Samir Kuntar. D'un côté des frontières, au Liban, il est le « martyr » pour les
uns et « the six billion dollar man » pour les autres, et de l'autre côté des frontières syro-israéliennes, il est un « criminel ». Dernier épisode. L’homme
qui était au cœur de la guerre de Juillet, sans le vouloir, est mort au cours d’une
attaque aérienne sur Damas, le samedi 19 décembre. Le raid non revendiqué est attribué avec certitude à
Israël. Il a fait 9 morts. Cet acte israélien s’apparente à une exécution
sommaire d'un homme. Et pourtant, si les yeux d'une partie des Moyen-Orientaux le pleurent, à chaudes larmes, ceux d'une autre partie, restent secs et froids.
Pour comprendre cette perception discordante, flash-back. Nous
sommes le 12 juillet 2006. Des membres du Hezbollah bouclent les derniers
préparatifs d’une opération militaire dont l’objectif est d’enlever des soldats
israéliens et de les échanger ultérieurement contre des Libanais emprisonnés en
Israël, dont Samir Kuntar. Au petit matin de cette belle journée d’été, le commando
franchit la ligne bleue qui fait office de frontière entre le Liban et Israël.
Il attaque une patrouille de l’armée israélienne. L’opération « al wa3éd el
sadeq » (la promesse sincère) est un franc succès pour la milice chiite, mais
la suite fut une descente en enfer pour les Libanais. Durant 34 jours, malgré
tout son arsenal, le Hezbollah s’est montré incapable de protéger le Liban et
sa population de l’hystérie militaire de l’armée israélienne qu’il a déclenchée.
Celle-ci nous a couté près de 1 600 morts, deux tiers de civils, 4 000 blessés et 1 000 000 de déplacés. Les dégâts et les pertes économiques étaient
considérables. Ils étaient estimés de six à dix milliards de dollars, soit l’équivalent
de 25 à 50 % du PIB du Liban en 2006. Le conflit a provoqué la mort de 238 Israéliens, la moitié des militaires, et a couté 5,5 milliards de dollars à l'Etat hébreux, soit l’équivalent de moins de 4 % du PIB d’Israël à l’époque. Cela n’a
pas empêché le Hezbollah de pavoiser et de proclamer comme si de rien n'était « alnasr al2ilahi », la victoire
divine.
Pour ceux qui ont raté ce chapitre de l'histoire, Samir Kuntar
était ce Libanais de confession druze, qui a démarré sa vie militante en tant
que membre du Front de Libération de la Palestine et l’a terminé dit-on, chiite
et membre du Hezbollah. Il a été condamné par Israël en 1979, pour l’assassinat
de quatre personnes dont un père et sa fille âgée de 4 ans, dans des conditions atroces, lors d’une opération menée à Nahariya,
au nord de l’Etat hébreux, qui visait elle aussi à capturer des soldats israéliens pour les échanger ensuite contre des prisonniers palestiniens et libanais détenus en Israël. Il n’avait que 17 ans, même pas. L’opération était une « mission palestinienne ». Il a passé des études en prison, de littérature et de sociologie, et fut
libéré en juillet 2008, après 29 ans de captivité, accompagné de quatre prisonniers
du Hezbollah et de 200 cercueils de Libanais et de Palestiniens, en échange de
la dépouille des deux soldats israéliens tués deux ans auparavant.
Samir Kuntar a été accueilli comme un « héros » par toute la classe politique libanaise, au grand complet svp. Le 8-Mars et le 14-Mars se sont bousculés sur le tapis rouge déroulé à cette occasion à l’aéroport Rafic Hariri. Comme on le voit sur la photo immortalisant la scène, les anciens prisonniers portaient la tenue milicienne du Hezbollah devant le président de la République libanaise, Michel Sleimane, commandant en chef des forces armées du Liban, le président de l’Assemblée nationale, Nabih Berri, et le président du Conseil des ministres, Fouad Siniora, ainsi qu'en face des représentants du peuple et de tous les partis politiques libanais, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues. Ah nous les Arabes d'Orient, nous sommes très forts dans l'étalement de bons sentiments sans lendemain ! Patriotisme, union nationale, hypocrisie ou aberration, appelez cela comme vous voulez, chacun de nous a sa petite idée mais l’homme n’y est plus. Ennana mina altourab, wa ila altourab 3a2idoun. Il est mort en Syrie, sept ans après sa libération des geôles israéliennes. Il a donc passé plus de temps privé de liberté que libre.
