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lundi 30 mars 2015

Ce qui menace le plus les Libanais, ce n’est ni le Hezbollah ni Daech, mais la libéralisation des loyers anciens au Liban (Art.280)


D’après les délais réglementaires, propriétaires et locataires doivent se mettre d'accord sur la détermination des augmentations de loyer selon la loi de libéralisation des loyers anciens, avant le 31 mars 2015. Ceci nous amène à penser que la Commission parlementaire de l’Administration et de la Justice devrait terminer assez rapidement le rafistolage de la nouvelle loi, en corrigeant les trois articles invalidés par le Conseil constitutionnel il y a quelques mois. Dans un premier temps, la nouvelle version corrigée, que nous aurons bientôt, sera soumise au vote du Parlement et dans un second temps, promulguée de nouveau par le président de la République. « Houston we have two problems ! »

Le premier vient du fait que le Parlement autoprorogé, à la légitimité branlante, n’a plus le droit de légiférer, pas à cause de l’autoprorogation (processus anti-démocratique), mais du fait de la vacance présidentielle. Sur ce point la Constitution libanaise est parfaitement claire. Les articles 74 et 75 ne laissent aucune place au moindre doute. « En cas de vacance de la présidence par décès, démission ou pour toute autre cause, l’Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau Président... La Chambre réunie pour élire le Président de la République constitue un collège électoral et non une assemblée délibérante. Elle doit procéder uniquement, sans délai ni débat, à l’élection du Chef de l’Etat ». Mais, c’est sans compter sur le génie libanais. Les parlementaires autoprorogés ont eu le culot de trouver une fatwa aux articles 74 et 75 : al-tachri3 el-darouré, la législation nécessaire, avec une variante, al-tachri3 el-estesta2é, la législation exceptionnelle. C’est très malin, sauf qu’il n’y a rien dans la Constitution libanaise qui évoque la « nécessité » d’élaborer des lois d’une façon « exceptionnelle » en cas de vacance présidentielle. Actuellement, la nécessité exceptionnelle impose une seule tâche aux Parlementaires du Liban : élire le président de la République libanaise.

Il y a ensuite, le problème de la promulgation de la loi corrigée. Cela relève des prérogatives présidentielles, qui donnent le droit au Président de retourner la loi au Parlement ou de saisir le Conseil constitutionnel. Or, nous n’avons plus de président depuis le 25 mai 2014. En toute logique, le processus devrait donc être suspendu jusqu'à l'élection d'un nouveau président. Mais, là aussi, le génie libanais a eu le culot de trouver une fatwa. Le Conseil des ministres héritera des prérogatives présidentielles. C’est très malin, sauf qu’il n’y a rien dans la Constitution libanaise qui évoque un tel héritage dans la promulgation des lois. Et c’est logique. On ne peut pas être juge et partie. Le gouvernement, le pouvoir exécutif, et son soutien parlementaire, le pouvoir législatif, est à l’origine de la loi, il ne peut donc pas juger s’il faut retourner la loi au Parlement ou saisir le Conseil constitutionnel. En tout cas, il ne le fera jamais, puisque c’est « sa » loi.

On nage dans l’absurde ! Les parlementaires et les leaders libanais font comme si de rien n’était. L’Etat libanais se montre impitoyable avec un pauvre citoyen qui ne paye pas les droits de succession, son eau ou sa place de stationnement, mais, d’une tolérance incroyable pour les fatwa constitutionnelles. Comment demander aux citoyens libanais de respecter la législation, quand les politiciens ne respectent pas la Constitution ? Pitoyable.

Ceci étant, il faut savoir que le lobby immobilier est aujourd’hui pressé d’en finir par tous les moyens avec les locataires anciens. Ce qui menace le plus les Libanais de la classe moyenne de nos jours, ce ne sont ni les armes du Hezbollah, ni la barbarie de Daech, encore moins la tyrannie des Assad et le nucléaire iranien, mais la loi de libéralisation des loyers anciens. Au moment où le gouvernement libanais de Tammam Salam, ainsi que le Parlement qui lui accorde la confiance, ne parvient même pas à augmenter le salaire minimum libanais -qui s’élève à 450 $/mois sachant qu’un abonnement électrique privé peut engloutir jusqu’à 150 $/mois pour quelques misérables ampères, dans le pays des doubles factures au royaume du privé, où il n'existe aucune protection sociale digne de ce nom- aller comprendre par quelle bêtise, on a décidé de libéraliser les loyers anciens.

La libéralisation sauvage des loyers anciens au Liban, telle qu’elle a été décidée par le Parlement libanais, malgré les rafistolages de la commission parlementaire, aura de graves conséquences au pays du Cèdre, dont voici les grandes lignes.

