Si
j’étais né de la dernière pluie, j’aurais
été tenté de saluer la décision courageuse d’un homme et l’esprit démocratique d’un
Premier ministre, en me persuadant que la formule de l'ancien
ministre du pays des 300 fromages, Jean-Pierre Chevènement, est aussi valable au pays des 17 communautés,
« un ministre, ça ferme sa
gueule ; si ça veut l’ouvrir, il démissionne », et que forcément un
Premier ministre, ça ouvre sa gueule ; si ça veut la fermer, il démissionne.
Najib Mikati deviendrait alors mon héros. Mais bon, il ne faut pas rêver ! L’histoire
a déjà écrit ce chapitre de la politique libanaise. Najib Mikati est celui qui
a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat démocratico-milicien, le 12
janvier 2011. Il est peut-être le Libanais le plus riche, mais il ne peut pas être mon héros.
Avant
d’aborder la démission en soi, je
voudrais m’arrêter un instant sur l’auto-satisfecit d’un Premier ministre, qui lors de
la conférence de presse avant-hier, annonçant une décision aussi grave que sa
démission, a eu quand même le temps de glisser, « nous avons fini de déférer l’échelle des salaires, fruit d’une
revendication légitime, devant le Parlement, et que cela a été fait sans que
notre économie ait à en souffrir », alors
que les experts économiques eux considèrent que le rééchelonnement de la grille
des salaires à la hâte avant sa démission, est une vraie catastrophe pour le
Liban car Najib Mikati n’a pas tenu compte des mises en garde de la Banque
du Liban et des institutions monétaires internationales sur les conséquences de
l’adoption de ses réformes sur l’économie d’un pays dont la dette publique est
de l’ordre de 135 % de son PIB, et dont la croissance est menacée par
l’insécurité, les conflits armés, l’inflation et la présence d’un million de réfugiés syriens sur
son sol, peut-être 2 millions à la fin de l’année ! Là où des pays comme la
Grèce et Chypre, des Etats soutenus pourtant par l’Union européenne, optent pour
plus de rigueur, le Liban continue à vivre au-dessus de ses moyens. Bassita, ce n'est pas le sujet du jour.
Dans son message de
démission,
Najib Mikati évoque deux sujets, le blocage
des ministres du 8 Mars, notamment ceux du Hezbollah (Hassan Nasrallah), d’Amal (Nabih Berri) et du Courant
patriotique libre (Michel Aoun), de la formation
du comité de supervision des élections et de la prorogation du mandat d’Achraf
Rifi. En conséquence, il a déclaré : « J’annonce la démission du gouvernement, en espérant que cela
amènerait les principaux blocs politiques à assumer leurs responsabilités et à trouver
une issue à la crise ». Non mais franchement, comment peut-on se foutre de
la gueule de ses concitoyens à ce point ? Comment diable il espère créer
le comité de supervision des élections et proroger le mandat du directeur
générale des Forces de sécurité intérieure (FSI), en démissionnant ? Aujourd’hui, il
se place de facto, comme Premier ministre expédiant les affaires courantes, donc
dans l’incapacité totale d’agir sur les soi-disant « motifs » de sa
démission ! Hallucinant.
