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vendredi 24 octobre 2014

Que risque le député Nicolas Fattouche après l'agression d'une employée du Palais de justice: le châtiment brésilien, ukrainien, autrichien ou libanais? (Art.248)


QUESTION POUR UN CHAMPION (ou une championne bien entendu, soyez concentrés, l'énoncé est long) 

Que risque Nicolas Fattouche, "député  grec-catholique" de Zahlé (since 1992, hélas), "docteur en droit" (lol), "respecté pour son érudition juridique" (là, je suis mdr), "ancien ministre d'Etat aux Affaires parlementaires et ancien ministre du Tourisme" (tu parles, un sinistre oui), "qui s'est fait souvent connaitre pour ses volte-faces"  (bel mchabra7, heidé besammouwa kharyané, comme lors de la prorogation du mandat d'Emile Lahoud en 2004, l'opposant farouche est devenu favorable en quelques jours), "impliqué dans des dossiers de corruption" (enfin Wikipédia dit quelque chose de sensé), extracteur de pierre à ses heures perdues (vive la cohérence de carrière), multimillionnaire et pas loin d'être demi-milliardaire en dollars svp (grâce à l'Etat libanais pour service rendu à la défiguration du paysage libanais), grassement indemnisé après l'arrêt de ses kessarett (eh kesssss ékhet el satlané, wlé 3a chou 3taïtou plusieurs centaines de millions de dollars, ma3'2oul ), et qui s'est permis d'agresser une employée du Palais de justice à Baabda il y a quelques jours parce qu'elle n'a pas reconnu sa tronche de cake et l'a fait patienter quelques minutes dans son bureau, un crime de lèse-majesté selon le Code féodal de l'énergumène en question? Hett ta nchouf, que risque-t-il au pays du Cèdre ? 

QCM (réponse multiple, sans pénalité en cas d'erreur) 

1. Le châtiment brésilien: être attaché en haut d'un poteau électrique, comme cet élu municipal.  
2. Le châtiment ukrainien: être jeté au fond d'une benne à ordures, comme ce député.  
3. Le châtiment autrichien: être sélectionné comme partenaire du travesti Conchita Wurst, victoire de l'Eurovision, pour jouer un remake oriental de Basic Instinct.  
4. Le châtiment libanais: voir son mandat parlementaire prorogé d'un mandat entier de quatre ans.

ACHTUNG

La question est de savoir ce qu'il risque et non ce qu'il mérite. Hahaha, sinon ça serait trop facile, wa ektada el tawdi7.
 
INDICE
 
Nicolas Fattouche est l'auteur du projet de loi portant sur la prorogation du mandat du Parlement libanais du 20 juin 2013 au 20 novembre 2014. 

REPONSE
 
Dans la malheureuse tentative du zozo de Zahlé hier pour redorer son blason, il y a un moment qui a retenu mon attention plus que les autres. C'est lorsque Nicolas Fattouche sort l'argument à cinq piastres de tout coupable qui ne s'ignore pas : "je ne l'ai pas frappée car les Zahliotes sont connus pour respecter les femmes". Raté mon vieux. 

Ma défunte mère, paix à son âme, avait coutume de me prévenir, ntebeh ya bb, fi ness metel ba3ed el ichya, bet7ottoun 3al raff, bterja3 betlé2iyoun bein el sramé (il y a des gens qui sont comme certains objets, tu as beau les mettre sur l'étagère, tu les retrouves toujours entre les chaussures). Eh oui, Nicolas Fattouche a beau être docteur en droit, ancien ministre et député de la nation depuis des décennies, il se comporte encore à 71 ans comme une racaille. Il a cherché à impressionner les quelques journalistes présents lors de sa conférence de presse hier en martelant "je suis le ministre, le député, le docteur, l'avocat, le professeur d'université et le législateur". Wlak tozz !  En tout cas, c'est à croire qu'au Liban, ce n'est pas incompatible avec le fait d'être une racaille. 

A défaut de mobilisation des Libanais, à l'instar des Brésiliens et des Ukrainiens, et comme Conchita Wurst a décliné ma proposition indécente, le zozo de Zahlé ne risque que le châtiment libanais, au moins pour l'instant. Tout un symbole de cette dérive grave vers l'impunité qu'on observe au Liban. Enfin, à moins que Manal Daou, la fonctionnaire terrorisée par ce féodal des temps modernes, maintenant qu'elle est rassurée par le ministre de la Justice, Achraf Rifi, ne trouve le courage et ne se décide à porter plainte contre son agresseur. En tout cas, une enquête ministérielle est en cours, malgré l'immunité du "député". 

Dans tous les cas, il y a peu d'espoir de voir cette immunité levée par un Parlement qui ne parvient pas à se réunir depuis cinq mois, ne serait que pour élire un président de la République. Sachez aussi que Nicolas Fattouche vient d'être radié du tableau de l'Ordre des avocats au Liban. C'est une bonne nouvelle en soi sauf qu'on apprend qu'il l'a été pour faute déontologique -la violation du secret professionnel, en révélant lors de sa conférence de presse que le jour de l'incident, il était chargé par l'épouse du député Michel Pharaon de porter plainte contre son mari pour adultère- et non pour abus de pouvoir et agression physique d'un représentant de l'Etat libanais dans l'exercice de ses fonctions par un membre de l'Ordre des avocats au sein du palais de Justice. Nuance et de taille. En somme et pour l'instant, le zozo de Zahlé cumule l'immunité et l'impunité.

AVERTISSEMENT

Si certains parlementaires libanais protestent à juste titre et à juste raison contre leur assimilation avec Nicolas Fattouche, nos valeureux élus, censés nous représenter, devraient commencer par rejeter cette nouvelle proposition déposée par le zozo de Zahlé himself, le 14 août 2014, visant à proroger le mandat du Parlement libanais, le sien du coup, jusqu'au 20 juin 2017. 

Et de grâce, avant que je n'oublie, si nos valeureux députés sont déterminés à proroger leur mandat malgré une performance médiocre depuis 2009, il faut reconnaitre que nous n'avons plus le choix d'ailleurs, qu'ils choisissent n'importe qui pour cette besogne, mais pas une racaille qui pense que "les droits de l'homme et l'environnement sont des suppositoires inventés par l'Occident". Te7milit za7lé doit sans doute confondre les droits de l'homme et certains hommes de droit. Lahh ya n2oula ma tlakhbitt! 

