Lara Fabian avait choisi de se produire au Liban à l'occasion de la Saint Valentin, la fête des amoureux et cette 1re bonne occasion de relancer la consommation après les fêtes de fin d'année. Mais sa venue au pays du Cèdre n'était pas du goût de tout le monde,
notamment d'un mystérieux groupe qui mène une "Campagne pour boycotter
les supporters d'Israël au Liban". Celui-ci affirme, que d'après "ses
recherches", SVP c'est très sérieux!, il semblerait qu'elle ne soit pas
neutre à l'égard d'Israël, ce qui justifierait l'appel à son boycott.
Dans les faits, c'est plus que sérieux, la chanteuse belge a reçu des
menaces. C'est ce qui l'a poussé à annuler ses concerts et à adresser
une "lettre d'Amour" aux libanais.
Ceux qui ont appelé au boycott, et ils avaient le droit de l'exprimer en toute démocratie, ne pouvaient pas ignorer que ce genre d'appel, assorti de menaces à en croire l'artiste, dans un pays comme le Liban, au sujet d'Israël, conduit automatiquement ou presque à l'annulation de l'événement visé, sans s'enquiquiner par une quelconque démarche judiciaire ou même administrative. Et ça, c'est pas démocratique.
Oui on peut reprocher à Lara Fabian d'avoir participé au 60e anniversaire de la création d'Israël à Paris, et d'avoir exprimé son attachement à l'Etat hébreux par un retentissant "je t'aime Israël", sans en dire un seul mot aux millions de palestiniens qui au même moment fêtaient le 60e anniversaire d'Al-Nakba (La catastrophe). Mais peut-on sérieusement appeler à son boycott pour cela ou parce qu'elle a chanté en hébreu et fait un duo avec la chanteuse israélienne Noa lors de ce fameux concert de plein air qui s'est déroulé le 25 mai 2008 dans les jardins du Trocadéro? Ces boycotteurs à la mémoire sélective auraient mieux fait de s'inquiéter de l'attitude de Nicolas Sarkozy ce jour-là, qui s'est rendu à ce concert en compagnie de Tzipi Livni -la ministre israélienne des Affaires étrangères et au cœur de pierre- qui avait même souligné par l'intermédiaire de Rama Yade -la secrétaire d'Etat française aux Droits de l'Homme- "le lien indéfectible" qui unit la France à Israël et que moins de deux semaines après, le 7 juin précisément, le président français était reçu en grande pompe à Beyrouth! A propos de ce dernier, je ne peux pas m'empêcher de penser aussi à ce meeting électoral organisé par Nicolas Sarkozy en 2007 avec les ressortissants franco-libanais au ministère français de l'Intérieur, où le candidat Sarkozy avait exprimé à plusieurs reprises qu’il est "un ami d'Israël". Rappelons également pour être juste, qu'au printemps 2008, a eu lieu à Paris le Salon du livre, et cette année-là Israël était l'invité d'honneur, que l'appel au boycott des écrivains, organisations et pays arabes, dont le Liban (nous étions sous gouvernement Siniora!), n'a pas eu l'ombre d'un effet et que ce salon a non seulement eu lieu, il a même été inauguré par le président israélien Shimon Pérès et qu'une fois de plus on a eu la magnifique démonstration que seuls les absents ont toujours tort.
Le boycott d'Israël est un mode d'action qui a été mis en œuvre par la Ligue arabe en 1951 à travers le Bureau du boycott. Il existe officiellement et officieusement 4 niveaux de boycott: ça va de l'interdiction de tout échange direct avec Israël (le boycott primaire) à l'interdiction de toute relation avec des entreprises dont les dirigeants seraient des "soutiens d'Israël" (le boycott quaternaire). Cela a plus ou moins bien fonctionné jusqu'à la fin des années 70 et s'est dégradé progressivement ensuite. Aujourd'hui même l'Arabie saoudite mit fin théoriquement à son programme de boycott en 2005, excepté pour le boycott primaire, pour respecter les règles de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et surtout éviter des représailles des États-Unis et de certains pays européens, comme la France et l'Allemagne, dont les législations interdisent le boycott arbitraire de pays amis non décidé par l'ONU. Eh oui, on a changé d'époque. Et comment! Tenez que pensent par exemple nos boyscouts de boycotteurs d'Esfandiar Rahim Mashaïe, le conseiller du président iranien et chef de son cabinet, qui a accompagné Ahmadinejad lors de sa dernière visite au Liban et qui a déclaré un jour, il n'y a pas si longtemps que ça : "Aujourd'hui, l'Iran est ami avec les peuples américain et israélien. Aucun pays au monde n'est notre ennemi".
