Malgré tous ces défauts, Gebrane Bassil a beaucoup de qualités. C'est un homme entreprenant, actif, dynamique et audacieux. Sincèrement! Mais, ça ne suffit pas dans la vie politique pour plaire à tout le monde. Ni dans la vie privée d'ailleurs, toute ardeur déplacée pouvant se terminer par un épinglage #metoo, un blocage illico presto, un verre d'eau en plein figure ou une claque retentissante, comme en politique.
En suivant ses récentes déclarations, du bord de sa fenêtre à Laklouk au réveil le lendemain du réveillon à 6h45 précises, lors de son déplacement à Zahlé le 11 janvier, devant les étudiants du lycée Mont La Salle le 13, à la réunion préparatoire des ministres arabes des Affaires étrangères le 18, après le Sommet arabe pour le développement économique et social qui s'est tenu à Beyrouth le 20 et aux pieds des montagnes de Davos le 22, force est de constater que les problèmes d'une frange de Libanais avec cet homme politique sont non seulement pleinement justifiés, mais ils empirent. Cela s'explique aisément par les faits suivants :
Depuis mai 2018, Gebrane Bassil se dédouane de toute responsabilité dans le blocage de la formation du gouvernement. Et pourtant et voilà, enfin, ba2 el ba7sa, indirectement le 4 janvier. « A propos du refus de donner au président et au bloc, le tiers de garantie... le Hezbollah n'a pas de problème avec ça ». Autrement dit, Aoun, le Bloc du changement et de la réforme, ainsi que le Hezbollah, se retrouvent non seulement retranchés dans le même camp, mais en plus, ils sont bel et bien coresponsables du blocage politique actuel.
Le « tiers de garantie » du CPL-Hezb correspond en réalité à la stratégie du « tiers de blocage », càd obtenir plus du tiers du Conseil des ministres, afin de pouvoir bloquer les décisions du futur gouvernement du Premier ministre désigné Saad Hariri, toutes celles qui n'iront pas dans le sens des intérêts de Gebrane Bassil et de son parti, le CPL.
Tout cela est basé sur l'hérésie politique d'octroyer au président de la République une part du fromage gouvernemental, un droit qui n'existe nulle part, ni dans la Constitution ni dans le Pacte national ni dans les lois en vigueur au Liban. Un caprice d'autant moins justifié que dans ce tweet, le gendre a commis l'erreur de mettre son beau-père avec lui, dans le même camp. Ainsi, nul besoin d'accorder au président une part propre, la sienne fait partie de celle du CPL. Elémentaire.
« Nous bataillons depuis 2010 avec un plan concernant l'électricité ». Au moins il l'avoue, c'est depuis 9 ans déjà! « Ils » l'ont bloqué pour des « raisons maintenant connues ». Qui sont-ils et quelles sont-elles, nul ne le sait. Par contre, Bassil est sûr que « si le nouveau gouvernement ne prend pas des décisions au sujet de l'électricité dès le premier mois de sa formation... » Stop, yallé sta7o mé'to, comme on dit au Liban, ceux qui ont eu honte sont morts.
Près de 30 ans après la fin de la guerre libanaise, nous ne pouvons toujours pas bénéficier d'une électricité 24h/24, fournie par un Etat souverain à un prix raisonnable, sans passer par les propriétaires de générateurs privés. Depuis dix ans, le ministère de l'Energie est entre les mains du Bloc du changement et de la réforme, une coalition parlementaire formée autour du Courant patriotique libre.
Le parti qui a le plus contrôlé le ministère de l'Energie est justement le CPL, celui de Michel Aoun et de Gebrane Bassil. Le ministre qui a passé le plus de temps au ministère de l'Energie est justement, encore lui, l'actuel chef du CPL, le gendre de Michel Aoun, Gebrane Bassil, 4 ans et 3 mois. Alors, belote et rebelote, nous sommes nombreux à crier en choeur, « wlak weiniyé hal kahraba el charm**** 24/24 ya Gebrane, where is this fu***** electricity 24 hours a day ya Bassil, non mais, où est cette pu***** d'électricité 24h/24 ya Gebrane Bassil? », celle qu'il a promis aux Libanais pour 2014-2015, il y a quatre ans.
Gebrane Bassil et son ex-conseiller, César Abi Khalil, sont peut-être capables de vendre des congélateurs aux Esquimaux, mais ils ne pourront pas faire oublier que leur passage au ministère de l'Energie est un désastre. Une étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde, pour 2017-2018, montre que le Liban n'arrive qu'à la 134e place (sur 137). On ne fait mieux que Haiti, Nigeria et le Yémen, alors que le secteur électrique coûte près de 5 milliards de dollars par an (EDL, navires en location et générateurs privés). Mais bon, il faut dire que César Abi Khalil et Gebrane Bassil sont tous deux des fervents défenseurs de l'aberrante idée des centrales flottantes turques. Ah mais pour gaspiller l'argent public, on ne peut pas faire mieux! Et c'est loin d'être fini.
Il peut parader à Davos le 22 janvier et faire savoir sur Twitter qu'il s'y rend pour « discuter des politiques internationales avec les ministres des Affaires étrangères du Qatar, des Pays-Bas, de l'Afghanistan et de l'Algérie », comme il peut se réveiller tôt le 1er janvier, pendant que les Libanais dorment encore, pour peaufiner son tweet et faire croire aussi que « de sa fenêtre à Laklouk, la neige blanche, le ciel bleu et l'horizon orange lui permettent d'avoir de l'espoir, de la confiance et une vision pour notre pays, de voir en ce début d'année toutes les couleurs du Liban réunies dans un gouvernement fédérateur, juste et efficace », blablabla et patati et patata, cela ne changera rien à son positionnement politique que la moitié des Libanais ne partage pas.