1. La violation des droits séculaires des locataires libanais pour l’achat de leurs appartements avec une décote (30 à 50 %), et à l’indemnisation en cas d’expulsion (du même ordre), contrairement à ce qui se pratiquait depuis des décennies en application des lois libanaises en vigueur. Cette pratique de l’achat des appartements anciens à moitié prix au Liban, s’approche des pratiques françaises qui découlent de la loi de 1948 et qui concernent encore en 2015, plus de 200 000 foyers à Paris où le prix moyen du mètre carré se situe autour de 8 000 € et peut atteindre les 15 000 € dans certains quartiers. Rien n’interdisait au Liban de continuer à suivre la France en matière du logement, sauf la volonté politique et le lobbying des promoteurs, évidemment.

2. La violation de la décision du Conseil constitutionnel qui a recommandé au gouvernement et aux députés libanais d’établir le plan d’une véritable politique du logement qui doit garantir aux Libanais le droit au logement, en précisant bien que celles-ci devraient être mises en œuvre avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation sur les locations. Il n’y a pas l’ombre d’un plan ! Pire encore, la Caisse bidon qui devrait venir en aide aux plus démunis, et qui ne concernera qu’une minorité des locataires anciens, n’a même pas vu le jour. Et pour cause, on prévoit de la renflouer avec les donations. Tabarrou3ett, une première mondiale ! De toute façon, la caisse est amenée à disparaitre dans 9 à 12 ans. Après, c’est la loi de la jungle en matière de logement au Liban.

3. L’expulsion immédiate, dès mercredi, sans indemnités, de milliers de locataires, quel que soit leur revenu, en vertu d’une interprétation biaisée de l’article 29 de la nouvelle loi, en refusant la transmission automatique du bail aux enfants dont les parents locataires sont décédés après 1992.

4. L’augmentation progressive des loyers pour des centaines de milliers de Libanais, jusqu’à 1 000 $/mois, soit 12 000 $/ans, d’ici 5 ans.

5. L’expulsion potentiellement programmée de presque la totalité des locataires anciens au Liban, d’ici 9 ans, notamment des natifs de Beyrouth et de Tripoli, sans indemnités, soit près d’un million de personnes au total, des logements qu’ils occupent depuis des lustres. Les Libanais de la classe moyenne seront remplacés par des gens de la classe aisée, libanaise et arabe, changeant radicalement le profil socio-économique de Beyrouth. L’exode économique transcommunautaire sera amplifié par la présence de 1,5 million de réfugiés syriens. Il n’y a plus un seul logement « bon marché » à louer sur tout le territoire libanais.

6. La ségrégation sociale et spatiale des Libanais, ce qui est contraire au principe de la Constitution libanaise, en renvoyant les locataires expulsés de la classe moyenne, s’entasser dans les périphéries, dans le but de mettre la ville de Beyrouth (notamment ses beaux quartiers d’Achrafieh, de Verdun, de Hamra, etc.), à la disposition des promoteurs sans vergogne et de la classe aisée.

7. La destruction totale du parc immobilier ancien, des immeubles de deux à six étages (la majorité des immeubles anciens), et la construction de tours d’une dizaine d’étages avec des appartements à vendre neufs à 3 000, 5 000 ou 10 000 $/m², aujourd’hui ou dans 9 ans, ou à louer à des prix exorbitants, 1 500, 2 000 ou 2 500 $/mois. Avec la nouvelle loi, nous pouvons donc dire adieu aux bâtiments à taille humaine à Beyrouth, à l’architecture typique de la ville, aux immeubles aux trois arcs et à tout ce qui fait le charme de la capitale libanaise.

8. Une spéculation immobilière sauvage qui rendra Beyrouth inaccessible à la majorité des Libanais, même ceux qui ne sont pas concernés par la loi de libéralisation des loyers anciens.

La loi de libéralisation des loyers anciens a été votée par plus de 90 députés libanais (sur 128), de toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues. Parmi les défenseurs zélés, on retrouve Robert Ghanem (Futur/Hariri), Samir el-Jisr (Futur/Hariri), Neemtallah Abi-Nasr (CPL/Aoun) et Ghassan Moukheibir (CPL/Aoun). S'y opposent les députés des Kataeb (Samy Gemayel, Nadim Gemayel, Elie Marouni, Fady Haber) et divers députés du 8M (Hagop Pakradounian/Tachnag, Kassem Hachem/Baath, Abdellatif Zein/bloc Berri), notamment du Hezbollah (Nawaf Moussaoui, Walid Succariyé, Bilal Farhat) et du CPL (Ziad Assouad et Elie Aoun). Les députés des Forces libanaises (Geagea) et du Parti socialiste progressiste (Joumblatt) sont aux abonnés absents.