Le boycott de Lara Fabian peut être considéré comme un boycott quaternaire (et encore, la chanteuse belge est présumée "soutien d'Israël"!), un niveau d'action qui n'est plus vraiment en usage sauf au Liban, en Syrie et en Iran! Wlak niyyél albna, quel beau destin relie les 3 pays!
Au-delà de l'affaire Lara Fabian, ce qui me dérange dans le boycott culturel d'Israël ce sont deux choses principalement. D'une part, le fait que c'est toujours la culture au Liban qui en pâtit et non celle d'Israël. D'autre part, c'est l'incohérence et l'inconsistance de ce mode d'action, avec ce qui se passe dans la réalité au niveau politique et commercial.
Comment peut-on encore feindre d'ignorer les contacts diplomatiques et commerciaux, discrets ou 3ala 3aynak ya téjir, directes et bilatéraux entre d'un côté Israël et de l'autre côté, la Palestine, la Turquie, la Syrie (en passant par le Golan), l'Egypte, la Jordanie, le Qatar, le Bahreïn, Oman, la Tunisie et le Maroc? Sur le plan diplomatique, rien ne se fait plus en cachette, et je ne donnerai qu'une image pour le montrer ô combien frappante celle de l'émir du Qatar Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani serrant la main de Tzipi Livni, encore elle, actuellement chef du Kadima, le parti d'Ariel Sharon, info que la chaine qatarie Al-Jazeera n'a évidemment pas jugé utile de diffuser. Sur le plan commercial je ne donnerai aussi qu'une info, liée à la précédente, ô combien parlante, celle des Qatariens et des Israéliens discutant de l'exportation de gaz naturel liquide du Qatar à Israël.
Et comme si le Qatar faisait cavalier seul! Un petit détour par la Turquie d'Erdogan est fort intéressant. Faut-il rappeler à ces boycotteurs amnésiques que la Turquie et Israël ont signé deux accords de coopération militaire et d'échanges de haute technologie, que Tsahal est autorisé à utiliser l'espace aérien et maritime turc pour ses entraînements militaires et que les échanges commerciaux entre les 2 pays s'élèvent, tenez-vous bien, à 3,1 milliard $ (par comparaison les échanges entre la France et la Turquie sont seulement de 3,2 milliards $!)? La Turquie est le 9e client d'Israël et son 10e fournisseur (toujours par comparaison, la France est le 10e client d'Israël et son 12e fournisseur). Bref, ce ne sont pas les gesticulations théâtrales d'Erdogan après l'incident de la flottille humanitaire turque au large de Gaza (mai 2010) ou l'accueil folklorique des opposants syriens sur le sol turc (mars 2011) qui feront oublier que la Turquie est une plaque tournante pour diffuser les produits israéliens sur les marchés arabes. C'est ce qui explique l'importance des échanges commerciaux entre les deux pays.
