vendredi 31 mai 2013

Chronique d’une autoprorogation annoncée du Parlement (Art.150)


Difficile d’échapper à cette colère BCBG -bon chic, bon genre, et somme toute civilisée- du citoyen libanais aujourd’hui. On critique, on vocifère et on crache, chacun exprime à sa manière son mécontentement concernant l’autoprorogation du mandat du Parlement libanais, moi compris. Le plus comique dans cette histoire, c’est que certains des 128 députés de la nation s’y mettent eux aussi à maudire leur acte. Le Libanais, une espèce curieuse ! Schizophrénie, mon amour ! On peut palabrer jusqu’au jour où les poules auront des dents, pour répondre aux questions du moment et savoir qui, pourquoi et comment on est arrivés là où nous sommes aujourd’hui. Il n’empêche que le glas a sonné ! Libanais de bonne foi, et surtout de mauvaise foi, désolé, il n’est pas possible d’organiser des élections législatives au pays du Cèdre, comme c’était prévu le 9 juin 2013. Démocratie sous-développée nous étions, démocratie sous-développée nous le resterons. Pourquoi changer une formule qui marche, que dis-je, qui arrange tout le monde ?

Tout le monde ? Justement, parlons-en.

1. Si les leaders politiques libanais étaient vraiment sérieux dans la recherche d’une loi électorale pour remplacer la loi de 1960, ils seraient quand même parvenus. Rien n’est impossible aux gens de bonne volonté. Heureusement !

2. Partant de ce principe, disons que le problème réside comme d’habitude, dans l’hypocrisie générale, dans ces arrière-pensées, dans ce que l’on ne dit pas. Ce n'est pas la peine de se perdre dans les impasses de la politique libanaise. Qui revoit en accéléré le cours des événements au Liban peut parfaitement comprendre ce qui s’est réellement passé.

3. Tout le monde sait que la loi de 1960 est une loi féodale qui viole les principes démocratiques, notamment en ce qui concerne la bonne représentativité des électeurs libanais, toutes communautés confondues, puisqu’elle consacre le « vote en bloc » des communautés libanaises, transformant les « élections législatives » en « désignations parlementaires » et permet à un quartet -Hassan Nasrallah, Nabih Berri, Walid Joumblatt et Saad Hariri- de décider en pratique de l’élection du 3/4 du Parlement libanais.

4. Tout le monde sait que Hassan Nasrallah et Nabih Berri, s’en foutaient royalement de changer la loi électorale et des « droits des communautés chrétiennes ». 

5. Tout le monde sait que Walid Joumblatt a tout fait pour garder la loi féodale de 1960. 

6. Tout le monde sait que Saad Hariri n’a pas mesuré à juste titre et à juste temps, le problème posé par la loi archaïque de 1960, notamment pour les électeurs chrétiens. 

7. Tout le monde sait que Samir Geagea et Amine Gemayel sont les principaux lésés de la loi de 1960, qui ne leur permet pas d'être représentés au Parlement proportionnellement à leur poids populaire.

8. Tout le monde sait que le projet de « loi orthodoxe » s’est imposé après un an de discussions infructueuses.

9. Tout le monde sait que le « vote intracommunautaire » répondait au « vote en bloc » des communautés libanaises.

10. Tout le monde sait que le projet Ferzli n’avait aucune chance d’être appliqué. 

11. Tout le monde sait que le projet électoral mixte, présenté par le courant du Futur et les Forces libanaises, n'est pas la panacée, mais il était mieux que la loi féodale de 1960 et le projet de loi controversé du Rassemblement orthodoxe, et qu’il pouvait parfaitement faire l'objet d’un consensus entre les politiciens de bonne volonté, soucieux à la fois de la bonne représentativité des électeurs ainsi que de la cohabitation islamo-chrétienne, et non obnubilés par remporter les élections coute que coute et éliminer l'autre camp.

12. Tout le monde sait que le 8 Mars a tout fait pour saboter tout accord sur la « loi électorale mixte ».

13. Tout le monde sait que Nabih Berri est une calamité pour la démocratie libanaise (21 ans de règne à la tête du Parlement et fermeture de l’Assemblée nationale un an et demi !).

14. Tout le monde sait que Michel Aoun est le « père adoptif de la loi de 1960 » (accord de Doha en 2008), et a tout fait pour y revenir en 2013.

15. Tout le monde sait que Nabih Berri a violé la Constitution et la démocratie libanaises en ne présentant pas les deux projets électoraux en lice, le projet mixte et le projet orthodoxe, au vote des députés de la nation en séance plénière.

16. Toute le monde sait que l’implication active de la milice du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie, avec plus de 4 000 combattants, transforme le Liban tout entier en une cocotte-minute, rendant la tenue des élections hasardeuses.

17. Tout le monde sait que l’autoprorogation a comme principale raison d’être, d’attendre l’évolution des événements en Syrie, chaque camp espérant que la chute de Bachar el-Assad ou l'écrasement de la révolution syrienne, se répercuterait en sa faveur au Liban.

18. Tout le monde sait que cette autoprorogation est anticonstitutionnelle et que le président de République, Michel Sleiman, saisira le Conseil constitutionnel qui pourrait l’annuler.

