dimanche 24 mars 2013

Par sa démission, Najib Mikati s'est fixé trois objectifs ! (Art.129)


Si j’étais né de la dernière pluie, j’aurais été tenté de saluer la décision courageuse d’un homme et l’esprit démocratique d’un Premier ministre, en me persuadant que la formule de l'ancien ministre du pays des 300 fromages, Jean-Pierre Chevènement, est aussi valable au pays des 17 communautés, « un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, il démissionne », et que forcément un Premier ministre, ça ouvre sa gueule ; si ça veut la fermer, il démissionne. Najib Mikati deviendrait alors mon héros. Mais bon, il ne faut pas rêver ! L’histoire a déjà écrit ce chapitre de la politique libanaise. Najib Mikati est celui qui a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat démocratico-milicien, le 12 janvier 2011. Il est peut-être le Libanais le plus riche, mais il ne peut pas être mon héros.

Avant d’aborder la démission en soi, je voudrais m’arrêter un instant sur l’auto-satisfecit d’un Premier ministre, qui lors de la conférence de presse avant-hier, annonçant une décision aussi grave que sa démission, a eu quand même le temps de glisser, « nous avons fini de déférer l’échelle des salaires, fruit d’une revendication légitime, devant le Parlement, et que cela a été fait sans que notre économie ait à en souffrir », alors que les experts économiques eux considèrent que le rééchelonnement de la grille des salaires à la hâte avant sa démission, est une vraie catastrophe pour le Liban car Najib Mikati n’a pas tenu compte des mises en garde de la Banque du Liban et des institutions monétaires internationales sur les conséquences de l’adoption de ses réformes sur l’économie d’un pays dont la dette publique est de l’ordre de 135 % de son PIB, et dont la croissance est menacée par l’insécurité, les conflits armés, l’inflation et la présence d’un million de réfugiés syriens sur son sol, peut-être 2 millions à la fin de l’année ! Là où des pays comme la Grèce et Chypre, des Etats soutenus pourtant par l’Union européenne, optent pour plus de rigueur, le Liban continue à vivre au-dessus de ses moyens. Bassita, ce n'est pas le sujet du jour.

Dans son message de démission, Najib Mikati évoque deux sujets, le blocage des ministres du 8 Mars, notamment ceux du Hezbollah (Hassan Nasrallah), d’Amal (Nabih Berri) et du Courant patriotique libre (Michel Aoun), de la formation du comité de supervision des élections et de la prorogation du mandat d’Achraf Rifi. En conséquence, il a déclaré : « J’annonce la démission du gouvernement, en espérant que cela amènerait les principaux blocs politiques à assumer leurs responsabilités et à trouver une issue à la crise ». Non mais franchement, comment peut-on se foutre de la gueule de ses concitoyens à ce point ? Comment diable il espère créer le comité de supervision des élections et proroger le mandat du directeur générale des Forces de sécurité intérieure (FSI), en démissionnant ? Aujourd’hui, il se place de facto, comme Premier ministre expédiant les affaires courantes, donc dans l’incapacité totale d’agir sur les soi-disant « motifs » de sa démission ! Hallucinant.

L’imbroglio politique qui s'est joué le 22 mars au palais de Baabda est particulièrement intéressant. Une analyse du déroulement du Conseil des ministres permet de comprendre que la « sincérité » affichée par le Premier ministre, illustrée par un visage grave de circonstance, était fausse. Passons sur les petits détails qui n’apportent rien, mais qui égarent. En résumé, malgré la confusion qui entoure cette réunion, on apprend du 2al wou 2il des uns et des autres, et du recoupement des infos, qu’après le refus des ministres du 8 Mars de créer le comité de supervision des élections et des noms proposés, le président de la République, Michel Sleiman, aurait annoncé : « Je ne peux pas imaginer une session du gouvernement où la création du comité de supervision des élections ne figure pas en tête de l’ordre du jour, afin de préserver la Constitution qui m’était confiée, et par conséquent, je suspends la session et demande au ministre de l’Intérieur de consulter le Premier ministre pour proposer de nouveaux noms la semaine prochaine ». Il a décidé alors de suspendre la réunion du Conseil. Le Premier ministre a aussitôt exprimé sa solidarité avec le président sur ce point, mais il a souhaité évoquer la prorogation du mandat d’Achraf Rifi avant la suspension de la réunion. Les ministres du 8 Mars, notamment ceux du Hezbollah et du Courant patriotique libre, ont fait connaître leur opposition catégorique. Le Premier ministre, Najib Mikati, a alors considéré en se référant à la déclaration du président, que « désormais aucune session du Conseil n’aura lieu », ce à quoi le président a répondu, « Non, il ne s’agit pas de cela ! ». C’est à ce moment précis que le Premier ministre aurait demandé au président de la République de suspendre le Conseil des ministres. Contrarié et sombre, Najib Mikati quitta brusquement les lieux, la salle de réunion au palais présidentiel, avant le président de la République, contrairement à ce que prévoit le protocole, pour se diriger vers le grand Sérail, d’où il a annoncé sa démission, contrairement à l'usage protocolaire qui veut que la démission du Premier ministre soit annoncée du palais présidentiel à Baabda et non du siège du gouvernement à Beyrouth ! Sacré journée, n’est-ce pas ? Eh bien, tout laisse penser que Najib Mikati cherchait un prétexte pour saboter ce Conseil des ministres et présenter sa démission. Reste à savoir pourquoi ? Sans doute pour de multiples raisons, mais disons, une les domine toutes. Najib Mikati attendait une sortie de scène suffisamment glorieuse, pour exécuter un autre agenda. Il l'a obtenu avec le nœud Achraf Rifi.

