mardi 29 décembre 2015

Liban : Top des douze flops de 2015 (Art.328)



12. Le scandale des impayés de certains politiciens à l’Electricité du Liban
Malgré tous les avantages qu’ils ont, directs et indirects, et en dépit du fait que les hommes politiques libanais ne brillent pas par leur haut rendement, certains politiciens se sont permis de ne pas payer leurs factures électriques pendant des mois, voire des années. Ces privilégiés, qui n'incluent pas que des politiques, et qui se croyaient au-dessus des lois et des citoyens, devaient à l’EDL la coquète somme de 600 000 dollars. On n’a eu vent de l’affaire que lorsqu’un brave juge avait ordonné des coupures électriques concernant les fautifs. Le comble dans ce scandale c’est cet effort déployé par EDL, ainsi que par les politiciens et même les médias, qui a consisté à, soit ignorer l’affaire soit entourer le scandale public de tant de confidentialité, ce qui s’est avéré, le moins qu’on puisse dire, être louche. Dans le cafouillage qui a accompagné l’affaire (liste ancienne/récente, ils ont payé/ils n’ont pas payé, etc.), deux noms se sont illustrés par leur défense maladroite, Mohammad Kabbani, député (Futur), et Farès Souaid, ex-député (indépendant/14-Mars). Morale de l’histoire : la transparence permet d’assainir la vie publique au pays du Cèdre, alors que le secret est source de rumeurs. (Art.311)

11. L’accélération du traitement des démarches administratives contre le paiement d’une taxe
C’était l’idée du ministre du travail, Séjaan Azzi (Kataeb). Elle était séduisante. Payer plus, pour être mieux servi, est une pratique courante et justifiée. Sauf qu’il y avait un bémol. Cette logique concerne des services privés. Dans le domaine public, il en est autrement, surtout que l’argent récolté ne devait pas aller dans les caisses de l’Etat, mais devait alimenter les comptes personnels des fonctionnaires du ministère du Travail. La décision du ministre libanais du Travail, était immorale (elle encourageait la corruption), illégale (le ministre n’avait pas les prérogatives nécessaires pour créer une telle caisse) et anticonstitutionnelle (une telle décision créerait de facto, une discrimination entre les Libanais, basée sur l’argent). Le pire, c’est qu’elle ne pouvait ni combattre la corruption, mais l’encourager au contraire, ni lutter contre la léthargie structurelle des administrations libanaises, puisque le système aurait été vite saturé. Et pendant ce temps, les Libanais attendent toujours le développement des démarches électroniques, qui coupera l’herbe sous les pieds des corruptibles. (Art.303)

10. La défense acharnée de Nadim Koteich de la candidature de Sleimane Frangié
Dans ce but, le journaliste s’est montré prêt à tout, y compris à trafiquer la réalité : selon ses dires les Libanais devraient comprendre que les Chrétiens refuseraient l’ingérence musulmane dans l’élection présidentielle, le blocage de la présidentielle serait purement maronite et les Chiites libano-iraniens seraient des spectateurs, Samir Geagea voulait marcher dans la candidature de Michel Aoun depuis longtemps, Saad Hariri revit avec le parti des Forces libanaises ce que son père avait vécu avec la tutelle syrienne (qui l'empêchait de ratisser large en dehors de la communauté sunnite de Beyrouth), Geagea est responsable de l’ankylose du 14-Mars, Hariri serait un leader libanais alors que Geagea n’est qu’un leader chrétien. L’aveuglement de Nadim Koteich, n’en est pas un en réalité. Employé du Futur, le journaliste a tenté d’une manière abjecte de détourner l’attention des Libanais du fait que quelques politiciens musulmans autour du duo Joumblatt-Hariri, préparent une cuisine infecte qu'une grande partie du peuple libanais, aussi bien dans la rue chrétienne que dans la rue sunnite, ne parvient pas à digérer, notamment dans les rangs du camp du 14-Mars : un « deal » politicien 8-Mars/14-Mars contraire aux intérêts des Libanais (j’y reviendrai dans un autre point) et un renoncement aux principes du rassemblement historique islamo-chrétien du 14 mars 2005, en mettant à la tête de l’Etat celui qui s’est montré à l’époque comme un « chef de gang menaçant », de l’aveu même du parrain de cette initiative délirante, la girouette de Moukhtara, Walid Joumblatt, aveu fait librement et sous serment svp, devant le Tribunal Spécial pour le Liban, le 6 mai 2015. (Art.325)

9. L’élévation de Samir Kuntar au rang héroïque et de martyr
Si les yeux d'une partie des Moyen-Orientaux le pleurent, à chaudes larmes, ceux d'une autre partie, restent secs et froids. « L’héroïsme » de cet homme a commencé à 17 ans en 1979 sur une plage d’Israël, par une attaque d’origine palestinienne ayant provoqué la mort de plusieurs civils, dont un père et une fillette de 4 ans, et s’est terminé en Syrie en 2015, aux côtés de la tyrannie des Assad, en qualifiant les rebelles syriens « d’éléments israéliens les plus laids de ce monde », et en prétendant que les vaincre équivalait à « une défaite des Sionistes ». Condamné à cinq peines de prison à vie et 47 ans supplémentaires, l’homme n’a retrouvé la liberté que grâce à l’opération du Hezbollah, « al wa3éd el sadeq » (la promesse sincère), qui est à l’origine de la guerre de Juillet (2006), où l’hystérie militaire israélienne a provoqué 1 600 morts (2/3 de civils), un million de déplacés et l’équivalent de 50 % du PIB du Liban en dégâts matériels et pertes économiques (4 % du PIB d'Israël côté israélien). Quoi qu’il en soit, Samir Kuntar restera dans l’histoire comme un « criminel » pour les Israéliens, ainsi que pour la majorité des Syriens, et pour les Libanais, un « martyr » pour les uns et « the six billion dollar man » pour les autres. (Art.327)