Si la libéralisation des locations anciennes est mise en œuvre comme le souhaitent les promoteurs de la loi, le Liban devra se préparer à une véritable catastrophe sociale, au plus grand exode transcommunautaire de son histoire, à une défiguration du tissu urbain et social de Beyrouth et à un rejet de toute la classe politique actuelle, notamment du Courant du Futur, des Forces libanaises et du Courant patriotique libre, ceux qui se partagent la ville de Beyrouth sur le plan politique. Pour en savoir plus, rendez-vous ce soir sur New TV à 20h30, dans l’émission de Rima Karaki, « Lel nacher ». Wajih Damerji, le Zorro des locataires, affrontera Joseph Zgheib, le sergent Garcia des propriétaires, pour un débat passionné et passionnant.

mercredi 19 février 2014

Trois réflexions après la énième explosion dans la banlieue sud de Beyrouth (Art.214)


1. Que les terroristes l'aient voulu ou pas, c’est bel et bien la communauté chiite libanaise qui était la cible du double attentat-suicide de ce matin. En tout cas, c’est comme ça qu’elle va le prendre. Ces énièmes explosions fauchent encore des vies innocentes, 10 morts et 129 blessés, en majorité des compatriotes chiites, a priori. Aucune des explosions qui ont affecté les fiefs du Hezbollah jusqu’à ce jour, n’a touché un poil d’un leader, d’un membre ou d’un animal domestique du Hezbollah. Tous les attentats terroristes commis dans la banlieue sud de Beyrouth et dans la Bekaa, visent d’une part, à placer la milice chiite en porte-à-faux avec la communauté chiite, et d’autre part, à pousser cette dernière à se soulever contre la première. L’objectif final étant de contraindre la milice chiite à se retirer de la Syrie. Si cet objectif est légitime, le moyen pour l’atteindre est ignoble. Non, non et non, la fin ne justifie pas les moyens.

2. Comme le terrorisme est le « recours à la violence dans un but politique », les attentats d’aujourd’hui, commis vraisemblablement par des sunnites, sont des actes terroristes. Ils ont été revendiqués par les Brigades Abdallah Azzam, un groupe terroriste qui est lié à al-Qaeda et qui a perdu deux de ses responsables, mis récemment hors d'état de nuire, par les renseignements de l'armée libanaise (l'un est mort en détention, l'autre est emprisonné). Il serait particulièrement naïf de croire qu’on pourrait forcer le Hezbollah à se retirer de la Syrie par ce moyen. Ce « terrorisme sunnite » renforcera la cohésion de cette « communauté chiite » autour du Hezbollah, qui face à la menace, se repliera sur elle-même. Tout ce qui est dit en dehors de cela n’est que palabres de salon. Yé3né belmchabra7, croire la moitié d’un quart de seconde que des attentats djihadistes sunnites à Beyrouth contraindront les djihadistes chiites libanais à se retirer de la Syrie est le moins qu'on puisse dire, a wishful thinking ! Il faut chercher d’autres moyens pour y parvenir. Sachant que l’implication de la milice chiite de Hassan Nasrallah aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad est un engagement vital pour les deux parties, il faudrait arrêter de perdre son temps à appeler la milice chiite à se retirer du bourbier syrien. Encore un vœux pieux ! Rajoutez à cela que les négociations inter-syriennes de Genève ont échoué, les discussions sur le dossier nucléaire iranien s'engagent mal et la Russie de Poutine est en mauvaise posture en Ukraine, il faudrait donc s'attendre au pire au Moyen-Orient, au Liban comme en Syrie. Dans tous les cas, ces attentats conduiront exactement à l’inverse du but recherché.

3. Maintenant, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Ce que je dirai déplaira à certains et plaira à d’autres. Mais qu’importe, je ne suis pas en mission de charme sur internet. Je suis un infatigable activiste qui milite grâce à sa plume pour un meilleur Liban, n’en déplaise aux coqs de la basse-cour. Et pour cela, je suis constamment amené à dénoncer ce qui doit l’être.