Encore quelques incongruités pour montrer le ridicule de l'action de ce groupe de militants. Doit-on préciser à ces boycotteurs naïfs que la République islamique d'Iran n'a pas hésité une seconde à acheter des armes américaines en passant par Israël quand elle s'est sentie en mauvaise posture face à l'armée irakienne en 1986 (le scandale de l'Irangate), que Sobhi Al-Toufayli l'ex Hassan Nasrallah vient tout juste d'avouer, il y a quelques jours sur la chaine libanaise MTV, qu'il aurait entendu de certains milieux proches du Hezbollah que le choix d'une alliance avec Israël face à l'Oumma sunnite pourrait être envisageable, que les réserves iraniennes de change sont en monnaie de Satan, dollar américain (le FMI les estime à près de 100 milliards $... plus de 10% du PIB!), le plus fidèle "soutien d'Israël" de tous les temps, que les composantes électroniques qui équipent les ordinateurs de leur groupe de boycott, du Hezbollah et même du régime iranien, sont peut être fabriquées dans les usines israéliennes d'Intel, que marbre iranien, arak libanais et cosmétiques syriens sont retrouvés sur les marchés israéliens sans mention d’origine par l'intermédiaire de la Turquie et de la Grèce (d'après la Chambre de commerce France-Israël), que le diamant poli, un produit israélien phare, se retrouve sur les marchés arabes et que Dubaï joue même le rôle d’intermédiaire pour le réexporter vers l’Iran (sans étiquette d’origine), que des logiciels israéliens de surveillance d'Internet sont vendus à l'Iran (via le Danemark pour le reconditionnement… info de l'agence Bloomberg), qu'Israël a contribué à la construction des îles Palmiers à Dubaï par l'intermédiaire d'une société italienne (révélation récente de Haaretz), et cætera, etcétéra, etc.
Et à peine on a fini avec l'artiste belge, on s'est attaqué à MTV. Après un sketch de mauvais goût, voilà que maintenant on appelle au boycott de la chaine libanaise sous prétexte qu'elle serait "au service du sionisme". Il est évident que certains préfèrent que la MTV nous serve à longueur de journée les clips de Julia Boutros, dont les affinités pour le Hezbollah et l'Armée du tyran de Damas sont flagrantes.
Pour revenir à l'affaire Lara Fabian précisément, une dernière chose, et non des moindres. Est-il vrai, comme certains l'affirment à l'étranger, que le gouvernement libanais aurait été interpellé pour faire pression auprès des producteurs pour annuler les concerts? On n'en saura rien. Mais il est plus que probable qu'il n'a rien fait pour les rassurer si leur artiste se produisait malgré tout aux dates prévues. Ce qui est fort regrettable. Le gouvernement Mikati ne peut pas ignorer que le Hezbollah et ses acolytes souhaitent placer officiellement le Liban dans l'orbite de la République islamique d'Iran, et cela consiste en pratique à le détacher progressivement de son environnement arabe et à l'isoler de la communauté internationale. Interdire officiellement ou de facto, les manifestations artistiques et littéraires internationales de se produire dans notre pays, va dans ce sens. Les affaires Patrick Bruel, Gad Elmaleh (2009), Anne Frank (2009), Placebo (2010), Armin Van Buuren (2011), World Press Photo (2011), Steven Spielberg (2011) et Lara Fabian (2012), sont dans toutes les mémoires. J'aurai bien aimé que le gouvernement Mikati envoie deux signaux forts, d'une part, à ses concitoyens pour les assurer que dans notre pays il ne suffit pas de crier fort pour imposer sa loi et d'autre part, aux artistes internationaux pour les rassurer qu'ils pourront toujours se produire au pays du Cèdre en toute sécurité. Mais hélas, au grand hélas, je ne me fais pas d'illusion. Quant à l'affaire de la MTV, c'est nous qui disons à ce gouvernement, tantôt fantoche, tantôt fantôme, et à ces boycotteurs de pacotille, que dans notre Liban, il ne suffit pas de vociférer hystériquement pour avoir raison.
Que les boyscouts de boycotteurs aillent jouer dans le premier bac à sable qu'ils trouvent. Vivement 2013 pour qu'on en finisse avec ce gouvernement miteux de Mikati, à condition que le 14 Mars se réveille à temps de sa longue somnolence.
Nota Bene
Les places des deux concerts qui auraient dû avoir lieu au Casino du Liban étaient vendues entre 200$ et 500$. Hallucinant. Une sélection par l'argent qui n'est pas digne de celle qui chante "Humana", car la majorité de ses fans au Liban ne pouvait pas s'offrir le rêve de la voir sur scène. Il semble que des artistes internationalement connus comme David Guetta ne demande pas autant... En voilà une bonne blague, comme si le Guetta peut être considéré comme un "artiste" tout court. Même Les Guignols de l'Info n'y croit plus! En tout cas, loi du marché ou pas, les prix étaient exorbitants et c'est bien regrettable. On peut voir U2 au Stade de France, au prix d'un Guetta au Biel (moins de 100$), sachant qu'un concert du groupe irlandais mobilise 1 Boeing, 16 bus, 75 semi-remorques, 250 techniciens et 500 tonnes de matériels.