19. Tout le monde sait qu’on en arrive là car l’Etat libanais se désagrège au profit d’un parti théocratique libanais, le Hezbollah -inféodé à un Etat théocratique étranger, la République islamique d’Iran- qui précise noir sur blanc (voir le livre du cheikh Naïm Qassem, 2009), que pour les questions stratégiques, comme l’implication en Syrie, c’est Wali el-Fakih, le Guide suprême des mollahs, Ali Khamenei, qui fixe le cap et que la meilleure solution au bordel communautaire libanais serait l’instauration d’une République islamique chiite au Liban. 

20. Tout le monde sait qu’il en restera ainsi tant que le peuple libanais acquiescera que la souveraineté de l’Etat libanais soit piétinée par le Hezbollah et ses complices. Hélas, si la souveraineté libanaise est maltraitée autant, bérabkoun, peut-on s'étonner après, que la démocratie dans ce pays soit aussi malmenée ?

mercredi 29 mai 2013

Des hommes et des hummers ! Dix réflexions après le meurtre de trois soldats de l’armée libanaise (Art.149)


1. A l’aube du 28 mai, un Hummer venant de Syrie, franchit la frontière du Liban, et se dirige vers un barrage de l’armée libanaise dans la région d’Ersal. A l’arrivée, les occupants de cette voiture abattent trois soldats de sang-froid, et repartent en direction de la Syrie. Comme d’habitude, il existe plusieurs versions de l’événement, selon les organes de propagande qui les diffusent, mais bon, tenons-nous à celle qui est communément admise. 

2. Ce meurtre gratuit est un crime barbare et odieux. Ses auteurs, doivent être trouvés, jugés et condamnés.

3. Tout laisse penser, comme vous le verrez plus loin, que cette attaque contre l’armée libanaise a été commanditée par Bachar el-Assad en personne. Pour l’exécution il avait l’embarras du choix, comme d’habitude. Néanmoins, certains pensent que c’est un acte signé par les rebelles syriens. Une hypothèse qui fait beaucoup sourire. Ces rebelles syriens, qui il y a peu de temps étaient présentés comme de la « racaille désorganisée, un ramassis de sauvageons, de mercenaires et de terroristes », qui a à peine de quoi s’acheter des armes -si l'on tient à croire cette dernière version!- circuleraient aujourd’hui en Hummer, sans plaque d’immatriculation, tranquillement entre la Syrie et le Liban, pour aller mener des opérations militaires à des dizaines de kilomètres de leurs bases ! Lol, ça serait une bonne blague pour le prochain sketch du duo Adel & Abbéss.

4. La tragédie d’hier s’inscrit dans une certaine perspective des événements, qu’il est judicieux de dresser afin de comprendre les motifs de ce triple meurtre. Pas besoin de remonter très loin dans le temps. Ce fut d’abord le déclenchement par l’armée alaouite de Bachar el-Assad et la milice chiite du Hezbollah de la bataille d’Al-Qusayr, la mère de toutes les batailles de Syrie, le dimanche 19 mai. Malgré la puissance de feu des assaillants, 30 obus par minute -qui n’est pas sans rappeler les sinistres performances de l’armée des Assad à Achrafieh, à Zahlé, à Bhamdoun et à Tripoli- les rebelles syriens résistent avec une telle ténacité, qu’on peut dire aujourd’hui, sans trop d’exagération, qu’ils risquent de transformer Al-Qusayr en Stalingrad de l’axe Téhéran-Damas-Dahiyé. Ce qui me pousse davantage à cette comparaison historique, c’est aussi la levée par l’Union européenne de l’embargo sur la livraison d’armes aux rebelles syriens avant-hier, sous condition, tout en maintenant les sanctions contre le régime de Bachar el-Assad. 

Cette décision capitale est intervenue après de laborieuses discussions entre les ministres européens des Affaires étrangères (13 heures !). Elle constitue un message très clair au régime syrien. Le 27 mai 2013 -soit plus de 26 mois après le déclenchement de la révolution syrienne et peut-être 100 000 morts- pourrait donc constituer une tournure importante dans la guerre syrienne et faire pencher la balance en faveur des opposants à la tyrannie des Assad. La propagande des médias syriens et libanais pro-Assad (8 Mars, Hezbollah, Courant patriotique libre, Baas libanais, Mouména3a bala 7oudoud, etc.), ne sait plus quoi inventer pour justifier l’enlisement de la « grande armée syrienne arabe » et de la « noble résistance islamique au Liban » à Al-Qusayr. Les rebelles syriens seraient notamment aidés par les sionistes et par les Djihadistes Sans Frontières. Le correspondant d’Al-Manar affirme que les rebelles syriens sont en possession de matériels israéliens. Celui d’OTV aurait vu les rebelles se battre la nuit en tenant des lampes d’Aladin. Et celui d’Al-Jadeed aurait même aperçu des djinns hantés les rues d’Al-Qusayr dans la journée. Qui l’aurait cru, la mythologie arabe à la rescousse des rebelles syriens. Toujours est-il, nous sommes au 10e jour de la bataille de Stalingrad de la Syrie, les combats font rage, et rien n’a changé à part les chassés-croisés quotidiens à la frontière syro-libanaise, des combattants et des linceuls ! Le Hezbollah est engagé à Al-Qusayr avec au moins 1700 hommes et a déjà perdu plus de 150 de ses combattants en Syrie, dont la moitié la semaine écoulée, morts dans « l’accomplissement de leur devoir djihadiste », comme il a coutume de dire le chef de la milice islamiste chiite libanaise.

