Comme si les Libanais n’avaient pas assez d’ennuis. Seraient-ils
maintenant condamnés à lire toute la presse tous les jours pour se faire une
idée, afin d’éviter l’alternative de se taper 1h 46min et 36s de palabres et
juger par eux-mêmes ? La question se pose aujourd’hui. Je l’ai relu trois
fois pour m’assurer. Le journaliste d’Annahar, en charge de rédiger un résumé
de ce qui s’est dit lors de l’apparition de Michel Aoun sur la chaine MTV en
début de semaine, qu’il en soit remercié, a jugé pour une raison disons gentiment
« mystérieuse », de ne pas mettre les lecteurs du principal quotidien
libanais de langue arabe, le journal de Gebrane Tuéni dont on commémore
aujourd’hui même l’assassinat odieux il y a huit ans, au courant de deux
passages clés de la dernière interview du général.
00:27:20-00:28:00 / Michel Aoun est pour le maintien des armes du
Hezbollah sans limite dans le temps
Aucun libanais ne doit rater ce petit passage de 40
secondes sous aucun prétexte. Ni à cause de la lenteur de la connexion, ni à cause du gel des
circuits neuronaux par la tempête Alexa, ni à cause de quoi que ce soit d’autre. A la 27e
minute et 20e seconde, Walid Abboud pose à Michel Aoun une question qui lui était
adressée par un internaute libanais : « Si
vous êtes élu président (de la République), que feriez-vous des armes du Hezbollah ? » La réponse de
GMA est un cas d’école, qu’il faudrait enseigner dans toutes les facs libanaises
de Sciences Po de l’AUB, l’USJ, la LAU, wlak
même de l’ABC aussi. Je n’ai jamais, au grand jamais, vu et entendu Michel Aoun
aussi embarrassé par une question ! Impressionnant. Jugez vous-même, c’est un régal à voir
et à écouter, que je vais tenter de traduire le plus fidèlement possible, mot à mot,
pour mes amis qui ne comprennent pas le libanais. Voici sa réponse, texto :
« Elles resteront avec la Résistance (autodésignation
de la milice chiite). Jusqu’à l’arrivée
de la solution de la question moyen-orientale à nous. Celle-ci n’est pas liée
par une décision... elle est liée à une décision de chez nous. Mais, ceci jusqu’à...
En phase finale, après la solution de la question entre Israël et les
Palestiniens. Parce que celle-ci arrivera à la fin des solutions qui commencent
maintenant entre les Américains et les Russes. A ce moment-là, on sera dans une
situation de paix au Proche-Orient. » Hein, vous avez la tête comme une citrouille ? Normal, moi aussi. Des paroles d'un homme d'Etat, n'est-ce pas ? Candidat permanent à la présidence de la République, since 1984 ! Après vérification, il semble
que la vidéo de MTV sur Youtube n’a subi aucun montage, ni coupe, ni piratage des rushes, ni aucun
brushing, c’est brut de brut. Bon, on l’aime ou ne l’aime pas, le général
a sa propre façon d’exprimer sa pensée stratégique, alors svp un peu de respect, je vous demande d'arrêter de rire aux éclats !
Bassita, nous avons compris où il
voulait en venir. Oui, tout le monde sait que Michel Aoun a signé un Pacs avec
Hassan Nasrallah le 6 février 2006. Oui, tout le monde s’est rendu compte aussi
que le général ne rate pas une seule occasion pour prouver que son alliance
avec le Hezbollah n’est pas folklorique. Mais, c’est indéniablement la première
fois depuis huit ans que GMA lie clairement le devenir des armes de la milice chiite
aux problèmes du Moyen-Orient. Et croyez-moi, ce n’est ni une mince affaire ni
une bourde.
« La7atta wousoul 7al elqadiyé elchareq awsatiyé la2elna »,
wlé maa2oul! Cette déclaration est particulièrement grave car dans
la tête du général, la « solution des
problèmes du Moyen-Orient » suppose d’abord, qu’on ait trouvé une solution
au « problème syrien », il faudrait donc mettre fin à la guerre
civile syrienne ; suppose ensuite, qu’on ait trouvé une solution au « problème israélien », à défaut de foutre Israël à la mer (comme le souhaite jabhit el moumena3a, 8 Mars), il
faudrait donc se mettre d’accord sur cette foutue stratégie de défense du Liban
(sur la table de dialogue since 2006 quand même) ; et suppose enfin, qu’on ait
trouvé une solution au « problème palestinien », il faudrait donc rapatrier
les 500 000 réfugiés des camps palestiniens du Liban dans le nouvel état
de Palestine qui verra le jour un de ces jours. Et jusqu'à ce qu'on ait trouvé des solutions à tous ces problèmes du Moyen-Orient, les armes de la milice chiite continueront à être braquées contre l'Etat libanais et sa population, comme lors de la tragédie du 7 mai 2008 et contre la démocratie libanaise, comme lors du coup de force du 12 janvier 2011.