8. Le vote du « bazar des nécessités » en pleine vacance présidentielle
Si le quorum pour valider l’élection présidentielle est sujet à débat, la Constitution libanaise est très claire sur un point. Dans les conditions actuelles de vacance présidentielle, depuis le 25 mai 2014 svp, les représentants du peuple ne peuvent se réunir QUE pour élire le 13e président de la République libanaise. La fatwa grotesque de la « nécessité de légiférer » (techri3 el daroura), ou sa variante, « légiférer d’une manière exceptionnelle » (techri3 el estesné2é), n’existe nulle part, ni dans la Constitution, ni dans la jurisprudence. C’est une invention de la part de certains politiciens incapables de gérer normalement la vie démocratique au Liban, pour se donner bonne conscience au cours de la violation de la Constitution. Le « bazar des nécessités » a reçu l’approbation générale, sans réserve des partis politiques musulmans (Futur, Parti socialiste, Amal, Hezbollah), sous conditions pour les partis chrétiens (Forces libanaises et Courant patriotique libre) d’inclure l’acquisition de la nationalité libanaise (par les descendants de Libanais) et une nouvelle loi électorale, à une seule exception (le parti des Kataeb). Les parlementaires ont fini par voter tout et n’importe quoi, enfin beaucoup de projets de lois qui n’ont absolument rien d’urgent, et ils se sont contentés de palabrer, 2art 7aké, pour la 7e année consécutive, sur la loi électorale. (Art.318)

7. La condamnation de Michel Samaha à 4 ans et demi de prison
Les charges qui pesaient sur cet ancien ministre du 8-Mars étaient lourdes. Il a été reconnu coupable d’avoir projeté « mener des actions terroristes au Liban et d'appartenir à un groupe armé ». Et pourtant, malgré le fait qu’il a été pris en flagrant délit (possession de dizaines de charges explosives fournies par le régime syrien) et ses propres aveux (commettre des attentats contre des rassemblements sociaux, religieux et politiques sunnites au Liban), il n’a été condamné qu’à 4 ans et demi de prison. Toujours est-il que grâce aux services de renseignements libanais des Forces de sécurité intérieure d'Achraf Rifi et de Wissam el-Hassan, le projet terroriste syro-libanais a capoté. Cela a permis aux Libanais d’éviter de replonger dans la guerre confessionnelle, islamo-chrétienne et sunnito-chiite, « comme le souhaite Bachar (el-Assad) », selon les propos aveux du livreur de TNT. (Art.288)

6. Le phénomène Tol3et re7etkoum
J’y ai consacré quatre articles, tellement il y avait de l’espoir sur ce mouvement populaire et tellement cet avorton de révolte a déçu. Né avec la crise des déchets, le mouvement Tol3et re7etkoum, n’a pas su mettre à profit l’élan populaire dont il fut l’objet. Pire encore, il a galvaudé en un temps record son image en se montrant aussi immature et irresponsable que certains hommes politiques qu’ils combattaient. Sur le sujet des déchets, il n’a pas su voir ni l’urgence ni l’ampleur de la catastrophe à venir, avec son obstination concernant le maintien de la fermeture de la décharge de Naamé. La dérive politicienne a donné le coup de grâce au mouvement en faisant ressortir la confusion de ses dirigeants : exiger la démission du gouvernement Tammam Salam en pleine vacance présidentielle et en pleine paralysie parlementaire, réclamer des législatives sans évoquer la loi électorale, ignorer l’élection présidentielle et le blocage en cours, s’attaquer à tous les politiciens en évitant le leader du Hezbollah, etc. Le mouvement a oscillé entre le populisme et la langue de bois, entre l’arrogance et l’amateurisme. En recourant à la violence et en s’attaquant aux sièges du pouvoir libanais (du gouvernement et du Parlement), le mouvement a fini par perdre toute légitimité. Il faut dire que les activistes de Tol3et re7etkoum avaient oublié le b.a.-ba de l’activisme : qui n’est pas satisfait d’une situation doit « agir » dans le respect des lois en vigueur, tous les jours de l’année et non durant les vacances estivales. (Art.306)(Art.307)(Art.308)(Art.309)

5. L’exportation des déchets
Encore un exemple qui démontre l’amateurisme de certains responsables libanais. L’exportation des déchets a été proposée dès le début de la crise en juillet 2015. Elle fut abandonnée par la suite. Après plus de cinq mois d’humiliation des Libanais, par l’amoncellement des ordures sous leurs fenêtres et 160 jours d’imprégnation de leurs bronches pulmonaires par les résidus cancérigènes issus de l’incinération sauvage des déchets, avec et sans l'approbation des municipalités, voilà que le gouvernement de Tammam Salam y revient, comme si de rien n’était. Il décide le 21 décembre 2015, à la hâte, à la dérobée et sans véritables discussions, comme le Parlement dans le cas de la libéralisation des loyers anciens le 1er avril 2014, la veille des fêtes de fin d'année, en pleine félicité des commémorations des naissances de Mahomet de La Mecque et de Jésus de Nazareth, et pendant que le peuple libanais prépare son réveillon du nouvel an, l'attribution du marché de l'exportation des déchets à deux sociétés, l'une anglaise et l'autre hollandaise, avec des contrats qui ne sont pas rassurants et qui comportent plusieurs zones d'ombre et divers points inquiétants. Étrange toute cette opacité sur un dossier du domaine public qui a pourri la vie des Libanais la moitié de l'année écoulée ? Tout cela laisse à penser que ni le Liban, qui engage sa responsabilité selon les contrats conclus, ni ces sociétés qui exécuteront ces contrats, ne sauront respecter les normes internationales strictes en matière d'exportation de déchets. En tout cas, il faut être bien déconnecté de la réalité, pour imaginer la moitié d’un quart de seconde que les sociétés spécialisées en la matière, vont se donner beaucoup de peine pour récupérer des ordures ménagères du Moyen-Orient s'il vous plaît, afin de produire de l'électricité. Au passage, sachez que cette solution utopiste nous coutera chère, plus de 250 $/tonne, beaucoup plus chère que celle appliquée autrefois par Sukleen, et même, celles des appels d'offres annulés par le gouvernement il y a tout juste quatre mois parce qu'ils étaient considérés hors de prix. Et pourtant, les solutions simples existent et sont à la portée de tous, qu’ils soient gouvernants, parlementaires ou dirigeants municipaux, qui peuvent s'ils le veulent, remédier à la crise ou au moins, en atténuer les méfaits sur la santé des gens et sur l'environnement, avec peu de moyens, comme je l'ai démontré dans mon article 317, en se basant sur l’exemple d’un village suisse du canton des Grisons. C’est la volonté politique qui fait défaut. Reste à savoir si c’est par ignorance ou par intéressement ? On le saura rapidement. (Art.317)(Art.322)

