Manifestations du weekend 22-23 août
2015, devant les sièges du Conseil des ministres et de l'Assemblée nationale Photo: Keystone-AP, Bilal Hussein |
1 & 8. Les activistes de Tol3et re7etkom se félicitent de la pression exercée pour « fermer la décharge de Naamé ». Ils ont le culot aussi
de réclamer la démission du ministre de l’Environnement, Mohammad Machnouk,
pour « son échec à accomplir son
devoir et à éviter la crise des déchets ». Eh bien, les petits malins de ce mouvement devraient
savoir que c’est précisément cet acte irresponsable de la fermeture de la
décharge de Naamé qui est à l’origine de l’accumulation des ordures ménagères
devant les immeubles et les maisons des Libanais à Beyrouth et dans la région
du Mont-Liban. On ne ferme pas la seule décharge disponible pour recevoir les ordures de plus deux millions
de Libanais, plus de centaines de milliers de réfugiés syriens, avant de trouver un plan B. Tout le monde sait ou devrait savoir, que
même si le 17 juillet dernier, à la fin du contrat de Sukleen avec l'Etat, on avait trouvé des
remplaçants à cette société, les nouvelles entreprises auraient eu besoin de six
mois à un an, pour accomplir les tâches de ramassage et de traitement des
ordures. A l’heure des comptes, les activistes qui sont impliqués dans cette
fermeture irresponsable de cette décharge, doivent eux aussi rendre des comptes
devant le peuple libanais.
2. Il parait qu’une semaine après cette
fermeture, les activistes ont décidé de « retourner
les poubelles à leur lieu d’origine : le Sérail gouvernemental ».
Erreur populiste, erreur d’aiguillage, erreur monumentale. Tout le monde sait ou devrait savoir
que c’est le leader druze, Walid Joumblatt, qui a fait pression via Tol3et re7etkom, pour éviter la réouverture de la décharge de
Naamé, temporairement évidemment, après le déclenchement de la crise, en attendant de mettre en œuvre une solution
durable, quitte à laisser le Liban crouler sous les ordures. Ainsi, les premiers
sacs-poubelles auraient dû atterrir au palais de Moukhara plutôt qu’au
Grand Sérail. Mais Tol3et re7etkom en
a décidé autrement.
3 & 4. Les activistes prétendent que « le sit-in devant le Parlement et le
Grand Sérail (siège du gouvernement) était pacifique » et que les gars
du mouvement n’ont fait que de « petites
heures ». Foutaises. Dans ma revue de presse sur toutes les déclarations de Tol3et re7etkom, j’ai
démontré qu’il y avait une volonté de durcir le mouvement dès le départ. Quant
au caractère pacifique des protestations, c’est un mensonge comme le montrent la
photo ci-dessus et diverses photos du weekend violent du 22 et du 23 août,
où l’on a vu ces soi-disant « pacifistes », indépendamment de la horde de casseurs qui seraient d'après plusieurs indices des partisans du Hezbollah et d'Amal, tenter d’arracher les barbelés qui protègent les sièges des hautes
institutions de l’Etat libanais : le Conseil des ministres et l’Assemblée
nationale. A l’heure des comptes, les activistes qui sont à l’origine de cette idée irresponsable devraient eux-aussi rendre des comptes.
5. Convaincre les Libanais que Tol3et re7etkom est dirigé contre toute la classe politique est une
chimère comme le prouve la publication le 22 août sur la page Facebook du
mouvement, de la photo d’une pancarte travaillée et flambant neuve, brandie par
des manifestants : « Certaines ordures ne
devraient pas être recyclées ». On y voit des sacs-poubelles de toutes les
couleurs, surmontés de la tête des différents dirigeants libanais, à l’exception
de Hassan Nasrallah. Malgré 655 commentaires dont l’écrasante majorité en
rapport avec cette absence remarquée qui ne passe pas inaperçue, une couleuvre
difficile à avaler et qui reste à travers la gorge de beaucoup de manifestants sincères
et désabusés, les activistes de Tol3et
re7etkom n’ont pas jugé utile d’apporter le moindre éclaircissement.
Silence radio, politique de l’autruche. Et ça veut critiquer les dirigeants
politiques !
6. Les activistes prétendent aussi qu’ils
ont pu arrêter l’attribution du marché des ordures. Faux, l’annulation de l’appel
d’offres a été décidée par le Conseil des ministres, qu'ils rejettent, à l’ouverture des dossiers
présentés par les différentes entreprises en lice, à cause des prix élevés
proposés par les intéressés, qui sont au-dessus des prix pratiqués par l’entreprise Sukleen qui
avait la charge du ramassage et du traitement des ordures ménagères au Liban
depuis 1994.
7. Ce qui surprend dans ce communiqué de presse, c'est qu'il n’y a pas
un mot sur les débordements et la violence du weekend du 22-23 août, ni sur le
saccage infâme du centre-ville de Beyrouth. Et pourtant les images
que tous les Libanais ont vues sont consternantes. En tout cas, s’il faut
enquêter sur la réalité de l’usage excessif de la force durant ce weekend, il
faut aussi que les activistes de Tol3et re7etkom rendent des comptes sur leurs responsabilités dans l’agression attestée des
forces de l’ordre et dans l'appel d'air qu'ils créent en organisant leurs manifestations exprès en face des centres du pouvoir libanais, le Grand Sérail et le Parlement, en fin de journée et à la tombée de la nuit, ce qui permet à des hordes de casseurs d'opérer sous l'ombrelle de Tol3et re7etkom, rendant l'intervention des Forces de sécurité intérieure et de l'armée libanaise plus compliquée.
