mardi 19 mars 2013

Mais que fait l’Armée syrienne libre au Liban, bordel ? (Art.128)


On apprend en parcourant la presse ce matin que l’aviation du dernier tyran des Assad a bombardé dans la journée de lundi, la frontière libano-syrienne à hauteur d'Aarsal (Ersal, Wadi Kheil). En fin d’après-midi, des militaires libanais, n’étaient pas encore en mesure de préciser si les quatre roquettes étaient tombées du côté libanais ou du côté syrien, comme s’il s’agissait d’un match de Roland Garros et que les roquettes étaient aussi furtives et discrètes que les balles de tennis. Nié par le ministère des Affaires étrangères du régime syrien, ce raid fut confirmé plus tard par le commandement de l'armée libanaise comme l'a annoncé le président de la République, Michel Sleiman. L’attaque a été également confirmée par le département d’Etat américain et le quai d’Orsay, qui ont dénoncé tous les deux, la violation grave de la souveraineté libanaise. Bassita, méché el7al, nous ne sommes pas à une violation près de cette souveraineté avec des multirécidivistes de la trempe des Assad, père et fils.

Bass aya 7al badkoun yémché, leich tarakoulo 7al lal balad ! Justement, puisque nous sommes réduits à être des spectateurs, restons un peu dans l’esprit des matchs de tennis. Après les menaces du régime syrien que « Le feu du terrorisme ne consumera pas seulement la Syrie mais pourrait se propager au Liban et à la Jordanie, surtout si ces deux pays interviennent en Syrie, en ignorant le passage d’hommes armés et d’armes à partir de leur territoire ou en participant directement au complot contre la Syrie », on a appris samedi dernier que Louay al-Mokdad, le porte-parole de l’Armée syrienne libre (ASL), coordinateur politique et médiatique des rebelles syriens, compagnon de lait d’Okab Sakr à ses heures perdues, a déclaré au quotidien libanais Annahar, texto : « L’armée syrienne libre est prête à prendre l’initiative qui prévoirait un cessez-le-feu et le retrait de ses unités vers l’intérieur syrien si l’armée libanaise assurait le contrôle de la frontière commune avec la Syrie ». Macha2’Allah !

Il faut dire que le match avait commencé depuis longtemps. Dernier set vers la mi-février, le général Selim Idriss, chef d'état-major de l'Armée syrienne libre déclara : « Si le Hezbollah n'arrête pas ses opérations en Syrie, l'ASL va bombarder les positions du parti (au Liban) avec toutes les armes disponibles ». Info démentie par la suite par Fahed el-Masri, le porte-parole du commandement conjoint de l'Armée syrienne libre de l'intérieur. Mais cela n’a pas empêché ce dernier, deux semaines plus tard, de mettre en garde : « L'avenir des relations de voisinage avec le Liban est aujourd'hui en danger... Toutes les options restent ouvertes, si l'agression flagrante sur le territoire syrien et les citoyens syriens ne s’arrêtent pas. » Fraternellement vôtre !

Ce n’est pas par hasard que le 14 mars, les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU, à l'unanimité s'il vous plaît, se sont dits « très inquiets des incidents frontaliers répétés entre le Liban et la Syrie ». Ils redoutent « l’impact de la crise syrienne sur la stabilité du Liban ». Ils ont souligné « l’importance de respecter totalement la souveraineté, l’unité, l’intégrité territoriale et l’autorité de l’Etat libanais ».

La déclaration du coordinateur politique et médiatique des rebelles syriens samedi est grave pour trois raisons.

Primo, parce que le porte-parole de l’ASL avoue publiquement que des combattants de l’opposition syrienne se trouvent actuellement sur le sol libanais. Il importe peu de savoir qu’ils sont anti-régime, leur présence est bel et bien une violation de la souveraineté libanaise.

Secundo, parce que cet opposant syrien a le culot de fixer des conditions au Liban ! C’est une autre violation de la souveraineté libanaise.

Tertio, parce que sa déclaration intervient dans l’indifférence générale. Elle n’a suscité aucune réaction, notamment de la part du 14 Mars qui était réuni hier au Biel pour célébrer la « seconde indépendance » du Liban de l’occupation syrienne justement. Cette absence de réaction du 14 Mars -mais aussi du 8 Mars, qui est impliqué activement dans la guerre syrienne- est en soi une violation de la souveraineté libanaise, la plus grave des trois d’ailleurs, puisqu'elle est commise par des Libanais.

Aujourd’hui, le pays du Cèdre se trouve mouillé jusqu’au cou dans le conflit syrien. Résumons un peu la situation pour voir.


- La milice chiite du Hezbollah combat au côté du régime alaouite de Bachar el-Assad, cela ne fait plus aucun doute. Elle vient tout juste d’enterrer un des siens avant-hier, tombé dans l’accomplissement de son « djihad », la formule honorifique pour désigner les miliciens tués au cours des combats en Syrie. Sayed Hassan Nasrallah a reconnu les faits mais précise que les miliciens le font à titre personnel, comme sans doute les quatre accusés du « parti d’Allah » qui sont actuellement recherchés par le Tribunal Spécial pour le Liban dans l’assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri.
- Des Libanais sunnites se rendent continuellement en Syrie, pour combattre au côté des rebelles syriens, eux aussi pour l’accomplissement du « djihad », et parfois paient de leur vie (comme à Tell Kalakh).
- Le 8 Mars souhaite vivement que le régime alaouite parvienne à écraser la révolution syrienne, espérant naïvement garder les rênes du Liban et écarter pour longtemps le 14 Mars du pouvoir.
- Le 14 Mars souhaite vivement la chute du régime syrien, croyant naïvement que cela le débarrasserait du Hezbollah et de son arsenal, ainsi que de Michel Aoun et de ses caprices.
- Aujourd’hui, 25 % de la population au Liban est composée de réfugiés syriens. Ce chiffre est en constante augmentation. La situation est explosive sur tous les plans, humanitaire, sanitaire, social et économique.