4. L’entrée en vigueur de la libéralisation des loyers anciens
Alors que le Liban traverse depuis quelques années la pire période de son histoire sur le plan économique, où sa dette publique a grimpé à 67 milliards de dollars (60 000 à 100 000 $/foyer de 4 à 6 personnes, sachant que le salaire minimum libanais n’est que de 450 $/mois et qu’un abonnement électrique privé peut couter 150 $/mois !), et devient l’un des pays les plus chers au monde, les représentants du peuple n’ont pas trouvé de moment plus opportun que celui-là pour voter la « libéralisation des loyers anciens », qui entrainera une augmentation de loyer de près de 1 000 $/mois en 5 ans, pour un appartement de 100 m² à Beyrouth, avec l’approbation unanime de la classe politique (une loi accueillie avec enthousiasme par des politiciens du Courant du Futur, comme Samir Jisr et Robert Ghanem, et du Courant patriotique libre, comme Neemtallah Abi Nasr et Ghassan Moukheibir), sans se donner la peine d’établir la moindre esquisse d’un plan général d’une véritable politique du logement. Pire encore, trois articles de cette loi, votée à la hâte et à la dérobée, et en bloc svp, sans aucune discussion au Parlement, ont été invalidés par le Conseil constitutionnel dont celui portant sur la création d’une Caisse pour venir en aide aux Libanais démunis. Pire encore et toujours, alors que le Comité de la législation et des consultations du ministère de la Justice, a jugé que la loi amputée est inapplicable, les locataires anciens sont abandonnés au bon vouloir des juges en attendant une nouvelle version de la loi. Et pourtant, les conséquences sociales sont désastreuses. Telle qu’elle est, la loi de libéralisation des loyers anciens conduira à l’expulsion des natifs de Beyrouth et de la classe moyenne de la capitale libanaise, à la ségrégation sociale et spatiale des Libanais, à la destruction du parc immobilier ancien et à une spéculation immobilière sauvage qui rendra Beyrouth inaccessible à la majorité des Libanais, même ceux qui ne sont pas concernés directement par cette loi. (Art.280)(Art.256)

3. Le boycott de l’élection présidentielle, l’autoprorogation du mandat parlementaire et la paralysie du gouvernement
La vacance présidentielle dure depuis le 25 mai 2014. A l’exception de la première tentative pour élire le 13e président de la République, le 23 avril 2014, les 32 séances électorales qui ont suivi, ont toutes été boycottées par les députés du Hezbollah et du Courant patriotique libre. Le premier bloqueur, soutenu par l'Iran, ne veut pas d'un nouveau président tant que le duo chiite est enlisé dans la guerre civile syrienne et parce que la République islamique veut garder cette carte pour les jours difficiles. Le second bloqueur ne fait que profiter de cette manne politique tant qu'il est ignoré par ses adversaires. Du côté du Parlement, on a prétendu que la sécurité au Liban ne permettait pas d’organiser des élections législatives en juin 2013. Et comme la couleuvre était difficile à avaler, on a fait croire ensuite qu’il fallait du temps pour élaborer et voter une loi électorale moderne. Bilan des courses, les députés libanais élus en 2009, ont procédé à une autoprorogation parlementaire de leur mandat, d’un mandat entier svp (quatre ans) jusqu’en juin 2017, salaires compris malgré le faible rendement législatif. Le problème c’est que six ans de palabres sur la loi électorale, et un peu moins de trois ans après la prorogation pour absence de consensus sur une nouvelle loi électorale, nous sommes au point mort, toujours avec la loi électorale archaïque de 1960, sachant qu’on se trouve à un an et demi seulement des prochaines législatives. Pour ce qui est du gouvernement, il y a un fait qui résume bien l’efficacité du pouvoir exécutif libanais, la crise des déchets. Cinq mois de tractations politiciennes, n’ont toujours pas permis de mettre un terme à l’un des scandales les plus honteux de l’histoire du Liban. Bienvenue dans la République bananière libanaise. (Art.289)(Art.304)(Art.322)

2. La candidature de Sleimane Frangié
La candidature du beik de Zgharta est rédhibitoire pour deux raisons principales, l’une en rapport avec la personnalité de l’intéressé et l’autre avec le contenu du « deal ». Le fait que Frangié se considère comme « l’ami et le frère » de Bachar el-Assad et comme formant « une seule personne » avec Hassan Nasrallah, pose un problème éthique. Pas seulement en rapport avec la guerre civile syrienne et ses 250 000 morts ! Voyons un peu, les défenseurs du deal au sein du 14-Mars (Futur et indépendants), ne peuvent pas pleurer les martyrs du 14-Mars à chaque anniversaire (en réclamant que justice soit rendue dans les assassinats de Rafic Hariri à Mohammad Chatah, en passant par Wissam el-Hassan, Pierre Gemayel, Gebrane Tuéni, Georges Haoui et Samir Kassir ; sans oublier les martyrs-vivants, de May Chidiac à Elias el-Murr), ET continuer à accuser Assad/Hezb de leurs assassinats (en se comportant avec eux comme s’ils les avaient bel et bien assassiné) ET marcher dans la candidature de Frangié (le candidat proAssad/proHezb par excellence). Une des trois attitudes doit cesser afin de donner de la cohérence aux choix politiques des défenseurs de Frangié au sein du 14-Mars. On ne peut pas avoir les trois ingrédients dans la même sauce politique, c'est inconsistant. Quant au contenu du deal, cela pose un problème de souveraineté nationale. Selon cet arrangement politicien au contour flou, Joumblatt et Hariri donneraient la présidence de la République à un proHezb/proAssad notoire, Frangié, en échange et selon un avis personnel, Nasrallah et Berri, seraient supposés marcher dans la loi électorale de 1960, ou une loi apparentée, qui a la grande faveur des premiers. Le 1re volet du deal pose un problème éthique comme on l’a vu précédemment. Le second volet pose un problème démocratique puisque la loi électorale de 1960 ne permet pas d’obtenir une bonne représentativité parlementaire comme la circonscription uninominale par exemple. Ainsi, il est clair que Saad Hariri s'est fait flouer par l'enthousiasme débordant de certains de son entourage pour un projet mort-né, condamné à périr. (Art.323)(Art.326)