9. Ce point est sans doute la preuve de l’amateurisme
étonnant de ce mouvement, même sur la question des déchets et de la corruption. Tol3et re7etkom réclame le transfert vers les
municipalités libanaises, de
l’argent affecté au traitement des déchets, qui est actuellement prélevé aux municipalités et mis dans une caisse qui dépend de l’Etat. En gros, les activistes veulent que les
municipalités libanaises prennent en charge la gestion financière des
déchets. C’est tragicomique ! Il faut savoir que ces municipalités ne
peuvent pas seules couvrir toutes les dépenses liées à la gestion des déchets,
à moins d’augmenter encore les impôts locaux. Elles ont besoin de l’Etat. Mais admettons cette configuration. Enfin, je ne sais pas à quel point il faut être déconnecté de la réalité
pour ignorer que c’est au niveau municipal qu’il y a le plus de corruption au Liban.
Alors, prétendre combattre la corruption et réclamer le transfert de centaines
de millions de dollars aux centaines de municipalités libanaises, est une
hérésie hallucinante.
10. Le pont dix, c’est le pompon. Il
comporte deux bonnes nouvelles et une mauvaise. La première bonne nouvelle c’est
de constater que les gars de Tol3et re7etkom
ont fini par comprendre, comme je l’ai dit dans mon dernier article, que le
gouvernement de Tammam Salam ne tombera pas, et qu’il faut oublier, must forget, yenso almawdou3, de réclamer d’une manière
irresponsable sa démission. La deuxième bonne nouvelle c’est de découvrir que les gars de Tol3et re7etkom ont fini par
comprendre aussi que ce n’est pas la peine de faire de la propagande sur « l’illégalité » de l’autoprorogation
du Parlement libanais, puisque le Conseil constitutionnel a rejeté le recours
en invalidation déposé par les députés de Michel Aoun « pour éviter la vacance généralisée dans les institutions
constitutionnelles ». Soit. La mauvaise nouvelle, c’est la réclamation par
les activistes de « l’organisation d’élections
législatives », comme ça en trois mots secs. Et pourtant, il y a deux problèmes avec cette demande
populiste émise à la légère. D’une part, cela suppose que ces élections se
dérouleront selon la loi électorale en vigueur, celle dite de 1960, une loi
féodale qui n’assure pas une bonne représentation des Libanais, une soi-disant préoccupation de ces activistes, et qui est
rejetée par tous les partis politiques chrétiens, les Forces libanaises, les
Kataeb et le Courant patriotique libre, ainsi que par tous les indépendants, toutes appartenances communautaires et tendances politiques confondues. D’autre
part, comme par hasard, les activistes de Tol3et re7etkom, zappe une élection fondamentale, en faisant fi de la vacance présidentielle actuelle, qui dure depuis le
25 mai 2014. Pas un seul mot, c'est quand même stupéfiant ! La raison en est simple, parler de l’élection
présidentielle les obligera à dénoncer les auteurs du blocage de la vie
politique libanaise, Michel Aoun et Hassan Nasrallah, dont les députés ont
boycotté 26 séances électorales depuis un an et demi, empêchant de ce fait, l'élection du 13e président de la
République libanaise. Et si j’ai tort, qu'ils prouvent le contraire, en dénonçant les fautifs.
Vouloir combattre la corruption et demander
des comptes avec du populisme et une langue de bois bien pendue, non merci. Je
n’y suis pas, je n’y reste pas. Je fais partie des gens qui en ont assez de l’amateurisme
et de l’irresponsabilité de certains hommes politiques. Alors, franchement, ce n'est pas la peine d’en
rajouter.
Pour revenir aux choses sérieuses, les
déchets, à l’origine de ce mouvement subversif, le gouvernement de Tammam Salam doit
déclarer l'état d'urgence sanitaire et ordonner la réouverture immédiate de la décharge
de Naamé, jusqu’à nouvel ordre, que ça plaise ou non à Walid Joumblatt, et
charger la société Sukleen de nettoyer le Liban des monticules d’ordures qui se sont
accumulées en six semaines. Assez d’enfantillages et d’amateurisme, et de
ménagement de la chèvre et du choux, le gouvernement doit faire
protéger ce site par l’armée libanaise, contre quiconque voudrait sa fermeture
définitive dans l'immédiat, en attendant la mise en œuvre d’un plan durable
pour la gestion des déchets, qui doit être établi dans le calme et non dans la
précipitation. Par conséquent, il devient nécessaire de proroger le contrat de Sukleen, la bête noire de Tol3et re7etkom,
jusqu'à l'élaboration d'un plan B. Telle devrait être la logique de dirigeants et d'activistes responsables. Et comme l'a dit si bien Victor Hugo, « La logique ne s'attendrit pas ».
Réf.