L’imbroglio
politique qui s'est joué le 22 mars au palais de Baabda est particulièrement intéressant. Une analyse du
déroulement du Conseil des ministres permet de comprendre que la « sincérité »
affichée par le Premier ministre, illustrée par un visage grave de
circonstance, était fausse. Passons sur les petits détails qui n’apportent
rien, mais qui égarent. En résumé, malgré la confusion qui entoure cette
réunion, on apprend du 2al wou 2il
des uns et des autres, et du recoupement des infos, qu’après le refus des
ministres du 8 Mars de créer le comité de supervision des élections et des noms
proposés, le président de la République, Michel Sleiman, aurait annoncé : « Je ne peux pas imaginer une session du
gouvernement où la création du comité de supervision des élections ne figure
pas en tête de l’ordre du jour, afin de préserver la Constitution qui m’était
confiée, et par conséquent, je suspends la session et demande au ministre de
l’Intérieur de consulter le Premier ministre pour proposer de nouveaux noms la
semaine prochaine ». Il a décidé alors de suspendre la réunion du
Conseil. Le Premier ministre a aussitôt exprimé sa solidarité avec le président
sur ce point, mais il a souhaité évoquer la prorogation du mandat d’Achraf Rifi
avant la suspension de la réunion. Les ministres du 8 Mars, notamment ceux du
Hezbollah et du Courant patriotique libre, ont fait connaître leur opposition catégorique. Le Premier
ministre, Najib Mikati, a alors considéré en se référant à la déclaration du président, que « désormais aucune session du Conseil n’aura lieu », ce à
quoi le président a répondu, « Non,
il ne s’agit pas de cela ! ». C’est à ce moment précis que le
Premier ministre aurait demandé au président de la République de suspendre le
Conseil des ministres. Contrarié et sombre, Najib Mikati quitta brusquement les lieux, la salle de réunion au palais
présidentiel, avant le président de la République, contrairement à ce
que prévoit le protocole, pour se diriger vers le grand Sérail, d’où il a
annoncé sa démission, contrairement à l'usage protocolaire qui veut que la démission du Premier ministre soit annoncée du palais présidentiel à Baabda et non du siège du gouvernement à Beyrouth ! Sacré journée,
n’est-ce pas ? Eh bien, tout laisse
penser que Najib Mikati cherchait un prétexte pour saboter ce Conseil des
ministres et présenter sa démission. Reste à savoir
pourquoi ? Sans doute pour de multiples raisons, mais disons, une les
domine toutes. Najib Mikati attendait une
sortie de scène suffisamment glorieuse, pour exécuter un autre agenda. Il l'a obtenu avec le nœud Achraf Rifi.
On dit que Najib
Mikati a pris cette décision après s’être assuré que « les jours de Bachar el-Assad étaient comptés » (éditorial d’Almustaqbal
23/3/2013). La rigolade ! Il semble que ce « disque » n’est
pas encore rayé, même après 2 ans de passage en boucle. Allez, donnons-nous
rendez-vous dans quelques mois, pour une nouvelle lecture. Certains du 14 Mars,
notamment au sein du Courant du Futur, non seulement crient victoire, mais ont
annoncé que la démission du gouvernement, qui est une revendication
14-Marsienne, ouvre la porte au retour à la table du dialogue (Ahmad
Fatfat). Mais bien sûr, bonne chance alors ! Pour d’autres, il convient de
faire l’éloge de Walid Joumblatt pour ces dernières prises de position (Ahmad
Hariri). Encore bonne chance les gars !
On dit aussi que Najib
Mikati a démissionné car les ministres du 8 Mars, du Hezbollah et du Courant patriotique libre ont
refusé de proroger le mandat d’Achraf Rifi. Lol, évidemment que c’est faux. Je
ne comprends pas, pourquoi, en démissionnant a-t-il prorogé le mandat du chef
des FSI ou va-t-il éviter la mise à la retraite du chef des FSI ? Comment peut-il espérer quoi que ce soit sachant
que le 8 Mars contrôle le Parlement grâce à Walid Joumblatt ? La rigolade encore, ou la
mascarade si vous préférez. Dans quelques jours Achraf Rifi devrait rentrer
chez lui a priori, il l’a d’ailleurs annoncé sereinement en début de semaine, et
remettre les commandes des FSI à un subalterne, le directeur général des FSI, le brigadier Roger Salem, jusqu'à fin juin 2013, et à l'officier le plus gradé des FSI par la suite, si le poste restait vacant. L'ancien directeur des FSI, Ali el-Hajj, un proche du régime syrien, qui s'active depuis quelques jours, ne peut pas diriger les FSI pour des raisons juridiques. Rappelons que Ali el-Hajj, était chef des FSI au moment de l'assassinat de Rafic Hariri. C'est lui qui a réduit la protection de ce dernier, de 40 personnes à 8 en novembre 2004 et c'est lui qui a déplacé les épaves du convoi de l'ancien Premier ministre du lieu du crime, quelque heures après l'explosion du 14 février 2005.