1. La fermeture de la décharge de Naamé et le non-renouvellement du contrat de Sukleen
Comment ne pas mettre ce point au top des douze flops de 2015 ? Suivez-moi un peu : le gouvernement libanais, sous la pression de quelques centaines de personnes des environs de Naamé, du beik de Moukhtara et de militants écolos, a procédé le 17 juillet 2015 à la fermeture définitive de la décharge qui reçoit près de 3 000 tonnes de déchets ménagers par jour de Beyrouth et du Mont-Liban (avant l’arrivée massive des réfugiés syriens), alors qu’aucun plan B de gestion des ordures n’était encore mis en œuvre. Pire encore, le gouvernement libanais, des leaders politiques et des activistes, n’ont pas voulu se rendre à l’évidence que même si un plan B est établi au jour J, il ne peut pas être pleinement mis en œuvre avant J+1/2 ans. Et de ce fait, la réouverture de la décharge de Naamé et la prorogation du contrat de Sukleen étaient incontournables si on voulait éviter l’amoncellement des ordures ménagères dans les rues. Pire encore et toujours, dans le « bazar des nécessités » voté le 12 novembre, figurent des projets de lois portant sur « la création de deux Conseils de développement pour les régions de Baalbek-Hermel et de Akkar-Nord ». A l’époque, on les a mis à l’ordre du jour afin d’amener les responsables politiques de Baalbek et du Akkar, qui sont bien identifiés par tous, à accepter la création de deux décharges temporaires dans ces deux régions. Et voilà que quelques semaines après le vote parlementaire, le gouvernement décrète que la seule solution à la crise des déchets repose sur l’idée délirante de l’exportation des ordures. Alors, pourquoi a-t-on créé ces Conseils de développement en toute urgence ? Impuissance, cafouillage, négligence, amateurisme, tergiversations, magouilles, intéressement, qu’importe, plus de cinq après son déclenchement, nous commencerons l’année 2016 comme nous l’avons vécu en grande partie et nous l'avons terminé aussi, avec la crise des déchets. Pire encore, toujours et plus que jamais, même si l'exportation des déchets se concrétise, cette idée délirante ne concernera pas les 500 000 000 de kilos de déchets qui putréfient déjà à l'air libre et dans la nature, un peu partout à Beyrouth et dans le Mont-Liban, depuis ce sinistre 17 juillet. Que prévoit le gouvernement de Tammam Salam et le chargé du dossier des ordures, Akram Chehayeb (député depuis 1991), pour solder ce compte et en finir avec cette catastrophe écologique ? Rien de tangible, absolument rien, alors que nous sommes au milieu du 6e mois de la crise. Et pour cause, il faut une décharge ! Et comme si de rien n'était, certains dirigeants s'obstinent à fuir la réalité et à vendre la chimère de l'exportation aux Libanais comme une panacée, alors qu'on retourne inéluctablement à la case de départ : le Liban a besoin de traiter ses déchets sur place et tout de suite. Cela dit, le peuple libanais et les réfugiés syriens sont en partie responsables de ce désastre, puisque c'est bien nous les résidents de Beyrouth et du Mont-Liban qui produisons ces déchets et qu’avec beaucoup d’efforts nous pourrons parvenir à ZÉRO poubelle, comme je l'ai détaillé dans l'article 317. Pour ce qui est des politiciens, des gouvernants, des parlementaires et des dirigeants municipaux, s’il leur reste une once de dignité après cette crise des déchets, beaucoup d’entre eux -enfin, pas tous, fort heureusement!- suivraient cet adage libanais à la lettre : keno berou7o bettoumo 7aloun, ils iraient s’enterrer. (Art.300)(Art.316)(Art.317)

Millésime 2015
Des millions de vœux en 2014 et pourtant à l’arrivée, 2015 fut l’un des millésimes les plus médiocres pour le Liban. Pour nous consoler, il nous restera ce drapeau, le plus beau du monde, le testament de Gibran Khalil Gibran, « Vous avez votre Liban, j’ai le mien », et une ferme détermination à défendre notre Liban, le pays du Cèdre où coulaient jadis le lait et le miel, l'inventeur de l’alphabet, un lieu de refuge et d’hospitalité, un territoire de concorde islamo-chrétienne, le terroir du tabboulé, du chawarma, du hoummous, des baklawa et de l’arak, la contrée de l'humour arabo-méditerranéen, l'héritier de prestigieuses civilisations, toujours à la croisée des chemins entre l'Orient et l'Occident, et à dénoncer leur Liban, le pays des flops, des factures impayées, de la corruption institutionnelle, du traficotage des faits, de l’héroïsme détourné, du bazar des nécessités, des peines édulcorées, de l’activisme amateur, des solutions bidon, du libéralisme sauvage, de la politique politicienne, des deals douteux, des décisions irresponsables, et j'en passe et des meilleures. 

lundi 21 décembre 2015

Samir Kuntar : le martyr, the six billion dollar man ou un criminel ? (Art.327)


Samir Kuntar. D'un côté des frontières, au Liban, il est le « martyr » pour les uns et « the six billion dollar man » pour les autres, et de l'autre côté des frontières syro-israéliennes, il est un « criminel ». Dernier épisode. L’homme qui était au cœur de la guerre de Juillet, sans le vouloir, est mort au cours d’une attaque aérienne sur Damas, le samedi 19 décembre. Le raid non revendiqué est attribué avec certitude à Israël. Il a fait 9 morts. Cet acte israélien s’apparente à une exécution sommaire d'un homme. Et pourtant, si les yeux d'une partie des Moyen-Orientaux le pleurent, à chaudes larmes, ceux d'une autre partie, restent secs et froids.

Pour comprendre cette perception discordante, flash-back. Nous sommes le 12 juillet 2006. Des membres du Hezbollah bouclent les derniers préparatifs d’une opération militaire dont l’objectif est d’enlever des soldats israéliens et de les échanger ultérieurement contre des Libanais emprisonnés en Israël, dont Samir Kuntar. Au petit matin de cette belle journée d’été, le commando franchit la ligne bleue qui fait office de frontière entre le Liban et Israël. Il attaque une patrouille de l’armée israélienne. L’opération « al wa3éd el sadeq » (la promesse sincère) est un franc succès pour la milice chiite, mais la suite fut une descente en enfer pour les Libanais. Durant 34 jours, malgré tout son arsenal, le Hezbollah s’est montré incapable de protéger le Liban et sa population de l’hystérie militaire de l’armée israélienne qu’il a déclenchée. Celle-ci nous a couté près de 1 600 morts, deux tiers de civils, 4 000 blessés et 1 000 000 de déplacés. Les dégâts et les pertes économiques étaient considérables. Ils étaient estimés de six à dix milliards de dollars, soit l’équivalent de 25 à 50 % du PIB du Liban en 2006. Le conflit a provoqué la mort de 238 Israéliens, la moitié des militaires, et a couté 5,5 milliards de dollars à l'Etat hébreux, soit l’équivalent de moins de 4 % du PIB d’Israël à l’époque. Cela n’a pas empêché le Hezbollah de pavoiser et de proclamer comme si de rien n'était « alnasr al2ilahi », la victoire divine.