On dit que Najib Mikati a pris cette décision après s’être assuré que « les jours de Bachar el-Assad étaient comptés » (éditorial d’Almustaqbal 23/3/2013). La rigolade ! Il semble que ce « disque » n’est pas encore rayé, même après 2 ans de passage en boucle. Allez, donnons-nous rendez-vous dans quelques mois, pour une nouvelle lecture. Certains du 14 Mars, notamment au sein du Courant du Futur, non seulement crient victoire, mais ont annoncé que la démission du gouvernement, qui est une revendication 14-Marsienne, ouvre la porte au retour à la table du dialogue (Ahmad Fatfat). Mais bien sûr, bonne chance alors ! Pour d’autres, il convient de faire l’éloge de Walid Joumblatt pour ces dernières prises de position (Ahmad Hariri). Encore bonne chance les gars !

On dit aussi que Najib Mikati a démissionné car les ministres du 8 Mars, du Hezbollah et du Courant patriotique libre ont refusé de proroger le mandat d’Achraf Rifi. Lol, évidemment que c’est faux. Je ne comprends pas, pourquoi, en démissionnant a-t-il prorogé le mandat du chef des FSI ou va-t-il éviter la mise à la retraite du chef des FSI ? Comment peut-il espérer quoi que ce soit sachant que le 8 Mars contrôle le Parlement grâce à Walid Joumblatt ? La rigolade encore, ou la mascarade si vous préférez. Dans quelques jours Achraf Rifi devrait rentrer chez lui a priori, il l’a d’ailleurs annoncé sereinement en début de semaine, et remettre les commandes des FSI à un subalterne, le directeur général des FSI, le brigadier Roger Salem, jusqu'à fin juin 2013, et à l'officier le plus gradé des FSI par la suite, si le poste restait vacant. L'ancien directeur des FSI, Ali el-Hajj, un proche du régime syrien, qui s'active depuis quelques jours, ne peut pas diriger les FSI pour des raisons juridiques. Rappelons que Ali el-Hajj, était chef des FSI au moment de l'assassinat de Rafic Hariri. C'est lui qui a réduit la protection de ce dernier, de 40 personnes à 8 en novembre 2004 et c'est lui qui a déplacé les épaves du convoi de l'ancien Premier ministre du lieu du crime, quelque heures après l'explosion du 14 février 2005.

On dit également que Najib Mikati a démissionné pour redorer son blason au sein de la communauté sunnite, la veille des élections législatives. Sans doute ! Mais c'est à se demander si un esprit qui a accepté sans vergogne de retirer le pouvoir au leader de la communauté sunnite, Saad Hariri, pour le remettre au Hezbollah, dont 4 membres sont soupçonnés de l’assassinat de feu Rafic Hariri, le plus grand leader de la communauté sunnite libanaise de tous les temps, peut bien avoir de scrupules politiques deux ans après ? Je n’y crois pas. En tout cas, un responsable sunnite qui a une once de scrupules l’aurait fait à l’assassinat de Wissam el-Hassan, le 19 octobre 2012. Donc, faut-il voir des scrupules dans cette démission? Sûrement pas. Des intérêts? Certainement.

On dit par ailleurs que Najib Mikati a démissionné car les ministres du 8 Mars, du Hezbollah et du Courant patriotique libre ont refusé de créer le comité de supervision des élections. Sa démission est effectivement en rapport avec les prochaines élections législatives, mais pas comme l’entendent certains politiciens et analystes.