[Article publié le 7 février 2012 sur Middle East Transparent] http://www.metransparent.com/spip.php?page=article&id_article=17588&var_lang=fr&lang=fr
Ceux qui ont appelé au boycott, et ils avaient le droit de l'exprimer en toute démocratie, ne pouvaient pas ignorer que ce genre d'appel, assorti de menaces à en croire l'artiste, dans un pays comme le Liban, au sujet d'Israël, conduit automatiquement ou presque à l'annulation de l'événement visé, sans s'enquiquiner par une quelconque démarche judiciaire ou même administrative. Et ça, c'est pas démocratique.
Oui on peut reprocher à Lara Fabian d'avoir participé au 60e anniversaire de la création d'Israël à Paris, et d'avoir exprimé son attachement à l'Etat hébreux par un retentissant "je t'aime Israël", sans en dire un seul mot aux millions de palestiniens qui au même moment fêtaient le 60e anniversaire d'Al-Nakba (La catastrophe). Mais peut-on sérieusement appeler à son boycott pour cela ou parce qu'elle a chanté en hébreu et fait un duo avec la chanteuse israélienne Noa lors de ce fameux concert de plein air qui s'est déroulé le 25 mai 2008 dans les jardins du Trocadéro? Ces boycotteurs à la mémoire sélective auraient mieux fait de s'inquiéter de l'attitude de Nicolas Sarkozy ce jour-là, qui s'est rendu à ce concert en compagnie de Tzipi Livni -la ministre israélienne des Affaires étrangères et au cœur de pierre- qui avait même souligné par l'intermédiaire de Rama Yade -la secrétaire d'Etat française aux Droits de l'Homme- "le lien indéfectible" qui unit la France à Israël et que moins de deux semaines après, le 7 juin précisément, le président français était reçu en grande pompe à Beyrouth! A propos de ce dernier, je ne peux pas m'empêcher de penser aussi à ce meeting électoral organisé par Nicolas Sarkozy en 2007 avec les ressortissants franco-libanais au ministère français de l'Intérieur, où le candidat Sarkozy avait exprimé à plusieurs reprises qu’il est "un ami d'Israël". Rappelons également pour être juste, qu'au printemps 2008, a eu lieu à Paris le Salon du livre, et cette année-là Israël était l'invité d'honneur, que l'appel au boycott des écrivains, organisations et pays arabes, dont le Liban (nous étions sous gouvernement Siniora!), n'a pas eu l'ombre d'un effet et que ce salon a non seulement eu lieu, il a même été inauguré par le président israélien Shimon Pérès et qu'une fois de plus on a eu la magnifique démonstration que seuls les absents ont toujours tort.
Le boycott d'Israël est un mode d'action qui a été mis en œuvre par la Ligue arabe en 1951 à travers le Bureau du boycott. Il existe officiellement et officieusement 4 niveaux de boycott: ça va de l'interdiction de tout échange direct avec Israël (le boycott primaire) à l'interdiction de toute relation avec des entreprises dont les dirigeants seraient des "soutiens d'Israël" (le boycott quaternaire). Cela a plus ou moins bien fonctionné jusqu'à la fin des années 70 et s'est dégradé progressivement ensuite. Aujourd'hui même l'Arabie saoudite mit fin théoriquement à son programme de boycott en 2005, excepté pour le boycott primaire, pour respecter les règles de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et surtout éviter des représailles des États-Unis et de certains pays européens, comme la France et l'Allemagne, dont les législations interdisent le boycott arbitraire de pays amis non décidé par l'ONU. Eh oui, on a changé d'époque. Et comment! Tenez que pensent par exemple nos boyscouts de boycotteurs d'Esfandiar Rahim Mashaïe, le conseiller du président iranien et chef de son cabinet, qui a accompagné Ahmadinejad lors de sa dernière visite au Liban et qui a déclaré un jour, il n'y a pas si longtemps que ça : "Aujourd'hui, l'Iran est ami avec les peuples américain et israélien. Aucun pays au monde n'est notre ennemi".