Pour ceux qui ont raté ce chapitre de l'histoire, Samir Kuntar était ce Libanais de confession druze, qui a démarré sa vie militante en tant que membre du Front de Libération de la Palestine et l’a terminé dit-on, chiite et membre du Hezbollah. Il a été condamné par Israël en 1979, pour l’assassinat de quatre personnes dont un père et sa fille âgée de 4 ans, dans des conditions atroces, lors d’une opération menée à Nahariya, au nord de l’Etat hébreux, qui visait elle aussi à capturer des soldats israéliens pour les échanger ensuite contre des prisonniers palestiniens et libanais détenus en Israël. Il n’avait que 17 ans, même pas. L’opération était une « mission palestinienne ». Il a passé des études en prison, de littérature et de sociologie, et fut libéré en juillet 2008, après 29 ans de captivité, accompagné de quatre prisonniers du Hezbollah et de 200 cercueils de Libanais et de Palestiniens, en échange de la dépouille des deux soldats israéliens tués deux ans auparavant.  

Samir Kuntar a été accueilli comme un « héros » par toute la classe politique libanaise, au grand complet svp. Le 8-Mars et le 14-Mars se sont bousculés sur le tapis rouge déroulé à cette occasion à l’aéroport Rafic Hariri. Comme on le voit sur la photo immortalisant la scène, les anciens prisonniers portaient la tenue milicienne du Hezbollah devant le président de la République libanaise, Michel Sleimane, commandant en chef des forces armées du Liban, le président de l’Assemblée nationale, Nabih Berri, et le président du Conseil des ministres, Fouad Siniora, ainsi qu'en face des représentants du peuple et de tous les partis politiques libanais, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues. Ah nous les Arabes d'Orient, nous sommes très forts dans l'étalement de bons sentiments sans lendemain ! Patriotisme, union nationale, hypocrisie ou aberration, appelez cela comme vous voulez, chacun de nous a sa petite idée mais l’homme n’y est plus. Ennana mina altourab, wa ila altourab 3a2idoun. Il est mort en Syrie, sept ans après sa libération des geôles israéliennes. Il a donc passé plus de temps privé de liberté que libre.

Et pourtant, une question s'impose aujourd'hui. Que faisait Samir Kuntar au-delà de l'Anti-Liban ? Préparer des actions anti-israéliennes ou soulever les Druzes de Syrie contre les rebelles syriens et les pousser à combattre aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad ? Vu le calme plat qui règne sur la frontière syro-israélienne, sous le règne des « Assad (lion) au Liban - lapins au Golan », père et fils, il est assez facile d'y répondre. C'est d'autant plus aisé que les opinions de l'ancien prisonnier israélien sur le conflit syrien sont tranchés : « Ces hommes armés sont la face la plus laide d'Israël... Ce qui se passe ici en Syrie est une lutte contre l'ennemi sioniste... Quand le combattant vient se battre en Syrie, il sait qu'il se bat contre les éléments israéliens les plus laids de ce monde. Par conséquent, leur défaite (des rebelles syriens), est la défaite des Sionistes ». L'aura du « héros » anti-israélien en prend soudainement un sacré coup. En tout cas, Samir Kuntar a été tué par Israël en Syrie, à l'âge de 53 ans. Le Hezbollah a juré de le venger. Pour le libérer, cela nous a coûté 1 500 morts et 50 % du PIB, Dieu sait combien nous coutera de le venger. Une chose est sûre, il restera dans l’histoire, comme un « criminel » pour les Israéliens, ainsi que pour une grande partie des Syriens, et pour les Libanais, un « martyr » pour les uns et « the six billion dollar man » pour les autres.

samedi 19 décembre 2015

Sleimane Frangié, le candidat pro-Hezbollah et pro-Assad, dans toute sa splendeur, lors de l’interview sur la LBCI (Art.326)


Pour bien évaluer d'une manière impartiale la candidature de Sleimane Frangié à l'élection présidentielle au Liban, rien ne vaut l'examen des déclarations de l'intéressé à ce sujet. Les dernières en date remontent à jeudi. C'était sur le plateau de la chaine LBCI, via le programme de Marcel Ghanem, Kalam el-Nass. Je me suis arrêté sur les extraits les plus marquants. Je mentionnerai les phrases en arabe. Elles seront regroupées selon un classement thématique et disposées selon une suite logique, afin de vous donner l’opportunité de mieux saisir l’enjeu de la bataille en cours.

1. Sleimane Frangié, un présidentiable de Bkerké ?
إتفقنا في بكركي أن لا يضع احد فيتو على أي من الموارنة الأربعة تنطبق عليه مواصفات الرئاسة
Bkerké, que de crimes sont commis en ton nom. Cette entrée en matière de Sleimane Frangié, reprise à l’unisson par les défenseurs de la candidature du beik de Zgharta pour donner du crédit et de la considération à qui en a si peu, mérite un éclaircissement une fois pour toutes. Les quatre leaders maronites réunis peu de temps avant l'échéance présidentielle du 25 mai 2014 au siège du Patriarcat maronite d'Antioche et de tout l'Orient, se sont mis d'accord sur un ensemble de points. Ça, tout le monde le sait. Cela dit, beaucoup de gens ignorent que Samir Geagea et Amine Gemayel ont respecté ces points, mais pas Michel Aoun et Sleimane Frangié. Le premier point de cet accord tacite était de laisser passer trois tours d'élection, pour permettre à chacun des quatre candidats d'évaluer ses chances de succès. Si aucun d'eux ne parvenait à percer, on passe au second point, les quatre devaient se désister et se réunir de nouveau pour examiner d'autres noms, sans perdre de vue l'absolue nécessité d'éviter à tout prix la vacance présidentielle. Les leaders chrétiens du 14-Mars étaient prêts à le faire, pas les autres. Dans tous les cas, les quatre présidentiables étaient censés exercer pleinement et librement leur droit démocratique, mais ils devaient selon le troisième point, s'engager à assister à toutes les séances électorales. 32 séances plus tard, les pôles principaux du 8-Mars n'ont assisté qu'à la première séance d'élection (où Geagea avait récolté 48 voix, les autres, aucune), et se sont octroyé le droit de boycotter toutes les autres, en attendant un vent régional plus favorable. Explication faite, il est donc temps pour certains, de Sleimane Frangié à Nadim Koteich, de cesser de broder autour des réunions de Bkerké.

