Pour ceux qui ont raté sincèrement le chapitre
Samaha, ainsi et surtout, pour ceux qui l’avaient classé déjà, notamment au
sein du 14-Mars, et ce n’est pas la peine de balancer les noms dès la première
phrase de l’article, je dois une remise en mémoire et cette piqure de rappel.
Michel
Samaha est une figure importante du camp qui a défilé sous le slogan « Merci la Syrie des Assad », désigné ultérieurement
par le 8-Mars, lors d’une manifestation
indécente à cette date en 2005, trois semaines seulement après l’assassinat de Rafic Hariri et
de 21 autres personnes, et malgré 29 ans d’occupation du pays du Cèdre par
l’armée syrienne. Il a été pris en
flagrant délit au mois d’août 2012, de préparation d’actes terroristes avec un
arsenal impressionnant, comprenant des grenades, des mines et des revolvers silencieux,
mais aussi 24 charges explosives de TNT, composées de 4 charges de 20 kg et
de 20 charges de 1 à 2 kg. Les premières
bombes, celles de 20 kg de TNT, étaient destinées à commettre des attentats
publics. On en a connu des centaines depuis 1975, dont le double attentat à
la voiture piégée qui a frappé Tripoli en
2013. Ce fut l'attaque la plus sanglante au Liban depuis la fin de la
guerre en 1990. Elle a eu lieu devant deux
mosquées sunnites de la ville, à la sortie de la prière du vendredi. Elle a
fait une cinquantaine de morts et des centaines de blessés. Les leaders alaouites libanais, la famille Eid,
père et fils, qui sont impliqués dans cet acte terroriste, et inculpés svp, sont
actuellement en fuite. A ce qu’il parait, ils se seraient rendus, comme par hasard, chez
le régime alaouite syrien, avec l’aide des services de Sleimane Frangié, le
fidèle des fidèles de Bachar el-Assad, dont Walid Joumblatt en personne, des
politiciens de l’entourage de Saad Hariri, comme Nouhad Machnouk, et même des
journalistes du Futur TV, comme Nadim Koteich, nous vantaient l’utilité de sa
candidature à la présidence de la République, il y a encore quelques semaines. Les secondes bombes devaient servir à
l’élimination ciblée de personnes, par l’explosion de leurs propres voitures.
On en a connu des dizaines de ces actes odieux et lâches, surtout depuis la
seconde indépendance de la Syrie le 26 avril 2005. Ils n’ont touché, comme par
hasard, que des personnalités souverainistes du 14-Mars, anti-Assad, dont l’écrivain
Samir Kassir (tué), le politicien Georges Haoui (tué) et la journaliste May Chidiac (gravement blessée). Il est
intéressant de préciser que les explosifs confisqués chez Michel Samaha sont de
même nature que ceux qui ont visé ces trois personnalités, là aussi, comme par
hasard. Quant aux revolvers silencieux,
ils étaient destinés à la liquidation discrète. Dans tous les cas,
la liste précédente n’était pas exhaustive, comme l’a dit le terroriste
lui-même : « Quand je monterai
(en Syrie), j’en ramènerai encore ».
Grâce à des vidéos enregistrées à l’insu de Michel Samaha et aux aveux propres du
chef de projet terroriste lui-même, les Libanais ont eu accès pour la
première fois de leur histoire tragique, à la « tête » d’un de ces terroristes
qui ont ensanglanté le Liban et endeuillé ses citoyens 1001e fois en 40 ans de
guerre. On comprend de ces vidéos et aveux, qui vous glacent le sang, que Bachar el-Assad, le chef du régime syrien,
a dû donner l’ordre à Ali Mamelouk, le responsable syrien de la sécurité du régime,
et à Michel Samaha, sbire libanais du régime, de préparer 4 grands attentats
terroristes au véhicule piégé au Liban et d’assassiner plus d’une vingtaine de
personnalités libanaises. L’objectif
syrien était triple.
Primo,
éliminer physiquement les personnes gênantes, « tous
ceux qui entravent le régime syrien » au Liban, comme l’a déclaré
Samaha lui-même. Dans les enregistrements, Samaha accuse d’ailleurs l’armée
libanaise de couvrir le trafic d’armes entre le Liban et la Syrie et traite de
« fils de pute », le
président de la République libanaise, Michel Sleimane, et le Premier ministre,
Najib Mikati. En tout cas, c’est dans ce
cadre précis qu’il faut se remémorer les
déclarations de Sleimane Junior, deux semaines seulement après l’assassinat du
chef des Renseignements libanais des FSI en octobre 2012. « Pourquoi Imad Moughnieh n'est pas considéré comme un martyr alors
qu'il est mille fois plus important que Wissam el-Hassan?... Peut-être il (Hassan)
a été tué à cause de l'arrestation de Samaha (deux mois et demi auparavant)...
c'est peut-être Israël... La Syrie a mille raisons de tuer Wissam el-Hassan...
c'est la règle du jeu pour qui se mêle de la sécurité, notamment en ce qui
concerne la chute du régime syrien ». Une chose est donc sûre et certaine, Wissam el-Hassan était en haut de la liste
de ceux qui entravent le régime syrien au Liban, puisque c’était lui qui avait
procédé au démantèlement de la cellule terroriste syrienne de Michel Samaha.