Le boycott de Lara Fabian peut être considéré comme un boycott quaternaire (et encore, la chanteuse belge est présumée "soutien d'Israël"!), un niveau d'action qui n'est plus vraiment en usage sauf au Liban, en Syrie et en Iran! Wlak niyyél albna, quel beau destin relie les 3 pays!
Au-delà de l'affaire Lara Fabian, ce qui me dérange dans le boycott culturel d'Israël ce sont deux choses principalement. D'une part, le fait que c'est toujours la culture au Liban qui en pâtit et non celle d'Israël. D'autre part, c'est l'incohérence et l'inconsistance de ce mode d'action, avec ce qui se passe dans la réalité au niveau politique et commercial.
Comment peut-on encore feindre d'ignorer les contacts diplomatiques et commerciaux, discrets ou 3ala 3aynak ya téjir, directes et bilatéraux entre d'un côté Israël et de l'autre côté, la Palestine, la Turquie, la Syrie (en passant par le Golan), l'Egypte, la Jordanie, le Qatar, le Bahreïn, Oman, la Tunisie et le Maroc? Sur le plan diplomatique, rien ne se fait plus en cachette, et je ne donnerai qu'une image pour le montrer ô combien frappante celle de l'émir du Qatar Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani serrant la main de Tzipi Livni, encore elle, actuellement chef du Kadima, le parti d'Ariel Sharon, info que la chaine qatarie Al-Jazeera n'a évidemment pas jugé utile de diffuser. Sur le plan commercial je ne donnerai aussi qu'une info, liée à la précédente, ô combien parlante, celle des Qatariens et des Israéliens discutant de l'exportation de gaz naturel liquide du Qatar à Israël.
Et comme si le Qatar faisait cavalier seul! Un petit détour par la Turquie d'Erdogan est fort intéressant. Faut-il rappeler à ces boycotteurs amnésiques que la Turquie et Israël ont signé deux accords de coopération militaire et d'échanges de haute technologie, que Tsahal est autorisé à utiliser l'espace aérien et maritime turc pour ses entraînements militaires et que les échanges commerciaux entre les 2 pays s'élèvent, tenez-vous bien, à 3,1 milliard $ (par comparaison les échanges entre la France et la Turquie sont seulement de 3,2 milliards $!)? La Turquie est le 9e client d'Israël et son 10e fournisseur (toujours par comparaison, la France est le 10e client d'Israël et son 12e fournisseur). Bref, ce ne sont pas les gesticulations théâtrales d'Erdogan après l'incident de la flottille humanitaire turque au large de Gaza (mai 2010) ou l'accueil folklorique des opposants syriens sur le sol turc (mars 2011) qui feront oublier que la Turquie est une plaque tournante pour diffuser les produits israéliens sur les marchés arabes. C'est ce qui explique l'importance des échanges commerciaux entre les deux pays.
Encore quelques incongruités pour montrer le ridicule de l'action de ce groupe de militants. Doit-on préciser à ces boycotteurs naïfs que la République islamique d'Iran n'a pas hésité une seconde à acheter des armes américaines en passant par Israël quand elle s'est sentie en mauvaise posture face à l'armée irakienne en 1986 (le scandale de l'Irangate), que Sobhi Al-Toufayli l'ex Hassan Nasrallah vient tout juste d'avouer, il y a quelques jours sur la chaine libanaise MTV, qu'il aurait entendu de certains milieux proches du Hezbollah que le choix d'une alliance avec Israël face à l'Oumma sunnite pourrait être envisageable, que les réserves iraniennes de change sont en monnaie de Satan, dollar américain (le FMI les estime à près de 100 milliards $... plus de 10% du PIB!), le plus fidèle "soutien d'Israël" de tous les temps, que les composantes électroniques qui équipent les ordinateurs de leur groupe de boycott, du Hezbollah et même du régime iranien, sont peut être fabriquées dans les usines israéliennes d'Intel, que marbre iranien, arak libanais et cosmétiques syriens sont retrouvés sur les marchés israéliens sans mention d’origine par l'intermédiaire de la Turquie et de la Grèce (d'après la Chambre de commerce France-Israël), que le diamant poli, un produit israélien phare, se retrouve sur les marchés arabes et que Dubaï joue même le rôle d’intermédiaire pour le réexporter vers l’Iran (sans étiquette d’origine), que des logiciels israéliens de surveillance d'Internet sont vendus à l'Iran (via le Danemark pour le reconditionnement… info de l'agence Bloomberg), qu'Israël a contribué à la construction des îles Palmiers à Dubaï par l'intermédiaire d'une société italienne (révélation récente de Haaretz), et cætera, etcétéra, etc.
