Non, ce n’est pas lors
de l’invasion israélienne du Liban en 1982. Non,
ce n’est pas à Achrafieh au cours de l’été 1978. Non,
ce n’est pas à Zahlé durant l’hiver 1981. Non,
ce n’est pas à Bhamdoun avant l’automne 1983. Non,
ce n’est pas à Tripoli en septembre 1985. Non, ce n’est ni à « Beyrouth-Ouest »,
ni à « Beyrouth-Est ». Non,
ce n’est ni dans la « zone libre », ni dans le « réduit
chrétien », durant les guerres de Michel Aoun. Non,
ce n’est nulle part au Liban, ni en 1996, ni en 2006, durant les guerres du
Hezbollah. Non,
ce n’est ni sous occupation israélienne, ni sous occupation syrienne. Oui, cette photo a
été prise à Al-Qusayr, il y a seulement quelques jours !
Al-Qusayr
est une ville sunnite de Syrie de 30 000 habitants, avec une minorité
chrétienne, située à moins de 10 km des frontières du Liban du côté de Hermel.
Avec Homs qui n’est qu’à 35 km au nord-est de la ville, cette région constitue un carrefour stratégique d’une grande importance
pour la survie du régime syrien de Bachar el-Assad. Etant sur l’axe des
combats Nord-Sud, son contrôle est vital, que le président syrien reste à Damas
ou déménage avec ses cliques et ses claques à Lattaquié pour créer l’Etat
Alaouite. Cela permettrait de maintenir
une continuité territoriale, quelle que soit l’évolution de la situation
militaire en Syrie, entre le clan Assad et la milice du Hezbollah, entre les Alaouites
et les Chiites syriens d’un côté et les Alaouites et les Chiites libanais de l’autre
côté, une nécessité absolue pour garder l’axe mollahs-alaouites-hezbollahi,
pleinement opérationnel. Vous comprenez alors pourquoi il n’est pas exagéré de
dire que la bataille d’Al-Qusayr-Homs est
la mère de toutes les batailles de Syrie. De son issue dépend la suite de
la révolution déclenchée le 15 mars 2011.
Cette ville syrienne
est soumise depuis dimanche dernier à un déluge de fer et de feu, à un rythme de 30
obus par minute, et mise à feu et à sang,
par l’armée alaouite syrienne du dernier tyran des Assad et par la milice
chiite libanaise du Hezbollah, comme le montre cette photographie odieuse. Tous
les moyens militaires sont utilisés pour faire tomber la ville : les raids
aériens, les missiles sol-sol, l’artillerie lourde et bien sûr, les ignobles
Grads et Katiouchas russes. Pour rappel, ce sont les célèbres réjmét, ces fameux lance-roquettes multiples et les orgues de
Staline, de triste mémoire, avec lesquels l’armée syrienne de Hafez el-Assad nous
a bombardés. Pouvant lancer une quarantaine de roquettes d’affilée, ils sont moins
connus pour leur précision de tir, médiocre, que pour leur efficacité à
propager la terreur et à détruire massivement les zones ennemies. Ils assurent
surtout « el 2asf el 3achwéyé ».
Au passage, les deux Grads tombés ce
matin à Chiyah, résulteraient soit d'un "tir ennemi", soit d’une "erreur humaine" de manipulation des miliciens du Hezbollah.
Mais ne cherchez pas, personne au Liban ne possède autant de Grads que
la milice du Hezbollah. Dans tous les cas, ce qui est sûr et certain, c'est que personne ne possède la liberté de mouvement et d'action au Liban, autant que la milice chiite. On peut donc dire que ces Grads appartiennent au Hezbollah, voir à un autre groupe armé ; ils étaient peut être destinés à Tripoli, voir à Al-Qusayr ; ils sont partis par erreur, voir intentionnellement! Dans tous les cas, bonjour la « résistance (à Israël) »!
Toujours
est-il, la milice libanaise s’est engagée
à Al-Qusayr avec 1700 hommes. Elle a
déjà perdu, de l’aveu même du Hezbollah, une centaine de miliciens en Syrie ces derniers mois (on parle même
de 150 hommes), dont une trentaine seulement la semaine écoulée. Ces chiffres sont corroborés par les
enterrements de jeunes libanais chiites morts dans « l’accomplissement de leur devoir djihadiste », comme
le reconnait el-sayyed himself, qui se sont succédés à une fréquence
inquiétante ces derniers jours. Etant donné le rapport des forces, de l’avis de
tous, la résistance des rebelles syriens est remarquable. Mais, l’enjeu
stratégique, l’intensité des combats, la ténacité des rebelles et la
détermination des assaillants, laissent penser que le pire est à venir.