5. L’enlisement de la milice chiite et de l’armée alaouite à Al-Qusayr a déclenché rapidement une tornade qui a ravivé les braises de Tripoli. Des combats s’en suivirent, parallèles à ceux d’Al-Qusayr, entre les alaouites pro-Assad et les sunnites anti-Assad, provoquant une trentaine de morts et des centaines de blessés. L’armée libanaise a tenté tant bien que mal wou bellati hiya a7ssan, de ramener le calme dans la capitale du Nord. A peine elle a réussi, et comme si les Libanais n’en n’avaient pas assez de souffrance, voilà que le chef du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, apparait le 25 mai à l’occasion de la fête de la Libération, pour leur annoncer plus de « sacrifices humains sur l’autel des mollahs de la République islamique d’Iran. » Et comme si les Libanais n’en n’avaient pas assez d’images de la guerre civile en mémoire, il a fallu que les forces des ténèbres tirent deux Grad de 107 mm sur Beyrouth, le 26 mai. Et deux jours après, ce fut le triple meurtre d’Ersal.

6. Tous ces événements -et ceux à venir, car il y en aura, soyez-en sûr- s’inscrivent dans une même perspective. Ils visent à occuper de plus en plus l’armée libanaise à l’intérieur du pays, pour l’éloigner le plus possible des frontières du Liban, afin que la milice du Hezbollah puisse tésra7 wou témra7 3al el7oud, et qu’elle puisse s’engager à plein régime dans les batailles de Syrie aux côtés de Bachar el-Assad, sans entrave et sans témoin, surtout après l’enlisement dramatique de sa milice dans le bourbier syrien! Le triple meurtre des soldats hier vise tout particulièrement à monter l’armée libanaise contre la population sunnite d’Ersal, qui soutient les opposants syriens, pendant que les miliciens du Hezbollah se rendent librement en Syrie afin « d'accomplir leur devoir djihadiste », à titre préventif, pour soi-disant lutter contre les « combattants djihadistes » de Jabhat al-Nosra. Foutaises ! Et le comble dans ce délire entre djihadistes, c’est quand un Libanais-chrétien-maronite, ancien commandant de l’armée libanaise, comme Michel Aoun, rend « halal » le combat des djihadistes libanais du Hezbollah en Syrie, mais « haram » le combat des djihadistes internationaux de Jabhat al-Nosra dans la même Syrie. Schizophrénie, mon amour ! Enfin, tout cela me fait penser à l’enseignement de l’inspecteur Colombo (si, si, celui de la série !), paix à son âme, qui m’a appris à me poser toujours la question : « à qui profite le crime » ? C’est le meilleur moyen de suivre les traces des assassins. Comme il a raison !

7. Depuis plusieurs mois, le camp « souverainiste » du 14 Mars réclame le déploiement de l’armée libanaise le long de la frontière syro-libanaise. En vain ! Encore hier, alors que le sang de nos soldats n’avait pas encore séché, le 14 Mars a encore une fois réclamé le déploiement de l’armée libanaise pour tenir fermement nos frontières. En vain, toujours. Et encore hier, alors que tout le monde sait que les criminels sont venus de Syrie et sont repartis en Syrie, le gouvernement de Najib Mikati, en place depuis deux ans et demi, et qui englobe toutes les forces politiques du 8 Mars (Hassan Nasrallah, Michel Aoun, Nabih Berri) ainsi que Walid Joumblatt, faisait semblant d'être très (pré)occupé par les élections législatives, au lieu de donner l’ordre à l’armée libanaise de contrôler d’une main de fer les frontières du Liban.

8. Le déploiement de l’armée libanaise le long des frontières s’impose pour divers raisons, dont les principales sont :
- empêcher d’embarquer le Liban et sa population dans le conflit syrien ;
- empêcher les « hordes de miliciens chiites » du Hezbollah de s’engager aux côtés du régime alaouite du dernier tyran des Assad pour réprimer le peuple sunnite syrien (1700 hommes pour Al-Qusayr seulement!) ;
- empêcher « quelques individus sunnites » disparates d’aller combattre en Syrie ;
- contrôler le flux de réfugiés syriens (nous étions déjà à plus d’un million, il y a plusieurs mois ; on doit être à 1,5 millions aujourd’hui ; peut-être 2 millions à la fin de l’année) ;
- éviter les Michel Samaha en puissance : un ancien ministre du 8 Mars, aujourd’hui emprisonné pour préparation d’attentats terroristes au Liban, dont l’assassinat du patriarche Bechara Raï ; il a été pris en flagrant délit avec des dizaines d’engins explosifs ramené de Syrie ; il a avoué que ces attentats ont été commandités par Bachar el-Assad en personne et visaient à créer des troubles confessionnels au Liban afin d’accuser les « extrémistes sunnites libanais » d’en être les auteurs ;
- empêcher des criminels de venir de Syrie ;
- empêcher des criminels de fuir en Syrie.

