1.
Le diable est vivant et se porte merveilleusement bien dans nos contrées de la
Méditerranée orientale. Metel ma
wédda3na, lé2aïna. Dans les larmes nous avons quitté cette funeste année 2013,
dans les larmes nous accueillons cette funeste année 2014. Bienvenue au Liban. Beyrouth, Harit Hreik, 6 morts et 66
blessés. Des vies fauchées de la manière la plus ignoble par de maudits
fascistes sunnites syro-libanais, a priori. Accusation gratuite, je l’assume. Beaucoup
d’éléments le laissent penser. De toute façon, personne ne se gêne dans ce
pays, les inquisiteurs et les terroristes sont légion.
2.
L’attentat d’hier est, sans l’ombre d’un doute, ou disons en toute probabilité,
lié à l’intervention odieuse du
Hezbollah en Syrie. Il n’empêche qu’il s’agit bel et bien d’un acte terroriste odieux. Ma moitié naïve
dirait que les auteurs barbares doivent répondre de leur acte devant la justice
libanaise. L’autre moitié me dit, tu ferais mieux d’envoyer tes vœux de l’an 2000
à tes amis et de boucler cet article, déjà pour commencer. La 7ayéta limann tounadi. La justice libanaise est nase, à l’image
du pays, incapable de juger les Samaha et les Eid. Donc on peut dire qu’elle est
d’ores et déjà hors d’état de rendre la justice dans le crime d’hier. Hein, on
rit jaune dans les rangs du camp du 8 Mars. Eh bien, voilà ce qui arrive
lorsqu’on ne rate pas une occasion pour affaiblir l’Etat de droit dans ce pays
et laisser une anomalie comme le Hezbollah et consorts, proliférait au sein de
l’Etat libanais.
3.
Ce n’est pas parce que l’explosion visait le bureau politique du Hezbollah et
un des domiciles du numéro deux de la milice chiite, cheikh Naïm Kassem, qu’il
serait moins odieux pour autant. La même argumentation fut utilisée par
certains après le double attentat suicide contre l’ambassade iranienne de
Beyrouth le 19 novembre. L’attentat d’hier est un acte terroriste, point. Peu
importe le choix de la cible. C’est une question de principe. En d’autres
termes, ce n’est pas parce les criminels
ne visaient pas la population civile théoriquement, que leur action serait
moins ignoble en pratique. Plus de 70 compatriotes ont été tués et blessés,
rendant ce distinguo tout simplement déplacé.
4.
L’empressement d’al-Manar, la chaine
de télévision du Hezbollah, pour
prétendre que le bureau politique de la milice chiite n’était pas la cible,
a pour double objectif, d’une part, de souligner
la barbarie des agresseurs (« sunnites »
comme l’affirme la chaine du Hezbollah), qui visaient donc la population chiite
du quartier (voir le lien-vidéo ci-dessous), et d’autre part, de faire
oublier aux Libanais en général, et à la communauté chiite en particulier, que
tous ces attentats sont liés à l’intervention de la milice chiite libanaise aux
côtés du régime alaouite syrien pour mater la rébellion sunnite syrienne !
Quelle mascarade.
5.
Selon le président de la République, Michel
Sleiman, « la main terroriste qui a frappé la banlieue sud est celle qui sème
la criminalité, l’assassinat et la destruction dans toutes les régions
libanaises ». Pour le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, « cet attentat prouve une nouvelle fois que la main du terrorisme ne fait pas de distinction entre les Libanais ».
D’après le Premier ministre désigné, Tammam
Salam, « ce crime terroriste
prouve à tous les Libanais que la main
du mal qui joue avec notre sécurité nationale poursuit son plan noir qui
vise à répandre la discorde et à déstabiliser la paix civile au Liban ».
Une unanimité remarquable sur la mystérieuse « main ». Et tout cela sans concertation svp ! Les
déclarations des hauts représentants de l’Etat libanais ne sont, pour
rester politiquement correcte, ni
percutantes, ni à la hauteur de la tragédie et du danger auquel les
Libanais ont été, sont et seront confrontés.
6.