D'ailleurs, Gebrane Bassil ne s'en cache pas. Il tient à l'affirmer, en revenant encore sur l'accord de Mar Mikhael conclu entre le CPL et le Hezbollah, un parti-milicien armé, pour soi-disant renforcer « l'union et l'entente nationales ». Faut avoir beaucoup de culot pour oser le dire !
Il tient aussi à exprimer clairement son attachement et sa loyauté à la tyrannie des Assad : « Nous nous sommes opposés depuis le départ à la suspension de l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe et nous avons gardé les meilleures relations avec elle. Aujourd'hui, il est donc normal que nous travaillons à son retour. »
Pour rappel, la suspension de la Syrie de la Ligue arabe a eu lieu le 13 novembre 2011, huit mois après le début du conflit syrien à cause du rejet par Bachar el-Assad du plan arabe lui demandant de cesser la répression sanglante de la révolte populaire et d'entamer un dialogue national avec les opposants pacifiques à son régime.
L'exclusion temporaire de la Syrie a été votée par 18 pays arabes sur 22. Alors dites, savez-vous qui sont les 4 pays qui se sont opposés à cette décision? La Syrie, évidement ; la Libye, qui était suspendue pour les mêmes raisons ; le Yémen, c'est tout aussi évident; et le Liban, bien entendu. Pour rappel aussi, le pays du Cèdre était dirigé à l'époque par le gouvernement Mikati (un ami de Bachar), un pouvoir composé exclusivement des pôles du 8-Mars (Hezbollah, Courant patriotique libre, Amal, etc.). Bassil était à l'Energie et Mansour (Berri) aux Affaires étrangères.
Notamment sous le prétexte de la reconstruction de la Syrie et de la prospérité qu'elle amènera au Liban. Dès le 4 janvier, Gebrane Bassil a commencé à défricher le terrain: « Nous devons être des partenaires de la reconstruction... » Zappons pour l'instant la première partie pour nous concentrer sur la suite: «... comme nous avons été des partenaires dans la victoire sur le terrorisme ». Ah tiens donc, comment? Par la victoire d'Assad peut-être, l'incarnation même du terrorisme, comme l'ont prouvé, entre autres:
. le long conflit en Syrie : répression sanglante des manifestants désarmés, la torture et la mise à mort des prisonniers immortalisés dans l'album de César, les bombardements à l'aveugle des civils par des barils d'explosifs, le massacre de la population syrienne avec du gaz sarin et du chlore, etc. ;
. l'affaire Michel Samaha au Liban : « heik baddo bachar », de l'aveu même du prisonnier libanais, c'est ce que souhaite Bachar el-Assad ; la programmation d'une trentaine d'attentats et d'assassinats, visant même le patriarche maronite dans une région sunnite et des imams sunnites lors de la rupture du jeûne pendant le mois de ramadan.
Et sans doute par l'intervention du Hezbollah aux côtés d'Assad, depuis 2012, ce qui a aggravé la situation sur le terrain, accentué la fracture sunnite-chiite, nourri les jihadistes de Daech et accéléré l'afflux massif des déplacés syriens vers le Liban.
Il en a remis une couche le 11 janvier. « Après la guerre, il y a la reconstruction. Est-il envisageable qu'on se punisse et qu'on n'y participe pas car il y a un pays qui nous l'interdit et qui nous menace avec les sanctions. Est-ce que ce pays a accompli ses obligations envers nous? » En ligne de mire, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, sans l'aide de qui le Liban ne serait qu'un satellite de l'Iran, depuis belle lurette.
Le coup de grâce est tombé le 18 janvier: « Personne ne pourra empêcher les Libanais de participer à la reconstruction de la Syrie... La Syrie se relèvera et le Liban avec elle ». Ah, mais il mise sur ce moment depuis fort longtemps. Tout est devenu public lors du salon « Rebuild Syria ». C'était au Biel à Beyrouth le 27 octobre 2017: « Que la reconstruction de la Syrie soit la reconstruction de la Syrie et du Liban. »
Le raisonnement de Bassil tiendrait la route si le Liban n'avait plus aucun dossier litigieux avec le régime syrien, à commencer par le contrôle de la frontière syro-libanaise d'une main de fer, les ingérences syriennes dans les affaires libanaises et le retour des ressortissants syriens installés au Liban dans leur pays. Le raisonnement tiendrait la route si et seulement si, nous mettons par ailleurs de côté les valeurs humaines et religieuses qui régissent le monde d'aujourd'hui, le Moyen-Orient notamment. L'interminable guerre en Syrie a fait des centaines de milliers de morts, autant de blessés, plusieurs millions de déplacés et un volume de destruction évalué par l'ONU à 400 milliards de dollars.
On peut décider de tout zapper, sauf que tout peut recommencer après-demain, puisque rien n'a été réglé sur le plan politique :
. en Syrie d'une part, on a une minorité de confession alaouite, qui ne représente que 10% de la population syrienne, mais qui continue de dominer une majorité de confession sunnite à plus de 70% ;
. au Liban d'autre part, on a un régime syrien qui considère encore et toujours le pays du Cèdre comme faisant partie de sa sphère d'influence.