Toujours est-il que n'importe qui ferait l'affaire. Nawaf el Moussaoui el semmewé, Okab Sakr le fantôme du Parlement, Nayla Tuéni l'invisible ou même Gilberte Zouein la présidente de la commission parlementaire de la Femme, qui serait d'après une source bien informée qui veut garder l'anonymat, aphone en apprenant l'agression féodale et sexiste de Manal Daou. Cetaines mauvaises langues disent que ceci n'a rien avoir avec cette affaire, car de toute façon, peu d'électeurs ont eu la chance de connaitre le timbre de sa voix.

dimanche 10 novembre 2013

Hezbollah : l’assurance trompeuse d’un parti en délire et d’une milice sans avenir. Retour sur le discours de Mohammad Raad (Art.191)


Ne me demandez pas pourquoi, mais le bonhomme me donne souvent l’impression de souffrir de problèmes gastro-intestinaux. Je le vois bien alterner indigestion et constipation, au sens propre comme au sens figuré. Comme l’autre fois, il y a quelques jours, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah nous a offert une performance exceptionnelle qui tient de la haute voltige parano-schizophrénique. Selon l’analyse délirante de la situation au Moyen-Orient concoctée par Mohammad Raad, il existe un complot intergalactique contre la milice chiite. Voici donc quinze éléments pour mieux comprendre la nature de cette constipation, ah pardon, de cette conspiration et de ses enjeux.

1. L’ORATEUR : Mohammad Raad. Député de Nabatiyé since 1992, soit 24 ans et 5 mandats à terme. Étant donné l’âge de notre sudiste gaillard, mawalid el khamsaw khamsin, on s’achemine vers 48 ans de règne et 10 mandats... sauf si le complot réussit !

2. LE COMPLOT : « Poignarder la résistance (auto-désignation de la milice chiite) dans le dos. » Hajj Raad voulait avant tout mobiliser et souder ses troupes avec le mot d’ordre : « nous sommes trahis ». Pour le croire, et valider cette étape, il faut être de préférence de confession chiite. Cette adhésion massive n’est pas sans conséquence à long terme. La communauté chiite doit prendre conscience que son soutien inconditionnel au Hezbollah l’isole de plus en plus des autres communautés libanaises, des musulmans sunnites, des pays arabes et de la communauté internationale.

3. LE COMMANDITAIRE : Israël. « Notre ennemi est rancunier... Ils (les complices) voulaient exécuter une mission israélienne. » Ici, seule une bonne cuite avec un alcool fort (type arak, whisky, gin ou vodka) permettra de valider cette fabulation. Wa2illa, comment justifier que les hommes du régime syrien de Bachar el-Assad et de la milice libanaise de Hassan Nasrallah se battent avec plus d’acharnement à Damas, Qousseir et Alep que dans le Golan syrien (région annexée par Israël où il fait très bon de vivre pour un colon israélien) et les fermes libanaises de Chebaa (hameaux occupés par Israël où il est si bon de passer son service militaire pour un jeune israélien). Le député du Hezb a failli s’étouffer avec sa propre hypocrisie.

4. LES EXÉCUTANTS : « Les groupes takfiristes » en Syrie. « N’ayant pas pu nous vaincre en face-à-face (allusion à la guerre de juillet 2006), il (l’ennemi israélien) a voulu nous revenir par derrière les frontières de l’est, via la Syrie, en ayant recours aux groupes takfiristes ». A partir de ce stade le recours à Marie-Jeanne de la Bekaa est vivement recommandé. Mais le plus grotesque dans ces propos, ce n’est pas cette allégation sur les extrémistes sunnites qui seraient dirigés par l’État hébreux, mais cette fabulation sur la victoire de 2006. Bon, ce n’est pas pour énerver hajj Raad, souffrant déjà d'indigestion chronique, mais la réalité étant ce qu’elle est, il m'oblige à rappeler que depuis 2006, Hassan Nasrallah ne voit plus la lumière sereine d’Allah, sob7ano ta3ala, mais vit avec l’électricité capricieuse de ce Gebrane Bassil, alors que la sexy Tzipi Livni, ministre israélienne des Affaires étrangères en 2006, peut bronzer en bikini quand bon lui semble sur les plages de Tel-Aviv. C’est sans parler du fait que cette catastrophe déclenchée par le Hezbollah, nous a coûté près de 1 500 vies et l’équivalent de 50 % de notre PIB de l’époque (une dizaine de milliards de dollars), moins de 175 morts et 3 % du PIB du côté israélien. Wlak khlosna ya hajj, avec cette légende de la victoire divine de 2006.

5. LES COMPLICES : certains pays arabes et le camp libanais du 14 Mars. « Des forces arabes de la région (allusion à l’Arabie saoudite et le Qatar) et des forces politiques au Liban (allusion au camp du 14 Mars, notamment au courant du Futur) ». A partir de cette limite, il faut une overdose de Captagon pour le croire. Rappelons que ce médicament « made in Lebanon », est un produit stupéfiant fabriqué par les laboratoires Moussaoui Bros., les frères du député du Hezbollah, Hussein al-Moussaoui. Il est destiné aux marchés du Golfe, notamment à ce « maudit Royaume », ce qui permet de générer un cash-flow très appréciable à l'heure de l'enlisement en Syrie et des restrictions budgétaires de la maison mère, la République islamique d'Iran.

6. LES PRÉPARATIFS : « Ils ont commencé à se préparer d’une façon continue sur un an et huit mois... Trafic d’armes et d’hommes (entre le Nord du Liban et la Syrie) ; ouverture de camps d’entrainement dans le Nord (du Liban) et à Ersal dans la Bekaa ; formation des takfiristes ; affrètement de bateaux vers les ports du Nord avec la complicité de certains services officiels ; déchargement des armes des navires ; stockage des armes par les gangs dans le Nord ; transfert des armes vers la Syrie ; infiltration des bandes armées (de la Syrie vers le Liban) pour créer leur base d’attaque (contre le Hezbollah) ; transformation de la ville de Qousseir (Syrie) en un axe hostile ». Foutaises. Qui peut croire la moitié d’un quart de seconde que tout cela a pu exister réellement, au vu et au su des renseignements de l’armée libanaise, sans laisser beaucoup de traces ? Personne. Faudra rappeler au député du Hezb que la bande à Assir a été réduite en poussière en quelques heures, alors le déchargement des nombreux bateaux bourrés d’armes à Tripoli et tous ces camps d’entrainement à Ersal, font plutôt sourire. Ce qui est sûr et certain, c’est que le Hezbollah dispose du Liban comme bon lui semble (détention illégale d'armes légères et lourdes, stockage d'armes sur tout le territoire libanais, disposition d'un réseau illégal de communication, création de zones extraterritoriales interdites aux services de l’État libanais, contrôle de l'aéroport et du port de Beyrouth, etc.) et la frontière syro-libanaise est grande ouverte aux miliciens chiites. Wlak ya hajj, il ne faut jamais trop grossir la couleuvre, après les gens ne parviennent plus à l’avaler !