Quant à Nabih Berri, je vous propose
de nous arrêter un peu plus longtemps sur sa déclaration. El-estèz est un
renard de la politique. Ce n’est pas par hasard qu’il entame sereinement, sans
la moindre inquiétude, sa 24e année à la tête du Parlement libanais,
comme 3e personnage de l’Etat. Wlé
plus du tiers de la vie de la jeune République libanaise ! Lisez bien ce
qu’il dit, c’est un cas d’école. Bala 2al
wou 2il, je serai très fidèle au texte arabe : « Le crime de l’explosion terroriste rentre dans le contexte d’une
série de conspirations contre le Liban, son unité et ses citoyens. Nous avons
déjà averti que les doigts de la
discorde et du crime organisé se déplaceront d’une région à l’autre. Primo,
afin de terroriser les citoyens. Secundo, pour tromper et créer l’impression que ce qui se passe (est l’œuvre) de
plusieurs doigts du crime. » Pour s’assurer que son message sera
bien compris, il continue le gavage des Libanais à la cuillère, bel ma3él2a Allah wakilkoun : « Les
mains qui ont assassiné son Excellence le ministre martyr Mohammad Chatah, sont
aussi celles qui ont commis les attentats de Dahiyé, hier et aujourd’hui, et
ceux de Tripoli. » Eh bien, il n’y va pas avec le dos de la
cuillère notre estèz national ! Berabkoun, y a-t-il un autre moyen plus
rusé, qui n’est pas moins niais pour autant, de noyer le poisson et les
responsabilités avec ? Encore des éléphants roses dans l’espace aérien
libanais et dans les boites crâniennes d’une partie de nos compatriotes du 8
Mars. Pire encore, par ses entourloupes politiciennes, Nabih Berri, nous
rappelle qu’il est un leader chiite, qui n’hésite pas à mouiller sa veste pour
défendre à la fois le Hezbollah, et écarter les soupçons qui pèsent sur la
milice chiite dans l’assassinat du premier ministrable sunnite, Mohammad Chatah,
ainsi que les Eid, et écarter les soupçons qui pèsent sur ces leaders libanais
alaouites dans les attentats contre deux mosquées sunnites de Tripoli. C’est
très grave ! Mais le plus grave réside dans le fait que ce leader chiite,
qui veut toujours s’afficher comme un homme sage de la vieille école, conscient
de son rôle fédérateur à la tête de l’Assemblée nationale libanaise, champion
de la cohabitation islamo-chrétienne, guetteur de toute discorde entre les sunnites
et les chiites (ntébho lal fétné, il
n’a que ce mot à la bouche !), sous-entend
en douce à travers ces déclarations réfléchies, que tous les actes terroristes commis au Liban, même ceux qui ont visé
des sunnites, sont les œuvres d’une seule main : sunnite ! Plus lamentable,
on crève.
7.
Et puisque cette saloperie de « main » terroriste a
manifestement réussi à vous unir, hauts représentants de l’Etat libanais, et se
trouve parfaitement identifiée, eh bien, vous attendez quoi au juste pour la couper
selon les us et coutumes verbaux des leaders du Hezbollah ? Pour le mode d’emploi,
demandez conseil à Mohammad Raad, député-expert en la matière, à moins que son sabre
ne coupe que les mains 14-martiennes ? Et au lieu de réfléchir concrètement
sur les moyens d’empêcher les criminels de saboter ce pays (et dans la foulée, d’arrêter
les cinq membres du Hezbollah, qui doivent être jugés dans moins de deux
semaines par le TSL, même par contumace), les
hauts responsables de l’Etat libanais étaient tous d’accord sur l’absolue
nécessité de... faite-vous une bonne théière, installez-vous
confortablement dans le canapé, régalez-vous avec une galette des Rois à la
frangipane, bien chaude svp, et lisez : « maintenir
le dialogue entre tous les partis, privilégier le langage de la raison et de la
sagesse, rejeter le langage de l’élimination et de l’exclusion, dépasser les calculs
politiciens, prendre conscience du danger qui nous guette, élever le niveau de
vigilance, se montrer solidaires, rester unis, faire face à la déstabilisation
du pays, nous mettre d’accord, résister à la tourmente, travailler honnêtement
malgré les différends politiques et renforcer l’union nationale »! Je
vous jure que je n’ai rien inventé, je n’ai fait que rassembler les
déclarations des uns et des autres. No comment.
8.