Rien, absolument rien, ne changera radicalement la situation interne au Liban à part les prochaines élections législatives, prévues le 9 juin 2013. Tout politicien chevronné le sait. Ni la lointaine chute de Bachar el-Assad (qui aurait dû avoir lieu selon les « analystes » à la fin du printemps 2011!), ni les hypothétiques frappes américaines en Iran (qui auraient dû avoir lieu au lendemain de l’élection de Barack Obama en automne 2012!), ni le Tribunal Spécial pour le Liban, ni la prochaine guerre israélo-libanaise, ni tous les cierges des églises d’Antioche et de tout l’Orient même un dimanche des Rameaux, seules les élections législatives permettraient de changer de majorité parlementaire et de gouvernement, donc de détenir le pouvoir législatif et exécutif, et présidentiel plus tard (déjà 2014!). La prorogation du mandat d’Achraf Rifi, la création de la commission de supervision des élections et toutes autres décisions politiques ou administratives, ne seraient que des formalités pour toute majorité qui sort des urnes. Mais pour qu’il y ait élections il faut une loi électorale. Pour bien comprendre la démission de Najib Mikati, il faut rappeler le contexte des discussions sur la loi électorale, car cette démission est intimement, et essentiellement, liée aux prochaines élections législatives.

Depuis que les discussions sérieuses se sont engagées au début du mois de janvier, la classe politique libanaise ne parvient pas à se mettre d’accord sur une nouvelle loi électorale. Les partis chrétiens, qui rejettent catégoriquement l’actuelle loi dite « loi de 1960 » (loi inique pour les communautés chrétiennes responsable de la mauvaise représentativité des communautés chrétiennes au Parlement libanais) sont favorables à la « loi du Rassemblement orthodoxe », qui instaure le « vote intracommunautaire », afin de mettre un terme à la désignation de la moitié des députés chrétiens par les leaders musulmans (Saad Hariri, Walid Joumblatt, Nabih Berri et Hassan Nasrallah). Saad Hariri et Walid Joumblatt sont farouchement opposés à la « loi orthodoxe » car elle amputerait leur bloc parlementaire non seulement des députés chrétiens mais elle ouvrirait aussi leurs communautés à la concurrence interne. Ils sont pour le maintien de la loi actuelle, « loi de 1960 », qui leur garantit un poids électoral supérieur à leur poids politique réel. Hassan Nasrallah et Nabih Berri, sont indifférents à la plupart des lois électorales, notamment la loi de 1960 et la loi orthodoxe, car les régions chiites sont homogènes et verrouillées manu militari.

Alors résumons. Le seul projet de loi électorale qui pouvait théoriquement passer au Parlement, était donc le projet de loi orthodoxe. Tous les autres ne passent pas. Les partis chrétiens, y sont favorables (au moins, ils l’étaient tous). Les partis chiites sont neutres, mais pourraient se ranger du côté des partis chrétiens (au moins, dans le passé). Les partis sunnites et druzes étaient farouchement contre, ainsi que Michel Sleiman et Najib Mikati ; ils le sont toujours et le resteront. Des élections dans 2 mois et demi, la majorité des partis libanais sont opposés à tout report, idem pour la communauté internationale, le temps presse, les discussions sont bloquées et la situation en Syrie s’enlise. Que faire ? Eh bien, il n’y a qu’à faire ce que fait tout mauvais joueur, démocrate de pacotille, renverser la table, surtout, au bon moment ! Voilà ce que vient de faire Najib Mikati.

En tout cas, indépendamment des pressions auxquelles il a été soumis, se trompe gravement qui croit que ce successful businessman est une marionnette manipulée, un homme qui ne sait pas ce qu’il veut. « Le projet orthodoxe ne passera pas. Il n’arrivera même pas devant le Conseil constitutionnel et j’ai mes méthodes pour m’assurer de cela... Je suis candidat (aux élections législatives) et je démissionnerai au moment des élections si elles ont lieu. Il y aura un gouvernement neutre pour diriger les élections et le Premier ministre ne devrait pas être candidat. » (MTV 4/3/2013) Se trompe gravement aussi qui croit que la 384e plus grande fortune du monde (selon le magazine Forbes), a accepté sur un coup de tête la mission du Hezbollah le 12 janvier 2011, au risque de se faire traiter de judas pour le restant de sa vie, et ne sait pas parfaitement où il va.

D’abord, il fallait saboter la « loi orthodoxe », sans donner l’impression de mépriser le consensus chrétien autour de ce projet. C’était en bonne voie, avec la signature par le président de la République et le Premier ministre le 4 mars, du décret pour la convocation du corps électoral selon la loi en vigueur, la loi de 1960 justement.