On peut même décider de faire table rase du passé, en Syrie et au Liban, il n'empêche que la responsabilité de la tyrannie des Assad, père et fils, est bel et bien établie, hier comme aujourd'hui, à la fois dans :
. les massacres en Syrie : le père, notamment lors du massacre de Hama en 1982, le fils depuis 2011, avec toutes les horreurs citées précédemment ;
. les massacres au Liban pendant la guerre : entre 1976-2005, la Syrie des Assad n'était pas seulement partie prenante du conflit libanais, elle a fait couler le sang de toutes les communautés libanaises sans exception (chrétienne, sunnite, druze et chiite), mais en plus, elle est soupçonnée entre autres, d'être impliquée dans l'assassinat de deux présidents de la République, Bachir Gemayel et René Mouawad, et un ancien Premier ministre, Rachid Karamé;
. les massacres au Liban après la guerre : depuis 2004, la Syrie est soupçonnée d'être impliquée dans la quinzaine d'assassinats politiques (et tentatives d'assassinat), dont celui de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri.
Ainsi, les Libanais comme Gebrane Bassil peuvent baver sur l'aubaine de la reconstruction de la Syrie, mais ils ne pourront pas s'offrir le luxe d'une amnésie sélective, concernant les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis par la tyrannie des Assad père et fils, au Liban et en Syrie, depuis 1970, à moins d'en devenir des complices par omission.
Commençons par le commencement, cerner le problème et poser une question fondamentale. L'afflux massif de ressortissants syriens au Liban, déplacés et réfugiés, s'est fait entre les années 2011 et 2014. A cette période, le Liban était dirigé par un gouvernement composé essentiellement par les pôles du 8-Mars. La nouvelle configuration politique n'a vu le jour qu'après le basculement de Walid Joumblatt dans les bras du 8-Mars, le déploiement des miliciens du Hezbollah dans les rues de Beyrouth le 12 janvier 2011 et la chute du gouvernement de Saad Hariri.
Dans le nouveau gouvernement Mikati, Nasrallah-Berri et alliés avaient 7 parts ministérielles, Mikati 6 parts, Sleiman 3 parts, Joumblatt 3 parts et le bloc du changement et de la réforme dirigé par Aoun-Bassil, 11 parts ministérielles svp! Il n'y avait à l'époque, aucun ministre du 14-Mars au gouvernement. Qu'est-ce que tout ce beau monde a fait pour maitriser l'afflux de ressortissants syriens au Liban pendant ces trois années (2011-2014)? Rien. Plus grave encore, qu'est-ce que Aoun et Bassil ont fait précisément pour empêcher l'installation de 1,5 à 2 millions de réfugiés et de déplacés syriens au Liban? Rien, à part les palabres, alors qu'ils détenait déjà à l'époque, le soi-disant « tiers de garantie », le fameux « tiers de blocage ».
Vous comprenez mieux maintenant la mascarade actuelle de Gebrane Bassil autour des réfugiés syriens, un drame humanitaire exploité à des fins politiciennes, et autour de la part ministérielle du président Michel Aoun, une hérésie politicienne exploitée à des fins communautaires ! Des foutaises sur toute la ligne.
Passons maintenant au vif du sujet, le retour des ressortissants syriens en Syrie. Tout le monde est soi-disant pour ce retour. Admettons. Alors question, pourquoi un tel retour nécessite une coordination-collaboration à haut niveau avec le régime de Bachar el-Assad? Ce n'est pas à l'ordre du jour en Turquie et en Jordanie. Et pour cause, il n'y a aucune raison à cela. Si le régime syrien et les pro-régime libanais reviennent sur le sujet régulièrement, c'est que le but de ce matraquage dépasse le retour des réfugiés. La preuve par Bassil lui-même : « Notre intérêt et la politique que nous appliquerons, consiste en un retour des réfugiés dans leur pays, l'ouverture des frontières et des relations avec la Syrie conformes avec l'intérêt du Liban » (11 janvier).
Très bien, sauf que le retour ne se fait qu'au compte-gouttes. Et pour cause, ce qui les a fait fuir, est toujours en place. Alors, pour justifier pourquoi le régime syrien complique le retour des ressortissants syriens installés au Liban, le ministre libanais ne sait plus quoi inventer pour alimenter son délire: « Y a-t-il un pays qui nous a donné de l'argent ou l'ont-ils donné aux réfugiés pour qu'ils restent et pas pour qu'ils retournent? » (11 janvier) Qui par exemple, les Européens, les Occidentaux ? « Ceux qui ont fait partir les Syriens (déplacés et réfugiés), souhaitent qu'ils restent » (18 janvier). Qui ça au juste, les Arabes, les Européens, les Extraterrestres?
Notez bien en revanche à quel point la réhabilitation du régime syrien par Gebrane Bassil se fait à grande vitesse. Dès le début de l'année, le ministre libanais des Affaires étrangères a fait savoir que « Le Liban peut prendre des initiatives et travailler pour le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Notre avis sur la question est connue » (4 janvier). Eh bien, voilà!
« Quand les troupes syriennes se sont retirées (du Liban), nous avons fait savoir notre détermination à établir les meilleures relations avec la Syrie. Alors n'ayons pas honte avec ça (…) Nous sommes les premiers à demander le retour de la Syrie dans la Ligue arabe » (11 janvier). Qui dit mieux!