On dit également que
Najib Mikati a démissionné pour redorer son blason au sein de la communauté
sunnite,
la veille des élections législatives. Sans doute ! Mais c'est à se demander si un
esprit qui a accepté sans vergogne de retirer le pouvoir au leader de la
communauté sunnite, Saad Hariri, pour le remettre au Hezbollah, dont 4 membres
sont soupçonnés de l’assassinat de feu Rafic Hariri, le plus grand leader de la
communauté sunnite libanaise de tous les temps, peut bien avoir de scrupules
politiques deux ans après ? Je n’y crois pas. En tout cas, un responsable sunnite
qui a une once de scrupules l’aurait fait à l’assassinat de Wissam el-Hassan, le
19 octobre 2012. Donc, faut-il voir des scrupules dans cette démission? Sûrement pas. Des intérêts? Certainement.
On dit par ailleurs
que Najib Mikati a démissionné car les ministres du 8 Mars, du Hezbollah et du
Courant patriotique libre ont refusé de créer le comité de supervision des élections. Sa démission est
effectivement en rapport avec les prochaines élections législatives, mais pas
comme l’entendent certains politiciens et analystes.
Rien, absolument
rien, ne changera radicalement la situation interne au Liban à part les
prochaines élections législatives, prévues le 9 juin 2013. Tout politicien
chevronné le sait. Ni la lointaine chute de Bachar el-Assad (qui aurait dû
avoir lieu selon les « analystes » à la fin du printemps 2011!),
ni les hypothétiques frappes américaines en Iran (qui auraient dû avoir lieu au
lendemain de l’élection de Barack Obama en automne 2012!), ni le Tribunal
Spécial pour le Liban, ni la prochaine guerre israélo-libanaise, ni tous les
cierges des églises d’Antioche et de tout l’Orient même un dimanche des Rameaux, seules les élections
législatives permettraient de changer de majorité parlementaire et de gouvernement,
donc de détenir le pouvoir législatif et exécutif, et présidentiel plus tard
(déjà 2014!). La prorogation du mandat d’Achraf Rifi, la création de la commission de
supervision des élections et toutes autres décisions politiques ou administratives, ne
seraient que des formalités pour toute majorité qui sort des urnes. Mais pour
qu’il y ait élections il faut une loi électorale. Pour bien comprendre la
démission de Najib Mikati, il faut rappeler le contexte des discussions sur la
loi électorale, car cette démission est intimement, et essentiellement, liée aux
prochaines élections législatives.
Depuis
que les discussions sérieuses se sont engagées au début du mois de janvier, la classe politique libanaise ne parvient
pas à se mettre d’accord sur une nouvelle loi électorale. Les partis
chrétiens, qui rejettent catégoriquement l’actuelle loi dite « loi de 1960 »
(loi inique pour les communautés chrétiennes responsable de la mauvaise
représentativité des communautés chrétiennes au Parlement libanais) sont
favorables à la « loi du Rassemblement orthodoxe », qui instaure le
« vote intracommunautaire », afin de mettre un terme à la désignation
de la moitié des députés chrétiens par les leaders musulmans (Saad Hariri,
Walid Joumblatt, Nabih Berri et Hassan Nasrallah). Saad Hariri et Walid
Joumblatt sont farouchement opposés à la « loi orthodoxe » car elle
amputerait leur bloc parlementaire non seulement des députés chrétiens mais elle
ouvrirait aussi leurs communautés à la concurrence interne. Ils sont pour le
maintien de la loi actuelle, « loi de 1960 », qui leur garantit
un poids électoral supérieur à leur poids politique réel. Hassan Nasrallah et
Nabih Berri, sont indifférents à la plupart des lois électorales, notamment la
loi de 1960 et la loi orthodoxe, car les régions chiites sont homogènes et
verrouillées manu militari.