Secundo,
semer la terreur au Liban. Michel Samaha dit dans un des enregistrements, « Ils (les Syriens) avaient préparé une
livraison (explosifs) qui demandait un van ». C’est pour dire l’ampleur
du projet terroriste concocté par Bachar el-Assad pour le Liban. Les attentats prévus par les terroristes
libano-syriens visaient en priorité les rassemblements sunnites libanais et syriens
au Nord-Liban, même si cela devait passer par l’assassinat de civils lors des repas de ramadan (de toutes
confessions mais, comme le précise le chef de projet terroriste, « ils (la tyrannie alaouite des Assad) ne
veulent pas que des Alaouites (soient tués) »), de députés de la nation, dont Khaled el-Daher, et d’hommes religieux (comme il dit, « tant pis pour eux, comme ça, ils n’assisteront plus (aux iftars) »),
dont le mufti sunnite de Tripoli et du
Liban-Nord, Malek Chaar. Le projet criminel
de Bachar el-Assad visait aussi le patriarche maronite, Bechara Raï, lors
de sa visite de cette région mixte du nord, où cohabitent des communautés
sunnites et chrétiennes.
Tertio,
installer la discorde entre les Libanais, en déclenchant des troubles
confessionnels au Liban, entre les Sunnites et les Chiites, mais aussi entre
les Musulmans et les Chrétiens, dans le but de justifier la propagande de
la tyrannie des Assad et du Hezbollah, mise en place depuis le début de la
révolte syrienne en 2011, prétendant que le régime alaouite syrien et la milice
chiite libanaise combattent les djihadistes sunnites libano-syriens, qui visent
sans distinction les Libanais et les Syriens.
Toujours est-il qu’à la surprise générale et
malgré des faits accablants pour Michel
Samaha, la peine judiciaire contre le chef libanais du projet terroriste
syrien, n’a été que de 4 ans et demi de prison. Il n’empêche que ce
Corleone à 5 piastres est pourtant bel et bien condamné par le Tribunal
militaire d’avoir projeté « mener des
actions terroristes au Liban et d'appartenir
à un groupe armé ». Ali Mamelouk n’a pas répondu à l’appel de la justice
libanaise et Bachar el-Assad n’a jamais été entendu dans cette affaire
criminelle alors qu’il en est le principal instigateur. Vous trouverez tous les détails sur ce dossier, comprenant les
vidéos accablantes et leur transcription, dans l’article que j’ai rédigé à ce sujet au mois de mai, à l’annonce du verdict
allégé contre « l’homme aux figues de Barbarie ». Tout un destin.
Parlons peu, parlons bien. Je l’ai dit à
l’époque, je persiste, je signe et je vais même plus loin.
1. L’essentiel
n’est pas dans la peine prononcée, élément qui est de toute façon subjectif,
mais dans la condamnation explicite et
sans appel de Michel Samaha pour « terrorisme » et sa déchéance de
ses « droits civiques ». Donc, la question aujourd’hui est de savoir qui
des politiciens du 8-Mars osera encore s’afficher aux côtés d’un « terroriste »
officiellement reconnu, titre décerné par la juridiction militaire ? Rappelons aussi
dans ce cadre, tout à l’honneur du Tribunal militaire, que même s'il n'a pas été entendu, le juge d’instruction avait requis en février 2013 la
sentence maximale, la peine de mort, contre le maitre d’œuvre terroriste
car « Michel Samaha avait l'intention de
faire usage des explosifs saisis dans sa voiture (...) mais les attentats n'ont
pas eu lieu pour des raisons indépendantes de sa volonté ». Nuance.
2. La bataille est loin d’être terminée. Il
faut continuer à faire pression pour que
le jugement de Michel Samaha, qui est cassé en appel, soit revu et corrigé, afin que la sentence finale soit alourdie.
3.