9. Bon, arrêtons de palabrer et oublions un instant les analyses de propagande à la mords-moi-le-nœud. Tout citoyen, analyste et responsable politique, soucieux et peiné par le triple meurtre des soldats de l’armée libanaise doit se fixer aujourd’hui deux objectifs :
- Que justice soit faite. Pour cela, il faudrait naturellement mener une enquête professionnelle. On peut estimer quand même dès à présent, qu’elle ne serait pas très difficile pour la simple raison que les Hummer ne courent pas les rues, au Liban comme en Syrie, on devrait même savoir exactement combien il y en a et qui les possèdent. Ils ne passent pas inaperçus et ne s’évaporent pas dans la nature. Ils laissent forcément des traces, beaucoup de traces.
- Que le crime ne se répète pas. Quelques soient les possibilités -criminels libanais ou syriens, régime syrien ou rebelles syriens, crime commandité par Bachar elAssad ou par les rebelles syriens- si l’Etat libanais ne partageait pas sa souveraineté avec des milices et des groupes armés, si la sécurité au Liban ne se faisait pas « bel taradé », comme à Tripoli de nos jours, ou « bé tébwiss el lé7é », comme à Beyrouth le 7 mai 2008, si les armes n’étaient pas disséminées sur tout le territoire libanais et si l’armée libanaise contrôlait la frontière syro-libanaise, les criminels auraient peu de chance d’échapper à la justice et ce crime aurait aussi peu de chance de se répéter ! Hélas, ma phrase est conditionnée par quatre « si » aussi insurmontable l’un que l’autre.

10. L’exploitation de la tragédie d’Ersal est regrettable! Le 8 Mars, aussi bien Hassan Nasrallah que Michel Aoun, voudraient se faire passer pour des défenseurs de l’armée libanaise, alors qu’en réalité, tous leurs actes prouvent qu’ils défendent exclusivement la milice du Hezbollah, au dépriment de l’armée libanaise. Le Hezbollah, la dernière milice libanaise qui n’a toujours pas déposé ses armes en violation de l’accord de Taëf et des résolutions du Conseil de sécurité 1559 et 1701, fait tout son possible pour cantonner l'armée libanaise dans un rôle de « police municipale » et s'accaparer le rôle et la place de « l’armée nationale ». Ce n'est pas compliqué, les miliciens du Hezbollah travaillent depuis 1982 pour devenir les « Gardiens de la révolution islamique » au Liban, les Pasdaran du pays du Cèdre. Voilà donc ce qui attend les Libanais, s’ils ne réagissent pas à temps.

L’enjeu aujourd’hui est on ne peut plus simple : déployer l’armée libanaise ou pas le long de la frontière avec la Syrie pour contrôler fermement le passage des hommes et des hummers! Le gouvernement du 8 Mars nous a montré qu’il en était incapable. Le 14 Mars saura-t-il être à la hauteur des attentes du peuple libanais, toutes communautés confondues?

La veille des élections législatives, le peuple libanais doit absolument savoir, où est son intérêt et qui le détermine. Avant de choisir ses représentants, tout Libanais doit donc se poser deux questions toutes simples :
- Qui décide de l’intérêt du peuple libanais, l’Etat du Liban ou l’Etat du Hezbollah?
- Est-ce que l’intérêt du peuple libanais est d’aller combattre à Al-Qusayr ou de déployer l’armée libanaise le long de notre frontière avec la Syrie?

dimanche 26 mai 2013

Les « sacrifices humains » sur l’autel des mollahs de la République islamique d’Iran (Art.147)


Non, ce n’est pas lors de l’invasion israélienne du Liban en 1982. Non, ce n’est pas à Achrafieh au cours de l’été 1978. Non, ce n’est pas à Zahlé durant l’hiver 1981. Non, ce n’est pas à Bhamdoun avant l’automne 1983. Non, ce n’est pas à Tripoli en septembre 1985. Non, ce n’est ni à « Beyrouth-Ouest », ni à « Beyrouth-Est ». Non, ce n’est ni dans la « zone libre », ni dans le « réduit chrétien », durant les guerres de Michel Aoun. Non, ce n’est nulle part au Liban, ni en 1996, ni en 2006, durant les guerres du Hezbollah. Non, ce n’est ni sous occupation israélienne, ni sous occupation syrienne. Oui, cette photo a été prise à Al-Qusayr, il y a seulement quelques jours !