« La grande absente de cette conférence aujourd'hui est la Syrie. Nous sentons le poids de son absence, au lieu de ressentir la légèreté de sa présence. La Syrie doit revenir vers nous, afin de limiter nos pertes... Sans plus attendre, la place de la Syrie doit être au sein de la Ligue arabe, au lieu de la jeter entre les bras du terrorisme... afin de ne pas nous couvrir d'une honte historique à cause de la suspension de son adhésion » (18 janvier). Eh bien, la messe est dite.
Toujours est-il que je l'ai dit et redit, je persiste et signe, le projet de Bachar el-Assad depuis 2005, était, est toujours et le restera à jamais, la colonisation du Liban via les ressortissants syriens installés au pays du Cèdre. S'il n'y a qu'une seule personne au monde qui ne souhaite absolument pas le retour des déplacés et réfugiés syriens à l'étranger, c'est bien Bachar el-Assad. J'ai abordé la question dans le passé à de multiples reprises, à chaque fois que j'avais un élément nouveau pour étoffer mon hypothèse, qui est devenu au fil du temps un constat.
Pour ce faire, la stratégie du régime syrien de Bachar el-Assad est multiple : compliquer le retour en imposant l'autorisation préalable, obliger les jeunes revenants à servir dans les rangs de l'armée syrienne, raser les habitations et les quartiers selon les contraintes du nettoyage ethnique, modifier les cadastres selon les exigences communautaires, compliquer la reconnaissance des enfants nés au Liban, évoquer même le bénéfice du départ de millions de syriens (essentiellement de confession sunnite) en termes d' « homogénéisation » de la société syrienne (moins d'opposants potentiels), pousser des personnalités syriennes proches du régime à demander la nationalité libanaise, etc.
Aujourd'hui, la perspective est de plus en plus nette. Bachar el-Assad liera la participation du Liban à la reconstruction de la Syrie, au non-retour des ressortissants syriens installés au Liban. Walid el-Mouallem, le ministre syrien des Affaires étrangères, l'a dit franco à Gebrane Bassil à New York, il y a moins d'un an et demi. Assad fera croire que la mesure est temporaire en attendant la fin du chantier de la reconstruction. Or, sur le terrain, cette reconstruction durera des décennies et s'étalera sur plus d'une génération. C'est une quasi certitude et il y a plusieurs raisons à cela.
• Primo, parce que la guerre ne connaitra pas une fin nette et claire, tant que le régime d'Assad est en place.
• Secundo, parce que l'argent ne viendra jamais des pays arabes et occidentaux, les seuls à pouvoir reconstruire la Syrie, tant que le régime d'Assad restera en place, comme si de rien n'était. Ces pays ne cessent de faire savoir qu'ils ne participeront pas à cette reconstruction, sans la mise en place d'une solution politique, juste et durable, qui conduira à long terme, au départ de Bachar el-Assad.
• Tertio, parce que l'écrasante majorité des ressortissants syriens installés au Liban, en Turquie et en Jordanie aussi, ne retourneront jamais en Syrie, tant que la tyrannie des Assad continuera à terroriser la population.
Ainsi, sans solution politique juste et durable, qui implique de mettre fin à la longue dictature des Assad, nous aurons une Syrie éternellement instable, un financement de la reconstruction colossal qui fera toujours défaut, du rafistolage plutôt qu'une véritable reconstruction et des ressortissants syriens toujours pas encouragés à quitter le Liban, la Turquie et la Jordanie, et à rentrer dans leur pays.
Le retour des déplacés et des réfugiés syriens des pays avoisinants -Liban, Turquie et Jordanie- en Syrie, ne fait absolument pas partie des priorités de Bachar el-Assad. Ce sont des millions de personnes de confession sunnite, donc de potentiels opposants au régime alaouite, qui sont actuellement en dehors du pays, à la charge de la communauté internationale pour une grande partie. Pourquoi les faire rentrer? Le cas de ceux installés sur le territoire libanais est encore plus intéressant pour Bachar el-Assad. En les laissant au Liban le plus longtemps possible, le tyran de Damas rendra leur retour de plus en plus difficile. Cela lui permettra de phagocyter le pays du Cèdre à long terme, sans tirer un coup, par le biais démographique.
Beaucoup de compatriotes, Gebrane Bassil en tête, ne se sont pas rendus compte du piège tendu par le tyran de Damas aux Libanais, 14 ans seulement après la fin de l'occupation syrienne du Liban. La carotte de la reconstruction aura un prix, l'implantation des ressortissants syriens au Liban. Ce n'est pas eux qui ne souhaitent pas retourner en Syrie, c'est le régime de Bachar el-Assad qui ne veut pas qu'ils retournent chez eux.
Qui -Libanais, Arabes, Iraniens, Russes ou Occidentaux- militent aujourd'hui pour la réhabilitation du régime syrien à grande vitesse, sous le prétexte de l'hypothétique fin de la guerre civile et de la chimère participation à la reconstruction de la Syrie, oubliant les crimes commis, ainsi que l'absence d'un financement international conséquent, et sachant que le retour des ressortissants syriens installés dans les pays avoisinants se fera au compte-gouttes tant qu'il n'y aura pas de solution politique, sont purement et simplement des « idiots utiles » de Bachar el-Assad. Ils contribueront, de leur gré ou malgré eux, à la pérennisation du conflit syrien et du drame des réfugiés, ainsi qu'à la mise en œuvre à long terme du projet pernicieux du régime syrien, la colonisation du Liban via les déplacés syriens.