La mauvaise nouvelle, c’est que notre pays est en faillite. Et ce n’est pas uniquement la faute de ses dirigeants. Désolé, c’est un luxe que certains s’offrent pour se donner bonne conscience et se déculpabiliser. Les dirigeants du Liban sont à l’image du Liban et de son peuple. Certes, c’est très injuste et beaucoup d’entre nous méritent mieux, mais c’est ainsi. Le constat que j’ai soulevé l’autre jour est pour moi révélateur d’un dysfonctionnement grave de notre société. Au dernier bilan, 120 000 personnes parlent de la page Facebook de Jackie Chamoun et seulement 30 personnes de la page du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), plus de 81 000 personnes aiment la première, près de 1 000 la seconde. Je rappelle que nous sommes 4,2 millions d’habitants, avec plus de 1,4 million de personnes qui se connectent régulièrement à Facebook (à l'été 2012!), sans compter la diaspora libanaise. Nous râlons, nous rouspétons et nous vociférons, à longueur de journée, de salon et de mur. J’ai choisi la page du TSL, car pour moi, il n’y a aucun avenir prospère pour le Liban, sans un Etat de droit, et le TSL, la chance inouïe que nous avons eue, est une pierre importante dans l’édification de cet état. Il ne mettra pas un terme aux assassinats politiques, ni aux explosions terroristes, ni aux coupures d’eau et d’électricité, mais à « l’impunité », ce grand mal qui ronge le pays du Cèdre depuis des lustres et qui fait « cracher » ses citoyens. Les « tfeh-eurs » sont légion à chaque assassinat, comme à chaque explosion.

J’aurai pu choisir une page sur la nécessité de voter la loi pour lutter contre la violence commise à l’égard des femmes ou le désastre écologique qui nous guette, voire le massacre rituel des oiseaux migrateurs dans quelques semaines, ça aurait été la même chose. Peut-être pas le premier sujet, mais certainement pour les deux derniers. Rien à faire. Quelqu’un m’a dit en privé que liker la page Facebook du TSL n’y changera rien. Ah bon, alors pourquoi avoir liké celle de Jackie Chamoun ? Non, il y a autre chose. Alors que beaucoup ont le like facile, entre autres sur une banale histoire de nichons, ils se montrent exigeants, sur des affaires essentielles qui pourtant, sortiront le Liban de la « voie de développement » pour en faire un « pays développé ». Je comprends qu’on puisse dédaigner liker une page sur l’accouplement des moustiques en Tanzanie ou celle de Falafel-Arax à Dora, mais là, il s’agit quand même de la page officielle du TSL, même pas une énième page de soutien au TSL !

Beaucoup de personnes ne likent pas cette « page essentiel » d'une manière intentionnelle car ils sont contre ce procès, consciemment ou pas, ou ne veulent pas montrer à leur entourage qu’ils soutiennent le TSL. D’autres ne le font pas, parce qu’ils ne se rendent pas encore compte de l’importance d’assurer un soutien populaire massif à une institution qui comble les défaillances de l’Etat libanais en rendant la justice sur les assassinats politiques commis au Liban. Wlak, au moins sur le plan de la gratitude, si ce n’est pas pour la forme. Par contre, de nombreux compatriotes se montrent inconsolables après l’acceptation par Saad Hariri, dans le cadre d'une action tactique politique, d’inclure dans le gouvernement de Tammam Salam des membres du Hezbollah, le parti des accusés du TSL, et indignés par un soi-disant-accord-imaginaire-farfelu avec Michel Aoun, le soutien chrétien du parti des accusés du TSL, dont les termes, nous dit-on, portent sur la Présidence pour le dernier contre le Conseil pour le premier. Bonjour la cohérence !

Ce n’est évidemment pas la faute de la skieuse libanaise si on ne s’intéresse pas à la page du TSL au Liban, mais c’est la nôtre, nous autres Libanais, Jackie Chamoun comprise, notamment ceux qui se réclament du « 14 Mars ». Quelle ironie, quand vous pensez, que nous allons vers la 9e commémoration du plus grand rassemblement de l’histoire du Liban, celui du 14 mars 2005, dont l’un des objectifs était « que justice soit fait », et qu’un mois seulement après le début de la mise en route de cette justice, le Tribunal Spécial pour le Liban intéresse si peu les citoyens libanais. Et pourtant, le TSL est l’une des cartes, de loin la plus importante pour moi, qui peuvent être utilisées un jour contre la milice chiite ! En tout cas, il n’y a rien d’autres pour l’instant, ni la déclaration gouvernementale de Tammam Salam, ni les prochains conseils des ministres, ni l’élection présidentielle hypothétique du printemps, forget about it, ensou elmawdou3 !