Tout le monde déplore le raid de l’aviation de Bachar el-Assad sur « jroud Aarsal », moi en premier. Mais je m’étonne du silence de la classe politique libanaise à propos de l’existence au Liban d’éléments armés de l’opposition syrienne qui violent la souveraineté libanaise dans l’indifférence générale. Le 8 Mars, notamment le gouvernement de Najib Mikati et  le Courant patriotique libre de Michel Aoun, n'ose pas en parler, car cela va rappeler au peuple libanais que la milice du Hezbollah combat aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad. Le 14 Mars, notamment le Courant du Futur de Saad Hariri, n'ose pas non plus en parler, afin de ne pas se brouiller avec l’opposition syrien et une partie de la population libanaise qui la soutient. Et pendant ce temps, 3.5 millions de Libanais bivouaquent sur les pentes d’un volcan !

Bref, Ghassan Hitto, fraichement élu Premier ministre de l’opposition syrienne à Istanbul, doit ordonner le retrait immédiat et sans condition de tous les éléments armés de l’opposition syrienne au Liban. Ces derniers violent non seulement la souveraineté libanaise, eux aussi, mais en plus, ils mettent en danger à la fois la population libanaise, c’est une évidence, mais aussi la présence même des réfugiés syriens au Liban.

Du côté libanais, il est navrant de voir notre pays s’enfoncer, tout entier, dans la crise syrienne. A force d’obstination, de certains, à vouloir lier le sort du Liban à celui de la Syrie, eh bien, on y est arrivé. Bravo ! Palme d’or, pour le Hezbollah. Comme dit sayed Ali el-Amine, ce dernier risque d’allumer le feu de la discorde entre les sunnites et les chiites, un feu dévastateur que nul ne pourra éteindre ! L’agression et l’humiliation récentes des cheikhs sunnites par les « adeptes de marie-jeanne », explication délirante du ministre libanais de l’Intérieur, un autre touriste de passage au pays du Cèdre, était une de ces étincelles qui auraient pu déclencher le grand feu de la discorde. Mais bon, revenons au « Festival des chicanes » -il ne nous reste plus que la dérision dans cette descente en enfer- Grand Prix, pour les autres composantes du 8 Mars, soutiens indéfectibles du régime de Bachar el-Assad, en dépit de la mort de 70 000 personnes. Prix du Jury populaire, pour le 14 Mars, indépendants compris, figé depuis 2 ans dans l'attente interminable de la chute de Bachar el-Assad. Le conflit syrien s’enlise de jour en jour. Hélas, ce ne sont pas les déclarations impulsives de François Hollande, sur l’armement des rebelles, qui vont l’écourter. De la pure consommation médiatique pour gagner quelques points de sondage. Si 15 ans de guerre civile, 15 ans de terreur syrienne, 6 ans d'assassinats politiques et surtout, 2 ans d'attente, ne nous ont rien appris à nous autres Libanais, hélas !, le reste du 21e siècle ne suffirait sans doute pas ! Il est grand temps de mettre fin à cette attente naïve et de détacher le Liban de l’enfer syrien, l'avenir est entre nos mains, la solution n'est certainement pas ailleurs.

Dans ce sens, il est peut-être grand temps également, de déployer l’armée libanaise le long de la frontière avec la Syrie, et faire en sorte, ou au moins essayer dans un premier temps, comme l’a dit le président de la République, Michel Sleiman, il y a quelques jours : « Arrêter tout homme armé ayant l’intention d’aller combattre en Syrie, qu’il appartienne à l’opposition ou pas ». Dans tous les cas, le déploiement de l’armée libanaise le long de la frontière libano-syrienne, doit devenir un thème électoral ! Tenez à propos, il est aussi grand temps que les partis politiques libanais présentent à ce peuple leurs programmes électoraux et s'engagent concrétement loin des « slogans sédatifs ».


Post-scriptum

C’est dans ces moments difficiles de notre histoire qu’on mesure la gravité de ce que Walid Joumblatt et Najib Mikati ont commis le 12 janvier 2011 -pour Michel Aoun et Nabih Berri, c'était dans la logique des choses !- en remettant le pouvoir décisionnel de l’Etat libanais, à une milice qui implique le Liban dans un conflit meurtrier et sans fin en Syrie, et leur détermination à rester aux côtés du Hezbollah malgré le risque d'embrasement du Liban et de tout le Moyen-Orient. Après « Le Jour glorieux », « La Victoire divine 1 », et avant « La Victoire divine 2 », la compagnie des mollahs nous a concocté  « La libération de Chebaa et du Golan passe par Damas et Homs ». Triste fin de la légende de la « résistance ». L’histoire écrira un jour, et quelle ironie, que les Assad, comme le Hezbollah, n'en parlons pas des mollahs, n’ont pas perdu autant de vies durant les longues années de conflit avec l’armée israélienne, qu’en se battant contre le peuple syrien, pour rester coûte que coûte au pouvoir, en Syrie, au Liban et en Iran !