Enfin, si ! Concrètement, comme
tous les Libanais éprouvés par cette double peine, l’attentat contre Mohammad Chatah et l’explosion de la banlieue
sud de Beyrouth, je m’attendais des
hauts responsables de l’Etat libanais d’œuvrer concrètement pour éviter
que de telles tragédies ne se reproduisent à l'avenir par le déploiement de l’armée libanaise
à la frontière avec la Syrie ; le
déploiement des Forces de sécurité intérieure dans les rues de Beyrouth et
les grandes villes libanaises ainsi que sur les grands axes routiers du
pays ; la nomination immédiate d’un chef
des FSI (poste vacant depuis le veto posé par Hassan Nasrallah et
Michel Aoun sur la prorogation du mandat d’Achraf Rifi) ; le renforcement des renseignements des FSI (depuis
l’assassinat de leur chef Wissam el-Hassan le 19 octobre 2012, on fait tout le
contraire, comme par hasard !) ; la
formation d’une vraie cellule anti-terroriste qui regroupe les
renseignements de l’armée et des FSI ; l’intensification
de la collaboration avec les services de renseignements étrangers ; la remise systématique des données de télécommunication
et sans tergiversation par le ministère des Télécoms aux renseignements des
FSI ; la poursuite judiciaire des
terroristes, comme Michel Samaha (pris en flagrant délit avec des dizaines
de bombes prêtes à exploser, fournies par le régime de Bachar el-Assad) et les
Eid (impliqués au moins dans la fuite des auteurs des attentats de Tripoli en
Syrie) ; la capture des cinq
membres du Hezb accusés de l’assassinat de Rafic Hariri ; j’en passe
et des meilleures. On verra bien la suite.
9.
Aussitôt après le drame de jeudi, la chaine de télévision du Hezbollah a prétendu que l’explosion résulterait d’un attentat-suicide, l’auteur serait un
jeune de 19 ans originaire de la région sunnite
d’Akkar (identifié grâce à une fiche d’état civil trouvée sur le lieu du crime) et la
voiture piégée aurait changé de main
à de multiples reprises, passant par Ersal
bien entendu (une ville sunnite située à l'Est du Liban). Du côté de la famille, on apprend que le jeune homme était porté disparu par le père, depuis le 28
décembre. La famille affirme aussi qu’il aurait été kidnappé sur un barrage du Hezb dans la Bekaa. A ce stade de
l’enquête, il est évidement difficile d’aller plus loin. Malgré la tragédie, les allégations d’al-Manar n’ont pas
manqué de faire sourire beaucoup de monde. Elles cachent un mystère digne d’un épisode de la série X-Files. Pour ceux qui ne le savent pas, la fiche libanaise d'état civil, ekhraj el2eid el-lebnéné, se présente sous
forme de papier, donc particulièrement inflammable, sa taille se situe entre
les formats A4 et A5, les informations personnelles et la photo d'identité sont recouvertes d'un film plastique adhésif, donc particulièrement sensible à la chaleur. Eh bien, figurez-vous que personne ne sait encore par
quel phénomène paranormal, ce bout de papier n’a pas brûlé complètement,
comme par hasard il n’a brûlé qu’aux bords laissant toutes les informations
personnelles et la photo d'identité bien visibles, et le film plastique n'a pas fondu avec l'intense chaleur dégagée par l'incendie, alors que la voiture entière fut
carbonisée comme le montrent les images terrifiantes de la tragédie ! On ne comprend pas non plus comment un
homme, en 2e année universitaire qui préparait la poursuite de
ses études en France mais qui avait l’intention de se faire sauter avant, a tenu absolument à être en règle et avoir
une pièce d’identité sur lui, mais s’est montré négligeant, en conduisant une
voiture piégée, recherchée par les services de sécurité (d'après le ministre de l'Intérieur), sans avoir un permis de conduire en bonne et due
forme et ne sachant même pas conduire selon sa famille, et l'a fait exploser sans s'arrêter, en roulant dans une artère de la ville, comme l'a montré une vidéo de surveillance diffusée par la chaine al-Manar ?
10.
Fox Mulder*, Dana Scully*, Marwan Charbel** et
Wafik Safa*** enquêtent. Je vous tiendrai au courant.
** Marwan Charbel est le sympathique ministre libanais de l'Intérieur. Je n'en dirai pas plus. Bon, disons que c'est une grande source d'inspiration pour les parodistes libanais.
* Fox Mulder et Dana Scully, sont des personnages de la série américaine X-Files (Aux frontières du réel). Ce sont des agents du FBI qui enquêtent sur des affaires non classées, liées à des phénomènes
surnaturels.
***
Wafik Safa est un haut personnage de l’appareil sécuritaire du Hezbollah.