Al-Qusayr est une ville sunnite de Syrie de 30 000 habitants, avec une minorité chrétienne, située à moins de 10 km des frontières du Liban du côté de Hermel. Avec Homs qui n’est qu’à 35 km au nord-est de la ville, cette région constitue un carrefour stratégique d’une grande importance pour la survie du régime syrien de Bachar el-Assad. Etant sur l’axe des combats Nord-Sud, son contrôle est vital, que le président syrien reste à Damas ou déménage avec ses cliques et ses claques à Lattaquié pour créer l’Etat Alaouite. Cela permettrait de maintenir une continuité territoriale, quelle que soit l’évolution de la situation militaire en Syrie, entre le clan Assad et la milice du Hezbollah, entre les Alaouites et les Chiites syriens d’un côté et les Alaouites et les Chiites libanais de l’autre côté, une nécessité absolue pour garder l’axe mollahs-alaouites-hezbollahi, pleinement opérationnel. Vous comprenez alors pourquoi il n’est pas exagéré de dire que la bataille d’Al-Qusayr-Homs est la mère de toutes les batailles de Syrie. De son issue dépend la suite de la révolution déclenchée le 15 mars 2011.

Cette ville syrienne est soumise depuis dimanche dernier à un déluge de fer et de feu, à un rythme de 30 obus par minute, et mise à feu et à sang, par l’armée alaouite syrienne du dernier tyran des Assad et par la milice chiite libanaise du Hezbollah, comme le montre cette photographie odieuse. Tous les moyens militaires sont utilisés pour faire tomber la ville : les raids aériens, les missiles sol-sol, l’artillerie lourde et bien sûr, les ignobles Grads et Katiouchas russes. Pour rappel, ce sont les célèbres réjmét, ces fameux lance-roquettes multiples et les orgues de Staline, de triste mémoire, avec lesquels l’armée syrienne de Hafez el-Assad nous a bombardés. Pouvant lancer une quarantaine de roquettes d’affilée, ils sont moins connus pour leur précision de tir, médiocre, que pour leur efficacité à propager la terreur et à détruire massivement les zones ennemies. Ils assurent surtout « el 2asf el 3achwéyé ». Au passage, les deux Grads tombés ce matin à Chiyah, résulteraient soit d'un "tir ennemi", soit d’une "erreur humaine" de manipulation des miliciens du Hezbollah. Mais ne cherchez pas, personne au Liban ne possède autant de Grads que la milice du Hezbollah. Dans tous les cas, ce qui est sûr et certain, c'est que personne ne possède la liberté de mouvement et d'action au Liban, autant que la milice chiite. On peut donc dire que ces Grads appartiennent au Hezbollah, voir à un autre groupe armé ; ils étaient peut être destinés à Tripoli, voir à Al-Qusayr ; ils sont partis par erreur, voir  intentionnellement! Dans tous les cas, bonjour la « résistance (à Israël) »!

Toujours est-il, la milice libanaise s’est engagée à Al-Qusayr avec 1700 hommes. Elle a déjà perdu, de l’aveu même du Hezbollah, une centaine de miliciens en Syrie ces derniers mois (on parle même de 150 hommes), dont une trentaine seulement la semaine écoulée. Ces chiffres sont corroborés par les enterrements de jeunes libanais chiites morts dans « l’accomplissement de leur devoir djihadiste », comme le reconnait el-sayyed himself, qui se sont succédés à une fréquence inquiétante ces derniers jours. Etant donné le rapport des forces, de l’avis de tous, la résistance des rebelles syriens est remarquable. Mais, l’enjeu stratégique, l’intensité des combats, la ténacité des rebelles et la détermination des assaillants, laissent penser que le pire est à venir.

Et ce n’est surement pas Hassan Nasrallah qui me contredira. Apparu à l’occasion de la fête de la libération hier, il a tenté désespérément pendant plus d’une heure de faire gober à ses compatriotes que « Nous (les miliciens du Hezbollah) combattons pour protéger la résistance (auto-désignation du Hezbollah) et le Liban. » Pour protéger le Liban ? Foutaises, oui ! Un peu plus loin, le chef de la milice chiite est beaucoup plus explicite : « La Syrie, c'est la protection arrière de la résistance... Si nous n'agissons pas, nous sommes des idiots. » Voilà qui est bien dit. Pour développer ses arguments, el-sayyed ajoute : « La montée des mouvements radicaux ne constituent pas uniquement une menace pour les chiites au Liban, mais pour tous les Libanais, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. » Cause toujours, tu m’intéresses ! Notez bien au passage, cette attention à l’égard des « chrétiens ». Faire peur aux chrétiens en agitant l’épouvantail des salafistes, c’est l’argumentation à 5 piastres. Leik min 3am yé7ké ! Hassan Nasrallah aurait dû se regarder dans une glace avant de monologuer avec les Libanais, il se serait rendu compte qu’il n’était ni en costard-cravate ni avec une barbe de trois jours ! Enno ma3lé, le Hezbollah n’a rien à envier aux extrémistes sunnites, qu’ils soient Frères musulmans ou salafistes. Mais Hassan Nasrallah se doute quand même, que tout chrétien libanais finira un jour par se demander tout de même, quel intérêt stratégique -oublions un instant les considérations chrétiennes et humanistes- peut bien justifier l’alliance des chrétiens de Michel Aoun avec une milice chiite qui sera maudite par les sunnites libanais et syriens jusqu’à la fin des temps, à la fois pour l’assassinat de Rafic Hariri et pour le martyr du peuple syrien, et qui de surcroit, ne cache pas sa volonté d’établir une république chiite au Liban, affirmation transcrite noir sur blanc dans le livre du cheikh Naïm Qassem, édition 2009 svp !