Ensuite, il fallait écarter les alternatives sérieuses à la loi orthodoxe, notamment les projets des petites circonscriptions, qui permettent de corriger la tare de la démocratie libanaise (la mauvaise représentativité des communautés chrétiennes au Parlement), mais qui sont défavorables à la communauté sunnite (sa communauté) et au 8 Mars (ses alliés). Dans ce sens, le projet électoral de Najib Mikati découpait le Liban en grandes circonscriptions, comme la loi de 1960 d'ailleurs. Notez au passage que le Premier ministre a déjà évoqué sa démission à plusieurs reprises lors de son interview avec Walid Abboud sur la MTV, au début du mois de mars. « Si je vois que la démission est la meilleure option, je le ferai certainement. » Eh oui, il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires !

Enfin, il fallait imposer au peuple libanais la tenue des prochaines élections, à temps peut-être, mais sous l’actuelle loi électorale, la « loi de 1960 » (qui a subi le lifting de Doha en 2008), une loi électorale qui convient à tout le monde sauf aux communautés chrétiennes, où la moitié des députés chrétiens du Parlement libanais seraient désignés par les électeurs musulmans. Nous avons là, le premier objectif que s'est fixé Najib Mikati. Mais ce n'est pas tout. Imposer la tenue des élections sous la loi de 1960, sur un fond de polémique autour du chef sunnite des FSI, Achraf Rifi, ne manquera pas de séduire la communauté sunnite à laquelle il appartient. Là, réside le deuxième objectif de la démission, (re)conquérir la communauté sunnite.
Rajoutons aussi, qu'en imposant la tenue des élections sous la loi de 1960, cela ne manquera pas de satisfaire Walid Joumblatt également. Pour compléter l'analyse disons qu'en fuyant son poste de Premier ministre, Najib Mikati n'aura pas à rentrer en confrontation avec le Hezbollah au sujet d'Achraf Rifi (la bête noire de la milice chiite qui a permis grâce à ses renseignements, l'accusation des 4 membres du Hezbollah par le Tribunal Spécial pour le Liban), ce qui ne manquera pas de satisfaire pleinement le parti qui l'a porté au pouvoir ! Et voilà donc, le troisième objectif de cette démission mûrement réfléchie.

On le voit bien, seule la démission permettait à Najib Mikati d’atteindre ces trois objectifs. Avec un gouvernement démissionnaire qui expédie les affaires courantes, les diverses menaces et les pressions internes et externes pour que les élections aient lieu à la date prévue, il ne sera tout simplement pas possible d’adopter une nouvelle loi électorale et de se prononcer sur la succession d'Achraf Rifi.

Deux détails intéressants confirment mon hypothèse. Le premier porte sur le timing de l’annonce. Najib Mikati a annoncé sa démission le jour même où les grands partis chrétiens, Forces libanaises, Kataeb, Marada et Courant patriotique libre, ainsi que des personnalités chrétiennes indépendantes, Boutros Harb et Ziad Baroud, étaient réunis à Bkerké sous l’égide du patriarche maronite Bechara Raï, pour discuter de la loi électorale, des alternatives à la loi orthodoxe et des blocages des discussions dans les commissions parlementaires. Hasard des coïncidences sans doute, mais lapsus révélateur quand même. Le consensus chrétien dérange ! Le second détail porte sur la déclaration à chaud de Walid Joumblatt suite à la démission de Najib Mikati. Vous allez vraiment tout comprendre ! « Il y a une loi en vigueur, c’est la loi de 1960, jusqu’à ce qu’on se mette d’accord sur une nouvelle loi. Si nous nous mettons d’accord sur une loi autre que la loi de 1960, nous pourrons la remplacer par la nouvelle loi. Le gouvernement ne peut pas légiférer, cela revient au Parlement. Nous irons comme l’a dit le président de la République vers la loi de 1960. Et je serai candidat aux élections sous la loi de 1960 ». Extraordinaire, n’est-ce pas ? Bassita ya Beik, il n’est nul besoin de répéter comme un gâteux à quatre reprises, « loi de 1960 », tout le monde l’a compris et en tirera les conséquences qui s’imposent. Ce n'est pas par hasard que Najib Mikati a tenu a remercié personnellement Walid Joumblatt vendredi soir et que ce dernier s'est considéré sur le même bateau que le premier. Eh bien, soit ! Mais que les deux hommes sachent, le mépris de la volonté des partis chrétiens d’en finir avec la loi de 1960, aura forcément des conséquences non désirées mais parfaitement prévisibles. Parce que, comme l'a dit si bien Abou el-Tayeb al-Moutannabi:

ما كل ما يتمنى المرء يدركه        تجري الرياح بما لا تشتهي السفن 


Enfin, pourquoi faut-il toujours dans notre pays maudit, qu'on n'aborde les problèmes qu'au dernier quart d'heure ? La date de l'échéance électorale et l'arrivée à la retraite d'Achraf Rifi, sont connues de tous et depuis longtemps. Ce sont deux exemples affligeants de l'amateurisme autruchien de certains de la classe politique. Dans tous les cas, qu'importe sous quelle loi électorale se dérouleront les prochaines élections législatives, en tant qu'individu de cette société civile responsable, je m'engagerai dans la bataille électorale corps et âme, pour défendre une certaine idée du pays du Cèdre. Dans mon Liban, le général Achraf Rifi a une place d'honneur n'en déplaise au Hezbollah et à ses alliés.
EN GUISE DE CONCLUSION.