7. LE SUPERVISEUR : le général Achraf Rifi. « Nous avons vu comment leur ancien directeur (des complices) a révélé son vrai visage de chef d’une milice, et non de directeur général des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) ». Pas de doute, cet honnête citoyen est la bête noire du Hezbollah, comme l’a été son subordonné, le chef des renseignements des FSI, Wissam el-Hassan, assassiné il y a un peu plus d’un an. Ces deux patriotes irréprochables sur le plan national depuis qu’ils ont réussi à démanteler de nombreux réseaux d’espionnage au profit d’Israël (dont celui de Fayez Karam, un proche du général Michel Aoun, l’allié du Hezbollah), sont ceux qui ont permis à diverses enquêtes criminelles de progresser, mais hélas, pas dans le sens souhaité par la milice chiite : sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri (qui a conduit à l’accusation de cinq membres de la milice chiite), sur le projet terroriste de leur allié Michel Samaha (qui planifiait plusieurs attentats confessionnels au Liban à la demande du régime syrien), et sur les attentats perpétués cet été à Beyrouth et à Tripoli (qui conduisent vers leur allié syrien). Ce n’est pas par hasard que Hassan Nasrallah et Michel Aoun ont remué ciel et terre pour ne pas proroger le mandat d’Achraf Rifi à la tête des FSI.

8. LES EXPLOITS : « Tout ce qu’ils (les complices) ont préparé et réalisé sur 1 an et 8 mois (les préparatifs), la résistance l’a dynamité en 18 jours, renversant la table sur leurs têtes, modifiant l’équation en Syrie et dans la région. » Une victoire schizophrénique à rajouter au tableau mythologique du Hezbollah, juste après la délirante « victoire divine » de 2006. Le hajj a omis de préciser à son audience que le Hezb a déjà perdu plusieurs centaines de ses miliciens en Syrie, morts sans pouvoir changer la donne sur le fond, et que le régime syrien, qui est soutenu massivement par la Russie et l’Iran, ne parvient toujours pas, après 128 semaines de combats et malgré la supériorité militaire, à écraser une « rébellion d’obsédés sexuels par le nika7 », à croire les services syriens de propagande, qui de surcroit, n'est soutenue ouvertement par personne !

9. LA MOTIVATION : « Nous sommes intervenus en Syrie pour empêcher leur intervention, leur complicité et leur conspiration contre la résistance, sa population, ses hommes et ses réalisations afin de protéger le Liban de leurs actes et de leurs crimes. » Wlak ya hajj, kel chi mata ma zed, na2ass, même en fumant toute la récolte de marijuana de la Bekaa en une seule nuit, on ne pourra pas te croire ! La milice chiite libanaise n’est intervenue aux côtés du régime alaouite syrien, qu’à la demande de la République islamique chiite d’Iran, que pour protéger sa base logistique et pour maintenir l’axe Téhéran-Damas-Da7iyé, pleinement opérationnelle.

10. LES MENACES à l’encontre du 14 Mars : « Nous avons renversé la table sur leur tête. Et gare à vous de penser refaire la même chose. Nous nous sommes défendus et nous avons défendus notre Liban... Mais méfiez-vous, ne nous pousser pas à agir autre que par la défensive... Nous couperons la main de ceux qui ont voulu faire du Liban un lot de consolation pour certains de ce monde (allusion aux Etats-Unis, Arabie saoudite et Qatar). » Rien de nouveau dans la linguistique du Hezbollah. Il s’agit d’une arrogance fanatique, qui n’a rien à envier aux propos les plus takfiristes de Jabhat el-Nosra et d’al-Qaeda. Tout le monde se souvient des affiches menaçantes placardées en plein cœur de Beyrouth où le prétendu parti d’Allah menaçait de « couper la main et la tête, et d’arracher l’âme de tous ceux qui pensent au désarmement du Hezbollah » afin d’éviter le questionnement sur le désastre qu’il a déclenché le 12 juillet 2006. C’est sans parler aussi des menaces proférées à diverses reprises par Hassan Nasrallah himself de réitérer l’exploit funeste de son « jour glorieux » (invasion de Beyrouth et du Mont-Liban le 7 mai 2008) et de trancher les mains, à chaque fois que son organisation s’est retrouvée dans un sacré merdier. Aujourd’hui, le Hezb cherche par tous les moyens d’éviter le questionnement sur son intervention massive au-delà des frontières, à des centaines de kilomètres de la frontière libano-israélienne. Shalom à tous !

11. LE MESSAGE : « Le centrisme ne doit pas signifier du tout la neutralité... Il n’y a pas de centrisme qu’on appelle distanciation de soi. » On ne peut pas faire mieux pour conditionner le comportement du maillon faible de l’échiquier politique libanais, Walid Joumblatt, et intimider le chef de l’État, Michel Sleiman, qui a osé à plusieurs reprises remettre le Hezbollah à sa place, la veille de l’élection présidentielle.

12. LES DIVAGATIONS : « Nous sommes ceux qui comprennent et incarnent le sens de la souveraineté, et non ceux qui commercent avec la souveraineté et qui brandissent ses slogans uniquement sur les places publiques ». Wlak ya hajj ya 3aïné, yallé beito min 2ezéz ma béréchi2 el ness bel 7jar ! Le député de Nabatiyé a oublié sans doute que le slogan de rassemblement du Hezbollah le 8 mars 2005 à Beyrouth, était « Merci la Syrie des Assad ». De quelle souveraineté il parle, alors que sa milice ne cache pas sa fierté de son allégeance à Wali el-Fakih, le guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei. Quelle mascarade.

13. L’EXPLOITATION. Ce discours abject n’aurait jamais pu avoir lieu si le 14 Mars, principal camp d’opposition à l’hégémonie du Hezbollah sur le Liban, avait su s’opposer efficacement à la plus grave menace pour la structure et l’identité libanaises : en affichant plus de fermeté avec le Hezbollah (un honteux « 7 mai » ne se termine pas par un honorable accord de Doha !), ainsi qu’avec Walid Joumblatt (l’incarnation de l’opportunisme politique), en ne misant pas sur la « chute imminente » de Bachar el-Assad (annoncée tous les vendredis depuis 128 semaines) et en présentant à la population libanaise un programme politique ambitieux avec des engagements concrets, précis et clairs.