Et
ce n’est surement pas Hassan Nasrallah
qui me contredira. Apparu à l’occasion
de la fête de la libération hier, il a tenté désespérément pendant plus d’une
heure de faire gober à ses compatriotes que « Nous
(les miliciens du Hezbollah) combattons pour protéger la résistance (auto-désignation
du Hezbollah) et le Liban. » Pour protéger le Liban ? Foutaises,
oui ! Un peu plus loin, le chef de la milice chiite est beaucoup plus
explicite : « La Syrie, c'est
la protection arrière de la résistance... Si nous n'agissons pas, nous sommes
des idiots. » Voilà qui est bien dit. Pour développer ses arguments, el-sayyed ajoute : « La montée des mouvements radicaux ne
constituent pas uniquement une menace pour les chiites au Liban, mais pour tous
les Libanais, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. » Cause toujours,
tu m’intéresses ! Notez bien au
passage, cette attention à l’égard des « chrétiens ». Faire peur
aux chrétiens en agitant l’épouvantail des salafistes, c’est l’argumentation à
5 piastres. Leik min 3am yé7ké !
Hassan Nasrallah aurait dû se regarder dans une glace avant de monologuer avec
les Libanais, il se serait rendu compte qu’il n’était ni en costard-cravate ni
avec une barbe de trois jours ! Enno
ma3lé, le Hezbollah n’a rien à envier aux extrémistes sunnites, qu’ils soient
Frères musulmans ou salafistes. Mais
Hassan Nasrallah se doute quand même, que tout chrétien libanais finira un jour
par se demander tout de même, quel intérêt stratégique -oublions un instant
les considérations chrétiennes et humanistes- peut bien justifier l’alliance des chrétiens de Michel Aoun avec une
milice chiite qui sera maudite par les sunnites libanais et syriens jusqu’à la
fin des temps, à la fois pour l’assassinat de Rafic Hariri et pour le martyr
du peuple syrien, et qui de surcroit, ne cache pas sa
volonté d’établir une république chiite au Liban, affirmation transcrite noir sur blanc
dans le livre du cheikh Naïm Qassem, édition 2009 svp !
Pour revenir à la photographie, comme je l'ai dit dans mon intro, cette image n’était pas sans me
rappeler d’autres photographies d’Achrafieh, de Zahlé, de Bhamdoun, de Tripoli,
de Beyrouth-Est, de Beyrouth-Ouest, de tout le réduit-chrétien, des villes
soumises au même déluge de fer et de feu et mises à feu et à sang, durant la
funeste occupation du Liban de 1976 à 2005 par les mêmes Assad, père et fils,
un nom qui restera à jamais maudit dans la mémoire collective libanaise,
notamment chrétienne, et les visites folkloriques déplacées de Michel Aoun à
Bachar el-Assad, n’y changeront rien.
Cette image n’est
pas sans me rappeler celles de la « guerre fratricide interchiite »
entre 1988-1990, où la milice du Hezbollah est entrée en conflit avec la milice
de Nabih Berri, mettant Beyrouth à feu et à sang, pour s’assurer le
contrôle de Beyrouth-Ouest et du Sud-Liban. Triste bilan de cette soi-disant
« résistance » : des centaines de morts, des milliers de blessés
et des centaines de milliers de Beyrouthins terrorisés !
Cette image n’est
pas sans me rappeler aussi, celle de la « victoire divine » de
juillet 2006, où la milice du Hezbollah décida de mener une opération militaire
en territoire israélien, mettant le Liban tout entier à feu et à sang, pour libérer un
criminel libanais, Samir Kantar, un homme condamné pour l’assassinat d’une
fillette israélienne de 4 ans avec la crosse de son fusil lors d’une opération
palestinienne en 1979 ! Triste bilan de cette soi-disant « résistance » : une
guerre dévastatrice de 33 jours entre la milice chiite et l’Etat hébreux, à
l’origine de plus de mille morts, des milliers de blessés, des centaines de
milliers de personnes déplacés et 3,5 millions de Libanais terrorisés ;
une guerre qui nous a couté près de 50 % de notre PIB, alors qu’elle n’a couté
aux Israéliens que 3 % de leur PIB !
Cette image n’est
pas sans me rappeler également, celles du « jour glorieux » du 7 mai
2008 où la milice du Hezbollah décida de faire plier l’Etat libanais, en
mettant Beyrouth et le Mont-Liban à feu et à sang, afin de garder la
mainmise sur l’aéroport de Beyrouth, ainsi que le contrôle des réseaux illégaux
de télécommunications au Liban. Triste bilan de cette soi-disant « résistance »
: une centaine de morts, des centaines de blessés et des centaines de milliers
de Libanais terrorisés.