Au lieu de se réjouir de la démission du Premier ministre, toutes les composantes du 14 Mars, notamment le courant du Futur, les Kataeb et les Forces libanaises, devraient s'en inquiéter gravement. Najib Mikati est un homme d'affaires réussi et un homme politique habile, cela ne fait aucun doute. Saad Hariri, Amine Gemayel et Samir Geagea doivent savoir qu'en démissionnant, Najib Mikati s'est fixé trois objectifs: imposer la « loi de 1960 » aux partis chrétiens, (re)conquérir la communauté sunnite et maintenir son alliance avec Walid Joumblatt et le Hezbollah ! L'avenir proche nous en dira plus.

mardi 19 mars 2013

Mais que fait l’Armée syrienne libre au Liban, bordel ? (Art.128)


On apprend en parcourant la presse ce matin que l’aviation du dernier tyran des Assad a bombardé dans la journée de lundi, la frontière libano-syrienne à hauteur d'Aarsal (Ersal, Wadi Kheil). En fin d’après-midi, des militaires libanais, n’étaient pas encore en mesure de préciser si les quatre roquettes étaient tombées du côté libanais ou du côté syrien, comme s’il s’agissait d’un match de Roland Garros et que les roquettes étaient aussi furtives et discrètes que les balles de tennis. Nié par le ministère des Affaires étrangères du régime syrien, ce raid fut confirmé plus tard par le commandement de l'armée libanaise comme l'a annoncé le président de la République, Michel Sleiman. L’attaque a été également confirmée par le département d’Etat américain et le quai d’Orsay, qui ont dénoncé tous les deux, la violation grave de la souveraineté libanaise. Bassita, méché el7al, nous ne sommes pas à une violation près de cette souveraineté avec des multirécidivistes de la trempe des Assad, père et fils.

Bass aya 7al badkoun yémché, leich tarakoulo 7al lal balad ! Justement, puisque nous sommes réduits à être des spectateurs, restons un peu dans l’esprit des matchs de tennis. Après les menaces du régime syrien que « Le feu du terrorisme ne consumera pas seulement la Syrie mais pourrait se propager au Liban et à la Jordanie, surtout si ces deux pays interviennent en Syrie, en ignorant le passage d’hommes armés et d’armes à partir de leur territoire ou en participant directement au complot contre la Syrie », on a appris samedi dernier que Louay al-Mokdad, le porte-parole de l’Armée syrienne libre (ASL), coordinateur politique et médiatique des rebelles syriens, compagnon de lait d’Okab Sakr à ses heures perdues, a déclaré au quotidien libanais Annahar, texto : « L’armée syrienne libre est prête à prendre l’initiative qui prévoirait un cessez-le-feu et le retrait de ses unités vers l’intérieur syrien si l’armée libanaise assurait le contrôle de la frontière commune avec la Syrie ». Macha2’Allah !

Il faut dire que le match avait commencé depuis longtemps. Dernier set vers la mi-février, le général Selim Idriss, chef d'état-major de l'Armée syrienne libre déclara : « Si le Hezbollah n'arrête pas ses opérations en Syrie, l'ASL va bombarder les positions du parti (au Liban) avec toutes les armes disponibles ». Info démentie par la suite par Fahed el-Masri, le porte-parole du commandement conjoint de l'Armée syrienne libre de l'intérieur. Mais cela n’a pas empêché ce dernier, deux semaines plus tard, de mettre en garde : « L'avenir des relations de voisinage avec le Liban est aujourd'hui en danger... Toutes les options restent ouvertes, si l'agression flagrante sur le territoire syrien et les citoyens syriens ne s’arrêtent pas. » Fraternellement vôtre !

Ce n’est pas par hasard que le 14 mars, les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU, à l'unanimité s'il vous plaît, se sont dits « très inquiets des incidents frontaliers répétés entre le Liban et la Syrie ». Ils redoutent « l’impact de la crise syrienne sur la stabilité du Liban ». Ils ont souligné « l’importance de respecter totalement la souveraineté, l’unité, l’intégrité territoriale et l’autorité de l’Etat libanais ».