La bonne nouvelle, c’est que le Liban n’a pas encore déposé le bilan. Quelle ironie linguistique, les deux mots en français se composent des mêmes lettres. Il n’est jamais trop tard pour réagir. Chacun de nous devrait remplir sa part du « contrat patriotique », au moins pour pouvoir râler conscience tranquille. Personnellement, je dors comme un loir, j’ai rédigé 214 articles, plus de la moitié été consacrée au Liban. Je ne suis pas comme certains, hauts fonctionnaires, députés ou ministres par exemple, entre autres, il y en a bien d'autres dans d'autres domaines, payés pour rien foutre, ou fort peu pour ce pays. Quand on aime, on ne compte. Et ce pays, je l’aime. Voilà pourquoi je mets ma plume à son service. Certes, un like pour la page du TSL ne suffira pas. Mais, c’est indispensable. Ne pas le faire, c’est un peu comme si on affirmait que dire « je t’aime », « tu me manques », « j’ai envie de toi », « je n'oublierai pas », « je suis reconnaissant » et « merci » sont des expressions facultatives dans la vie. Chacun est entièrement libre de ses actions, mais ce sont mes convictions intimes. Enfin, je m’étonne que certains, politiques, journalistes ou activistes, veuillent décréter la mobilisation générale contre le Hezbollah, et y croient pouvoir mener une politique de faucons avec la milice chiite, alors qu'on a été incapables de mobiliser plus de 1 000 personnes pour faire un simple clic. Pathétique !

samedi 4 janvier 2014

Les X-Files du Liban : Fox Mulder, Dana Scully, Marwan Charbel et Wafik Safa enquêtent. Dix réflexions après l’attentat de Beyrouth (Art.203)


1. Le diable est vivant et se porte merveilleusement bien dans nos contrées de la Méditerranée orientale. Metel ma wédda3na, lé2aïna. Dans les larmes nous avons quitté cette funeste année 2013, dans les larmes nous accueillons cette funeste année 2014. Bienvenue au Liban. Beyrouth, Harit Hreik, 6 morts et 66 blessés. Des vies fauchées de la manière la plus ignoble par de maudits fascistes sunnites syro-libanais, a priori. Accusation gratuite, je l’assume. Beaucoup d’éléments le laissent penser. De toute façon, personne ne se gêne dans ce pays, les inquisiteurs et les terroristes sont légion.

2. L’attentat d’hier est, sans l’ombre d’un doute, ou disons en toute probabilité, lié à l’intervention odieuse du Hezbollah en Syrie. Il n’empêche qu’il s’agit bel et bien d’un acte terroriste odieux. Ma moitié naïve dirait que les auteurs barbares doivent répondre de leur acte devant la justice libanaise. L’autre moitié me dit, tu ferais mieux d’envoyer tes vœux de l’an 2000 à tes amis et de boucler cet article, déjà pour commencer. La 7ayéta limann tounadi. La justice libanaise est nase, à l’image du pays, incapable de juger les Samaha et les Eid. Donc on peut dire qu’elle est d’ores et déjà hors d’état de rendre la justice dans le crime d’hier. Hein, on rit jaune dans les rangs du camp du 8 Mars. Eh bien, voilà ce qui arrive lorsqu’on ne rate pas une occasion pour affaiblir l’Etat de droit dans ce pays et laisser une anomalie comme le Hezbollah et consorts, proliférait au sein de l’Etat libanais.

3. Ce n’est pas parce que l’explosion visait le bureau politique du Hezbollah et un des domiciles du numéro deux de la milice chiite, cheikh Naïm Kassem, qu’il serait moins odieux pour autant. La même argumentation fut utilisée par certains après le double attentat suicide contre l’ambassade iranienne de Beyrouth le 19 novembre. L’attentat d’hier est un acte terroriste, point. Peu importe le choix de la cible. C’est une question de principe. En d’autres termes, ce n’est pas parce les criminels ne visaient pas la population civile théoriquement, que leur action serait moins ignoble en pratique. Plus de 70 compatriotes ont été tués et blessés, rendant ce distinguo tout simplement déplacé.

4. L’empressement d’al-Manar, la chaine de télévision du Hezbollah, pour prétendre que le bureau politique de la milice chiite n’était pas la cible, a pour double objectif, d’une part, de souligner la barbarie des agresseurs (« sunnites » comme l’affirme la chaine du Hezbollah), qui visaient donc la population chiite du quartier (voir le lien-vidéo ci-dessous), et d’autre part, de faire oublier aux Libanais en général, et à la communauté chiite en particulier, que tous ces attentats sont liés à l’intervention de la milice chiite libanaise aux côtés du régime alaouite syrien pour mater la rébellion sunnite syrienne ! Quelle mascarade.

5. Selon le président de la République, Michel Sleiman, « la main terroriste qui a frappé la banlieue sud est celle qui sème la criminalité, l’assassinat et la destruction dans toutes les régions libanaises ». Pour le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, « cet attentat prouve une nouvelle fois que la main du terrorisme ne fait pas de distinction entre les Libanais ». D’après le Premier ministre désigné, Tammam Salam, « ce crime terroriste prouve à tous les Libanais que la main du mal qui joue avec notre sécurité nationale poursuit son plan noir qui vise à répandre la discorde et à déstabiliser la paix civile au Liban ». Une unanimité remarquable sur la mystérieuse « main ». Et tout cela sans concertation svp ! Les déclarations des hauts représentants de l’Etat libanais ne sont, pour rester politiquement correcte, ni percutantes, ni à la hauteur de la tragédie et du danger auquel les Libanais ont été, sont et seront confrontés.