Alors
résumons. Le seul projet de loi
électorale qui pouvait théoriquement passer au Parlement, était donc le projet
de loi orthodoxe. Tous les autres ne passent pas. Les partis chrétiens, y
sont favorables (au moins, ils l’étaient tous). Les partis chiites sont
neutres, mais pourraient se ranger du côté des partis chrétiens (au moins, dans
le passé). Les partis sunnites et druzes étaient farouchement contre, ainsi que
Michel Sleiman et Najib Mikati ; ils le sont toujours et le resteront. Des
élections dans 2 mois et demi, la majorité des partis libanais sont opposés à
tout report, idem pour la communauté internationale, le temps presse, les
discussions sont bloquées et la situation en Syrie s’enlise. Que faire ?
Eh bien, il n’y a qu’à faire ce que fait tout mauvais joueur, démocrate de
pacotille, renverser la table, surtout, au bon moment ! Voilà ce que vient de faire Najib Mikati.
En
tout cas, indépendamment des pressions auxquelles il a été soumis, se trompe
gravement qui croit que ce successful businessman est une marionnette manipulée, un homme qui ne sait pas ce qu’il veut. « Le projet orthodoxe ne passera pas. Il n’arrivera
même pas devant le Conseil constitutionnel et j’ai mes méthodes pour m’assurer
de cela... Je suis candidat (aux élections législatives) et je démissionnerai au moment des élections si elles
ont lieu. Il y aura un gouvernement neutre pour diriger les élections et
le Premier ministre ne devrait pas être candidat. » (MTV 4/3/2013) Se trompe gravement aussi qui croit que la 384e plus grande fortune du monde (selon le magazine Forbes), a accepté sur un coup de tête la mission du Hezbollah le 12 janvier
2011, au risque de se faire traiter de judas pour le restant de sa vie, et ne sait
pas parfaitement où il va.
D’abord, il fallait saboter la « loi orthodoxe », sans donner l’impression de mépriser le consensus chrétien autour de ce projet. C’était en bonne voie, avec la signature par le président de la République et le Premier ministre le 4 mars, du décret pour la convocation du corps électoral selon la loi en vigueur, la loi de 1960 justement.
Ensuite, il fallait écarter les alternatives sérieuses à la loi orthodoxe, notamment les projets des petites circonscriptions, qui permettent de corriger la tare de la démocratie libanaise (la mauvaise représentativité des communautés chrétiennes au Parlement), mais qui sont défavorables à la communauté sunnite (sa communauté) et au 8 Mars (ses alliés). Dans ce sens, le projet électoral de Najib Mikati découpait le Liban en grandes circonscriptions, comme la loi de 1960 d'ailleurs. Notez au passage que le Premier ministre a déjà évoqué sa démission à plusieurs reprises lors de son interview avec Walid Abboud sur la MTV, au début du mois de mars. « Si je vois que la démission est la meilleure option, je le ferai certainement. » Eh oui, il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires !
