samedi 5 novembre 2011

Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde (suite). Réponse du bureau de presse de Nicolas Sehnaoui. Réponse au bureau de presse de Nicolas Sehnaoui (Art.44)


Suite à la publication le 21 octobre dans L'Orient-Le Jour de mon article "Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde", le bureau de presse du ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, a adressé au journal une réponse détaillée à mes critiques. Dans un esprit démocratique, je poste après ma réponse, l'adresse du lien et le texte intégral pour celles et ceux qui seraient intéressés.

4 remarques sur les points abordés par le ministre des Télécoms:

1. Il ne suffit pas de recourir à quelques termes techniques pour avoir raison. Heureusement! Et parce que le meilleur moyen pour dérouter le citoyen du chemin de la vérité c'est de l'assommer par les détails, je vais tenter de simplifier au maximum.
Si la technologie LTE-Advanced est "en cours de finalisation" comme le précise le bureau du ministre, ce n'est absolument pas le cas pour la 3,9G! Or, celle-ci, qui se base aussi sur la technologie LTE (Long Term Evolution), est assimilée de facto par les professionnels du secteur à la 4G, on parle même de la 3,99G (voir réf. TeliaSonera). D'ailleurs, selon une étude d'ABI Research -une entreprise américaine spécialisée dans les nouvelles technologies qui fournit des analyses sérieuses aux décideurs- "4G Subscriber, Device and Networks Market Data", 12 services mobiles en très haut débit utilisant la technologie LTE étaient activés dans le monde au printemps dernier!
Dans tous les cas, même si les normes 3,5G et 3,75G sont des évolutions logicielles ou des variantes (HSPA) de la norme 3G (UMTS), le problème n'est pas là! Il faut savoir qu'avec la 3,9G -la 4G de facto- on change carrément de norme: on quitte celle dite HSPA pour passer à la LTE. Et ceci a des conséquences car contrairement à la 3,5G & 3,75G qui utilisent la même couverture radio que la 3G de base, la LTE (3,9G) nécessite une couverture radio dédiée, d'où dépenses publiques et privées supplémentaires.
Si on veut résumer tous ces détails techniques ennuyeux et bien disons que tout est une question de "débit": plus le débit est élevé, plus il sera possible de regarder une vidéo (ou faire une vidéoconférence) et une émission TV confortablement sur son portable tout en bougeant bien entendu et sans proférer des jurons contre le ministre des Télécoms! Pour simplifier l'exposé davantage, sachez qu'au Liban nous plafonnerons, on n'y est pas encore, à 3,75G! Cette génération offre des débits théoriques maxi de 14 Mbps. Et même l'amélioration promis, HSPA+, ne permettra d'aller que vers un débit de 22 Mbps. En revanche, la 4G de facto, qui se base sur la norme LTE, permet d'obtenir un débit de 100 Mbps!
Enfin, je rappelle au ministre que la 1re communication dans la norme 3,5G en France fut réalisée en juin 2006 et dans la norme 3,75G en sept 2007 et que TeliaSonera, le grand opérateur suédois-finlandais, commercialise les offres utilisant la norme LTE (4G) en Suède et en Norvège depuis le 14 décembre 2009!
Donc notre retard existe bel et bien et il demeurera! Les variantes de la 3G en cours de déploiement au Liban, qui ne dépassera pas la 3,75G pour un bout de temps, est une marchandise périmée ou en cours de l'être!

2. Pas de commentaire particulier sur le 2e point. On jugera ultérieurement les vitesses de connexion sur le terrain!

3. Combien même, cela ne change rien. La baisse de 80% des prix ne concerne qu'une minorité de clients, ceux qui avaient le plan maxi à l'époque de 1 Mbps à 115 000 LL/mois! La majorité de la population libanaise n'a pas connu cette importante baisse, annoncée fièrement par Nicolas Sehnaoui.

4. Il n'a pas échappé aux services du ministère que si j'ai détaillé le cas du Maroc, c'est justement pour éviter l'argumentation rachitique que "La France serait un pays mature où la demande se caractérise par un pouvoir d’achat élevé, ce qui permet à l’opérateur d’allier faisabilité économique et bas prix". Or, je constate avec grand étonnement que le ministre n'a même pas jugé utile ne serait-ce que de commenter les faits que la population libanaise soit obligée de payer 100 $ de plus par mois par rapport à la population marocaine pour bénéficier d'une connexion internet à 8 Mbps et pourquoi nous devons nous résigner à accepter de débourser 28 $/mois au pays du Cèdre pour 1 misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, alors que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 $/mois!
Enfin, je termine par le meilleur, quant au fait que "le Liban se situe d’ores et déjà dans la moyenne supérieure de la région ainsi que dans la moyenne de l’OCDE (pour l’usage faible et 30 % au-dessus pour l’usage fort)"… C'est une allégation pour le moins farfelue de la part du ministère des Télécoms! Le taux de pénétration de l'Internet en Europe est de 58% de la population en moyenne. Plus précisément, il est de 35% en Roumanie, 44% en Albanie et en Turquie, 70% en France, 80% en Allemagne, 92% en Suède et 97% en Iceland! En revanche, il est seulement de 29% au Liban. Bien sûr, on peut frimer devant la Jordanie (27%), la Syrie (20%), le Yemen (10%) et l'Irak (3%), mais pas devant le Maroc (41%), l'Iran (47%), la Palestine (54%) et Israel (70%)! Sur le continent européen, nous ne pouvons frimer que devant le Kosovo uniquement (21%). Désolé qu'il en soit ainsi!