La déclaration du coordinateur politique et médiatique des rebelles syriens samedi est grave pour trois raisons.

Primo, parce que le porte-parole de l’ASL avoue publiquement que des combattants de l’opposition syrienne se trouvent actuellement sur le sol libanais. Il importe peu de savoir qu’ils sont anti-régime, leur présence est bel et bien une violation de la souveraineté libanaise.

Secundo, parce que cet opposant syrien a le culot de fixer des conditions au Liban ! C’est une autre violation de la souveraineté libanaise.

Tertio, parce que sa déclaration intervient dans l’indifférence générale. Elle n’a suscité aucune réaction, notamment de la part du 14 Mars qui était réuni hier au Biel pour célébrer la « seconde indépendance » du Liban de l’occupation syrienne justement. Cette absence de réaction du 14 Mars -mais aussi du 8 Mars, qui est impliqué activement dans la guerre syrienne- est en soi une violation de la souveraineté libanaise, la plus grave des trois d’ailleurs, puisqu'elle est commise par des Libanais.

Aujourd’hui, le pays du Cèdre se trouve mouillé jusqu’au cou dans le conflit syrien. Résumons un peu la situation pour voir.


- La milice chiite du Hezbollah combat au côté du régime alaouite de Bachar el-Assad, cela ne fait plus aucun doute. Elle vient tout juste d’enterrer un des siens avant-hier, tombé dans l’accomplissement de son « djihad », la formule honorifique pour désigner les miliciens tués au cours des combats en Syrie. Sayed Hassan Nasrallah a reconnu les faits mais précise que les miliciens le font à titre personnel, comme sans doute les quatre accusés du « parti d’Allah » qui sont actuellement recherchés par le Tribunal Spécial pour le Liban dans l’assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri.
- Des Libanais sunnites se rendent continuellement en Syrie, pour combattre au côté des rebelles syriens, eux aussi pour l’accomplissement du « djihad », et parfois paient de leur vie (comme à Tell Kalakh).
- Le 8 Mars souhaite vivement que le régime alaouite parvienne à écraser la révolution syrienne, espérant naïvement garder les rênes du Liban et écarter pour longtemps le 14 Mars du pouvoir.
- Le 14 Mars souhaite vivement la chute du régime syrien, croyant naïvement que cela le débarrasserait du Hezbollah et de son arsenal, ainsi que de Michel Aoun et de ses caprices.
- Aujourd’hui, 25 % de la population au Liban est composée de réfugiés syriens. Ce chiffre est en constante augmentation. La situation est explosive sur tous les plans, humanitaire, sanitaire, social et économique.

Tout le monde déplore le raid de l’aviation de Bachar el-Assad sur « jroud Aarsal », moi en premier. Mais je m’étonne du silence de la classe politique libanaise à propos de l’existence au Liban d’éléments armés de l’opposition syrienne qui violent la souveraineté libanaise dans l’indifférence générale. Le 8 Mars, notamment le gouvernement de Najib Mikati et  le Courant patriotique libre de Michel Aoun, n'ose pas en parler, car cela va rappeler au peuple libanais que la milice du Hezbollah combat aux côtés du régime alaouite de Bachar el-Assad. Le 14 Mars, notamment le Courant du Futur de Saad Hariri, n'ose pas non plus en parler, afin de ne pas se brouiller avec l’opposition syrien et une partie de la population libanaise qui la soutient. Et pendant ce temps, 3.5 millions de Libanais bivouaquent sur les pentes d’un volcan !

Bref, Ghassan Hitto, fraichement élu Premier ministre de l’opposition syrienne à Istanbul, doit ordonner le retrait immédiat et sans condition de tous les éléments armés de l’opposition syrienne au Liban. Ces derniers violent non seulement la souveraineté libanaise, eux aussi, mais en plus, ils mettent en danger à la fois la population libanaise, c’est une évidence, mais aussi la présence même des réfugiés syriens au Liban.

