quelle belle perspective s'offre à lui: une "bonne" gouvernance démagogique et populiste lui permettra d'augmenter ses chances de gagner les élections législatives de 2013. Un parcours sans faute. Alors tout va bien Madame la Marquise? Au moins pour l'instant. Et surtout, au moins jusqu'à la publication de l'acte d'accusation par le Tribunal Spécial pour le Liban!

Et pourtant, une question s'impose à l'aube de cette nouvelle ère: que fera le Hezbollah si les régimes syrien et iranien s'effondraient ? A chaque fois que le Hezbollah a perdu sur un point, il a essayé de se rattraper sur d'autres. Quand l'embryon de la révolution du Cèdre a commencé sa nidification dans le tissu libanais le lendemain de l'assassinat de Rafic Hariri, le Hezbollah a tenté de l'avorter par son opération "Merci la Syrie". Et quand à la table de dialogue au printemps 2006 on a décidé de s'attaquer au principal souci du peuple libanais, les armes illégales, le parti de Dieu a déclenché la guerre de Juillet. Après le désastre de cette confrontation avec Israël, et le vote de la résolution 1701, le parti du Wilayat El-Fakih s'est retourné vers le gouvernement Siniora (bouderie des ministres chiites et campement dans le centre-ville). Et quand ce dernier a pris des décisions souverainistes pour affirmer l'autorité de l'Etat libanais sur son territoire en mai 2008, le parti des armes a envahi Beyrouth et le Mont-Liban. Sans trop nous tromper, nous pouvons donc s'attendre au pire quand les régimes syrien et iranien s'écrouleront ou à la publication de l'acte d'accusation par le TSL!

Le Hezbollah n'est pas une mode politique passagère. Qui le connaît bien, sait qu'un coup dur porté à ses alliés régionaux, les régimes syrien et iranien, ou par le Tribunal Spécial pour le Liban, doublera sa motivation et sa détermination pour contrôler l'Etat libanais. Nous devons le savoir et nous devons en prendre conscience dans l'établissement de nos plans d'action. Najib Mikati aurait dû rejeter sa désignation depuis longtemps. Michel Sleiman n'aurait pas dû signer ce néfaste décret. Les autorités religieuses sunnites et chrétiennes auraient dû envoyer des messages beaucoup plus fermes aux 2 hommes, au lieu d'appeler à la formation "rapide" d'un gouvernement! Les camps du 14 Mars et du Centre n'auraient pas dû être aussi passifs. Les chiites et les druzes libres auraient dû être plus audibles. Nous pensons que tout ce petit monde a commis de graves erreurs envers ce peuple. Il peut encore les corriger. Il doit le faire. L'Histoire en jugera. En tout cas, nous prenons acte, nous les citoyens de ce pays. Nous résisterons!