Hélas, dans le domaine de la téléphonie et de l'internet, je persiste et je signe, n'en déplaise au ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, le Liban demeure un pays du tiers-monde et loin derrière SVP. Il n'y a donc pas de quoi pavoiser!

Ma haute considération à Monsieur le Ministre!

Réf.

Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde
Bakhos Baalbaki - L'Orient-Le Jour 21 octobre 2011 (sur abonnement)
http://www.lorientlejour.com/category/Opinions/article/728092/Telephonie_et_Internet+%3A_le_Liban__demeure_un_pays_du_tiers-monde.html

Nicolas Sehnaoui : la montagne qui accouche d'une souris !
Bakhos Baalbaki - Version complète de l'article publié dans L'Orient-Le Jour
https://www.facebook.com/note.php?note_id=247110842006425

Téléphonie et Internet : le Liban dans la moyenne OCDE
Bureau de presse du ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui
L'Orient-Le Jour 5 novembre 2011
http://www.lorientlejour.com/category/Opinions/article/730475/Telephonie_et_Internet+:_le_Liban_dans_la_moyenne_OCDE.html

4G Subscriber, Device and Networks Market Data
ABI Research - This market data contains regional, as well as selected country-level segmentation for the 4G market, including mobile WiMAX (802.16e and 802.16m) and LTE (LTE and LTE-Advanced)
http://www.abiresearch.com/research/1004252

TeliaSonera first in the world with 4G services
TeliaSonera 14 December 2009 - Today, as the first operator in the world, TeliaSonera launches 4G services commercially to customers in Stockholm, Sweden and Oslo, Norway.
http://www.teliasonera.com/media/press-releases/2009/12/teliasonera-first-in-the-world-with-4g-services/

Internet Usage in Europe
http://www.internetworldstats.com/stats4.htm

Internet Usage in the Middle East
http://www.internetworldstats.com/stats5.htm


OPINIONS 

Téléphonie et Internet : le Liban dans la moyenne OCDE
Bureau de presse du ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui
L'Orient-Le Jour 5 novembre 2011
http://www.lorientlejour.com/category/Opinions/article/730475/Telephonie_et_Internet+:_le_Liban_dans_la_moyenne_OCDE.html


À la suite de l’article intitulé « Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde » paru dans L’Orient-Le Jour du 21 octobre, nous avons reçu du bureau de presse du ministre des Télécommunications la réponse suivante :

N’en déplaise aux esprits chagrins qui ne veulent pas l’admettre, le Liban est bel et bien en train de se doter d’une infrastructure moderne de télécommunications (fibre optique et 3.75G). Dans l’opinion parue dans L’Orient-Le Jour du 21 octobre, M. Bakhos Baalbacki vogue sur la méconnaissance du grand public en matière de télécommunications.

Premièrement : « Alors que le monde passe progressivement à la 4G, on nous fourgue la 3G. »
Plutôt que d’ironiser sur les réalisations du ministère des Télécommunications, l’auteur de cette opinion aurait mieux fait de se renseigner : la 4G est un nouveau standard de téléphonie mobile encore en cours de finalisation. Aucun mobile, terminal ou modem utilisant le standard baptisé « LTE-Advanced » n’est opérationnel à cette date dans le monde. Le déploiement des premiers réseaux commerciaux 4G est attendu pour 2015 voire 2016. Ce qui a été lancé en 2010 en Finlande et en Suède, c’est le réseau mobile au standard LTE qui est une évolution du standard 3G, et plus particulièrement une amélioration du standard HSPA+ en cours d’installation au Liban. Le passage de la HSPA+ au LTE se fera par une mise à jour logicielle sans changement majeur au niveau matériel (et donc pas de gaspillage des deniers publics annoncé par l’auteur). Ce passage se fera tout naturellement dès que le HSPA+ sera déployé entièrement sur le territoire libanais et, surtout, dès lors que les appareils mobiles, les terminaux et les modems supportant le standard LTE auront atteint une masse critique pour être commercialisés, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement. Le saut technologique est donc bien réel pour les usagers libanais qui passent de la 2.75G (GSM/GPRS/EDGE) sur les réseaux mobiles à la HSPA+ (soit 3.75G). Une avancée qui place le Liban dans le peloton de tête régional. Pour des raisons de montée en puissance progressive, la 3G démarre dans un mode 3.5G (21 Mbps théoriques) et passera l’été prochain au mode 3.75G (42 Mbps théoriques). Quant aux vitesses de 1 000 Mbps évoquées par M. Baalbacki, il faut savoir qu’elles ont été atteintes uniquement en laboratoire et qu’aucun usager de la planète ne les verra avant plusieurs années.