2. Profession de foi du candidat
انا أريد أن أكون أنا، وأنا مشروع رئاسة للجمهورية، وأريد أن أكون أنا، مشروع مرشح... أنا مرشح إلى رئاسة الجمهورية أكثر من أي وقت مضى... اسمي سليمان فرنجيه وتاريخي معروف... تاريخي مكتوب على جبيني... أنا اسمي سليمان فرنجية ولا أحد يعطيني شهادة بهذا الموضوع ولست حصان طرواده... ضمانتي وحصانتي "مني وفيني" وأعرف نفسي تماماً ماذا أفعل
No comment. Enfin si, voir ailleurs ce que tout cela vaut et signifie concrètement.

3. Programme présidentiel du beik de Zgharta
- نتفق انا والحريري على مصالح المواطن اللبناني وعلى الإنماء وعلى تركيب حد أدنى من كيان هذه الدولة، بصرف النظر من يربح، يجب أن تربح الدولة... علينا أن نبني الدولة وسوف نرى من يدعم ومن لا يدعم هذا المشروع... علينا ان نخلق هبية للدولة بالتعاون مع جميع الأفرقاء... المعطل اليوم ليست رئاسة الجمهورية إنما أعمال المواطن، فمعظم المؤسسات الدستورية معطلة في البلد... اريد لبنان الحد الأدنى من مقومات الدولة والحد الأدنى من كرامة واستقرار المواطن اللبناني
Sleimane Frangié trouve « que nous devons construire un Etat et nous verrons qui soutient ce projet et qui ne le soutient pas », ce qui ne l'empêche pas plus loin de soutenir sans réserve, la dernière milice en activité, le Hezbollah, en violation de la Constitution libanaise, qu’il sera censé de protéger s’il est élu, et du principe même de l'Etat, tel qu’il est mondialement admis, une seule armée et la pleine souveraineté sur tout le territoire national. Le président des Marada regrettent par ailleurs que « la plupart des institutions constitutionnelles ne fonctionnent pas », alors que son camp bloque l'élection présidentielle et le fonctionnement du gouvernement depuis plus d’un an et demi.

- خطاب القسم في العام 2015 سيكون الأكثر غرابة في العالم اذا ما تكلم عن الكهرباء والمياه والمشاكل اليومية... لا أريد أن أحلم بلبنان على الخريطة الدولية، أريد أن أحلم بلبنان كهرباء 24 على 24 أحلم بلبنان فرص العمل والكهرباء 24 على 24 ولا زحمة سير وقوانين محدثّة واستثمارات
C’est admirable de trouver encore des politiciens libanais qui osent parler solennellement des « intérêts des citoyens ». Le candidat Frangié affirme, « je ne veux pas rêver du Liban sur une carte internationale, je veux rêver d'un Liban qui bénéficie de l'électricité 24h/24 ». Bon, rappelons à Junior, ministre non-stop durant la Pax Syriana, du 24 décembre 1990 au 19 avril 2005 (avec une petite pause d'un an et demi entre 1995 et 1996), que l'Electricité du Liban est entre les mains de son camp politique, qu'on désigne aujourd'hui par le 8-Mars (pro-syrien/pro-Hezb), since 1990, soit depuis 25 ans déjà. Ba2a, law badda tchaté ya beik, kenit ghayamitt. Depuis le scandale de la crise des déchets, qui est entrée dans son 6e mois, les Libanais n'espèrent plus rien des politiciens dans son genre. D'ailleurs, elmouracha7 el3atid, le candidat qui se prépare à briguer la magistrature suprême et qui se soucie des intérêts des citoyens, n'en a pas dit un mot.

- انا ابن "الطائف" وكنت أول من وافق عليه. ولكن انا مع تصحيح صلاحيات رئيس الجمهورية دون المس بحق الطوائف الأخرى
Le candidat Frangié est pour « corriger les prérogatives du président de la République, sans toucher aux droits des autres communautés ». C'est du Frangié tout craché. Bon, sous Sleimane Junior le président de la République libanaise gagnerait peut-être un droit de contrôle sur la viscosité du tarator et sur la salaison de la jébné el-baladiyé.

- انا لست اقتصادياً ولكنني مع توحيد الضريبة ويمكن للخبراء ابداء رأيهم بالموضوع
Sur le plan économique, Sleimane Frangié est pour « l'unification de la taxation ». Depuis jeudi soir, Christine Lagarde ronge ses ongles. La directrice générale du FMI ne comprend pas comment le beik de Zgharta l'a devancé sur cette proposition révolutionnaire. Une idée creuse à la hauteur du candidat. Bon, passons aux choses sérieuses.

4. Discussion avec Saad Hariri
زارني الدكتور غطاس خوري بفكرة ان يسير الحريري بي مرشحاً رئاسياً... التقيت الرئيس الحريري وتداولنا في اللقاء بدون شروط وحاولنا الخروج من هذه الازمة... لم نذهب لطلب الرئاسة، بل كنا مقبولون رئاسياً على عكس غيري... الكيميا بينني وبين الرئيس سعد الحريري قائمة وأنا بت أثق به...أنا أحب أن أعمل مع الرئيس الحريري... لا يمكن أن أطعن الرئيس سعد الحريري بظهره أو أن أسقط حكومته
On a la larme à l’œil avec tout cet étalage de bons sentiments. Celui qui considérait il y a à peine trois ans que Saad Hariri est « un pauvre type », énsènn m3attar, ne jure aujourd'hui que par Saad Hariri. Elle est belle la constance politique. Inutile de s'attarder longtemps, une conclusion s'impose aux Libanais : le Courant du Futur marche avec conviction et non en trainant les pieds dans la candidature de Sleimane Frangié. Je reste persuadé que l’idée vient de Walid Joumblatt, comme l’a avoué le chef du Parti socialiste progressiste lui-même il y a quelques jours. Les Achraf-Rifi du mouvement de Saad Hariri sont pour l’instant minoritaires pour l'emporter et les Fouad-Siniora trop loyaux pour protester. C'est le règne des Nouhad-Machnouk et des Ahmad-Hariri. Il n'empeche que tout le monde sait où se situe la rue sunnite libanaise, sûrement pas du côté de ces derniers. Il faut donc en tenir compte.