C’est à la communauté chiite libanaise et au Hezbollah, d’être le plus révoltés
par la condamnation allégée de Michel Samaha et c’est à eux qu’il revient
de réclamer le plus, l’alourdissement de la peine. Si le projet terroriste
libano-syrien avait pu être exécuté, notamment dans son volet anti-sunnite,
c’est le Hezbollah qui aurait été accusé en premier, comme pour Rafic Hariri, et
c’est la communauté chiite qu’on aurait blâmée en second, de soutenir
massivement et sans réserve le parti chiite.
4. Qu’on ne se trompe pas de cible. Le problème n’est pas dans le caractère «
militaire » de ce tribunal d’exception, ou même dans le fait qu’il serait sous
l’influence du Hezbollah, autant qu’il
est dans les « pressions » exercées sur ceux qui sont censés rendre justice dans notre pays,
qu’ils soient civils ou militaires. Et comme les premiers sont forcément plus
sensibles à ces pressions que les derniers, je suis contre l’abolition hâtive et irréfléchie du Tribunal militaire réclamée
par certaines personnes impulsives, comme Okab Sakr par exemple, qui ferait
mieux de rester sur son vœu de silence. Dans l'état actuel des choses, un
tribunal civil pourrait faire pire au Liban ! D'ailleurs, il faut savoir que le président de l'autorité pénale de la Cour de cassation militaire qui a ordonné la libération de Michel Samaha, Tany Lattouf, et qui faisait pression sur les autres juges dans ce sens, est le seul civil d'un groupe de cinq personnes. Le pays n’étant pas encore prêt, il
faut plutôt chercher à réformer le Tribunal militaire plutôt qu’à le supprimer.
5. Cette
condamnation et cette libération ont l’immense mérite de souligner la
difficulté de rendre justice avec
justesse dans nos contrées d'Orient et de
clore définitivement le débat sur l’utilité du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL). Si le
14-Mars n’avait pas réussi à imposer une enquête internationale, les cinq
membres du Hezbollah poursuivis par le TSL pour le meurtre de l’ancien Premier
ministre du Liban, Rafic Hariri, et de 21 autres personnes, et élevés par la
milice chiite au rang de « saints », se promèneraient sur la corniche
de Raouché et donneraient aujourd’hui des conférences sur « l’héroïsme de
la résistance » aux quatre coins du Liban.
6. La
libération de Michel Samaha devrait mettre un terme à l’abjection de la
candidature de Sleimane Frangié. Pour bien comprendre pourquoi, il faut remonter au 6 mai
2015. Une semaine avant le verdict allégé sur Michel Samaha, Walid Joumblatt avait révélé devant le
TSL et sous serment, que l’homme qui allait devenir quelques mois plus tard, le
candidat chouchou de Joumblatt, Hariri, Koteich et quelques politiciens du
Futur, s’était comporté après l’assassinat de Rafic Hariri en 2005, comme un « chef
de gang menaçant ». On
sait aussi, que Sleimane Frangié pourrait
être impliqué dans l’évasion des Eid, chez les Assad, après le double
attentat qui a frappé les deux mosquées de Tripoli à l’été 2013. Le beik de Zgharta avait même trouvé des
justifications à l’assassinat de Wissam el-Hassan en 2012 (voir la
déclaration plus haut).
Pire encore, moins d’une semaine après l’arrestation
de Michel Samaha le 9 août 2012, Sleimane
Frangié, qui a été le premier pôle du 8-Mars à briser le silence de ce camp
après la mise au grand jour du projet terroriste libano-syrien, ne savait plus quoi inventer pour
innocenter son « ami » et
son « frère », Bachar
el-Assad, et dédouaner Michel Samaha. « Mais
enfin, la Syrie n’a-t-elle pas d’autres personnes que Michel Samaha pour le
charger de mettre des explosifs dans les régions (libanaises) ?... L’histoire
de Samaha vise peut-être à retourner les Chrétiens contre le régime syrien ».
Alors que le terroriste Samaha avait avoué qu’une des bombes devait viser le
patriarche de la communauté chrétienne maronite, Bechara Raï, lors de sa visite
dans le Akkar (région sunnite-chrétienne, et ceci dans le but d’accuser les
Sunnites), Sleimane Frangié a eu le culot de rajouter, « je crains pour la vie du patriarche Raï et je rends les services
de sécurité, Achar Rifi (chef des Forces de sécurité intérieure) et Wissam
el-Hassan (chef des enseignements des FSI) responsables dans ce domaine (sur sa
vie) », sachant que ce sont Achraf Rifi et Wissam el-Hassan précisément
qui ont empêché Michel Samaha de mettre en œuvre le projet terroriste syrien de
Bachar el-Assad. Le délire ! Rajoutez à cela, que le président de l'autorité pénale de la Cour de cassation militaire, Tany Lattouf, qui a ordonné la libération de Michel Samaha est, comme par hasard, originaire de la région de Zgharta, comme Sleimane beik. Et ce n'est pas tout, alors que la Cour qui est composée de cinq juges, était divisée à ce sujet, il parait que c'est lui, le seul civil, qui s'est montré fervent partisan de cette remise en liberté du "conseiller" de Bachar. Enfin, tout cela pour souligner à quel point Sleimane Junior est fidèle à la tyrannie des Assad.