6. Quant à Nabih Berri, je vous propose de nous arrêter un peu plus longtemps sur sa déclaration. El-estèz est un renard de la politique. Ce n’est pas par hasard qu’il entame sereinement, sans la moindre inquiétude, sa 24e année à la tête du Parlement libanais, comme 3e personnage de l’Etat. Wlé plus du tiers de la vie de la jeune République libanaise ! Lisez bien ce qu’il dit, c’est un cas d’école. Bala 2al wou 2il, je serai très fidèle au texte arabe : « Le crime de l’explosion terroriste rentre dans le contexte d’une série de conspirations contre le Liban, son unité et ses citoyens. Nous avons déjà averti que les doigts de la discorde et du crime organisé se déplaceront d’une région à l’autre. Primo, afin de terroriser les citoyens. Secundo, pour tromper et créer l’impression que ce qui se passe (est l’œuvre) de plusieurs doigts du crime. » Pour s’assurer que son message sera bien compris, il continue le gavage des Libanais à la cuillère, bel ma3él2a Allah wakilkoun : « Les mains qui ont assassiné son Excellence le ministre martyr Mohammad Chatah, sont aussi celles qui ont commis les attentats de Dahiyé, hier et aujourd’hui, et ceux de Tripoli. » Eh bien, il n’y va pas avec le dos de la cuillère notre estèz national ! Berabkoun, y a-t-il un autre moyen plus rusé, qui n’est pas moins niais pour autant, de noyer le poisson et les responsabilités avec ? Encore des éléphants roses dans l’espace aérien libanais et dans les boites crâniennes d’une partie de nos compatriotes du 8 Mars. Pire encore, par ses entourloupes politiciennes, Nabih Berri, nous rappelle qu’il est un leader chiite, qui n’hésite pas à mouiller sa veste pour défendre à la fois le Hezbollah, et écarter les soupçons qui pèsent sur la milice chiite dans l’assassinat du premier ministrable sunnite, Mohammad Chatah, ainsi que les Eid, et écarter les soupçons qui pèsent sur ces leaders libanais alaouites dans les attentats contre deux mosquées sunnites de Tripoli. C’est très grave ! Mais le plus grave réside dans le fait que ce leader chiite, qui veut toujours s’afficher comme un homme sage de la vieille école, conscient de son rôle fédérateur à la tête de l’Assemblée nationale libanaise, champion de la cohabitation islamo-chrétienne, guetteur de toute discorde entre les sunnites et les chiites (ntébho lal fétné, il n’a que ce mot à la bouche !), sous-entend en douce à travers ces déclarations réfléchies, que tous les actes terroristes commis au Liban, même ceux qui ont visé des sunnites, sont les œuvres d’une seule main : sunnite ! Plus lamentable, on crève.

7. Et puisque cette saloperie de « main » terroriste a manifestement réussi à vous unir, hauts représentants de l’Etat libanais, et se trouve parfaitement identifiée, eh bien, vous attendez quoi au juste pour la couper selon les us et coutumes verbaux des leaders du Hezbollah ? Pour le mode d’emploi, demandez conseil à Mohammad Raad, député-expert en la matière, à moins que son sabre ne coupe que les mains 14-martiennes ? Et au lieu de réfléchir concrètement sur les moyens d’empêcher les criminels de saboter ce pays (et dans la foulée, d’arrêter les cinq membres du Hezbollah, qui doivent être jugés dans moins de deux semaines par le TSL, même par contumace), les hauts responsables de l’Etat libanais étaient tous d’accord sur l’absolue nécessité de... faite-vous une bonne théière, installez-vous confortablement dans le canapé, régalez-vous avec une galette des Rois à la frangipane, bien chaude svp, et lisez : « maintenir le dialogue entre tous les partis, privilégier le langage de la raison et de la sagesse, rejeter le langage de l’élimination et de l’exclusion, dépasser les calculs politiciens, prendre conscience du danger qui nous guette, élever le niveau de vigilance, se montrer solidaires, rester unis, faire face à la déstabilisation du pays, nous mettre d’accord, résister à la tourmente, travailler honnêtement malgré les différends politiques et renforcer l’union nationale »! Je vous jure que je n’ai rien inventé, je n’ai fait que rassembler les déclarations des uns et des autres. No comment.