Pour revenir à la photographie, comme je l'ai dit dans mon intro, cette image n’était pas sans me rappeler d’autres photographies d’Achrafieh, de Zahlé, de Bhamdoun, de Tripoli, de Beyrouth-Est, de Beyrouth-Ouest, de tout le réduit-chrétien, des villes soumises au même déluge de fer et de feu et mises à feu et à sang, durant la funeste occupation du Liban de 1976 à 2005 par les mêmes Assad, père et fils, un nom qui restera à jamais maudit dans la mémoire collective libanaise, notamment chrétienne, et les visites folkloriques déplacées de Michel Aoun à Bachar el-Assad, n’y changeront rien.

Cette image n’est pas sans me rappeler celles de la « guerre fratricide interchiite » entre 1988-1990, où la milice du Hezbollah est entrée en conflit avec la milice de Nabih Berri, mettant Beyrouth à feu et à sang, pour s’assurer le contrôle de Beyrouth-Ouest et du Sud-Liban. Triste bilan de cette soi-disant « résistance » : des centaines de morts, des milliers de blessés et des centaines de milliers de Beyrouthins terrorisés !

Cette image n’est pas sans me rappeler aussi, celle de la « victoire divine » de juillet 2006, où la milice du Hezbollah décida de mener une opération militaire en territoire israélien, mettant le Liban tout entier à feu et à sang, pour libérer un criminel libanais, Samir Kantar, un homme condamné pour l’assassinat d’une fillette israélienne de 4 ans avec la crosse de son fusil lors d’une opération palestinienne en 1979 ! Triste bilan de cette soi-disant « résistance » : une guerre dévastatrice de 33 jours entre la milice chiite et l’Etat hébreux, à l’origine de plus de mille morts, des milliers de blessés, des centaines de milliers de personnes déplacés et 3,5 millions de Libanais terrorisés ; une guerre qui nous a couté près de 50 % de notre PIB, alors qu’elle n’a couté aux Israéliens que 3 % de leur PIB !

Cette image n’est pas sans me rappeler également, celles du « jour glorieux » du 7 mai 2008 où la milice du Hezbollah décida de faire plier l’Etat libanais, en mettant Beyrouth et le Mont-Liban à feu et à sang, afin de garder la mainmise sur l’aéroport de Beyrouth, ainsi que le contrôle des réseaux illégaux de télécommunications au Liban. Triste bilan de cette soi-disant « résistance » : une centaine de morts, des centaines de blessés et des centaines de milliers de Libanais terrorisés.

Dans tous les cas, ce qui se passe en Syrie ne concerne que les Syriens. Les miliciens du Hezbollah n’ont rien à y faire. Leur présence en Syrie constitue une occupation d’un territoire étranger condamné par le droit international. Leur participation aux combats, quelque soient les motifs bidon invoqués par Hassan Nasrallah, constitue un crime de guerre condamné aussi par le droit international. L’ironie de l’histoire a voulu que cette « fête de la Libération » tombe cette année au moment où la milice du Hezbollah, cette soi-disant « résistance à Israël », occupe une partie de la Syrie et met ses villes à feu et à sang et soumet sa population à un déluge de fer et feu ! Avouez qu’aujourd’hui, il faut avoir un grave trouble schizophrénique pour être un défenseur de cette milice et aller ensuite critiquer Israël.

Pire encore, l’ironie de l’histoire a voulu que cette « fête de la Libération » tombe cette année au moment où la milice du Hezbollah, ce soi-disant bras armé d’Allah, met le Liban et sa population en danger plus que jamais ! Nul besoin d’être un expert géostratégique, pour comprendre que la tragédie de Tripoli, qui a fait pour l’instant une trentaine de morts (plus de 200 blessés), est étroitement liée à celle d’Al-Qusayr. La concomitance de l’attaque d’Assad-Nasrallah contre la ville syrienne avec la recrudescence des combats dans la ville libanaise, entre sunnites et alaouites, ne doit rien au hasard. Et là aussi, le pire est à venir. Pour celles et ceux qui ont raté le speech de Hassan Nasrallah, un petit résumé. Le chef de la milice du Hezbollah a révélé à la population libanaise « qu'une guerre mondiale a été lancée contre la Syrie. » Il a annoncé à la population libanaise « que ceux qui veulent combattre aillent en Syrie... pourquoi se battre au Liban? » Enfin, il a promis à la population libanaise que « nous sortirons victorieux de cette bataille. Nous sacrifierons tout pour parvenir à cette victoire. » En somme, un avenir bien sombre pour le Liban et sa population. Lamentable !