Gebrane Bassil, ministre libanais des Affaires étrangères (photo AFP) |
En suivant ses récentes déclarations, du bord de sa fenêtre à Laklouk au réveil le lendemain du réveillon à 6h45 précises, lors de son déplacement à Zahlé le 11 janvier, devant les étudiants du lycée Mont La Salle le 13, à la réunion préparatoire des ministres arabes des Affaires étrangères le 18, après le Sommet arabe pour le développement économique et social qui s'est tenu à Beyrouth le 20 et aux pieds des montagnes de Davos le 22, force est de constater que les problèmes d'une frange de Libanais avec cet homme politique sont non seulement pleinement justifiés, mais ils empirent. Cela s'explique aisément par les faits suivants :
1 Gebrane Bassil est coresponsable du blocage du fonctionnement de la démocratie libanaise
Depuis mai 2018, Gebrane Bassil se dédouane de toute responsabilité dans le blocage de la formation du gouvernement. Et pourtant et voilà, enfin, ba2 el ba7sa, indirectement le 4 janvier. « A propos du refus de donner au président et au bloc, le tiers de garantie... le Hezbollah n'a pas de problème avec ça ». Autrement dit, Aoun, le Bloc du changement et de la réforme, ainsi que le Hezbollah, se retrouvent non seulement retranchés dans le même camp, mais en plus, ils sont bel et bien coresponsables du blocage politique actuel.
Le « tiers de garantie » du CPL-Hezb correspond en réalité à la stratégie du « tiers de blocage », càd obtenir plus du tiers du Conseil des ministres, afin de pouvoir bloquer les décisions du futur gouvernement du Premier ministre désigné Saad Hariri, toutes celles qui n'iront pas dans le sens des intérêts de Gebrane Bassil et de son parti, le CPL.
Tout cela est basé sur l'hérésie politique d'octroyer au président de la République une part du fromage gouvernemental, un droit qui n'existe nulle part, ni dans la Constitution ni dans le Pacte national ni dans les lois en vigueur au Liban. Un caprice d'autant moins justifié que dans ce tweet, le gendre a commis l'erreur de mettre son beau-père avec lui, dans le même camp. Ainsi, nul besoin d'accorder au président une part propre, la sienne fait partie de celle du CPL. Elémentaire.
2 Gebrane Bassil fuit toujours ses responsabilités dans le fiasco du secteur électrique au Liban
« Nous bataillons depuis 2010 avec un plan concernant l'électricité ». Au moins il l'avoue, c'est depuis 9 ans déjà! « Ils » l'ont bloqué pour des « raisons maintenant connues ». Qui sont-ils et quelles sont-elles, nul ne le sait. Par contre, Bassil est sûr que « si le nouveau gouvernement ne prend pas des décisions au sujet de l'électricité dès le premier mois de sa formation... » Stop, yallé sta7o mé'to, comme on dit au Liban, ceux qui ont eu honte sont morts.
Près de 30 ans après la fin de la guerre libanaise, nous ne pouvons toujours pas bénéficier d'une électricité 24h/24, fournie par un Etat souverain à un prix raisonnable, sans passer par les propriétaires de générateurs privés. Depuis dix ans, le ministère de l'Energie est entre les mains du Bloc du changement et de la réforme, une coalition parlementaire formée autour du Courant patriotique libre.
Le parti qui a le plus contrôlé le ministère de l'Energie est justement le CPL, celui de Michel Aoun et de Gebrane Bassil. Le ministre qui a passé le plus de temps au ministère de l'Energie est justement, encore lui, l'actuel chef du CPL, le gendre de Michel Aoun, Gebrane Bassil, 4 ans et 3 mois. Alors, belote et rebelote, nous sommes nombreux à crier en choeur, « wlak weiniyé hal kahraba el charm**** 24/24 ya Gebrane, where is this fu***** electricity 24 hours a day ya Bassil, non mais, où est cette pu***** d'électricité 24h/24 ya Gebrane Bassil? », celle qu'il a promis aux Libanais pour 2014-2015, il y a quatre ans.
Gebrane Bassil et son ex-conseiller, César Abi Khalil, sont peut-être capables de vendre des congélateurs aux Esquimaux, mais ils ne pourront pas faire oublier que leur passage au ministère de l'Energie est un désastre. Une étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde, pour 2017-2018, montre que le Liban n'arrive qu'à la 134e place (sur 137). On ne fait mieux que Haiti, Nigeria et le Yémen, alors que le secteur électrique coûte près de 5 milliards de dollars par an (EDL, navires en location et générateurs privés). Mais bon, il faut dire que César Abi Khalil et Gebrane Bassil sont tous deux des fervents défenseurs de l'aberrante idée des centrales flottantes turques. Ah mais pour gaspiller l'argent public, on ne peut pas faire mieux! Et c'est loin d'être fini.
3 Gebrane Bassil est toujours pro-Hezbollah et pro-Assad
Il peut parader à Davos le 22 janvier et faire savoir sur Twitter qu'il s'y rend pour « discuter des politiques internationales avec les ministres des Affaires étrangères du Qatar, des Pays-Bas, de l'Afghanistan et de l'Algérie », comme il peut se réveiller tôt le 1er janvier, pendant que les Libanais dorment encore, pour peaufiner son tweet et faire croire aussi que « de sa fenêtre à Laklouk, la neige blanche, le ciel bleu et l'horizon orange lui permettent d'avoir de l'espoir, de la confiance et une vision pour notre pays, de voir en ce début d'année toutes les couleurs du Liban réunies dans un gouvernement fédérateur, juste et efficace », blablabla et patati et patata, cela ne changera rien à son positionnement politique que la moitié des Libanais ne partage pas.