8. Enfin, si ! Concrètement, comme tous les Libanais éprouvés par cette double peine, l’attentat contre Mohammad Chatah et l’explosion de la banlieue sud de Beyrouth, je m’attendais des hauts responsables de l’Etat libanais d’œuvrer concrètement pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent à l'avenir par le déploiement de l’armée libanaise à la frontière avec la Syrie ; le déploiement des Forces de sécurité intérieure dans les rues de Beyrouth et les grandes villes libanaises ainsi que sur les grands axes routiers du pays ; la nomination immédiate d’un chef des FSI (poste vacant depuis le veto posé par Hassan Nasrallah et Michel Aoun sur la prorogation du mandat d’Achraf Rifi) ; le renforcement des renseignements des FSI (depuis l’assassinat de leur chef Wissam el-Hassan le 19 octobre 2012, on fait tout le contraire, comme par hasard !) ; la formation d’une vraie cellule anti-terroriste qui regroupe les renseignements de l’armée et des FSI ; l’intensification de la collaboration avec les services de renseignements étrangers ; la remise systématique des données de télécommunication et sans tergiversation par le ministère des Télécoms aux renseignements des FSI ; la poursuite judiciaire des terroristes, comme Michel Samaha (pris en flagrant délit avec des dizaines de bombes prêtes à exploser, fournies par le régime de Bachar el-Assad) et les Eid (impliqués au moins dans la fuite des auteurs des attentats de Tripoli en Syrie) ; la capture des cinq membres du Hezb accusés de l’assassinat de Rafic Hariri ; j’en passe et des meilleures. On verra bien la suite.

9. Aussitôt après le drame de jeudi, la chaine de télévision du Hezbollah a prétendu que l’explosion résulterait d’un attentat-suicide, l’auteur serait un jeune de 19 ans originaire de la région sunnite d’Akkar (identifié grâce à une fiche d’état civil trouvée sur le lieu du crime) et la voiture piégée aurait changé de main à de multiples reprises, passant par Ersal bien entendu (une ville sunnite située à l'Est du Liban). Du côté de la famille, on apprend que le jeune homme était porté disparu par le père, depuis le 28 décembre. La famille affirme aussi qu’il aurait été kidnappé sur un barrage du Hezb dans la Bekaa. A ce stade de l’enquête, il est évidement difficile d’aller plus loin. Malgré la tragédie, les allégations d’al-Manar n’ont pas manqué de faire sourire beaucoup de monde. Elles cachent un mystère digne d’un épisode de la série X-Files. Pour ceux qui ne le savent pas, la fiche libanaise d'état civil, ekhraj el2eid el-lebnéné, se présente sous forme de papier, donc particulièrement inflammable, sa taille se situe entre les formats A4 et A5, les informations personnelles et la photo d'identité sont recouvertes d'un film plastique adhésif, donc particulièrement sensible à la chaleur. Eh bien, figurez-vous que personne ne sait encore par quel phénomène paranormal, ce bout de papier n’a pas brûlé complètement, comme par hasard il n’a brûlé qu’aux bords laissant toutes les informations personnelles et la photo d'identité bien visibles, et le film plastique n'a pas fondu avec l'intense chaleur dégagée par l'incendie, alors que la voiture entière fut carbonisée comme le montrent les images terrifiantes de la tragédie ! On ne comprend pas non plus comment un homme, en 2e année universitaire qui préparait la poursuite de ses études en France mais qui avait l’intention de se faire sauter avant, a tenu absolument à être en règle et avoir une pièce d’identité sur lui, mais s’est montré négligeant, en conduisant une voiture piégée, recherchée par les services de sécurité (d'après le ministre de l'Intérieur), sans avoir un permis de conduire en bonne et due forme et ne sachant même pas conduire selon sa famille, et l'a fait exploser sans s'arrêter, en roulant dans une artère de la ville, comme l'a montré une vidéo de surveillance diffusée par la chaine al-Manar ?

10. Fox Mulder*, Dana Scully*, Marwan Charbel** et Wafik Safa*** enquêtent. Je vous tiendrai au courant. 

* Fox Mulder et Dana Scully, sont des personnages de la série américaine X-Files (Aux frontières du réel). Ce sont des agents du FBI qui enquêtent sur des affaires non classées, liées à des phénomènes surnaturels.

** Marwan Charbel est le sympathique ministre libanais de l'Intérieur. Je n'en dirai pas plus. Bon, disons que c'est une grande source d'inspiration pour les parodistes libanais.