14. L’ANGOISSE. En dépit de cette assurance affichée devant quelques villageois, hajj Raad sent que le vent locorégional n’est plus aussi favorable. Les sujets d’inquiétude pour le Hezbollah sont nombreux. Les dérapages sécuritaires impliquant directement la milice du Hezbollah et ses alliés (les combats contre les miliciens d’Assir aux côtés de l’armée libanaise ; les barrages miliciens à Beyrouth et dans la Bekaa ; les projets d’attentats de Michel Samaha à la demande du régime syrien ; les attentats de Beyrouth et de Tripoli qui mènent vers le régime syrien et la complicité de chefs alaouites libanais) ; l’enlisement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne ; la grogne dans la communauté chiite libanaise (due à l’implication du parti chiite en Syrie, à l’intimidation des opposants chiites comme Rami Ollaik, au meurtre d’opposants chiites comme Hachem Salman, à la persécution d’opposants chiite comme Ahmad el-Assaad et sayyed Ali el-Amine) ; le classement du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes par l’Europe ; l’écrasement de ses alliés Assad-Poutine devant l’armada américaine (pour éviter l’humiliation des frappes) ; l’obligation du régime syrien et de son protecteur russe d’accepter de détruire l’arsenal chimique syrien, sans aucune condition ; l’asphyxie économique de l’Iran, son protecteur ; le possible accord international sur le dossier nucléaire iranien ; l’imminence de l’ouverture du procès des cinq membres du Hezbollah (chiites) accusés de l’assassinat de Rafic Hariri (sunnite).

15. LA CERTITUDE. De tous ces sujets d’inquiétude, le point qui effraye le plus la puissante milice chiite, c’est incontestablement le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL). C’est le seul paramètre que le Hezbollah ne contrôle pas, et ceci grâce au génie du 14 Mars, spécialement de Fouad Siniora, qui a placé ce dossier loin des magouilles orientales et des arrangements à la libanaise, entre les mains du Conseil de sécurité de l’ONU.

Le Hezbollah a échoué à discréditer la plus haute juridiction internationale. Il sait que le distinguo entre les accusés et le Hezb est une omission politique volontaire et temporaire. Il sait aussi que les accusations contre lui sont en béton. Il sait intimement que sa condamnation judiciaire est inévitable. Il sait également qu’il y aura un avant et un après la condamnation du Hezb par le TSL.

Voilà pourquoi Hassan Nasrallah veut désespérément entrer dans le gouvernement de Tammam Salam, qui sous sa gouvernance aura probablement lieu le procès historique de l'odieux crime du 14 février 2005. Voilà aussi pourquoi Michel Aoun fait les yeux doux à Saad Hariri, mettant au placard son Pacs contre nature avec Hassan Nasrallah. Sauve qui peut à l’heure où son ennemi juré, Samir Geagea, risque de lui voler le rêve de sa vie, et à l’heure où Dory Chamoun, Amine Gemayel, Carlos Eddé et Sleiman Frangié ont tous plus de chances que lui, de briguer la présidence de la République libanaise. Voilà également pourquoi Mohammad Raad voudrait en pleines échéances gouvernementales, législatives et présidentielles, empêcher Walid Joumblatt de faire une énième volte-face, vers le 14 Mars cette fois-ci, et cherche à intimider le général Michel Sleiman, dont les prises de positions patriotiques depuis un certain temps inquiètent particulièrement les instances du Hezb et qui pourrait voir son mandat prorogé. Nabih Berri ne veut surtout pas rater une occasion en or pour jouer au messie politique, et battre son propre record à la tête du Parlement (since 1992 too), et Najib Mikati souhaite effacer de la mémoire collective libanaise qu’il fut pendant un laps de temps, Judas l’Iscariote, à la solde des assassins de l’ex-Premier ministre du Liban, le plus grand leader de la communauté sunnite libanaise. Tous les protagonistes de l’échiquier politique libanais sont conscients que toute erreur aujourd’hui, sera payée double demain.

Le TSL a fixé provisoirement la date d’ouverture du procès des assassins de Rafic Hariri au 13 janvier 2014. Ghamdo 3ein, fatt7o 3ein, on y sera et ça fera mal. Les problèmes gastro-intestinaux de hajj Mohammad Raad ne feront que s'aggraver. Le Hezbollah ne s’en remettra pas d'une telle condamnation de sitôt, à condition que le 14 Mars ne fasse pas de faux pas, encore. Il y a un risque important de récidive. Il faut dire que le
« syndrome de Doha » est pernicieux. Achtung baby !

vendredi 23 août 2013

Attentats de Tripoli : pas de doute, nous avons vraiment un gouvernement démissionnaire ! (Art.174)


Vendredi, jour de prière et de terrorisme à Tripoli. Bilan : 42 morts et 500 blessés. Et puisque nous sommes entrés dans une phase dépressionnaire, allons encore plus loin dans l'horreur. On dit qu’il n’y a jamais deux sans trois. Après les « attentats-chiites », les « attentats-sunnites », la logique des suites suppose qu’on s’achemine vers la « moussélacé ». Le prochain attentat, ou celui d’après, enfin tôt ou tard, un attentat viserait une région chrétienne, afin que la boucle soit bouclée. Ce jour-là, tout sera alors mis en place « métél ma beddo Bachar », selon les dernières volontés de Bachar el-Assad, transmises aux livreurs libanais de colis piégés syriens, Michel Samaha et consorts. Cet attentat odieux et la sombre perspective qui se dessine pour notre pays, ne peut susciter que la colère.

Savoir qui a commis le double attentat de Tripoli devant deux mosquées de la ville, n’a plus beaucoup d’importance de nos jours. Idem pour les attentats qui ont eu lieu dans la banlieue Sud de Beyrouth. Comme pour les prochains. Même s’il y a beaucoup de suspects au pays du Cèdre, ils sont facilement identifiables, si on tient compte des objectifs de ces attentats. Avec les attentats de la banlieue sud de Beyrouth les terroristes voulaient punir la milice chiite dans son fief pour son implication dans les combats en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Les auteurs seraient donc, soit des djihadistes syriens, soit des salafistes libanais. Il a conduit à l’autonomie de fait de la cité-Etat de Da7iyé. Le Hezbollah se permet aujourd’hui de monter des barrages de contrôle de la population civile au cœur de la capitale de l’État libanais à la place de l’armée libanaise, se permettant même d’arrêter des voitures des Forces de sécurité intérieure, pour des vérifications de routine. Les attentats de Tripoli visaient aussi clairement la population civile. Ils avaient pour but, soit de punir la communauté sunnite pour son soutien aux rebelles syriens, soit de déclencher une contre-réaction communautaire sunnite plus offensive à l'égard du Hezb. De ce fait, les auteurs pourraient être des extrémistes alaouites libanais, des djihadistes syriens ou des salafistes libanais. La menace qui pèse sur la ville, pourrait pousser certains à imposer la privatisation de la sécurité de la ville. Et comme je l’ai dit, pour boucler la boucle, un attentat-chrétien pourrait conduire lui aussi à une réaction communautaire de repli. La suite est facilement imaginable : des réactions communautaires instinctives en chaîne, le prélude à l’embrasement général du Liban. Nous assisterons alors à l’exécution du projet de Bachar el-Assad et de Michel Samaha, avec un an de retard. Personne n’a oublié la fameuse réplique de l'ancien ministre du 8 Mars aux enquêteurs libanais, « heik baddo bachar » (c’est ce que souhaite Bachar), après son interpellation avec des explosifs ramenés de Syrie, destinés à semer la discorde communautaire au Liban. Ceux-ci sont des armes de diversion que Bachar el-Assad réserve aux jours difficiles, et qui pourraient dissuader les pays occidentaux d’agir en Syrie. Toute la question étant de savoir, est-ce que le tyran de Damas vit des jours difficiles ? Je ne crois pas. Enfin, pas encore, hélas.