D'ailleurs, Gebrane Bassil ne s'en cache pas. Il tient à l'affirmer, en revenant encore sur l'accord de Mar Mikhael conclu entre le CPL et le Hezbollah, un parti-milicien armé, pour soi-disant renforcer « l'union et l'entente nationales ». Faut avoir beaucoup de culot pour oser le dire !
Il tient aussi à exprimer clairement son attachement et sa loyauté à la tyrannie des Assad : « Nous nous sommes opposés depuis le départ à la suspension de l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe et nous avons gardé les meilleures relations avec elle. Aujourd'hui, il est donc normal que nous travaillons à son retour. »
Pour rappel, la suspension de la Syrie de la Ligue arabe a eu lieu le 13 novembre 2011, huit mois après le début du conflit syrien à cause du rejet par Bachar el-Assad du plan arabe lui demandant de cesser la répression sanglante de la révolte populaire et d'entamer un dialogue national avec les opposants pacifiques à son régime.
L'exclusion temporaire de la Syrie a été votée par 18 pays arabes sur 22. Alors dites, savez-vous qui sont les 4 pays qui se sont opposés à cette décision? La Syrie, évidement ; la Libye, qui était suspendue pour les mêmes raisons ; le Yémen, c'est tout aussi évident; et le Liban, bien entendu. Pour rappel aussi, le pays du Cèdre était dirigé à l'époque par le gouvernement Mikati (un ami de Bachar), un pouvoir composé exclusivement des pôles du 8-Mars (Hezbollah, Courant patriotique libre, Amal, etc.). Bassil était à l'Energie et Mansour (Berri) aux Affaires étrangères.
4 Gebrane Bassil est prêt à tout pour réhabiliter le régime syrien
Notamment sous le prétexte de la reconstruction de la Syrie et de la prospérité qu'elle amènera au Liban. Dès le 4 janvier, Gebrane Bassil a commencé à défricher le terrain: « Nous devons être des partenaires de la reconstruction... » Zappons pour l'instant la première partie pour nous concentrer sur la suite: «... comme nous avons été des partenaires dans la victoire sur le terrorisme ». Ah tiens donc, comment? Par la victoire d'Assad peut-être, l'incarnation même du terrorisme, comme l'ont prouvé, entre autres:
. le long conflit en Syrie : répression sanglante des manifestants désarmés, la torture et la mise à mort des prisonniers immortalisés dans l'album de César, les bombardements à l'aveugle des civils par des barils d'explosifs, le massacre de la population syrienne avec du gaz sarin et du chlore, etc. ;
. l'affaire Michel Samaha au Liban : « heik baddo bachar », de l'aveu même du prisonnier libanais, c'est ce que souhaite Bachar el-Assad ; la programmation d'une trentaine d'attentats et d'assassinats, visant même le patriarche maronite dans une région sunnite et des imams sunnites lors de la rupture du jeûne pendant le mois de ramadan.
Et sans doute par l'intervention du Hezbollah aux côtés d'Assad, depuis 2012, ce qui a aggravé la situation sur le terrain, accentué la fracture sunnite-chiite, nourri les jihadistes de Daech et accéléré l'afflux massif des déplacés syriens vers le Liban.
Il en a remis une couche le 11 janvier. « Après la guerre, il y a la reconstruction. Est-il envisageable qu'on se punisse et qu'on n'y participe pas car il y a un pays qui nous l'interdit et qui nous menace avec les sanctions. Est-ce que ce pays a accompli ses obligations envers nous? » En ligne de mire, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, sans l'aide de qui le Liban ne serait qu'un satellite de l'Iran, depuis belle lurette.
Le coup de grâce est tombé le 18 janvier: « Personne ne pourra empêcher les Libanais de participer à la reconstruction de la Syrie... La Syrie se relèvera et le Liban avec elle ». Ah, mais il mise sur ce moment depuis fort longtemps. Tout est devenu public lors du salon « Rebuild Syria ». C'était au Biel à Beyrouth le 27 octobre 2017: « Que la reconstruction de la Syrie soit la reconstruction de la Syrie et du Liban. »
Le raisonnement de Bassil tiendrait la route si le Liban n'avait plus aucun dossier litigieux avec le régime syrien, à commencer par le contrôle de la frontière syro-libanaise d'une main de fer, les ingérences syriennes dans les affaires libanaises et le retour des ressortissants syriens installés au Liban dans leur pays. Le raisonnement tiendrait la route si et seulement si, nous mettons par ailleurs de côté les valeurs humaines et religieuses qui régissent le monde d'aujourd'hui, le Moyen-Orient notamment. L'interminable guerre en Syrie a fait des centaines de milliers de morts, autant de blessés, plusieurs millions de déplacés et un volume de destruction évalué par l'ONU à 400 milliards de dollars.
On peut décider de tout zapper, sauf que tout peut recommencer après-demain, puisque rien n'a été réglé sur le plan politique :
. en Syrie d'une part, on a une minorité de confession alaouite, qui ne représente que 10% de la population syrienne, mais qui continue de dominer une majorité de confession sunnite à plus de 70% ;
. au Liban d'autre part, on a un régime syrien qui considère encore et toujours le pays du Cèdre comme faisant partie de sa sphère d'influence.