Enfin, il fallait imposer au peuple libanais la tenue des prochaines élections, à temps peut-être, mais sous l’actuelle loi électorale, la « loi de 1960 » (qui a subi le lifting de Doha en 2008), une loi électorale qui convient à tout le monde sauf aux communautés chrétiennes, où la moitié des députés chrétiens du Parlement libanais seraient désignés par les électeurs musulmans. Nous avons là, le premier objectif que s'est fixé Najib Mikati. Mais ce n'est pas tout. Imposer la tenue des élections sous la loi de 1960, sur un fond de polémique autour du chef sunnite des FSI, Achraf Rifi, ne manquera pas de séduire la communauté sunnite à laquelle il appartient. Là, réside le deuxième objectif de la démission, (re)conquérir la communauté sunnite. Rajoutons aussi, qu'en imposant la tenue des élections sous la loi de 1960, cela ne manquera pas de satisfaire Walid Joumblatt également. Pour compléter l'analyse disons qu'en fuyant son poste de Premier ministre, Najib Mikati n'aura pas à rentrer en confrontation avec le Hezbollah au sujet d'Achraf Rifi (la bête noire de la milice chiite qui a permis grâce à ses renseignements, l'accusation des 4 membres du Hezbollah par le Tribunal Spécial pour le Liban), ce qui ne manquera pas de satisfaire pleinement le parti qui l'a porté au pouvoir ! Et voilà donc, le troisième objectif de cette démission mûrement réfléchie.
On le voit bien, seule la démission permettait à Najib Mikati d’atteindre ces trois objectifs. Avec un gouvernement démissionnaire qui expédie les affaires courantes, les diverses menaces et les pressions internes et externes pour que les élections aient lieu à la date prévue, il ne sera tout simplement pas possible d’adopter une nouvelle loi électorale et de se prononcer sur la succession d'Achraf Rifi.
D’abord, il fallait saboter la « loi orthodoxe », sans donner l’impression de mépriser le consensus chrétien autour de ce projet. C’était en bonne voie, avec la signature par le président de la République et le Premier ministre le 4 mars, du décret pour la convocation du corps électoral selon la loi en vigueur, la loi de 1960 justement.
Ensuite, il fallait écarter les alternatives sérieuses à la loi orthodoxe, notamment les projets des petites circonscriptions, qui permettent de corriger la tare de la démocratie libanaise (la mauvaise représentativité des communautés chrétiennes au Parlement), mais qui sont défavorables à la communauté sunnite (sa communauté) et au 8 Mars (ses alliés). Dans ce sens, le projet électoral de Najib Mikati découpait le Liban en grandes circonscriptions, comme la loi de 1960 d'ailleurs. Notez au passage que le Premier ministre a déjà évoqué sa démission à plusieurs reprises lors de son interview avec Walid Abboud sur la MTV, au début du mois de mars. « Si je vois que la démission est la meilleure option, je le ferai certainement. » Eh oui, il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires !
Enfin, il fallait imposer au peuple libanais la tenue des prochaines élections, à temps peut-être, mais sous l’actuelle loi électorale, la « loi de 1960 » (qui a subi le lifting de Doha en 2008), une loi électorale qui convient à tout le monde sauf aux communautés chrétiennes, où la moitié des députés chrétiens du Parlement libanais seraient désignés par les électeurs musulmans. Nous avons là, le premier objectif que s'est fixé Najib Mikati. Mais ce n'est pas tout. Imposer la tenue des élections sous la loi de 1960, sur un fond de polémique autour du chef sunnite des FSI, Achraf Rifi, ne manquera pas de séduire la communauté sunnite à laquelle il appartient. Là, réside le deuxième objectif de la démission, (re)conquérir la communauté sunnite. Rajoutons aussi, qu'en imposant la tenue des élections sous la loi de 1960, cela ne manquera pas de satisfaire Walid Joumblatt également. Pour compléter l'analyse disons qu'en fuyant son poste de Premier ministre, Najib Mikati n'aura pas à rentrer en confrontation avec le Hezbollah au sujet d'Achraf Rifi (la bête noire de la milice chiite qui a permis grâce à ses renseignements, l'accusation des 4 membres du Hezbollah par le Tribunal Spécial pour le Liban), ce qui ne manquera pas de satisfaire pleinement le parti qui l'a porté au pouvoir ! Et voilà donc, le troisième objectif de cette démission mûrement réfléchie.
