jeudi 4 avril 2013

Le rapprochement Hariri-Joumblatt : tout ce qui est bâti sur du sable mouvant s’écroulera (Art.131)


Bala 2art 7aké 3al fadé, ta ma n2oul gheir chi, baydit el kébbann aw baydit el baghél, mich mouhim, tout le monde sait que Walid Joumblatt est le principal obstacle pour trouver une alternative sérieuse au projet de loi du Rassemblement orthodoxe pour corriger la tare de la démocratie libanaise et la mauvaise représentativité parlementaire chronique des communautés chrétiennes. Rappelons que dans l'état actuel de notre démocratie rachitique, caractérisée par le vote en bloc des communautés libanaises, la moitié des députés chrétiens sont désignés par le quartet musulman, Hariri-Joumblatt-Berri-Nasrallah, et non « élus démocratiquement » par le peuple libanais. Le Beik craint dans toute réforme électorale, de voir son bloc parlementaire se « dégonfler », en perdant les députés non-druzes et en ouvrant la communauté druze à la concurrence interne. Tenez, voilà par exemple ce que pense cet « esprit socialiste progressiste » de la petite circonscription : « ce n’est pas opportun pour les habitants de la Montagne (il fait allusion à la seule communauté druze, bien entendu!) et pour le PSP (Parti Socialiste Progressiste) ».

Le Beik a tout fait depuis un an et demi pour torpiller tous les projets de loi qui corrigent cette tare. Avec le recul et pour l’histoire, on peut dire qu’il fut une époque où Michel Aoun (Courant patriotique libre) était farouchement opposé à la loi orthodoxe (si, si!), Saad Hariri (Courant du Futur) avait accepté de réfléchir sur le principe des petites circonscriptions et l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le scrutin (accepté ne veut pas dire adopter!), seul Walid Joumblatt ne voulait pas en entendre parler, afin de maintenir sa taille politique. Il se prend même pour le nombril du monde : « Je ne veux pas de la proportionnelle, quelle que soit sa forme, parce qu’elle me prend pour cible ». C’est son droit, sauf quand sa position bloque le Liban tout entier et menace la tenue même des élections législatives; là, ce n'est plus un simple droit démocratique mais un calcul politicien communautaire étriqué particulièrement méprisable.

Sans une nouvelle loi électorale, les prochaines élections se dérouleront sous la loi électorale en vigueur, la loi de 1960. Cela arrangerait beaucoup les affaires de la girouette de Moukhtara. D'ailleurs, les candidats du Beik ont déposé leurs candidatures sur la base de la loi de 1960 aujourd'hui même, alors qu'à ce jour il n'y avait qu'une quinzaine de candidatures, un chiffre ridicule pour les 136 sièges à pourvoir! C'est pour dire, l'attachement de Walid Joumblatt à la maudite loi de 1960. Celle-ci découpe le Liban en de grandes circonscriptions (26 circonscriptions au scrutin majoritaire). Elle convient à tout le monde sauf aux communautés chrétiennes. Je l’ai dit il y a quelques jours, en démissionnant, le Premier ministre s’est fixé un but, celui d’imposer la loi électorale de 1960 aux partis chrétiens, Forces libanaises, Kataeb, Marada et Courant patriotique libre. Il est navrant de constater que, ni Najib Mikati, ni Walid Joumblatt, ni Saad Hariri, ni Michel Sleiman, n’ont compris la détermination des leaders chrétiens d’en finir avec la loi de 1960. Heureusement, que ces derniers, se sont montrés à la hauteur de l’enjeu lors de leur réunion hier à Bkerké.