On peut même décider de faire table rase du passé, en Syrie et au Liban, il n'empêche que la responsabilité de la tyrannie des Assad, père et fils, est bel et bien établie, hier comme aujourd'hui, à la fois dans :
. les massacres en Syrie : le père, notamment lors du massacre de Hama en 1982, le fils depuis 2011, avec toutes les horreurs citées précédemment ;
. les massacres au Liban pendant la guerre : entre 1976-2005, la Syrie des Assad n'était pas seulement partie prenante du conflit libanais, elle a fait couler le sang de toutes les communautés libanaises sans exception (chrétienne, sunnite, druze et chiite), mais en plus, elle est soupçonnée entre autres, d'être impliquée dans l'assassinat de deux présidents de la République, Bachir Gemayel et René Mouawad, et un ancien Premier ministre, Rachid Karamé;
. les massacres au Liban après la guerre : depuis 2004, la Syrie est soupçonnée d'être impliquée dans la quinzaine d'assassinats politiques (et tentatives d'assassinat), dont celui de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri.
Ainsi, les Libanais comme Gebrane Bassil peuvent baver sur l'aubaine de la reconstruction de la Syrie, mais ils ne pourront pas s'offrir le luxe d'une amnésie sélective, concernant les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis par la tyrannie des Assad père et fils, au Liban et en Syrie, depuis 1970, à moins d'en devenir des complices par omission.
5 Gebrane Bassil est tombé dans le piège du projet de colonisation du Liban concocté par Bachar el-Assad, via les réfugiés et les déplacés syriens
Commençons par le commencement, cerner le problème et poser une question fondamentale. L'afflux massif de ressortissants syriens au Liban, déplacés et réfugiés, s'est fait entre les années 2011 et 2014. A cette période, le Liban était dirigé par un gouvernement composé essentiellement par les pôles du 8-Mars. La nouvelle configuration politique n'a vu le jour qu'après le basculement de Walid Joumblatt dans les bras du 8-Mars, le déploiement des miliciens du Hezbollah dans les rues de Beyrouth le 12 janvier 2011 et la chute du gouvernement de Saad Hariri.
Dans le nouveau gouvernement Mikati, Nasrallah-Berri et alliés avaient 7 parts ministérielles, Mikati 6 parts, Sleiman 3 parts, Joumblatt 3 parts et le bloc du changement et de la réforme dirigé par Aoun-Bassil, 11 parts ministérielles svp! Il n'y avait à l'époque, aucun ministre du 14-Mars au gouvernement. Qu'est-ce que tout ce beau monde a fait pour maitriser l'afflux de ressortissants syriens au Liban pendant ces trois années (2011-2014)? Rien. Plus grave encore, qu'est-ce que Aoun et Bassil ont fait précisément pour empêcher l'installation de 1,5 à 2 millions de réfugiés et de déplacés syriens au Liban? Rien, à part les palabres, alors qu'ils détenait déjà à l'époque, le soi-disant « tiers de garantie », le fameux « tiers de blocage ».
Vous comprenez mieux maintenant la mascarade actuelle de Gebrane Bassil autour des réfugiés syriens, un drame humanitaire exploité à des fins politiciennes, et autour de la part ministérielle du président Michel Aoun, une hérésie politicienne exploitée à des fins communautaires ! Des foutaises sur toute la ligne.
Passons maintenant au vif du sujet, le retour des ressortissants syriens en Syrie. Tout le monde est soi-disant pour ce retour. Admettons. Alors question, pourquoi un tel retour nécessite une coordination-collaboration à haut niveau avec le régime de Bachar el-Assad? Ce n'est pas à l'ordre du jour en Turquie et en Jordanie. Et pour cause, il n'y a aucune raison à cela. Si le régime syrien et les pro-régime libanais reviennent sur le sujet régulièrement, c'est que le but de ce matraquage dépasse le retour des réfugiés. La preuve par Bassil lui-même : « Notre intérêt et la politique que nous appliquerons, consiste en un retour des réfugiés dans leur pays, l'ouverture des frontières et des relations avec la Syrie conformes avec l'intérêt du Liban » (11 janvier).
Très bien, sauf que le retour ne se fait qu'au compte-gouttes. Et pour cause, ce qui les a fait fuir, est toujours en place. Alors, pour justifier pourquoi le régime syrien complique le retour des ressortissants syriens installés au Liban, le ministre libanais ne sait plus quoi inventer pour alimenter son délire: « Y a-t-il un pays qui nous a donné de l'argent ou l'ont-ils donné aux réfugiés pour qu'ils restent et pas pour qu'ils retournent? » (11 janvier) Qui par exemple, les Européens, les Occidentaux ? « Ceux qui ont fait partir les Syriens (déplacés et réfugiés), souhaitent qu'ils restent » (18 janvier). Qui ça au juste, les Arabes, les Européens, les Extraterrestres?
Notez bien en revanche à quel point la réhabilitation du régime syrien par Gebrane Bassil se fait à grande vitesse. Dès le début de l'année, le ministre libanais des Affaires étrangères a fait savoir que « Le Liban peut prendre des initiatives et travailler pour le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Notre avis sur la question est connue » (4 janvier). Eh bien, voilà!
« Quand les troupes syriennes se sont retirées (du Liban), nous avons fait savoir notre détermination à établir les meilleures relations avec la Syrie. Alors n'ayons pas honte avec ça (…) Nous sommes les premiers à demander le retour de la Syrie dans la Ligue arabe » (11 janvier). Qui dit mieux!