Et maintenant, on va où ? Contrairement à l’adage libanais à la con, badda tekbar ta tézghar, la descente aux enfers du Liban continuera pour un moment. Non, nous n'avons pas atteint le fond. Des attentats odieux comme celui d’aujourd’hui, il y en a eu des centaines au Liban depuis le funeste 13 avril 1975. Est-ce pour autant qu’on a pu éviter celui de Roueiss et de Tripoli, 38 ans après ? Non. Compter sur la maturité des politiques libanais, est possible, à condition de croire à un autre adage libanais, qui l’annule de surcroit : ntor ya kdich ta yénbout el 7achich.

En attendant, Najib Mikati constate que « la main criminelle a pris pour cible Tripoli une nouvelle fois, mais les Tripolitains sont plus forts que le complot ». Décisions concrètes pour éviter que ça ne recommence à Tripoli comme ailleurs ? Que dalle. Pour ceux qui l’ont déjà oublié, Najib Mikati est Premier ministre du Liban. Wlak ma khalas, quand un Premier ministre, la plus haute autorité exécutive de notre pays, originaire de Tripoli en plus, fait de la littérature politique à un moment aussi grave, comment peut-on s’étonner après que notre pays part à la dérive ! On se retrouve avec un gouvernement démissionnaire, un Premier ministre désigné impuissant, un Parlement en sursis, un commandant d’armée temporaire, un chef des Forces de sécurité intérieure mis à la retraite d’office, un Conseil constitutionnel paralysé et une présidence de la République en voie vers une vacance prévisible dans quelques mois. Sans l'ombre d'un doute, le Liban ressemble de plus en plus à un navire sans gouvernail, piraté de surcroit par le Hezbollah. Il n’est donc pas étonnant de le voir voguer au gré du vent loco-régional et des vengeances de l’équipage.

L’accusation du Hezbollah d’être derrière l’attentat de la banlieue sud de Beyrouth est grotesque. Son accusation d’être derrière l’attentat de Tripoli est fantaisiste. Par contre, nul ne peut ignorer aujourd’hui, que si les Libanais sont entrés dans une spirale infernale, c’est bel et bien à cause de la décision de la milice chiite d’aller combattre officiellement et massivement en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Qui ne veut pas voir ça, n’a qu’à foutre sa tête dans le sable, en attendant le prochain attentat.

Par ailleurs, la double explosion d’aujourd’hui n’est pas sans nous rappeler, le cas Michel Samaha. Bien que tous les éléments de l’affaire soient connus et sans ambiguïté, l'ami personnel du président syrien, coule des jours heureux en prison au Liban. Il ne s’est pas beaucoup inquiété depuis son arrestation le 9 août 2012, malgré la gravité des faits qui lui sont reprochés.

La crise syrienne ne touche pas à sa fin. Loin de là. Blâmer Barack Obama et Ban Ki-moon pour ça, est un déni de la réalité, qui s'apparente plus à une fuite en avant qu'à une analyse sérieuse de la situation. De toute façon, cela ne changera rien au cours des événements et ne dispensera pas les dirigeants libanais d’assumer leurs responsabilités. Nous sommes à un tournant historique. Nous avons le choix de conduire le Liban soit vers les cités-États, soit vers un État libanais digne de ce nom. Il faut fixer son cap. La situation n’autorise plus ni les interminables attentes depuis deux ans et demi, ni les conditions capricieuses de certains, ni les improbables miracles des superpuissances. Loin de demander la lune, qui croit encore à l’État libanais, doit exiger et œuvrer immédiatement pour :

1. Le jugement de Michel Samaha, l’incarnation personnifiée de la discorde nationale, de la permissivité de l’État libanais et de l’impunité.
2. La distanciation effective du conflit syrien par toutes les communautés libanaises. Nous n’avons pas à y intervenir.
3. Le déploiement de l’armée libanaise le long de nos frontières terrestres et maritimes, avec ou sans l’aide de l’ONU, et le contrôle absolu des frontières.
4. Le réveil de Tammam Salam de sa torpeur, et la mise en place d’un gouvernement de technocrates, qui doit se mettre à l’œuvre le plus vite possible.
5. La reconduite d'Achraf Rifi à la tête des Forces de sécurité intérieure (FSI), un homme qui a fait ses preuves, ou la nomination d'un homme à la hauteur de la tâche et des risques.
6. La remise des données de télécoms, par le ministre des Télécommunications, à la demande des Services de renseignement des FSI, che3bet el ma3loumett, à chaque attentat terroriste, dans le cadre de la loi évidemment, mais sans tergiversations politiciennes non plus.
7. L’organisation des élections législatives le plus rapidement possible, et la reprise de la vie démocratique dans notre pays, indépendamment du conflit syrien, car il est grand temps de comprendre que ce dernier est encore long. Wlak, depuis l’autoprorogation du Parlement, il y a plusieurs mois, personne ne les a même évoquées ! C'est une honte.