5. Relation avec Michel Aoun
العماد عون يقول إنه المرشح ومن دون خطة باء، وعلاقتنا معه منذ سنتين غير طبيعية... أنا لا أنافس العماد عون وإعلام الحليف إعتبرني خصماً... أترك مجالا إلى الجنرال عون إذا كان قادرا على الوصول إلى الرئاسة... أرسلنا أحد أعضاء الحزب لتبليغ العماد عون عن المبادرة يوم الاحد بعد العودة من باريس مباشرة... لقائي مع عون كان دون جدوى... أنا نسّقت خطوة بخطوة مع السيد حسن نصرالله منذ بداية الطريق
Le divorce entre les deux hommes est donc consommé. Là aussi, il faut en prendre acte. Autre aveu fracassant, c'est ce dommage collatéral qui aura certainement des conséquences à l’avenir. D'après les déclarations du chouchou présidentiel de Joumblatt-Hariri-Koteich et les autres, il est clair que le contact avec Frangié pour lui proposer la haute magistrature sur un plateau en argent, s'est fait derrière le dos du général, qui n'a été informé qu'après la rencontre de Paris entre Hariri et Frangié, jusqu'ici ce n’est pas grave, mais en totale coordination avec le Hezbollah, avec qui Michel Aoun a signé une alliance dont les protagonistes fêteront les dix ans dans deux mois, ce qui devrait resté en travers de la gorge du concerné.

6. Relation avec Samir Geagea
من مصلحتي ان يكون الدكتور جعجع وعون الى جانبي. وحتى ايام التاريخ الأسود بيني وبين الدكتور جعجع لم يكون هناك حقداً
Disons que tout cela s’inscrit dans l'art des balivernes, 2art 7aké. Des propos contredits par le passé du candidat, pour la deuxième partie, et par son avenir pour la première, sans l’ombre d’un doute.

7. Lien avec le Hezbollah
انا مع المقاومة... انا والسيد نصرالله واحد... أنا ضد موقف التحالف الإسلامي، فالسعودية تضع "حزب الله" على لائحة الإرهاب... تدخل حزب الله في سوريا هو حماية لمشروع سياسي يؤمن به الحزب
Rien de nouveau sauf pour les adeptes de la politique de l'autruche qui s’aventureraient hors-sol. Sleimane Frangié, qui est loin d'être bête, a tenu à annoncer urbi et orbi, son attachement au Hezbollah en général et à Hassan Nasrallah en particulier. Par ailleurs, il est clair que s'il est élu, son alliance avec le parti chiite perdurera naturellement et qu'il ne fera rien pour mettre un terme à l'intervention de la milice libanaise dans la guerre civile syrienne, d'autant plus, que celle-ci s'inscrit dans un plan de sauvetage du régime de Bachar el-Assad, « l'ami et le frère » du candidat libanais. Là également, il faut en prendre acte sans s'étonner vraiment et se souvenir qu’il s'est demandé il n'y a pas si longtemps que ça, « pourquoi Imad Moughnieh n'est pas considéré comme un martyr alors qu'il est mille fois plus important que Wissam el-Hassan? » Pour rappel, Wissam el-Hassan était le chef des renseignements libanais des FSI. Il est à l’origine de la piste téléphonique qui a conduit le TSL sur les traces du Hezbollah, de la mise en échec du projet terroriste d’Assad au Liban (via Michel Samaha) et du démantèlement de réseaux d’espionnage au profit d’Israël. Il a été tué dans l’explosion de sa voiture à Beyrouth en octobre 2012. Imad Moughnieh était un haut responsable sécuritaire du Hezbollah à qui on attribue les attentats contre les marines américains et les parachutistes français à Beyrouth en 1983 (299 morts) et l’explosion du Saint-Georges en 2005 (22 morts). Il est décédé à Damas en 2008 dans l’explosion de sa voiture, un attentat attribué par certains au régime de Bachar el-Assad dont le but était de se débarrasser des personnes impliquées dans l’assassinat de Rafic Hariri. Résumons-nous, le candidat de Joumblatt-Hariri-Koteich et les autres, trouvait qu'Imad Moughnieh, le chef des opérations du Hezbollah et un fidèle de Hassan Nasrallah, était est « mille fois plus important » que Wissam el-Hassan, un serviteur de la nation et un proche des Hariri, père et fils. Voilà un homme d'Etat ! Bienvenue dans le monde des hallucinations.

8. Attachement au régime syrien de Bachar el-Assad
لدي خيار استراتيجي وافرح اذا انتصر النظام السوري... علاقتي بالأسد لن تؤثر على العلاقة بين لبنان وسوريا
Le candidat de Joumblatt-Hariri-Koteich et les autres, informe les Libanais qu'il a « un choix stratégique » (pro-Bachar el-Assad), et qu'il sera « heureux dans le cas d'une victoire du régime syrien ». Cette phrase odieuse n'a pas empêché Nadim Koteich, le journaliste de Futur TV de statuer quelques heures après« Merci Sleimane Frangié. Pas de regret sur aucune lettre que j'ai écrite ces dernières semaines ». Pas de doute, nous n'avons pas regarder le même programme. Pour rappel, la guerre en Syrie a fait près de 250 000 morts à ce jour et l'album de César compte 55 000 photos de 11 000 Syriens, affamés, torturés et tués dans les conditions les plus abominables par le régime tyrannique de Damas. Le candidat libanais s'est évidement abstenu de préciser qu'il a rencontré il y a quelques jours le président syrien. Cette déclaration a le grand mérite de placer tous ceux qui sont si enthousiastes pour ce « deal » au pied du mur. Frangié a même le culot de rajouter que sa relation avec Bachar el-Assad, qu'il a qualifié dans le passé « d'ami et de frère », avec qui « le contact est quasi quotidien », n'influencera pas les relations entre le Liban et la Syrie. C'est cela oui. Voilà sans doute pourquoi il vole à la rescousse de son ami à chaque fois que celui-ci se trouve sur le banc des accusés. Comme par exemple, lorsqu'il a déclaré avec ironie au lendemain de l'arrestation de l'ancien ministre du 8-Mars pour des faits de terrorisme : « La Syrie n'a-t-elle que Michel Samaha pour placer des explosives dans les régions libanaises ? » Pas de chance pour lui, les aveux du prisonnier et un procès ont démontré que pour embraser le Liban et mener des dizaines d'attentats terroristes au pays du Cèdre, visant la communauté sunnite, à l'été 2012, le régime syrien avait chargé Michel Samaha de la sale besogne. Et pour rafraichir la mémoire du candidat amnésique et ses supporters temporaires, rappelons aussi ses déclarations consternantes peu de temps après l'assassinat de l'ancien chef des renseignements des FSI en octobre 2012: « Peut-être il a été tué à cause de l'arrestation de Samaha... c'est peut-être Israël... La Syrie a mille raisons de tuer Wissam el-Hassan... c'est la règle du jeu pour qui se mêle de la sécurité, notamment en ce qui concerne la chute du régime syrien ».    