Il a 53 ans. Officiellement, on le connait sous le titre du « responsable de l’unité de
liaison et de coordination » avec certains services sécuritaires libanais. En pratique, c'est un fantôme. Le réseau illégal de télécommunication du Hezbollah au Liban, c'est lui. La liaison entre la République
islamique d’Iran et la milice chiite, l'invasion de Beyrouth et du Mont-Liban le 7 mai 2008 et les échanges de prisonniers avec Israël, c'est lui aussi. D'après Walid Joumblatt himself, version 2005.3.14, Wafik Safa « contrôle l'aéroport de Beyrouth ainsi que d'autres sites libanais, et fixe l'étendue des interventions de l'armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure (au Liban) ». Selon le Wall Street Journal
son nom figure dans le volumineux dossier du Tribunal Spécial pour le Liban. Le fantôme est donc sans l'ombre d'un doute un des plus à même de renseigner les Libanais sur les phénomènes politico-sécuritaires paranormaux qu'on observe au pays du Cèdre depuis la fin de la guerre civile libanaise: les X-Files du Liban !
POST-SCRIPTUM (6
janvier 2014)
Les
médias du 8 Mars, NewTV en tête, se sont dépêchés de trouver des experts qui
soient en mesure de justifier l’injustifiable, comme à l’accoutumée. Mission
accomplie sauf que les experts ont raté leur objectif.
Comme
bon citoyen de ce pays, ils devraient savoir que la fiche d’état civil du
kamikaze, est un vulgaire bout de papier avec deux petits adhésifs fins au
recto seulement, qui ne couvrent pas la totalité du papier, il n’y a rien au
verso (c’est du papier nu). Alors que la carte de la voiture de Mohamamd
Chatah, retrouvée aussi sur le lieu du crime, est un papier épais CARTONNE et recouvert entièrement avec un plastic épais, recto et verso ! La comparaison de NewTV entre les deux documents est
non seulement malhonnête mais aussi à côté de la plaque. C’est une grotesque
tentative de confondre les deux histoires, pour empêcher les esprits de bon
sens, de douter de cette ridicule mise en scène autour du ekhraj elqaïd.
Quelle
mascarade ! Donc, si on suit le raisonnement des deux fada7él d’al jadeed, voici le parcours mystérieux de la fiche magique d'état civil, qui n'est pas sans rappeler celui de la balle magique qui a tué John Fitzgerald Kennedy et blessé le gouverneur Connally, le 22 novembre 1963:
- à l'explosion, la fiche d'état civil parvient à s’échapper du porte-feuille de la poche arrière du jean du kamikaze (où elle devait se trouver a priori);
- elle se donne le temps de se déplier ;
- à l'explosion, la fiche d'état civil parvient à s’échapper du porte-feuille de la poche arrière du jean du kamikaze (où elle devait se trouver a priori);
- elle se donne le temps de se déplier ;
-
alors que ce papier ne pèse que quelques grammes, il trouve le moyen de sortir par la petite fenêtre d’un véhicule
cabossé, en feu, en braise et qui a fini carbonisé ;
-
intact svp, alors que le kamikaze est en mille morceaux à cause de la pression
et du souffle de l’explosion ; un test réalisé même par un amateur
libanais fait douter un peu de cette hypothèse ;
-
se balade en l’air et pique un sprint de 40 m, alors qu’il ne pèse que quelques
grammes ; selon le fad7al expert
en explosif, ce sont les restes humains qui se sont collés à ce papier léger,
qui l’ont propulsé en lui permettant d’atteindre cette portée record ; le
problème c’est que notre papier magique arrive à destination, tout propre et
nickel chrome, d’une blancheur éclatante (regardez la fiche d’état civil dans
les mains des enquêteurs à 0:16 et 3:54!), alors, qu’il vient de sortir d'un véhicule en feu et est projeté par
les restes humains du kamikaze, à en croire l’expert ; à l’arrivée 40 m plus
loin, aucune tache de quoique ce soit, ni de sang ni de noirceur (à comparer avec la carte de la voiture de Mohamamd Chatah), on dirait
qu’il sort de l’Etat civil de Halba, le chef-lieu du Akkar !
C’est
d’une logique à faire pâlir les réalisateurs de Hollywood !
Ah
tenez, avant que je n’oublie, beaucoup se souviennent encore des déclarations
de l’expert en explosif, Chadé Maalouf. Ses déclarations étaient reprises
partout dans la presse au lendemain de l’attentat du 14 février 2005. Il était
persuadé que la charge explosive qui a tué l’ancien PM, Rafic Hariri, était
enterrée dans la chaussée ! Ça aurait pu marcher sans une enquête
internationale qui a révélé l’existence d’une putain de camionnette Mitsubishi !
Et au passage, il faudra prévenir l’expert en papier, Walid el-Alti, que le film plastique que les services administratifs collent sur la fiche d’état civil ne sert pas à « la protéger du feu », comme il
s’est ridiculisé à le dire, mais à protéger les papiers de l’Etat de la
falsification !