samedi 13 avril 2013

La leçon de démocratie qui domine les leçons de guerre (Art.134)


13 avril 1975 - 13 avril 2013: 38 ans de guerre, sous toutes les formes ! La guerre libanaise, au singulier comme au pluriel, est censée nous avoir appris beaucoup de choses. Loin des considérations mielleuses à l’orientale, du genre « tout le monde il beau, tout le monde il est gentil », nous étions des anges et c’était la guerre des autres chez nous, pêle-mêle, j’en vois pas mal de ces leçons de guerre.

« Le Liban est plus qu’un pays, le Liban est un message » (Jean-Paul II), et il le restera ; le Liban est unique puisqu’il est parmi les très rares pays du monde où musulmans et chrétiens cohabitent tant bien que mal, à égalité et depuis des lustres ; la cohabitation inter-religieuse n’est pas un long fleuve tranquille ; les esprits libanais sont communautaires jusqu’à la moelle ; la lutte de pouvoir est féroce ; tout est un rapport de force ; tout le monde fonctionne par intérêt ; la naïveté conduit à des catastrophes ; NUL NE PEUT IGNORER LES REVENDICATIONS DE L'AUTRE sans conséquences malheureuses ; nul ne peut éliminer tous ses adversaires ; la guerre n’est pas une solution ; les armes tuent ; toutes les guerres finissent mal ; la patrie n’est pas plus reconnaissante du sacrifice de ses enfants que les gens ; les guerres du Liban ne sont pas encore terminées ; la terreur a ses limites ; personne n’est éternelle ; « personne n’est plus grand que son pays » (Rafic Hariri) ; le 14 mars 2005 est une date à usage unique ; les assassinats politiques sont infâmes ; « la vérité est comme le soleil, elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder » (Victor Hugo) ; l’amnésie est tout aussi commode que la schizophrénie ; le Liban sans ses politiciens ne seraient pas forcément dans un meilleur état ; les hommes politiques sont à l’image du peuple ; nous ne connaîtrons pas de paix civile sans entamer une révolution religieuse contre le Front des soutanes unies ; l’attente passive est le plus mauvais des plans d’action ; les miracles n’arrivent jamais ; compter sur les pays étrangers c’est bâtir des châteaux en Espagne ; il faut retrousser ses manches pour construire l’avenir ; tôt ou tard les élections ont lieu ; et justement, à propos, seules les élections législatives bouleverseront la donne libanaise. Alors parlons-en.

4 hommes musulmans -Saad Hariri, Walid Joumblatt, Nabih Berri et Hassan Nasrallah- choisissent pratiquement les 3/4 des 128 parlementaires libanais, dont la moitié des députés chrétiens, et on prétend avoir une démocratie saine.

44% des électeurs d’Aley sont chrétiens (et 52% sont druzes), ce caza de plus de 100 000 habitants n'étant qu'un exemple parmi d'autres, mais n'arrivent pas à faire élire un seul député les représentant qui ne soit pas agréé par la girouette de Moukhtara, et on prétend organiser des élections libres.

96%, ou presque, des électeurs de chaque communauté libanaise votent en bloc uniquement aux candidats de leur communauté et à ceux qui sont associés à la leur, et on feint d'ignorer que le corps électoral libanais est malade de communautarisme.

100% des Libanais qui souhaitent se marier dans leur pays sont obligés de le faire religieusement -c'est à peine si une minorité ose demander timidement le mariage civil facultatif, et une infime minorité dont je fais partie, réclame haut et fort le mariage civil obligatoire- et on espère naïvement déconfessionnaliser les esprits un jour et en finir avec le vote en bloc des communautés libanaises.

Vous le voyez bien, cher(e)s ami(e)s et cher(e)s compatriotes, notre démocratie malsaine est caractérisée par des élections biaisées, à cause du communautarisme ambiant, dans un pays où l'on ne fait rien, absolument rien, pour déconfessionnaliser les esprits. Voilà pourquoi j’ai écrit : les guerres du Liban ne sont pas encore terminées. Et puisqu'il en est ainsi, et tant que le mariage civil n'est pas rendue obligatoire et l'état civil libanais relève du Front des soutanes unies, les esprits sont et resteront communautaires. Tout homme politique responsable doit prendre note de ce constat. Alors que faire à partir de là ?

Il est déplacé de parler d'élections législatives avec la loi électorale actuelle. En effet, sous la loi de 1960, il serait judicieux d’évoquer les « désignations législatives ». Cette loi en vigueur convient parfaitement aux communautés musulmanes -sunnite, chiite et druze- mais absolument pas aux communautés chrétiennes, comme on l'a vu précédemment. L'ironie de l'histoire, c'est que la loi de 1960 permet au communautarisme libanais de s'épanouir. La meilleure ! La preuve étant le « vote en bloc » des électeurs libanais, toutes communautés confondues, constaté à chaque élection.

Les opposants au « vote intracommunautaire » ne se rendent pas compte, inconsciemment pour certains, consciemment pour d'autres, sincèrement pour les premiers, hypocritement pour les seconds, que l'esprit de la « loi orthodoxe », voter uniquement pour sa propre communauté, est déjà appliquée de facto et depuis des lustres, grâce à la « loi de 1960 ». Ya 3ein! Pire, comme le vote des électeurs est étendu aux "alliés" de sa communauté, cela oblige les candidats qui ne font pas partie de la communauté, et qui voudraient se faire élire, de s'allier ou disons-le franchement de demander obédience à la communauté dominante. On peut donc dire que la loi de 1960 permet à celui qui domine démographiquement de dominer politiquement, sa propre communauté et les autres communautés de la circonscription. Bonjour l'expression démocratique, la diversité politique et la représentativité parlementaire! Ma cha2a Allah.

Aujourd'hui, ce qui nécessaire et pressant c'est plutôt d'en finir avec l'archaïque loi électorale de 1960, que de s'opposer au "projet" de loi électorale du Rassemblement orthodoxe, qui a été retiré des discussions par les partis politiques chrétiens lors de la dernière réunion de Bkerké, en signe de bonne volonté, afin de lui trouver une alternative sérieuse, et vérifier la sincérité de tous les acteurs. Le plus grave pour le Liban et sa vie politique, ce n'est pas de faire voter une loi électorale qui "légalise" le vote intracommunautaire, qui n'est rien d'autre qu'une sorte de fédéralisme du vote -on est vraiment loin des arguties de la terreur intellectuelle à laquelle sont soumis les défenseurs de cette loi- mais de perpétuer cette violation répétitive de notre démocratie, par la loi de 1960: la mauvaise représentation parlementaire des électeurs libanais, notamment chrétiens.

Toute violation de la démocratie au Liban et de la volonté de sa population dans ses différentes composantes, est une guerre contre les Libanais, une prorogation de la guerre du 13 avril 1975, une guerre en gestation. C’est LA principale leçon de démocratie qui domine les leçons des guerres libanaises. Quiconque s’oppose au projet de loi orthodoxe et au vote intracommunautaire, doit doublement s’engager dans :
1. L'abolition définitive de la loi de 1960 par le vote d'une nouvelle loi électorale juste, équitable et démocratique, qui améliorera la représentativité parlementaire.
2. La déconfessionnalisation effective des esprits libanais, par le vote du mariage civil obligatoire entre autres, seule à même de corriger réellement et pour longtemps la tare de la démocratie du pays du Cèdre.
Et tout ce qui est en dehors de ces deux points n’est que arét 7aké fi bélad arét el 7aké... des palabres au pays des palabres !