9. Entente sur la loi électorale ?
الرئيس الحريري في مكان ما يعتبر ان هناك قانوناً انتخابياً يحاك لضربه سياسياً... لقد طمأنت الحريري أنّ لا مشروع انتخابياً لضربه
Wa houna beitou el qasid. Voilà de quoi confirmer les hypothèses développées dans mes articles 323 et 325 consacrés à ce sujet. Le « deal » dans sa version publique consistera à donner la présidence de la République à un politicien pro-Hezbollah et la présidence du Conseil à un politicien du Futur. Mais, il serait naïf de croire qu'un compromis de cette ampleur se limitera à un simple partage des hauts postes de l'Etat. Le « deal » dans sa version concoctée en coulisse consisterait à s'entendre au mieux, pour mener les inévitables et prochaines élections législatives de juin 2017, sous la loi électorale de 1960 (et saboter le recherche d'une loi électorale moderne), et au pire, à trouver une loi électorale bidon, grand découpage des circonscriptions avec l'introduction d'une dose de proportionnelle, qui ne bouleversera pas le rapport des forces entre le Futur (Saad Hariri) et le Hezbollah (Hassan Nasrallah), qui conviendra parfaitement à Walid Joumblatt (Parti socialiste), sans déranger Nabih Berri (Amal). Ainsi, il s’agit d’un arrangement politicien qui ne sert pas les intérêts du peuple, mais qui convient à certains partis politiques libanais, musulmans uniquement. Qui se soucie un tant soit peu de la démocratie au Liban, travaillera pour l'abolition de la loi électorale archaïque dite de 1960 et son remplacement par une loi électorale moderne qui permettra une bonne représentativité des Libanais de toutes tendances politiques et appartenances communautaires au Parlement, celle de la circonscription uninominale, à deux tours ou par tirage au sort dans les listes électorales. 

10. Position sur le Tribunal Spécial pour le Liban
لن اسمح لنفسي ان اقول للحريري بأن نلغي المحكمة الدولية
Sleimane Frangié affirme, « je ne permettrai pas de demander à Hariri de supprimer le Tribunal international », ce qui sous-entend qu'il n'est toujours pas convaincu au fond, de son utilité judiciaire. Par ailleurs, le beik de Zgharta présente le TSL comme une affaire personnelle concernant uniquement le père de Saad, à qui il reviendrait de décider ce qu'il faut en faire à l'avenir, et non comme une affaire nationale touchant tous les Libanais, au sujet de l'assassinat de leur ancien Premier ministre, de 21 autres personnes, et de plusieurs personnalités du 14-Mars, selon les statuts du TSL. Cela en dit long sur la maturité politique du candidat et la nature politicienne du « deal » Hariri-Frangié.

11. L'avenir, l'inconnu et le 7-Mai ?
إذا وصلت أنا إلى الرئاسة فسأستفيد من إيجابيات الأمن ولكن أنا ضد ان ندير البلد بعقلية أمنية مبنية على التخوين والشك... أنا أرى أن السياسة هي من تدير الأمن وليس العكس... الدوحة تطلبت 7 ايار وليس 7 ايار من اوصل الى الدوحة، وأرى باننا ذاهبون نحو المجهول اذا لم تنجح التسوية
Le candidat Frangié laisse entendre avec une certaine ambiguïté que la sécurité au Liban dépendra de la politique qui sera entreprise, notamment s'il est élu. Plus grave encore, il rappelle aux Libanais: « Pour parvenir à (l'accord de) Doha (et l'élection de Michel Sleiman comme président), il a fallu passer par le 7-Mai (2008)... Je crois que nous irons vers l'inconnu si le deal n'est pas conclu ». L'inconnu dure depuis un an et demi, sans surprise et sans frayeur, alors qu'est-ce qu'il y aura de plus et de nouveau si le deal n'est pas conclu? Est-ce que cet "inconnu" comprendrait des événements de même nature que l'invasion de Beyrouth et du Mont-Liban par les milices du 8-Mars, Hezbollah en tête? Cette déclaration est à rapprocher de celle beaucoup plus inquiétante d'Ahmad Hariri, le secrétaire général du Courant du Futur, il y a moins de deux semaines: « Si l'initiative échoue et la vacance présidentielle perdure, le président sera élu dans le sang ». Plus grave encore, le cousin de Saad Hariri avait rajouté: « Est-ce que nous voulons revivre une seconde une guerre civile ? » Cette campagne orchestrée par le duo Frangié-Hariri vise à conditionner les Libanais en les effrayant, afin de les amener à accepter le « deal » comme un moindre mal.

12. Le « deal » autour de Sleimane Frangié
مضى حوالي العام والنصف على الموضوع، والمبادرة تأتي اليوم بعد سنة ونصف من التعطيل والشغور وحليفنا اطلع على الموضوع... الذي لا يريد هذه المبادرة فليطرح مبادرة أخرى... الرئيس الحريري لن يتراجع عن ترشيحي والظروف هي من تقرر ماذا سيحصل... لا إعتراض لدى الرئيس السوري بشار الأسد ونصرالله على أن يرأس الحريري حكومة العهد الجديد
Il est bien là le « deal » dans ses grandes lignes. Joumblatt et Hariri donneraient la présidence de la République à un pro-Hezbollah/pro-RégimeSyrien notoire, Frangié. En échange, Nasrallah et Berri, marcheraient dans la loi électorale de 1960, qui a la grande faveur des premiers. De ce fait, Saad Hariri pourraient présider le prochain Conseil des ministres et Nabih Berri trônerait encore jusqu’en 2021 comme président de l’Assemblée nationale. Pour résumer, les Libanais auraient ainsi, selon ce « plan de sauvetage » défendu bec et ongles même par certains journalistes comme Nadim Koteich : un président proHezb/proSyrien, des élections législatives sous la loi de 1960, un Premier ministre affaibli mais étiqueté pour le besoin "14-Mars" et le même chef du Parlement, solidement ancrée dans le camp du 8-Mars, pour une trentaine d’années de règne au total. Non mais, avec cette logique, comment peut-on encore s’opposer au maintien de Bachar el-Assad en Syrie et sa nomination au prix Nobel de la Paix ? Le délire. Qui n'a pas encore avalé sa langue, fi yizalghitt! Le deal dans tous ses volets, notamment les deux premiers, est condamné à périr. La souveraineté nationale et la démocratie populaire sont au-dessus de toute considération. Elles sont inaliénables.