mardi 15 janvier 2013

Les chrétiens du Liban selon Walid Joumblatt : « mauvaises graines » et « isolationnistes » ! (Art.101)


Je me suis levé aujourd’hui entre les flocons de neige et l’odeur de café, dans la joie et la bonne humeur, jusqu’au moment où je me suis mis à lire la presse libanaise du jour. On apprend en ce mardi que Walid Joumblatt dénonce « la vague de surenchères isolationnistes sans précédent », allusion aux discussions « démocratiques » sur les projets de loi électorale pour les prochaines élections qui se tiendraient en juin, dont le très controversé projet de loi du « Rassemblement orthodoxe ». Eh bien, ça y est, ça recommence ? La dernière niaiserie du Bek est arrivée.  

Les Libanais chrétiens, tous, puisqu’il y a unanimité sur le vote intracommunautaire, en tous cas, une majorité (enfin, entre les grands partis politiques, sans certaines personnalités indépendantes, à savoir les Forces libanaises, les Kataeb, les Marada et le Courant Patriotique Libre), sont de nouveau accuser d’être  « isolationnistes » ! Combien de fois j’ai entendu ce terme durant la guerre civile, à l’époque où le chef de la milice druze était allié avec le 1er tyran des Assad, contre le « maronitisme », et nous envoyait sa haine en fer et de feu sur le « réduit chrétien » !

Passons, c’est de l’histoire ancienne. Mais il n’empêche que décidément la veille des élections rend la girouette de Moukhtara hystérique. Tout le monde se souvient encore des propos abjects de Walid Joumblatt, tenus devant des dignitaires druzes en avril 2009, et qui n'étaient pas censés sortir de ce petit cercle, heureusement il y avait la preuve bel sawt wal soura !, où le leader druze, ce soi-disant socialiste membre de l'Internationale Socialiste quand ça l'arrange, pour redorer un blason terni 1001 fois par des paroles et des actes indignes de cette organisation, parle du retour des « isolationnistes » (chrétiens) dans la bataille électorale du Chouf. Ah, les complexes de l’enfance sont tenaces ! Il n’a pas hésité à rajouter que « la mauvaise graine restera mauvaise graine malheureusement », allusion raciste manifeste aux « Libanais de confession maronite »! Ces propos offline, où le leader druze se sentait en toute confiance, reflètent merveilleusement bien le fond de la pensée Joumblatt.

Zappons encore jusqu’au 15 février 2012. Lors d'une conférence organisée par le Centre des amis de Kamal Joumblatt sur la question de l’arrivée des islamistes au pouvoir dans le monde arabe, Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste, progressiste SVP, a déclaré texto: « Taëf, c'est fini. Nous avons besoin d’un nouveau Taëf entre sunnites et chiites ». Il est intéressant de noter que dans le nouveau Taëf imaginaire du chef druze, les chrétiens ne font pas de la figuration, ils sont mêmes inexistants, tout se fera entre les sunnites et les chiites ! Cela en dit long encore sur le fond de sa pensée. En tout cas, le Bek considère aujourd’hui que Taëf n’est plus fini, qu’un « printemps électoral libanais » est nécessaire, par lequel « la Chambre des députés serait libérée de la représentation confessionnelle, comme prévu par l’accord de Taëf... un Sénat serait mis en place pour représenter les diverses composantes et prendre en charge les grandes questions nationales ».

Avant de libérer le Parlement libanais, il faudrait que « le Bek libère ses régions » de la domination confessionnelle druze, comme prévu par « el ta3éyouch el watané » !
Les massacres de 1977 et 1983 a jeté les populations chrétiennes hors de leurs régions. Depuis, certaines sont rentrées, d’autres pas. Les chrétiens de ces régions vivent dans conditions précaires. Accuser les chrétiens d'être isolationnistes prête au sourire car qui connaît bien le Chouf sait qu'il est impossible pour qui que ce soit, Libanais depuis plus de 10 ans, 100 ans ou 1000 ans, d'acheter le moindre lopin de terre dans cette région car les druzes ne vendent jamais à des non-druzes, et même la vente des terres chrétiennes, de ceux qui ne souhaitent plus revenir dans leurs régions natales après les massacres de leurs proches, est étroitement surveillée par les infiltrés du Bek chez les maires, les notaires et les cadastres, qui trouveront 1001 obstacles à toute transaction non favorable à la communauté druze. Pour simplifier: pas de soucis si les 2 parties sont druzes ou si l'acheteur l'est, par contre les transactions sont impossibles si le vendeur est druze et l'acheteur non-druze, et très difficiles si les 2 parties sont non-druzes! Et il ose parler d'isolationnistes ! Schizophrénie quand tu nous tiens !
 

Avant de créer un Sénat, encore des salaires à vie comme si notre dette n’a pas dépassé les 140 % de notre PIB, et comme si on ne s’approche pas dangereusement de la situation de la Grèce, sans l’Union européenne derrière !, il faudrait SURTOUT, écrit en majuscules au cas où certains ne l’auraient pas remarqué, agir dans 2 directions. D’une part, libérer le vote chrétien de la domination féodale du Bek de Moukhtara, que les électeurs chrétiens du Chouf, de Baabda et d’Aley, entre autres, réclament vivement. Cela demande de se débarrasser de la loi électorale actuelle dite "loi 1960", à laquelle le Bek est très attaché alors qu'elle est rejetée par tous les partis politiques libanais, toutes tendances et toutes communautés confondues. Cette loi archaïque lui permet, d'avoir un poids politique sans commune mesure avec sa taille politique réel ! D’autre part, libérer la classe politique libanaise, toute entière, aussi bien le 8 Mars que le 14 Mars, qui est actuellement pris en otage par ce leader féodal et communautaire. Il n'est pas normal que Walid Joumblatt soit celui qui a permis au Hezbollah de prendre le pouvoir le 12 janvier 2011 et que personne du 14 Mars n’ait pu émettre la moindre critique à son égard pour des raisons électorales. Il n'est pas normal non plus, qu'on n'arrive pas en 2013 à se débarrasser de la "loi 1960" parce que celle-ci convient au Bek ! Seul le vote intracommunautaire permet, actuellement, et hélas !, d’y parvenir afin que la démocratie au Liban ait enfin un sens, en attendant une meilleure loi électorale, et surtout en attendant l’abolition du confessionnalisme des esprits de tous les Libanais, les druzes compris. Nous sommes encore à des années-lumière et on ne fait rien pour aller dans ce sens.


Post-scriptum
Le numéro 100 n'est pas encore attribué à un article. Il le sera ultérieurement, à un article qui mérite d'être le 100e !