*** Wafik Safa est un haut personnage de l’appareil sécuritaire du Hezbollah. Il a 53 ans. Officiellement, on le connait sous le titre du « responsable de l’unité de liaison et de coordination » avec certains services sécuritaires libanais. En pratique, c'est un fantôme. Le réseau illégal de télécommunication du Hezbollah au Liban, c'est lui. La liaison entre la République islamique d’Iran et la milice chiite, l'invasion de Beyrouth et du Mont-Liban le 7 mai 2008 et les échanges de prisonniers avec Israël, c'est lui aussi. D'après Walid Joumblatt himself, version 2005.3.14, Wafik Safa « contrôle l'aéroport de Beyrouth ainsi que d'autres sites libanais, et fixe l'étendue des interventions de l'armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure (au Liban) ». Selon le Wall Street Journal son nom figure dans le volumineux dossier du Tribunal Spécial pour le Liban. Le fantôme est donc sans l'ombre d'un doute un des plus à même de renseigner les Libanais sur les phénomènes politico-sécuritaires paranormaux qu'on observe au pays du Cèdre depuis la fin de la guerre civile libanaise: les X-Files du Liban ! 


POST-SCRIPTUM (6 janvier 2014)

Les médias du 8 Mars, NewTV en tête, se sont dépêchés de trouver des experts qui soient en mesure de justifier l’injustifiable, comme à l’accoutumée. Mission accomplie sauf que les experts ont raté leur objectif.

Comme bon citoyen de ce pays, ils devraient savoir que la fiche d’état civil du kamikaze, est un vulgaire bout de papier avec deux petits adhésifs fins au recto seulement, qui ne couvrent pas la totalité du papier, il n’y a rien au verso (c’est du papier nu). Alors que la carte de la voiture de Mohamamd Chatah, retrouvée aussi sur le lieu du crime, est un papier épais CARTONNE et recouvert entièrement avec un plastic épais, recto et verso ! La comparaison de NewTV entre les deux documents est non seulement malhonnête mais aussi à côté de la plaque. C’est une grotesque tentative de confondre les deux histoires, pour empêcher les esprits de bon sens, de douter de cette ridicule mise en scène autour du ekhraj elqaïd.

Quelle mascarade ! Donc, si on suit le raisonnement des deux fada7él d’al jadeed, voici le parcours mystérieux de la fiche magique d'état civil, qui n'est pas sans rappeler celui de la balle magique qui a tué John Fitzgerald Kennedy et blessé le gouverneur Connally, le 22 novembre 1963:
- à l'explosion, la fiche d'état civil parvient à s’échapper du porte-feuille de la poche arrière du jean du kamikaze (où elle devait se trouver a priori);
- elle se donne le temps de se déplier ;
- alors que ce papier ne pèse que quelques grammes, il trouve le moyen de sortir par la petite fenêtre d’un véhicule cabossé, en feu, en braise et qui a fini carbonisé ;
- intact svp, alors que le kamikaze est en mille morceaux à cause de la pression et du souffle de l’explosion ; un test réalisé même par un amateur libanais fait douter un peu de cette hypothèse ;
- se balade en l’air et pique un sprint de 40 m, alors qu’il ne pèse que quelques grammes ; selon le fad7al expert en explosif, ce sont les restes humains qui se sont collés à ce papier léger, qui l’ont propulsé en lui permettant d’atteindre cette portée record ; le problème c’est que notre papier magique arrive à destination, tout propre et nickel chrome, d’une blancheur éclatante (regardez la fiche d’état civil dans les mains des enquêteurs à 0:16 et 3:54!), alors, qu’il vient de sortir d'un véhicule en feu et est projeté par les restes humains du kamikaze, à en croire l’expert ; à l’arrivée 40 m plus loin, aucune tache de quoique ce soit, ni de sang ni de noirceur (à comparer avec la carte de la voiture de Mohamamd Chatah), on dirait qu’il sort de l’Etat civil de Halba, le chef-lieu du Akkar !
C’est d’une logique à faire pâlir les réalisateurs de Hollywood !

Ah tenez, avant que je n’oublie, beaucoup se souviennent encore des déclarations de l’expert en explosif, Chadé Maalouf. Ses déclarations étaient reprises partout dans la presse au lendemain de l’attentat du 14 février 2005. Il était persuadé que la charge explosive qui a tué l’ancien PM, Rafic Hariri, était enterrée dans la chaussée ! Ça aurait pu marcher sans une enquête internationale qui a révélé l’existence d’une putain de camionnette Mitsubishi ! Et au passage, il faudra prévenir l’expert en papier, Walid el-Alti, que le film plastique que les services administratifs collent sur la fiche d’état civil ne sert pas à « la protéger du feu »,  comme il s’est ridiculisé à le dire, mais à protéger les papiers de l’Etat de la falsification !