Partant de ce constat et de ce qui précède, il est parfaitement normal, que les partis chrétiens refusent catégoriquement toute candidature aux prochaines élections législatives sous la loi électorale inique de 1960. Et certains trouveront encore à redire ! Mais bordel de foutaises, à quoi sert une démocratie qui ne permet pas une bonne représentativité des électeurs? A rien, à part entretenir un simulacre d’élection qu’il est grand temps de briser! Disons-le sans détour, il est hypocrite au plus haut degré de rejeter la loi orthodoxe et de prétendre travailler pour une nouvelle loi électorale juste, qui assure une bonne représentativité des électeurs libanais, tout en laissant filer le temps, les délais et les dates butoirs, afin que les prochaines élections se déroulent sous la loi en vigueur, la loi de 1960. Si on n’est pas parvenus à s’entendre, c’est parce que certains dans ce pays, comme Walid Joumblatt, ne se préoccupent guère de corriger la tare de la démocratie libanaise et d’améliorer la représentativité parlementaire, notamment des communautés chrétiennes, mais simplement de garder leur hégémonie féodale et leur poids parlementaire, serait-ce au détriment des autres!

Tout ce qui est bâti sur du sable mouvant s’écroulera! Walid Joumblatt est le sable mouvant au pays du Cèdre. Saad Hariri est bien placé pour le savoir. C’est le Beik qui a remis les rênes du pouvoir au Hezbollah le 12 janvier 2011. Il le refera sans l'ombre d'un doute à la prochaine occasion opportuniste. En se rapprochant de Walid Joumblatt, notamment pour la désignation du prochain Premier ministre (entente sur le nom de Tammam Salam), le courant du Futur commet une erreur. Il n’a rien à gagner ou que des broutilles. L’enjeu de cette période ne réside pas dans la formation superflue d’un gouvernement éphémère, le gouvernement démissionnaire peut expédier les affaires courantes ad vitam aeternam et le Parlement peut légiférer jusqu'au dernier jour de la législature, le 20 juin 2013. L'enjeu réside dans la tenue des élections législatives à temps, c’est-à-dire le 9 juin 2013, ce n'est plus possible sauf si elles doivent avoir lieu sous la loi de 1960, ou avec un ajournement technique de plusieurs mois, le temps de faire voter une nouvelle loi et d'entreprendre les préparatifs nécessaires, un report qu'il va falloir quand même voter avant la fin de la législature pour ne pas tomber dans un vide constitutionnel. Rappelons pour la énième fois, seules les élections législatives AU LIBAN sont à même de sortir notre pays de son marasme, sans attendre les miracles illusoires des conversions sur la route de Damas!

Dans une décision responsable et de bonne volonté, les partis chrétiens ont suspendu publiquement leur soutien au projet de loi orthodoxe qui instaure le vote intracommunautaire et corrige complètement la tare de la démocratie libanaise, afin de donner toutes les chances pour une entente nationale sur la loi électorale. Certes, le Hezbollah et Amal, qui verrouillent les régions chiites manu militari, rejettent sans état d'âme les projets de loi favorisant la petite circonscription et la proportionnelle, qui corrigent bel et bien cette tare démocratique, il n'empêche que les partis chiites ont compris tous les avantages qu’ils peuvent en tirer d’un soutien au projet de loi orthodoxe où le Liban est une circonscription unique, qui met en difficulté leur principal adversaire, le parti sunnite du courant du Futur. A ce jour, à part le projet de loi orthodoxe, seul le projet électoral inspiré de la proposition de Nabih Berri -eh oui, avec l'Estèz, c'est probablement reparti jusqu'en 2017 où il battra son propre record, 25 ans de règne à la tête du Parlement libanais!- qui prévoit un scrutin mixte, la moitié des sièges à la majorité et l'autre moitié à la proportionnelle, en découpant le Liban en plus d'une quarantaine de circonscriptions, est susceptible de dégager une majorité au Parlement. Mais, Walid Joumblatt et Michel Aoun, y sont opposés.


Nous ne sommes pas dans une impasse, nous sommes en pleines manœuvres! Après la déclaration de Bkerké hier, il revient au courant du Futur précisément, qui dispose d'une marge de manœuvre intéressante et qui est soucieux de l'avenir du pays, de saisir cette nouvelle occasion, d'arrêter de flirter avec Walid Joumblatt, de trancher sur le nœud électoral et d'intensifier les discussions avec les autres partis concernant le projet mixte afin de parvenir le plus rapidement possible à une loi électorale équitable et représentative pour le Liban. Et que les meilleurs gagnent, en toute démocratie.