On le voit bien, seule la démission permettait à Najib Mikati d’atteindre ces trois objectifs. Avec un gouvernement démissionnaire qui expédie les affaires courantes, les diverses menaces et les pressions internes et externes pour que les élections aient lieu à la date prévue, il ne sera tout simplement pas possible d’adopter une nouvelle loi électorale et de se prononcer sur la succession d'Achraf Rifi.
Deux
détails intéressants confirment mon hypothèse. Le premier porte sur le timing
de l’annonce. Najib Mikati a annoncé sa
démission le jour même où les grands partis chrétiens, Forces libanaises,
Kataeb, Marada et Courant patriotique libre, ainsi que des personnalités
chrétiennes indépendantes, Boutros Harb et Ziad Baroud, étaient réunis à Bkerké sous
l’égide du patriarche maronite Bechara Raï, pour discuter de la loi
électorale, des alternatives à la loi orthodoxe et des blocages des discussions
dans les commissions parlementaires. Hasard des coïncidences sans doute,
mais lapsus révélateur quand même. Le consensus chrétien dérange ! Le second
détail porte sur la déclaration à chaud
de Walid Joumblatt suite à la démission de Najib Mikati. Vous allez vraiment tout
comprendre ! « Il y a une
loi en vigueur, c’est la loi de 1960, jusqu’à ce qu’on se mette d’accord sur
une nouvelle loi. Si nous nous mettons d’accord sur une loi autre que la loi de
1960, nous pourrons la remplacer par la nouvelle loi. Le gouvernement ne peut
pas légiférer, cela revient au Parlement. Nous irons comme l’a dit le président
de la République vers la loi de 1960. Et je serai candidat aux élections sous
la loi de 1960 ». Extraordinaire, n’est-ce pas ? Bassita ya Beik,
il n’est nul besoin de répéter comme un gâteux à quatre reprises, « loi de
1960 », tout le monde l’a compris et en tirera les conséquences qui
s’imposent. Ce n'est pas par hasard que Najib Mikati a tenu a remercié personnellement Walid Joumblatt vendredi soir et que ce dernier s'est considéré sur le même bateau que le premier. Eh bien, soit ! Mais que les deux hommes sachent, le mépris de la volonté des partis chrétiens d’en finir avec
la loi de 1960, aura forcément des conséquences non désirées mais parfaitement prévisibles. Parce que, comme l'a dit si bien Abou el-Tayeb al-Moutannabi:
ما كل ما يتمنى المرء يدركه تجري الرياح بما لا تشتهي السفن
Enfin, pourquoi faut-il toujours dans notre pays maudit, qu'on n'aborde les problèmes qu'au dernier quart d'heure ? La date de l'échéance électorale et l'arrivée à la retraite d'Achraf Rifi, sont connues de tous et depuis longtemps. Ce sont deux exemples affligeants de l'amateurisme autruchien de certains de la classe politique. Dans tous les cas, qu'importe sous quelle loi électorale se dérouleront les prochaines élections législatives, en tant qu'individu de cette société civile responsable, je m'engagerai dans la bataille électorale corps et âme, pour défendre une certaine idée du pays du Cèdre. Dans mon Liban, le général Achraf Rifi a une place d'honneur n'en déplaise au Hezbollah et à ses alliés.
EN GUISE DE CONCLUSION.
Au lieu de se réjouir de la démission du Premier ministre, toutes les composantes du 14 Mars, notamment le courant du Futur, les Kataeb et les Forces libanaises, devraient s'en inquiéter gravement. Najib Mikati est un homme d'affaires réussi et un homme politique habile, cela ne fait aucun doute. Saad Hariri, Amine Gemayel et Samir Geagea doivent savoir qu'en démissionnant, Najib Mikati s'est fixé trois objectifs: imposer la « loi de 1960 » aux partis chrétiens, (re)conquérir la communauté sunnite et maintenir son alliance avec Walid Joumblatt et le Hezbollah ! L'avenir proche nous en dira plus.