« La grande absente de cette conférence aujourd'hui est la Syrie. Nous sentons le poids de son absence, au lieu de ressentir la légèreté de sa présence. La Syrie doit revenir vers nous, afin de limiter nos pertes... Sans plus attendre, la place de la Syrie doit être au sein de la Ligue arabe, au lieu de la jeter entre les bras du terrorisme... afin de ne pas nous couvrir d'une honte historique à cause de la suspension de son adhésion » (18 janvier). Eh bien, la messe est dite.
Toujours est-il que je l'ai dit et redit, je persiste et signe, le projet de Bachar el-Assad depuis 2005, était, est toujours et le restera à jamais, la colonisation du Liban via les ressortissants syriens installés au pays du Cèdre. S'il n'y a qu'une seule personne au monde qui ne souhaite absolument pas le retour des déplacés et réfugiés syriens à l'étranger, c'est bien Bachar el-Assad. J'ai abordé la question dans le passé à de multiples reprises, à chaque fois que j'avais un élément nouveau pour étoffer mon hypothèse, qui est devenu au fil du temps un constat.
Pour ce faire, la stratégie du régime syrien de Bachar el-Assad est multiple : compliquer le retour en imposant l'autorisation préalable, obliger les jeunes revenants à servir dans les rangs de l'armée syrienne, raser les habitations et les quartiers selon les contraintes du nettoyage ethnique, modifier les cadastres selon les exigences communautaires, compliquer la reconnaissance des enfants nés au Liban, évoquer même le bénéfice du départ de millions de syriens (essentiellement de confession sunnite) en termes d' « homogénéisation » de la société syrienne (moins d'opposants potentiels), pousser des personnalités syriennes proches du régime à demander la nationalité libanaise, etc.
Aujourd'hui, la perspective est de plus en plus nette. Bachar el-Assad liera la participation du Liban à la reconstruction de la Syrie, au non-retour des ressortissants syriens installés au Liban. Walid el-Mouallem, le ministre syrien des Affaires étrangères, l'a dit franco à Gebrane Bassil à New York, il y a moins d'un an et demi. Assad fera croire que la mesure est temporaire en attendant la fin du chantier de la reconstruction. Or, sur le terrain, cette reconstruction durera des décennies et s'étalera sur plus d'une génération. C'est une quasi certitude et il y a plusieurs raisons à cela.
• Primo, parce que la guerre ne connaitra pas une fin nette et claire, tant que le régime d'Assad est en place.
• Secundo, parce que l'argent ne viendra jamais des pays arabes et occidentaux, les seuls à pouvoir reconstruire la Syrie, tant que le régime d'Assad restera en place, comme si de rien n'était. Ces pays ne cessent de faire savoir qu'ils ne participeront pas à cette reconstruction, sans la mise en place d'une solution politique, juste et durable, qui conduira à long terme, au départ de Bachar el-Assad.
• Tertio, parce que l'écrasante majorité des ressortissants syriens installés au Liban, en Turquie et en Jordanie aussi, ne retourneront jamais en Syrie, tant que la tyrannie des Assad continuera à terroriser la population.
Ainsi, sans solution politique juste et durable, qui implique de mettre fin à la longue dictature des Assad, nous aurons une Syrie éternellement instable, un financement de la reconstruction colossal qui fera toujours défaut, du rafistolage plutôt qu'une véritable reconstruction et des ressortissants syriens toujours pas encouragés à quitter le Liban, la Turquie et la Jordanie, et à rentrer dans leur pays.
Le retour des déplacés et des réfugiés syriens des pays avoisinants -Liban, Turquie et Jordanie- en Syrie, ne fait absolument pas partie des priorités de Bachar el-Assad. Ce sont des millions de personnes de confession sunnite, donc de potentiels opposants au régime alaouite, qui sont actuellement en dehors du pays, à la charge de la communauté internationale pour une grande partie. Pourquoi les faire rentrer? Le cas de ceux installés sur le territoire libanais est encore plus intéressant pour Bachar el-Assad. En les laissant au Liban le plus longtemps possible, le tyran de Damas rendra leur retour de plus en plus difficile. Cela lui permettra de phagocyter le pays du Cèdre à long terme, sans tirer un coup, par le biais démographique.
Beaucoup de compatriotes, Gebrane Bassil en tête, ne se sont pas rendus compte du piège tendu par le tyran de Damas aux Libanais, 14 ans seulement après la fin de l'occupation syrienne du Liban. La carotte de la reconstruction aura un prix, l'implantation des ressortissants syriens au Liban. Ce n'est pas eux qui ne souhaitent pas retourner en Syrie, c'est le régime de Bachar el-Assad qui ne veut pas qu'ils retournent chez eux.
Qui -Libanais, Arabes, Iraniens, Russes ou Occidentaux- militent aujourd'hui pour la réhabilitation du régime syrien à grande vitesse, sous le prétexte de l'hypothétique fin de la guerre civile et de la chimère participation à la reconstruction de la Syrie, oubliant les crimes commis, ainsi que l'absence d'un financement international conséquent, et sachant que le retour des ressortissants syriens installés dans les pays avoisinants se fera au compte-gouttes tant qu'il n'y aura pas de solution politique, sont purement et simplement des « idiots utiles » de Bachar el-Assad. Ils contribueront, de leur gré ou malgré eux, à la pérennisation du conflit syrien et du drame des réfugiés, ainsi qu'à la mise en œuvre à long terme du projet pernicieux du régime syrien, la colonisation du Liban via les déplacés syriens.