L’heure n’est plus aux palabres et aux atermoiements. Près de 70 morts et plus de 800 blessés, en moins de 10 jours. Jamais l'horizon n'a été aussi sombre. Tous les dirigeants libanais, cela va du président de la République aux dirigeants des partis politiques, ne peuvent plus se contenter de déclarations évasives. L’heure est à la prise de décisions concrètes, qui prouve que nous sommes en train de bâtir un État, non des cités-États, seul à même d'éviter d'autres attentats meurtriers et de protéger la population libanaise du terrorisme. Pour l’instant le gouvernement Mikati, chargé d’expédier les affaires courantes et non moins urgentes, est vraiment démissionnaire et les dirigeants libanais crèvent l'écran d'indignation ! It's not enough, it's not enough.

dimanche 24 mars 2013

Par sa démission, Najib Mikati s'est fixé trois objectifs ! (Art.129)


Si j’étais né de la dernière pluie, j’aurais été tenté de saluer la décision courageuse d’un homme et l’esprit démocratique d’un Premier ministre, en me persuadant que la formule de l'ancien ministre du pays des 300 fromages, Jean-Pierre Chevènement, est aussi valable au pays des 17 communautés, « un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, il démissionne », et que forcément un Premier ministre, ça ouvre sa gueule ; si ça veut la fermer, il démissionne. Najib Mikati deviendrait alors mon héros. Mais bon, il ne faut pas rêver ! L’histoire a déjà écrit ce chapitre de la politique libanaise. Najib Mikati est celui qui a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat démocratico-milicien, le 12 janvier 2011. Il est peut-être le Libanais le plus riche, mais il ne peut pas être mon héros.

Avant d’aborder la démission en soi, je voudrais m’arrêter un instant sur l’auto-satisfecit d’un Premier ministre, qui lors de la conférence de presse avant-hier, annonçant une décision aussi grave que sa démission, a eu quand même le temps de glisser, « nous avons fini de déférer l’échelle des salaires, fruit d’une revendication légitime, devant le Parlement, et que cela a été fait sans que notre économie ait à en souffrir », alors que les experts économiques eux considèrent que le rééchelonnement de la grille des salaires à la hâte avant sa démission, est une vraie catastrophe pour le Liban car Najib Mikati n’a pas tenu compte des mises en garde de la Banque du Liban et des institutions monétaires internationales sur les conséquences de l’adoption de ses réformes sur l’économie d’un pays dont la dette publique est de l’ordre de 135 % de son PIB, et dont la croissance est menacée par l’insécurité, les conflits armés, l’inflation et la présence d’un million de réfugiés syriens sur son sol, peut-être 2 millions à la fin de l’année ! Là où des pays comme la Grèce et Chypre, des Etats soutenus pourtant par l’Union européenne, optent pour plus de rigueur, le Liban continue à vivre au-dessus de ses moyens. Bassita, ce n'est pas le sujet du jour.

Dans son message de démission, Najib Mikati évoque deux sujets, le blocage des ministres du 8 Mars, notamment ceux du Hezbollah (Hassan Nasrallah), d’Amal (Nabih Berri) et du Courant patriotique libre (Michel Aoun), de la formation du comité de supervision des élections et de la prorogation du mandat d’Achraf Rifi. En conséquence, il a déclaré : « J’annonce la démission du gouvernement, en espérant que cela amènerait les principaux blocs politiques à assumer leurs responsabilités et à trouver une issue à la crise ». Non mais franchement, comment peut-on se foutre de la gueule de ses concitoyens à ce point ? Comment diable il espère créer le comité de supervision des élections et proroger le mandat du directeur générale des Forces de sécurité intérieure (FSI), en démissionnant ? Aujourd’hui, il se place de facto, comme Premier ministre expédiant les affaires courantes, donc dans l’incapacité totale d’agir sur les soi-disant « motifs » de sa démission ! Hallucinant.

L’imbroglio politique qui s'est joué le 22 mars au palais de Baabda est particulièrement intéressant. Une analyse du déroulement du Conseil des ministres permet de comprendre que la « sincérité » affichée par le Premier ministre, illustrée par un visage grave de circonstance, était fausse. Passons sur les petits détails qui n’apportent rien, mais qui égarent. En résumé, malgré la confusion qui entoure cette réunion, on apprend du 2al wou 2il des uns et des autres, et du recoupement des infos, qu’après le refus des ministres du 8 Mars de créer le comité de supervision des élections et des noms proposés, le président de la République, Michel Sleiman, aurait annoncé : « Je ne peux pas imaginer une session du gouvernement où la création du comité de supervision des élections ne figure pas en tête de l’ordre du jour, afin de préserver la Constitution qui m’était confiée, et par conséquent, je suspends la session et demande au ministre de l’Intérieur de consulter le Premier ministre pour proposer de nouveaux noms la semaine prochaine ». Il a décidé alors de suspendre la réunion du Conseil. Le Premier ministre a aussitôt exprimé sa solidarité avec le président sur ce point, mais il a souhaité évoquer la prorogation du mandat d’Achraf Rifi avant la suspension de la réunion. Les ministres du 8 Mars, notamment ceux du Hezbollah et du Courant patriotique libre, ont fait connaître leur opposition catégorique. Le Premier ministre, Najib Mikati, a alors considéré en se référant à la déclaration du président, que « désormais aucune session du Conseil n’aura lieu », ce à quoi le président a répondu, « Non, il ne s’agit pas de cela ! ». C’est à ce moment précis que le Premier ministre aurait demandé au président de la République de suspendre le Conseil des ministres. Contrarié et sombre, Najib Mikati quitta brusquement les lieux, la salle de réunion au palais présidentiel, avant le président de la République, contrairement à ce que prévoit le protocole, pour se diriger vers le grand Sérail, d’où il a annoncé sa démission, contrairement à l'usage protocolaire qui veut que la démission du Premier ministre soit annoncée du palais présidentiel à Baabda et non du siège du gouvernement à Beyrouth ! Sacré journée, n’est-ce pas ? Eh bien, tout laisse penser que Najib Mikati cherchait un prétexte pour saboter ce Conseil des ministres et présenter sa démission. Reste à savoir pourquoi ? Sans doute pour de multiples raisons, mais disons, une les domine toutes. Najib Mikati attendait une sortie de scène suffisamment glorieuse, pour exécuter un autre agenda. Il l'a obtenu avec le nœud Achraf Rifi.

On dit que Najib Mikati a pris cette décision après s’être assuré que « les jours de Bachar el-Assad étaient comptés » (éditorial d’Almustaqbal 23/3/2013). La rigolade ! Il semble que ce « disque » n’est pas encore rayé, même après 2 ans de passage en boucle. Allez, donnons-nous rendez-vous dans quelques mois, pour une nouvelle lecture. Certains du 14 Mars, notamment au sein du Courant du Futur, non seulement crient victoire, mais ont annoncé que la démission du gouvernement, qui est une revendication 14-Marsienne, ouvre la porte au retour à la table du dialogue (Ahmad Fatfat). Mais bien sûr, bonne chance alors ! Pour d’autres, il convient de faire l’éloge de Walid Joumblatt pour ces dernières prises de position (Ahmad Hariri). Encore bonne chance les gars !