Du côté libanais, il est navrant de voir notre pays s’enfoncer, tout entier, dans la crise syrienne. A force d’obstination, de certains, à vouloir lier le sort du Liban à celui de la Syrie, eh bien, on y est arrivé. Bravo ! Palme d’or, pour le Hezbollah. Comme dit sayed Ali el-Amine, ce dernier risque d’allumer le feu de la discorde entre les sunnites et les chiites, un feu dévastateur que nul ne pourra éteindre ! L’agression et l’humiliation récentes des cheikhs sunnites par les « adeptes de marie-jeanne », explication délirante du ministre libanais de l’Intérieur, un autre touriste de passage au pays du Cèdre, était une de ces étincelles qui auraient pu déclencher le grand feu de la discorde. Mais bon, revenons au « Festival des chicanes » -il ne nous reste plus que la dérision dans cette descente en enfer- Grand Prix, pour les autres composantes du 8 Mars, soutiens indéfectibles du régime de Bachar el-Assad, en dépit de la mort de 70 000 personnes. Prix du Jury populaire, pour le 14 Mars, indépendants compris, figé depuis 2 ans dans l'attente interminable de la chute de Bachar el-Assad. Le conflit syrien s’enlise de jour en jour. Hélas, ce ne sont pas les déclarations impulsives de François Hollande, sur l’armement des rebelles, qui vont l’écourter. De la pure consommation médiatique pour gagner quelques points de sondage. Si 15 ans de guerre civile, 15 ans de terreur syrienne, 6 ans d'assassinats politiques et surtout, 2 ans d'attente, ne nous ont rien appris à nous autres Libanais, hélas !, le reste du 21e siècle ne suffirait sans doute pas ! Il est grand temps de mettre fin à cette attente naïve et de détacher le Liban de l’enfer syrien, l'avenir est entre nos mains, la solution n'est certainement pas ailleurs.

Dans ce sens, il est peut-être grand temps également, de déployer l’armée libanaise le long de la frontière avec la Syrie, et faire en sorte, ou au moins essayer dans un premier temps, comme l’a dit le président de la République, Michel Sleiman, il y a quelques jours : « Arrêter tout homme armé ayant l’intention d’aller combattre en Syrie, qu’il appartienne à l’opposition ou pas ». Dans tous les cas, le déploiement de l’armée libanaise le long de la frontière libano-syrienne, doit devenir un thème électoral ! Tenez à propos, il est aussi grand temps que les partis politiques libanais présentent à ce peuple leurs programmes électoraux et s'engagent concrétement loin des « slogans sédatifs ».


Post-scriptum

C’est dans ces moments difficiles de notre histoire qu’on mesure la gravité de ce que Walid Joumblatt et Najib Mikati ont commis le 12 janvier 2011 -pour Michel Aoun et Nabih Berri, c'était dans la logique des choses !- en remettant le pouvoir décisionnel de l’Etat libanais, à une milice qui implique le Liban dans un conflit meurtrier et sans fin en Syrie, et leur détermination à rester aux côtés du Hezbollah malgré le risque d'embrasement du Liban et de tout le Moyen-Orient. Après « Le Jour glorieux », « La Victoire divine 1 », et avant « La Victoire divine 2 », la compagnie des mollahs nous a concocté  « La libération de Chebaa et du Golan passe par Damas et Homs ». Triste fin de la légende de la « résistance ». L’histoire écrira un jour, et quelle ironie, que les Assad, comme le Hezbollah, n'en parlons pas des mollahs, n’ont pas perdu autant de vies durant les longues années de conflit avec l’armée israélienne, qu’en se battant contre le peuple syrien, pour rester coûte que coûte au pouvoir, en Syrie, au Liban et en Iran !

vendredi 15 mars 2013

Wael Abou Faour doit démissionner pour incompétence et mise en danger du Liban ! (Art.126)


C’est devenu un art de gouverner à la libanaise ! Après le Premier ministre, Nagib Mikati, voilà un nouvel adepte, Wael Abou Faour, le ministre libanais des Affaires sociales, un proche du leader druze Walid Joumblatt. Il vient d’accorder une interview au quotidien Acharq el-Awsat, qui a été publiée aujourd’hui même. Sa lecture est fascinante. On découvre un jeune ministre qui explique en long et en large les dangers qui nous guettent et qui au lieu de s’atteler à les écarter, se perd dans les diversions politiques à 5 piastres. A le lire, on dirait que c’est un touriste qui a profité des offres promotionnelles de l’hiver, il n'est que de passage au pays du Cèdre.