Deuxièmement : « Alors que le ministre annonce des débits théoriques allant jusqu’à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbps et 2 Mbps. »
Nous sommes au tout début d’un nouveau déploiement de réseau 3G/HSPA+. Le processus dure un minimum de temps avant que la vitesse de croisière ne soit atteinte. À l’heure actuelle, la couverture 3G/HSPA+ concerne les villes principales afin d’assurer une couverture nationale identique à celle de la 2.75G (GSM/GPRS/EDGE). L’achèvement de cette étape, prévue pour la fin février 2012, nécessitera à son tour une action d’optimisation afin de rendre cette couverture conforme aux standards internationaux. Après l’achèvement de la couverture du nouveau réseau 3G/HSPA+, vient la phase dite de densification au cours de laquelle la capacité des stations de radiotransmission sera augmentée afin de répondre aux besoins croissants en vitesse et en consommation des abonnés. Ce mode opératoire est tout à fait comparable à tous les déploiements de la 3G qui ont eu lieu dans le monde. On ne peut pas aller plus vite que la musique. Au lieu d’attaquer le ministère, l’auteur aurait mieux fait de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les Libanais ont été si longtemps privés de ces nouvelles technologies.

Troisièmement : « On est loin des 80 % (de baisse des prix) annoncés fièrement. »
Cette affirmation est tout simplement fausse. Pour l’étayer, l’auteur détaille la comparaison qu’il a effectuée entre l’offre commerciale d’un fournisseur de services Internet privé (pour lequel la nouvelle grille tarifaire ne s’impose pas), et la nouvelle offre tarifaire du ministère des Télécoms définie par le décret 6 957 en vigueur depuis le 1er octobre 2011. L’honnêteté dicterait en effet de comparer les tarifs du ministère – qui servent de référence à ceux du marché – avant et après le nouveau décret. Ce tarif réalise bien une baisse de 80 % des prix comme l’atteste le premier plan de 1 Mbps du nouveau décret qui est tarifé à 24 000LL contre 115 000LL avant le 1er octobre. Quant au fait qu’à ce jour seuls 30 % des Libanais ont reçu le upgrade à 1 Mbps, il est dû à l’incompétence et à l’obstruction systématique pratiquée par certains relais de l’administration publique, malheureusement appuyés par certains courants politiques. Le ministre se promet en tous les cas de dévoiler les dessous de cette bataille de l’ombre une fois que le upgrade aura atteint tous
les Libanais.

Quatrièmement : des comparaisons trompeuses avec les tarifs en France et au Maroc.
Cette comparaison est également biaisée et inexacte. Rappelons par exemple que la France est un pays mature où la demande se caractérise par un pouvoir d’achat élevé, ce qui permet à l’opérateur d’allier faisabilité économique et bas prix. Une petite explication est nécessaire. En matière de fibre optique, il faut distinguer deux étapes : la première consiste à relier tous les centraux téléphoniques par de la fibre, une étape franchie par tous les marchés matures ; et la deuxième consiste à faire parvenir la fibre à tous les foyers (phase communément appelée FTTX), une étape que la quasi-totalité des marchés matures n’ont toujours pas franchie (hormis quelques expériences de pointes comme celle de la ville de Stockholm que le ministère des Télécoms suit de près). En France par exemple, seuls 3 % des foyers sont reliés par fibre. La première étape, soit l’installation de la fibre reliant tous les centraux, sera achevée au Liban en octobre 2012. Cette étape, doublée d’un équipement du réseau en VDSL2, est nécessaire pour faire passer la vitesse à plus de 20 Mbps pour les abonnés. C’est également cette disponibilité de l’offre (vitesse et capacité) qui détermine une augmentation de la demande et une diminution des prix.
Il n’est donc pas question de prétendre que le Liban est le pays le plus compétitif en termes de prix. Une telle évolution prend du temps. Mais le Liban se situe d’ores et déjà dans la moyenne supérieure de la région ainsi que dans la moyenne de l’OCDE (pour l’usage faible et 30 % au-dessus pour l’usage fort), comme l’atteste l’étude publiée par l’Autorité de régulation des télécoms vendredi 4 novembre.