Et pourtant, une question s'impose aujourd'hui. Que faisait Samir Kuntar au-delà de l'Anti-Liban ? Préparer des actions anti-israéliennes ou soulever les Druzes de Syrie contre les rebelles syriens et les pousser à combattre aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad ? Vu le calme plat qui règne sur la frontière syro-israélienne, sous le règne des « Assad (lion) au Liban - lapins au Golan », père et fils, il est assez facile d'y répondre. C'est d'autant plus aisé que les opinions de l'ancien prisonnier israélien sur le conflit syrien sont tranchés : « Ces hommes armés sont la face la plus laide d'Israël... Ce qui se passe ici en Syrie est une lutte contre l'ennemi sioniste... Quand le combattant vient se battre en Syrie, il sait qu'il se bat contre les éléments israéliens les plus laids de ce monde. Par conséquent, leur défaite (des rebelles syriens), est la défaite des Sionistes ». L'aura du « héros » anti-israélien en prend soudainement un sacré coup. En tout cas, Samir Kuntar a été tué par Israël en Syrie, à l'âge de 53 ans. Le Hezbollah a juré de le venger. Pour le libérer, cela nous a coûté 1 500 morts et 50 % du PIB, Dieu sait combien nous coutera de le venger. Une chose est sûre, il restera dans l’histoire, comme un « criminel » pour les Israéliens, ainsi que pour une grande partie des Syriens, et pour les Libanais, un « martyr » pour les uns et « the six billion dollar man » pour les autres.
Samir Kuntar a été accueilli comme un « héros » par toute la classe politique libanaise, au grand complet svp. Le 8-Mars et le 14-Mars se sont bousculés sur le tapis rouge déroulé à cette occasion à l’aéroport Rafic Hariri. Comme on le voit sur la photo immortalisant la scène, les anciens prisonniers portaient la tenue milicienne du Hezbollah devant le président de la République libanaise, Michel Sleimane, commandant en chef des forces armées du Liban, le président de l’Assemblée nationale, Nabih Berri, et le président du Conseil des ministres, Fouad Siniora, ainsi qu'en face des représentants du peuple et de tous les partis politiques libanais, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues. Ah nous les Arabes d'Orient, nous sommes très forts dans l'étalement de bons sentiments sans lendemain ! Patriotisme, union nationale, hypocrisie ou aberration, appelez cela comme vous voulez, chacun de nous a sa petite idée mais l’homme n’y est plus. Ennana mina altourab, wa ila altourab 3a2idoun. Il est mort en Syrie, sept ans après sa libération des geôles israéliennes. Il a donc passé plus de temps privé de liberté que libre.
Et pourtant, une question s'impose aujourd'hui. Que faisait Samir Kuntar au-delà de l'Anti-Liban ? Préparer des actions anti-israéliennes ou soulever les Druzes de Syrie contre les rebelles syriens et les pousser à combattre aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad ? Vu le calme plat qui règne sur la frontière syro-israélienne, sous le règne des « Assad (lion) au Liban - lapins au Golan », père et fils, il est assez facile d'y répondre. C'est d'autant plus aisé que les opinions de l'ancien prisonnier israélien sur le conflit syrien sont tranchés : « Ces hommes armés sont la face la plus laide d'Israël... Ce qui se passe ici en Syrie est une lutte contre l'ennemi sioniste... Quand le combattant vient se battre en Syrie, il sait qu'il se bat contre les éléments israéliens les plus laids de ce monde. Par conséquent, leur défaite (des rebelles syriens), est la défaite des Sionistes ». L'aura du « héros » anti-israélien en prend soudainement un sacré coup. En tout cas, Samir Kuntar a été tué par Israël en Syrie, à l'âge de 53 ans. Le Hezbollah a juré de le venger. Pour le libérer, cela nous a coûté 1 500 morts et 50 % du PIB, Dieu sait combien nous coutera de le venger. Une chose est sûre, il restera dans l’histoire, comme un « criminel » pour les Israéliens, ainsi que pour une grande partie des Syriens, et pour les Libanais, un « martyr » pour les uns et « the six billion dollar man » pour les autres.