Or, qui connait bien le Liban sait que le scandale Samaha est avant tout une
affaire de « pressions » et non de Tribunal militaire. Pour que les pressions soient efficaces et
produisent les effets escomptés, il faut qu’elles émanent de
« fidèles » qui font partie des rouages du pouvoir. Et nous voilà
au cœur du problème. Je ne rentrerai pas dans le jeu, « qui est proche de
qui » au sein du tribunal militaire, pour moi toute la campagne contre le Tribunal militaire est un hors sujet. Mais, aujourd’hui, comme beaucoup de
Libanais, je me pose une question toute simple : à quoi s’attendent les défenseurs zélés de la candidature de Sleimane
Frangié -de Walid Joumblatt à Nadim Koteich, en passant par Saad Hariri et
Nouhad Machnouk- en plaçant à la tête de
l’Etat libanais, « un chef de gang
menaçant », qui se considère comme le « frère » du tyran de Damas et qui ne forme « qu’une seule personne avec Hassan
Nasrallah », qui a accablé Wissam el-Hassan et dédouané le duo Assad-Samaha dans le scandale des 24 charges explosives
? Je vais vous le dire à quoi. A une
République bananière, dominée par la tyrannie des Assad et la milice du
Hezbollah, où l’on regrettera un jour, « l’impitoyable sentence »
prononcée contre un dénommé Michel Samaha. Pathétique.
7. Allons plus loin. On nous dit que Samir Geagea, chef du
parti des Forces libanaises, qui boxe dans la catégorie des « poids lourds »,
est sur le point de retirer sa candidature à la présidence de la République
libanaise afin de soutenir celle de
Michel Aoun, l’ex-chef du Courant patriotique libre, un autre « poids
lourd ». L’objectif étant double, coincer le Hezbollah, en prouvant à
Michel Aoun que son allié ne veut pas de lui, et rendre la candidature de
Sleimane Frangié, qui boxe dans la catégorie des « poids mouches »,
caduque. Aujourd’hui, avec
la libération de Michel Samaha, Samir Geagea n’a plus besoin de ce
procédé tarabiscoté pour parvenir à ses fins. Et comment peut-il en être autrement ? On
s’offusque de la libération du « conseiller » de Bachar el-Assad, qui
de toute évidence aura à l'avenir un rôle marginal à jouer après avoir démontré qu'il n'est qu'un tocard, mais on s’agite
pour mettre à la tête de l’Etat libanais, le « frère » du tyran de Damas, qui n’a jamais raté
une occasion pour voler à la rescousse du régime syrien, et qui a fourni, à en
croire Achraf Rifi, le ministre libanais de l’Intérieur, des armes aux milices libanaises
alaouites de Tripoli. Ça ne tient pas la route. Michel Aoun et Sleimane Frangié apparaissent aujourd'hui comme des dommages collatéraux de la libération de Michel Samaha. La présidence de la République ne peut pas aller à quelqu'un du 8-Mars sous aucun prétexte.
Ce grain de délire, que Geagea allait soutenir Aoun, a émergé dans les esprits de ceux au sein des Forces libanaises qui voulaient se venger de Saad Hariri, de les avoir poignardé dans le dos avec la candidature de Frangié, et ceux au sein du Courant du Futur, qui voulaient rendre la trahison des principes du 14-Mars et leur choix de Frangié plus acceptables. La candidature du beik de Zgharta est morte, non de sa belle mort mais parce qu’elle était un projet abject, mort-né dès le départ. La libération de Samaha est venue nous le rappeler amèrement. Celle-ci devrait a priori, remettre les pendules des hommes politiques libanais à l'heure. Affaire à suivre.
Ce grain de délire, que Geagea allait soutenir Aoun, a émergé dans les esprits de ceux au sein des Forces libanaises qui voulaient se venger de Saad Hariri, de les avoir poignardé dans le dos avec la candidature de Frangié, et ceux au sein du Courant du Futur, qui voulaient rendre la trahison des principes du 14-Mars et leur choix de Frangié plus acceptables. La candidature du beik de Zgharta est morte, non de sa belle mort mais parce qu’elle était un projet abject, mort-né dès le départ. La libération de Samaha est venue nous le rappeler amèrement. Celle-ci devrait a priori, remettre les pendules des hommes politiques libanais à l'heure. Affaire à suivre.