Depuis 1992, et la dissolution des milices libanaises, la milice du Hezbollah rappelle aux Libanais quotidiennement qu’ils sont toujours en état de guerre civile au Liban. Et ce n’est surement par le discours du chef de cette milice qui est venu les rassurer. « Le problème essentiel est que, depuis la création de l’Etat libanais, les responsables libanais n’ont jamais considéré Israël comme un pays ennemi qu’il faut combattre... Depuis le retrait des forces syriennes du Liban en 2005, le gouvernement libanais n’a pas réussi à renforcer son armée face aux menaces israéliennes... Nous vivons dans un Etat confessionnel, incapable d’adopter une nouvelle loi électorale. Comment peut-on s’attendre de cet Etat de résister face à l’armée israélienne ? » Traduction en bêlements pour les moutons de Panurge : « moi el sayyed, j’ai décidé que l’Etat libanais restera déficient, que ma milice restera armée et que vous resterez en guerre avec Israël ad vitam aeternam, jusqu’à ce que la désolation s’installe au pays du lait et du miel et que mort s’en suive ». Du « sacrifice de l’agneau d’Abraham » pour Yahvé, le Hezbollah nous ramène aux « sacrifices humains » sur l’autel des mollahs de la République islamique d’Iran. Allez en chœur, criez avec moi: ya3ich « el jeich, el cha3eb woul mouqawamé », ya3ich !

Aujourd’hui, le Hezbollah nous apporte une nouvelle preuve qu’au pays du Cèdre, toute arme en dehors des mains des autorités libanaises, n’est qu’un outil de la mort au service d’intérêts personnels et loco-régionaux. Ce fut le cas lors de la guerre de juillet 2006 et de l’invasion de Beyrouth le 7 mai 2008. Hélas, c’est le cas actuellement avec l’implication de la milice chiite dans les combats en Syrie. L’histoire écrira qu’à Qusayr une soi-disant « Résistance » s’est transformée en une « force d’occupation », et des « sauvageons rebelles » se sont montrés plus dignes du titre de « Résistance ». Si on veut sérieusement et définitivement en finir avec l’insécurité dans la capitale du Nord et partout ailleurs au Liban, comme à Chiyah par exemple, le Conseil des ministres, avec l’aval du peuple libanais et de ses représentants, doit donner un ordre politique clair à l’armée libanaise pour contrôler fermement nos frontières et procéder enfin, au désarment de toutes les milices et de tous les groupes armés au Liban, à Tripoli comme à Dahiyé, conformément à l'accord de Taëf et aux résolutions du Conseil de sécurité 1559 et 1701. Qu’attendent nos politiciens pour placer ce point en tête des programmes électoraux ? On se le demande ! Et tout ce qui est en dehors de cela, n'est que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el 7aké.

jeudi 23 mai 2013

Le drame de Tripoli : la déficience du pouvoir politique et l'impuissance de l'armée libanaise (Art.146)


Le drame de Tripoli ne laisse personne indifférent. Non seulement parce que toutes ces images nous ramènent au pire moment de la guerre civile (1975-1990) mais aussi parce qu’elles sont récurrentes. Elles nous démontrent que les guerres du Liban ne sont pas encore terminées ; hélas, nous sommes toujours en état de guerre civile. Elles nous prouvent que notre pays abonde d’armes et d’excités de la gâchette. Elles nous rappellent qu’au pays du Cèdre, toute arme en dehors des mains des autorités libanaises, n’est qu’un outil de la mort au service d’intérêts personnels et loco-régionaux. Le meilleur exemple étant cette soi-disant « résistance », auto-désignation du Hezbollah de l’action de sa milice contre Israël, embourbée aujourd’hui dans la guerre civile en Syrie aux côtés du dernier tyran des Assad.

Toujours est-il, certains compatriotes trouvent que l’inaction de l’armée libanaise à Tripoli est une « honte ». Ils pensent que « L'armée a l'autorité et l'ordre émanant de tous les conseils des ministres de maintenir l'ordre sur tout le territoire national. Se cacher derrière l'autorité de l'exécutif est un mensonge. La décision revient à l'armée, plus qu’à la décision politique. L'armée a la mission non seulement de maintenir l'ordre à Tripoli mais aussi d'anéantir toute source de tirs et de tirer sur n'importe quel élément armé. » Si on suit ce raisonnement, l'armée libanaise devrait donc intervenir à Tripoli et ailleurs, coute que coute, car elle aurait en quelque sorte carte blanche « permanente » pour le faire. Certes, tout citoyen est en droit d’exiger de l’armée libanaise que sa sécurité soit assurée. Mais, il n’empêche qu’un tel raisonnement, donner un feu vert « permanent » à l’armée pour intervenir à l’intérieur du pays, n'est valable que dans un régime militaire ou fasciste. Ce n’est absolument pas le cas du Liban, fort heureusement.

L’armée libanaise, même dans une démocratie rachitique comme celle du Liban, dépend étroitement du pouvoir politique. Comme le pouvoir politique au Liban est « déficient », l’armée libanaise se trouve « impuissante » face à un drame comme celui de Tripoli. C’est aussi simple que ça !

Dans ce contexte confus, il est nécessaire de préciser cinq points :

1. Le rôle d’une armée n'est pas de maintenir l'ordre mais de défendre les frontières. Hélas, au Liban, la milice du Hezbollah s’est accaparée le rôle de l’armée, reléguant l’armée libanaise dans un rôle de police. En tout cas, même pour la défense des frontières, l’armée doit avoir le feu vert du pouvoir politique pour engager le pays et sa population dans toute guerre extérieur.