Sa gestion du dossier des réfugiés syriens au Liban est calamiteuse. Aujourd'hui, 25% des habitants du Liban sont des réfugiés et le ministre des Affaires sociales palabre. Il s’est montré incompétent non seulement pour prévoir cette situation, qu'il a sous-estimée, il le reconnait, mais surtout pour gérer l’afflux massif de ces réfugiés. Le Liban n’a reçu que quelques millions de dollars pour 1 million de réfugiés, soit quelques misérables dollars par réfugié et le ministre palabre pour Acharq el-Awsat. Au lieu de ne plus dormir la nuit et aller sillonner sans relâche les capitales arabes et occidentales, pour mobiliser les fonds nécessaires pour une gestion à long terme, très long terme même -car c'est loin de se terminer !- il se contente de nous prévenir que « le dossier des réfugiés est une bombe à retardement sur les plans financier, sécuritaire et social » et attend gentiment dans son ministère les virements des gouvernements arabes et occidentaux. Il nous prévient -il aurait dû le prévoir depuis la militarisation du conflit syrien il y a plus d’un an et demi- que nous pourrons accueillir 700 000 réfugiés de plus d’ici la fin de l’année. Donc, plus de la moitié des habitants du Liban pourraient être des réfugiés syriens à la fin de l’année 2013 mais le ministre de Walid Joumblatt est totalement opposé à la fermeture des frontières pour des raisons « fraternelles et humanitaires ». Il précise à un moment que « le retard dans l’adoption par l’Etat d'un plan d'action a conduit à cette réalité difficile » -comme nous sommes rassurés de l'apprendre!- mais se perd par la suite à nous expliquer « qu’il existe des forces politiques (au Liban) qui veulent fermer les frontières... historiquement, certains détestent tout ce qui arabe ». On croit rêver ! Si vous avez raté le début, sachez que ce sont les propos d'un ministre, supposé responsable, de votre pays. Mais bordel, c’est qui l’Etat en ce moment ? Bakhos Baalbaki et Malék el-tawouk ? Wael Bou Faour doit tout simplement présenter sans plus tarder sa démission, pour incompétence, légèreté politique et mise en danger du Liban.

Par ailleurs, dans cette interview le ministre de Walid Joumblatt cherche à :

1. Faire oublier que le Bek est resté en bon terme avec le « régime criminel », comme il dit, après la pause anti-syrienne entre 2005-2008, et bien après le déclenchement de la Révolution syrienne il y a tout juste 2 ans, jusqu’à ce que le compteur des morts soit passé à 5 chiffres, car il croyait, comme tous les pro-syriens, que le régime de Bachar el-Assad avait la capacité d’écraser la Révolution syrienne.

2. Faire diversion après l’opposition honteuse du Bek à une loi électorale juste, qui corrige la tare de la représentativité des communautés chrétiennes au Parlement libanais. Tout le monde sait que le principal opposant à une loi électorale juste au Liban est Walid Joumblatt car tout ajustement de la représentativité des électeurs libanais ramènerait le poids électoral du Bek à sa juste valeur. Le ministre du Parti socialiste progressiste veut faire oublier que la girouette de Moukhtara voudrait maintenir la loi 1960, qui lui donne un surpoids électoral  en lui permettant de désigner les députés chrétiens dans les cazas du Chouf, Baabda et Aley, ou au moins de peser sur leurs élections.

3. Diluer son approche phobique dans des considérations politiques. Le ministre de Walid Joumblatt craint que « la position des Forces libanaises et du Courant patriotique libre sur la loi orthodoxe, ne soit pas d’ordre électoral mais d’ordre politique sur la base d’une volonté de se séparer du reste des composantes de la société libanaise... Et si nous revenons aux expériences historiques, nous n’excluons pas cela ». Et voilà, on revient à la vieille haine de Walid Joumblatt notamment à l'égard des partis qui représentent les communautés chrétiennes, qui sont traitées régulièrement depuis 35 ans, par cet esprit féodal et communautaire, d’être « isolationnistes ». Sans remonter à Mathusalem, tout le monde se souvient très bien des propos « racistes » tenus par le Bek la veille des élections de juin 2009, traitant les leaders chrétiens d’être ces « mauvaises graines » qui ne changent jamais.

4. Le ministre du Bek laisse entendre que le Courant du Futur est très amer après l’adoption par les Forces libanaises de la « loi orthodoxe ». Propos de Wael Abou Faour, le roi de la diversion ! Le pauvre, il tente de nous faire oublier que Walid Joumblatt a trahi magistralement le 14 Mars et a poignardé sans scrupules Saad Hariri dans le dos. Le ministre du Bek pense que « que les Forces libanaises ont détruit l’esprit du 14 Mars qui se base sur le partenariat islamo-chrétien ». Lol, quel culot ! Comme s’il pouvait ignorer que le Bek s’est retiré du 14 Mars dès le 2 août 2009 pour des raisons communautaires, la fameuse « spécificité de la communauté druze », ne supportant plus le rapprochement entre le Courant du Futur et les Forces libanaises, et l’entente cordiale entre Saad Hariri et Samir Geagea ! Le malheureux Wael Abou Faour tente désespérément de faire oublier au peuple libanais que Walid Joumblatt restera, pour les Libanais et pour l'histoire, celui qui a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat démocratico-milicien le 12 janvier 2011, pour des raisons opportunistes. Hélas, le jeune ministre a raté une belle occasion de se taire, au moins sur ce point !

Réf.