On dit aussi que Najib Mikati a démissionné car les ministres du 8 Mars, du Hezbollah et du Courant patriotique libre ont refusé de proroger le mandat d’Achraf Rifi. Lol, évidemment que c’est faux. Je ne comprends pas, pourquoi, en démissionnant a-t-il prorogé le mandat du chef des FSI ou va-t-il éviter la mise à la retraite du chef des FSI ? Comment peut-il espérer quoi que ce soit sachant que le 8 Mars contrôle le Parlement grâce à Walid Joumblatt ? La rigolade encore, ou la mascarade si vous préférez. Dans quelques jours Achraf Rifi devrait rentrer chez lui a priori, il l’a d’ailleurs annoncé sereinement en début de semaine, et remettre les commandes des FSI à un subalterne, le directeur général des FSI, le brigadier Roger Salem, jusqu'à fin juin 2013, et à l'officier le plus gradé des FSI par la suite, si le poste restait vacant. L'ancien directeur des FSI, Ali el-Hajj, un proche du régime syrien, qui s'active depuis quelques jours, ne peut pas diriger les FSI pour des raisons juridiques. Rappelons que Ali el-Hajj, était chef des FSI au moment de l'assassinat de Rafic Hariri. C'est lui qui a réduit la protection de ce dernier, de 40 personnes à 8 en novembre 2004 et c'est lui qui a déplacé les épaves du convoi de l'ancien Premier ministre du lieu du crime, quelque heures après l'explosion du 14 février 2005.

On dit également que Najib Mikati a démissionné pour redorer son blason au sein de la communauté sunnite, la veille des élections législatives. Sans doute ! Mais c'est à se demander si un esprit qui a accepté sans vergogne de retirer le pouvoir au leader de la communauté sunnite, Saad Hariri, pour le remettre au Hezbollah, dont 4 membres sont soupçonnés de l’assassinat de feu Rafic Hariri, le plus grand leader de la communauté sunnite libanaise de tous les temps, peut bien avoir de scrupules politiques deux ans après ? Je n’y crois pas. En tout cas, un responsable sunnite qui a une once de scrupules l’aurait fait à l’assassinat de Wissam el-Hassan, le 19 octobre 2012. Donc, faut-il voir des scrupules dans cette démission? Sûrement pas. Des intérêts? Certainement.

On dit par ailleurs que Najib Mikati a démissionné car les ministres du 8 Mars, du Hezbollah et du Courant patriotique libre ont refusé de créer le comité de supervision des élections. Sa démission est effectivement en rapport avec les prochaines élections législatives, mais pas comme l’entendent certains politiciens et analystes.

Rien, absolument rien, ne changera radicalement la situation interne au Liban à part les prochaines élections législatives, prévues le 9 juin 2013. Tout politicien chevronné le sait. Ni la lointaine chute de Bachar el-Assad (qui aurait dû avoir lieu selon les « analystes » à la fin du printemps 2011!), ni les hypothétiques frappes américaines en Iran (qui auraient dû avoir lieu au lendemain de l’élection de Barack Obama en automne 2012!), ni le Tribunal Spécial pour le Liban, ni la prochaine guerre israélo-libanaise, ni tous les cierges des églises d’Antioche et de tout l’Orient même un dimanche des Rameaux, seules les élections législatives permettraient de changer de majorité parlementaire et de gouvernement, donc de détenir le pouvoir législatif et exécutif, et présidentiel plus tard (déjà 2014!). La prorogation du mandat d’Achraf Rifi, la création de la commission de supervision des élections et toutes autres décisions politiques ou administratives, ne seraient que des formalités pour toute majorité qui sort des urnes. Mais pour qu’il y ait élections il faut une loi électorale. Pour bien comprendre la démission de Najib Mikati, il faut rappeler le contexte des discussions sur la loi électorale, car cette démission est intimement, et essentiellement, liée aux prochaines élections législatives.

Depuis que les discussions sérieuses se sont engagées au début du mois de janvier, la classe politique libanaise ne parvient pas à se mettre d’accord sur une nouvelle loi électorale. Les partis chrétiens, qui rejettent catégoriquement l’actuelle loi dite « loi de 1960 » (loi inique pour les communautés chrétiennes responsable de la mauvaise représentativité des communautés chrétiennes au Parlement libanais) sont favorables à la « loi du Rassemblement orthodoxe », qui instaure le « vote intracommunautaire », afin de mettre un terme à la désignation de la moitié des députés chrétiens par les leaders musulmans (Saad Hariri, Walid Joumblatt, Nabih Berri et Hassan Nasrallah). Saad Hariri et Walid Joumblatt sont farouchement opposés à la « loi orthodoxe » car elle amputerait leur bloc parlementaire non seulement des députés chrétiens mais elle ouvrirait aussi leurs communautés à la concurrence interne. Ils sont pour le maintien de la loi actuelle, « loi de 1960 », qui leur garantit un poids électoral supérieur à leur poids politique réel. Hassan Nasrallah et Nabih Berri, sont indifférents à la plupart des lois électorales, notamment la loi de 1960 et la loi orthodoxe, car les régions chiites sont homogènes et verrouillées manu militari.

Alors résumons. Le seul projet de loi électorale qui pouvait théoriquement passer au Parlement, était donc le projet de loi orthodoxe. Tous les autres ne passent pas. Les partis chrétiens, y sont favorables (au moins, ils l’étaient tous). Les partis chiites sont neutres, mais pourraient se ranger du côté des partis chrétiens (au moins, dans le passé). Les partis sunnites et druzes étaient farouchement contre, ainsi que Michel Sleiman et Najib Mikati ; ils le sont toujours et le resteront. Des élections dans 2 mois et demi, la majorité des partis libanais sont opposés à tout report, idem pour la communauté internationale, le temps presse, les discussions sont bloquées et la situation en Syrie s’enlise. Que faire ? Eh bien, il n’y a qu’à faire ce que fait tout mauvais joueur, démocrate de pacotille, renverser la table, surtout, au bon moment ! Voilà ce que vient de faire Najib Mikati.

En tout cas, indépendamment des pressions auxquelles il a été soumis, se trompe gravement qui croit que ce successful businessman est une marionnette manipulée, un homme qui ne sait pas ce qu’il veut. « Le projet orthodoxe ne passera pas. Il n’arrivera même pas devant le Conseil constitutionnel et j’ai mes méthodes pour m’assurer de cela... Je suis candidat (aux élections législatives) et je démissionnerai au moment des élections si elles ont lieu. Il y aura un gouvernement neutre pour diriger les élections et le Premier ministre ne devrait pas être candidat. » (MTV 4/3/2013) Se trompe gravement aussi qui croit que la 384e plus grande fortune du monde (selon le magazine Forbes), a accepté sur un coup de tête la mission du Hezbollah le 12 janvier 2011, au risque de se faire traiter de judas pour le restant de sa vie, et ne sait pas parfaitement où il va.