2. On a recours à l'armée libanaise à l'intérieur de notre pays pour deux raisons. D’un côté, parce que 23 ans après l'accord de Taëf et malgré deux résolutions du Conseil de sécurité (1559 et 1701), il y a encore des milices et des groupes armés au Liban (libanais et palestiniens ; le Hezbollah étant la milice la plus importante de toutes), hélas pour la population civile. D’un autre côté, parce qu'aucune institution ne peut faire face à ces milices et ces groupes armés à part l'armée libanaise. Si un engagement extérieur nécessite l'aval du pouvoir politique, comme dans toute démocratie, alors n'en parlons pas pour les interventions à l'intérieur des frontières.

3. Depuis l'accord de Taëf, l'armée libanaise est contrôlée principalement par le Conseil des ministres réunis, et secondairement par le ministre de la Défense, le commandant de l'armée libanaise et le chef des forces armées (le président de la République). En effet, l’article 49 de la Constitution libanaise précise que « les forces armées sont soumises à l'autorité du Conseil des ministres ». Idem pour l’article 65, « Le pouvoir exécutif est confié au Conseil des ministres qui constitue le pouvoir auquel sont soumises les forces armées. » Ainsi, tout engagement de l'armée libanaise, nécessite donc l'aval du pouvoir politique. Sinon, elle constituerait une violation de la Constitution et des principes démocratiques. Certes, on n'en est pas à une violation près, mais ça serait une de plus, quand même. 

4. Certains dans notre pays semblent confondre deux situations. L'auto-défense, si l’armée est la cible de tirs, est une chose, l’intervention contre les groupes armés qui se battent entre eux, comme à Tripoli, en est tout autre. La première situation n’a évidemment pas besoin de décision du Conseil des ministres. Théoriquement bien entendu, sauf qu’au Liban, si, même l’auto-défense a besoin d’une couverture politique. La preuve, l’affaire Ersal ! Par contre, toute intervention militaire a bel et bien besoin d'une décision en Conseil des ministres. Sinon, c’est une violation de la Constitution.

5. Le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, a déclaré hier que « l’armée a toutes les prérogatives pour prendre les mesures nécessaires en vue de mettre un terme aux troubles et arrêter ceux qui constituent une menace pour la sécurité ». Excellent, mais les Tripolitains attendent bien davantage. Faut-il rappeler au chef de gouvernement qu’on est quand même au énième round entre les quartiers de Jabal Mo7sen et Beb el-Tébbéné ? Les combats de ces derniers jours prouvent que toutes les mesures politiques et militaires prises depuis des années jusqu'à ce jour, ne sont que des rafistolages. Si on veut sérieusement et définitivement en finir avec l’insécurité dans la capitale du Nord, comme partout ailleurs au Liban, le Conseil des ministres doit donner un ordre politique clair à l’armée libanaise pour procéder enfin, au désarment des milices et des groupes armés à Tripoli, comme dans le reste du pays du Cèdre, conformément à l'accord de Taëf et aux résolutions du Conseil de sécurité 1559 et 1701. Et tout ce qui est en dehors de cela, n'est que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el 7aké !

Les événements tragiques de Tripoli ne sont pas sans rappeler ceux de Beyrouth le 7 mai 2008. Jusqu’à ce jour, beaucoup de Libanais reprochent encore à l’armée libanaise de ne pas être intervenue face au Hezbollah. Là aussi, il est peut être intéressant de dresser le contexte. Alors que le Hezbollah venait de montrer encore une fois sa nature milicienne, en mettant Beyrouth et une partie du Mont-Liban à feu et à sang, le 14 Mars était au pouvoir, le 8 Mars n'y était pas, Fouad Siniora était Premier ministre (ce n'est pas un mollasson à ce que je sache!), qu'a-t-on fait ? Rien. L'armée libanaise n'a reçu aucun ordre du 14 Mars pour intervenir « activement » alors que la milice chiite avait placé le Liban de nouveau au bord de la guerre civile. Tout ce qui pourra être dit pour justifier cela est d'ordre politique, et valide mon affirmation! Il faudrait peut-être arrêter une certaine mauvaise foi, et surtout, cette manie de vouloir déplacer les problèmes et trouver des bouc-émissaires. L'origine de l'inaction de l'armée libanaise et son impuissance pour arrêter les combats entre des fractions armées, est incontestablement d'ordre politique ! Tenez, un exemple qui le confirme, il y a six ans, pratiquement jour pour jour, l’armée libanaise avait reçu l'ordre politique de neutraliser un groupe terroriste made in Syria & by Assad, Fateh el-Islam. La mission fut accomplie.

Une toute dernière chose et non des moindres. Tout citoyen libanais est en droit de se demander si nos dépenses militaires qui s’élèveront en 2013 à 1,645 milliards de dollars, sont pleinement justifiées. Mais là aussi, ce point relève uniquement du ressort politique et non militaire. Il dépend exclusivement du gouvernent et du Parlement libanais.