Dans tous les cas, ce qui se passe en Syrie ne concerne que les Syriens. Les miliciens du
Hezbollah n’ont rien à y faire. Leur présence en Syrie constitue une
occupation d’un territoire étranger condamné par le droit international. Leur
participation aux combats, quelque soient les motifs bidon invoqués par Hassan
Nasrallah, constitue un crime de guerre condamné aussi par le droit
international. L’ironie de l’histoire a
voulu que cette « fête de la Libération » tombe cette année au moment
où la milice du Hezbollah, cette soi-disant « résistance à Israël »,
occupe une partie de la Syrie et met ses villes à feu et à sang et soumet sa
population à un déluge de fer et feu ! Avouez qu’aujourd’hui, il faut
avoir un grave trouble schizophrénique pour être un défenseur de cette milice et aller ensuite critiquer Israël.
Pire encore, l’ironie de l’histoire a voulu
que cette « fête de la Libération » tombe cette année au moment où la milice du
Hezbollah, ce soi-disant bras armé d’Allah, met le Liban et sa population en
danger plus que jamais ! Nul besoin d’être un expert géostratégique, pour comprendre que la tragédie de Tripoli, qui a fait pour
l’instant une trentaine de morts (plus de 200 blessés), est étroitement liée à celle d’Al-Qusayr. La concomitance de
l’attaque d’Assad-Nasrallah contre la ville syrienne avec la recrudescence des
combats dans la ville libanaise, entre sunnites et alaouites, ne doit rien au
hasard. Et là aussi, le pire est à
venir. Pour celles et ceux qui ont
raté le speech de Hassan Nasrallah, un petit résumé. Le chef de la milice
du Hezbollah a révélé à la population libanaise « qu'une guerre mondiale a été lancée contre la Syrie. » Il
a annoncé à la population libanaise « que
ceux qui veulent combattre aillent en Syrie... pourquoi se battre au Liban? »
Enfin, il a promis à la population libanaise que « nous sortirons victorieux de cette bataille. Nous sacrifierons
tout pour parvenir à cette victoire. » En
somme, un avenir bien sombre pour le Liban et sa population.
Lamentable !
Depuis 1992, et la dissolution des milices
libanaises, la milice du Hezbollah rappelle
aux Libanais quotidiennement qu’ils sont toujours en état de guerre civile au
Liban. Et ce n’est surement par le
discours du chef de cette milice qui est venu les rassurer. « Le problème essentiel est que, depuis
la création de l’Etat libanais, les responsables libanais n’ont jamais
considéré Israël comme un pays ennemi qu’il faut combattre... Depuis le retrait
des forces syriennes du Liban en 2005, le gouvernement libanais n’a pas réussi
à renforcer son armée face aux menaces israéliennes... Nous vivons dans un Etat
confessionnel, incapable d’adopter une nouvelle loi électorale. Comment peut-on
s’attendre de cet Etat de résister face à l’armée israélienne ? » Traduction
en bêlements pour les moutons de Panurge : « moi
el sayyed, j’ai décidé que l’Etat libanais restera déficient, que ma milice
restera armée et que vous resterez en guerre avec Israël ad vitam aeternam,
jusqu’à ce que la désolation s’installe au pays du lait et du miel et que mort
s’en suive ». Du « sacrifice
de l’agneau d’Abraham » pour Yahvé, le Hezbollah nous ramène aux « sacrifices humains »
sur l’autel des mollahs de la République islamique d’Iran. Allez en chœur, criez avec moi: ya3ich « el jeich, el cha3eb woul
mouqawamé », ya3ich !
Aujourd’hui, le
Hezbollah nous apporte une nouvelle preuve qu’au pays du Cèdre, toute arme en
dehors des mains des autorités libanaises, n’est qu’un outil de la mort au
service d’intérêts personnels et loco-régionaux. Ce fut le cas lors de
la guerre de juillet 2006 et de l’invasion de Beyrouth le 7 mai 2008. Hélas, c’est
le cas actuellement avec l’implication de la milice chiite dans les combats en
Syrie. L’histoire écrira qu’à Qusayr une soi-disant « Résistance » s’est
transformée en une « force d’occupation », et des « sauvageons rebelles » se
sont montrés plus dignes du titre de « Résistance ». Si on veut sérieusement et définitivement en finir avec l’insécurité
dans la capitale du Nord et partout ailleurs au Liban, comme à Chiyah par exemple,
le Conseil des ministres, avec l’aval du peuple libanais et de ses représentants,
doit donner un ordre politique clair à l’armée libanaise pour contrôler fermement nos frontières et procéder
enfin, au désarment de toutes les milices et de tous les groupes armés au Liban, à Tripoli
comme à Dahiyé, conformément à l'accord de Taëf et aux résolutions du Conseil
de sécurité 1559 et 1701. Qu’attendent nos politiciens pour placer ce point en
tête des programmes électoraux ? On se le demande ! Et tout ce qui est
en dehors de cela, n'est que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el 7aké.