Et à peine on a fini avec l'artiste belge, on s'est attaqué à MTV. Après un sketch de mauvais goût, voilà que maintenant on appelle au boycott de la chaine libanaise sous prétexte qu'elle serait "au service du sionisme". Il est évident que certains préfèrent que la MTV nous serve à longueur de journée les clips de Julia Boutros, dont les affinités pour le Hezbollah et l'Armée du tyran de Damas sont flagrantes.
Pour revenir à l'affaire Lara Fabian précisément, une dernière chose, et non des moindres. Est-il vrai, comme certains l'affirment à l'étranger, que le gouvernement libanais aurait été interpellé pour faire pression auprès des producteurs pour annuler les concerts? On n'en saura rien. Mais il est plus que probable qu'il n'a rien fait pour les rassurer si leur artiste se produisait malgré tout aux dates prévues. Ce qui est fort regrettable. Le gouvernement Mikati ne peut pas ignorer que le Hezbollah et ses acolytes souhaitent placer officiellement le Liban dans l'orbite de la République islamique d'Iran, et cela consiste en pratique à le détacher progressivement de son environnement arabe et à l'isoler de la communauté internationale. Interdire officiellement ou de facto, les manifestations artistiques et littéraires internationales de se produire dans notre pays, va dans ce sens. Les affaires Patrick Bruel, Gad Elmaleh (2009), Anne Frank (2009), Placebo (2010), Armin Van Buuren (2011), World Press Photo (2011), Steven Spielberg (2011) et Lara Fabian (2012), sont dans toutes les mémoires. J'aurai bien aimé que le gouvernement Mikati envoie deux signaux forts, d'une part, à ses concitoyens pour les assurer que dans notre pays il ne suffit pas de crier fort pour imposer sa loi et d'autre part, aux artistes internationaux pour les rassurer qu'ils pourront toujours se produire au pays du Cèdre en toute sécurité. Mais hélas, au grand hélas, je ne me fais pas d'illusion. Quant à l'affaire de la MTV, c'est nous qui disons à ce gouvernement, tantôt fantoche, tantôt fantôme, et à ces boycotteurs de pacotille, que dans notre Liban, il ne suffit pas de vociférer hystériquement pour avoir raison.
Que les boyscouts de boycotteurs aillent jouer dans le premier bac à sable qu'ils trouvent. Vivement 2013 pour qu'on en finisse avec ce gouvernement miteux de Mikati, à condition que le 14 Mars se réveille à temps de sa longue somnolence.
Nota Bene
Les places des deux concerts qui auraient dû avoir lieu au Casino du Liban étaient vendues entre 200$ et 500$. Hallucinant. Une sélection par l'argent qui n'est pas digne de celle qui chante "Humana", car la majorité de ses fans au Liban ne pouvait pas s'offrir le rêve de la voir sur scène. Il semble que des artistes internationalement connus comme David Guetta ne demande pas autant... En voilà une bonne blague, comme si le Guetta peut être considéré comme un "artiste" tout court. Même Les Guignols de l'Info n'y croit plus! En tout cas, loi du marché ou pas, les prix étaient exorbitants et c'est bien regrettable. On peut voir U2 au Stade de France, au prix d'un Guetta au Biel (moins de 100$), sachant qu'un concert du groupe irlandais mobilise 1 Boeing, 16 bus, 75 semi-remorques, 250 techniciens et 500 tonnes de matériels.
[Article publié le 7 février 2012 sur Middle East Transparent] http://www.metransparent.com/spip.php?page=article&id_article=17588&var_lang=fr&lang=fr