jeudi 13 août 2015

Michel Aoun, ses députés et certains militants du Courant patriotique libre se sont déshonorés pour si peu (Art.305)


Quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent, le 12 août 2015 restera dans les annales libanaises comme une grande journée de déshonneur pour Michel Aoun et le Courant patriotique libre, pour trois raisons.

D’abord, parce qu’elle est le signe d’un fiasco retentissant. Vociférer des menaces tous azimuts, contre le gouvernement et les partis politiques libanais, alors qu’ils n’ont pas été capables de rassembler plus de quelques milliers de sympathisants, relève du don-quichottisme et de ces batailles contre les moulins à vent.

Ensuite, parce qu’elle est la double preuve d’une inconsistance et d’une irresponsabilité caractérisées. Trainer dans la rue pour protester contre « les violations de la Constitution libanaise » et afin de « restituer les droits des chrétiens », alors qu’ils étaient convoqués à la 27e séance place de l’Etoile, pour élire le 13e président de la République libanaise, sachant que le plus haut poste de l’Etat libanais est confié à un Libanais de confession chrétienne (maronite), Michel Aoun et ses députés nous prouvent à quel point ils peuvent être inconsistants et irresponsables.

Enfin, parce qu’elle est la démonstration vivante d’une bassesse morale qui n’a pas sa place au sein d’une nation. Réclamer « le partenariat national » et « la fin de la marginalisation des chrétiens par le harririsme politique », en manifestant sous les banderoles « Les vraies couleurs d’ISIS » et « L’Etat islamique, l’émirat du Liban », deux slogans écrits sur un fond bleu en face du logo du Courant du Futur (parti multiconfessionnel à dominante sunnite, présidé par Saad Hariri, le fils de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri), et les pancartes « ISIS peut aussi porter une cravate », « Pas tous les extrémistes ont une barbe, certains ont le crâne rasé » et « Le Liban comme ils le souhaitent » (inscrit sous un drapeau imaginaire, en remplaçant le rouge par le vert, et en entourant le cèdre du Liban par le croissant islamique et un sabre, en référence à l'Islam et à l'Arabie saoudite), prouvent la bassesse dont sont capables des « losers » et des « frustrés », et pas qu’en politique. Confondre le Courant du Futur et Daech ou considérer Saad Hariri et Tammam Salam comme des extrémistes et des daechistes, relève d’une mauvaise foi flagrante et d’une islamophobie camouflée envers les sunnites. C’est infâme. Wou bala 2al wou 2il, c’est un chrétien maronite, de père et de mère, de père en fils et de génération en génération qui le dit, et je tiens à ce que ça se sache.

Dans un pays normal, il se serait passé deux choses en ce 13 août. D’une part, les sympathisants du Courant patriotique libre qui ne sont pas descendus dans la rue auraient dénoncé avec la plus grande vigueur, les enfantillages des militants aounistes d’hier. D’autre part, les politiques du courant du Futur auraient porté l’affaire devant les tribunaux libanais. Mais, le Liban n’est pas un pays normal, il ne s’est rien passé et il se passera rien, tout le monde fait comme si de rien n’était. Les premiers ne le feront pas, par immaturité politique, afin de rester solidaires de leurs frères, qu’ils soient victimes ou bourreaux. Les seconds n’oseront pas le faire non plus, par maturité politique, afin de ne pas raviver les blessures du clivage islamo-chrétien, comme le souhaite justement certains aounistes.

Il est clair, je n’ai ni les mêmes valeurs, ni les mêmes convictions, que ceux qui se sont déshonorés hier, et pour si peu. J’ai mon Liban, ils ont le leur. Nous partageons le même passeport et le même atmosphère, et c’est déjà beaucoup. Quoi qu’il en soit, je reste persuadé qu’il ne faut pas descendre à leur niveau. Les insultes et le mépris n’ont pas leur place dans un débat politique entre des citoyens civilisés. Sans parler du fait que de telles offenses permettent aux aounistes de jouer sur la « victimisation » et de vendre « l’isolationnisme » auprès des électeurs chrétiens. Face aux dérapages et selon les cas, il faut « zapper, critiquer ou porter plainte ». Les réseaux sociaux nous fournissent des moyens inestimables pour éviter le parasitage des esprits et le nivellement par le bas, le blocage et le bannissement. Le discours et les pratiques politiques doivent demeurer exemplaires. Je me contrains à cela depuis plus 4 ans et 300 articles, même si j’ai toutes les raisons parfois pour ne pas l’être, comme ce fut le cas dans le dernier. C’est vital afin de briser le cercle vicieux qui nous entoure et lutter réellement, et pas d’une manière hypocrite, contre la corruption de la vie politique libanaise par certains, et espérer un jour, une renaissance du Liban. Ce qui n'empêchera pas entre temps, d'être satiriques, sarcastiques et incisifs, avec ceux qui le méritent, bien évidemment.

Réf.
Mercredi 12 août, alors que Michel Aoun est attendu au Parlement, pour élire un président de la République, on le retrouve dans la rue pour protester contre la corruption de la vie politique au Liban (Art.304) Bakhos Baalbaki