D’abord, il fallait saboter la « loi orthodoxe », sans donner l’impression de mépriser le consensus chrétien autour de ce projet. C’était en bonne voie, avec la signature par le président de la République et le Premier ministre le 4 mars, du décret pour la convocation du corps électoral selon la loi en vigueur, la loi de 1960 justement.

Ensuite, il fallait écarter les alternatives sérieuses à la loi orthodoxe, notamment les projets des petites circonscriptions, qui permettent de corriger la tare de la démocratie libanaise (la mauvaise représentativité des communautés chrétiennes au Parlement), mais qui sont défavorables à la communauté sunnite (sa communauté) et au 8 Mars (ses alliés). Dans ce sens, le projet électoral de Najib Mikati découpait le Liban en grandes circonscriptions, comme la loi de 1960 d'ailleurs. Notez au passage que le Premier ministre a déjà évoqué sa démission à plusieurs reprises lors de son interview avec Walid Abboud sur la MTV, au début du mois de mars. « Si je vois que la démission est la meilleure option, je le ferai certainement. » Eh oui, il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires !

Enfin, il fallait imposer au peuple libanais la tenue des prochaines élections, à temps peut-être, mais sous l’actuelle loi électorale, la « loi de 1960 » (qui a subi le lifting de Doha en 2008), une loi électorale qui convient à tout le monde sauf aux communautés chrétiennes, où la moitié des députés chrétiens du Parlement libanais seraient désignés par les électeurs musulmans. Nous avons là, le premier objectif que s'est fixé Najib Mikati. Mais ce n'est pas tout. Imposer la tenue des élections sous la loi de 1960, sur un fond de polémique autour du chef sunnite des FSI, Achraf Rifi, ne manquera pas de séduire la communauté sunnite à laquelle il appartient. Là, réside le deuxième objectif de la démission, (re)conquérir la communauté sunnite.
Rajoutons aussi, qu'en imposant la tenue des élections sous la loi de 1960, cela ne manquera pas de satisfaire Walid Joumblatt également. Pour compléter l'analyse disons qu'en fuyant son poste de Premier ministre, Najib Mikati n'aura pas à rentrer en confrontation avec le Hezbollah au sujet d'Achraf Rifi (la bête noire de la milice chiite qui a permis grâce à ses renseignements, l'accusation des 4 membres du Hezbollah par le Tribunal Spécial pour le Liban), ce qui ne manquera pas de satisfaire pleinement le parti qui l'a porté au pouvoir ! Et voilà donc, le troisième objectif de cette démission mûrement réfléchie.

On le voit bien, seule la démission permettait à Najib Mikati d’atteindre ces trois objectifs. Avec un gouvernement démissionnaire qui expédie les affaires courantes, les diverses menaces et les pressions internes et externes pour que les élections aient lieu à la date prévue, il ne sera tout simplement pas possible d’adopter une nouvelle loi électorale et de se prononcer sur la succession d'Achraf Rifi.

Deux détails intéressants confirment mon hypothèse. Le premier porte sur le timing de l’annonce. Najib Mikati a annoncé sa démission le jour même où les grands partis chrétiens, Forces libanaises, Kataeb, Marada et Courant patriotique libre, ainsi que des personnalités chrétiennes indépendantes, Boutros Harb et Ziad Baroud, étaient réunis à Bkerké sous l’égide du patriarche maronite Bechara Raï, pour discuter de la loi électorale, des alternatives à la loi orthodoxe et des blocages des discussions dans les commissions parlementaires. Hasard des coïncidences sans doute, mais lapsus révélateur quand même. Le consensus chrétien dérange ! Le second détail porte sur la déclaration à chaud de Walid Joumblatt suite à la démission de Najib Mikati. Vous allez vraiment tout comprendre ! « Il y a une loi en vigueur, c’est la loi de 1960, jusqu’à ce qu’on se mette d’accord sur une nouvelle loi. Si nous nous mettons d’accord sur une loi autre que la loi de 1960, nous pourrons la remplacer par la nouvelle loi. Le gouvernement ne peut pas légiférer, cela revient au Parlement. Nous irons comme l’a dit le président de la République vers la loi de 1960. Et je serai candidat aux élections sous la loi de 1960 ». Extraordinaire, n’est-ce pas ? Bassita ya Beik, il n’est nul besoin de répéter comme un gâteux à quatre reprises, « loi de 1960 », tout le monde l’a compris et en tirera les conséquences qui s’imposent. Ce n'est pas par hasard que Najib Mikati a tenu a remercié personnellement Walid Joumblatt vendredi soir et que ce dernier s'est considéré sur le même bateau que le premier. Eh bien, soit ! Mais que les deux hommes sachent, le mépris de la volonté des partis chrétiens d’en finir avec la loi de 1960, aura forcément des conséquences non désirées mais parfaitement prévisibles. Parce que, comme l'a dit si bien Abou el-Tayeb al-Moutannabi:

ما كل ما يتمنى المرء يدركه        تجري الرياح بما لا تشتهي السفن 


Enfin, pourquoi faut-il toujours dans notre pays maudit, qu'on n'aborde les problèmes qu'au dernier quart d'heure ? La date de l'échéance électorale et l'arrivée à la retraite d'Achraf Rifi, sont connues de tous et depuis longtemps. Ce sont deux exemples affligeants de l'amateurisme autruchien de certains de la classe politique. Dans tous les cas, qu'importe sous quelle loi électorale se dérouleront les prochaines élections législatives, en tant qu'individu de cette société civile responsable, je m'engagerai dans la bataille électorale corps et âme, pour défendre une certaine idée du pays du Cèdre. Dans mon Liban, le général Achraf Rifi a une place d'honneur n'en déplaise au Hezbollah et à ses alliés.
EN GUISE DE CONCLUSION.

Au lieu de se réjouir de la démission du Premier ministre, toutes les composantes du 14 Mars, notamment le courant du Futur, les Kataeb et les Forces libanaises, devraient s'en inquiéter gravement. Najib Mikati est un homme d'affaires réussi et un homme politique habile, cela ne fait aucun doute. Saad Hariri, Amine Gemayel et Samir Geagea doivent savoir qu'en démissionnant, Najib Mikati s'est fixé trois objectifs: imposer la « loi de 1960 » aux partis chrétiens, (re)conquérir la communauté sunnite et maintenir son alliance avec Walid Joumblatt et le Hezbollah ! L'avenir proche nous en dira plus.