Inutile de vous dire que tout cela se réalisera quand
les poules auront des dents et lorsque Bakhos Baalbaki sera président. Au train où vont les choses, ni
les réfugiés syriens ne sont prêts à rentrer chez eux en 2014, ni notre
stratégie de défense ne sera établie en 2020, ni nos hôtes palestiniens ne
plieront bagages en 2026 ! Bilan des courses, Michel Aoun est donc pour le
maintien des armes illégales de la milice du Hezbollah ad vitam aeternam, sans aucune limite dans le
temps. Si je veux rester dans mon hommage à Molière, les Tartuffe iraniens du foot, je dirais que ce semblant
d’ouverture du général Michel Aoun ces derniers mois -en direction de Saad Hariri, du courant du Futur et de l'Arabie saoudite- relève des fourberies de
Scapin, plus que d’autres choses. Ce passage de l’interview de MTV constitue une
information capitale que les médias du Liban auraient dû porter à la
connaissance du peuple libanais.
1:33:45-1:37:00 / Michel Aoun a toujours des objections sur le
Tribunal Spécial pour le Liban
Oui, tout le monde sait que Aoun s’est méfié du
Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) dès le départ. Oui, tout le monde se
souvient aussi que Aoun considérait la veille des élections législatives de
2009, que le TSL « heidé tabkhit
ba7ess », un plat de graviers. Mais, c’est incontestablement la
première fois que Michel Aoun tire sur le TSL à un mois du début du procès des assassins de Rafic Hariri. Hallucinant.
Son offensive contre le TSL lundi soir, commence par
ce constat à côté de la plaque : « Ça
fait huit ans (que le TSL a commencé),
mais il n’a pas encore tenu une audience. » Quel brouillon !
D’abord, le TSL n’a pas commencé il y a huit ans, c’est l’enquête qui a démarré
en 2005. Ensuite, le TSL, la plus haute juridiction internationale, contrairement
à ses alliés du Hezbollah et du régime syrien de Bachar el-Assad, ne fabrique pas
les preuves sur commande, mais les cherche, et cela prend du temps ya général ya 3einé, surtout que le
régime sécuritaire syro-libanais à l’époque de l’assassinat, a tout fait pour
effacer une partie des preuves de la scène du crime devant le Saint-Georges.
Enfin, pour info, la ma3louméto el 3ammé
lal général, la première audience du TSL est fixée pour le 13 janvier 2014,
soit dans 32 jours exactement. Alors, au lieu de continuer à tirer sur le TSL, il ferait mieux de cocher les jours
qui nous séparent de ce rendez-vous historique avec la justice, dans le calendrier de sa cuisine.
S’en suit une offensive éclair, sous des prétextes
bidon, contre l’obligation du Liban d’assurer 49 % des frais de fonctionnement
du TSL. A la question de Walid Abboud de savoir « est-ce vous êtes contre le paiement du Liban de sa part pour
financer le TSL ou contre la manière dont celui-ci s’est fait ? »,
Aoun assure qu’il est « contre les
deux, car nous ne sommes pas obligés de payer une seule piastre, mais c’est à
l’ONU, qui a décidé sans l’accord du Parlement, de le faire. » Se rendant
compte qu’il vient de commettre une bourde, il essaie de se rattraper en
commettant une encore plus grande avec « je
ne suis pas contre le tribunal, je suis absolument contre le paiement... car
celui-ci n’est pas passé par les organes légaux libanais. » Et le gouvernement libanais, c'est un organe génital peut être ? Et la fermeture du Parlement par le trio infernal du 8 Mars -Hassan Nasrallah, Michel Aoun et Nabih Berri- pendant un an et demi (déc. 2006-mai 2008), justement, pour empêcher la création du Tribunal Spécial pour le Liban, est légal peut être ? Que des foutaises mon général !
Depuis huit ans, le 8 Mars fait tout ce qui est possible
et imaginable pour entraver l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri et
discréditer le Tribunal Spécial pour le Liban, après avoir échoué à saboter sa création. Dernière tentative en date, il y
a seulement quelques jours, l’offensive de la chaine de télé, al-Jadeed (NewTV), malgré
sa mésaventure devant les locaux de la douane où ses reporters se sont fait
tabasser, relance le brouillage des esprits des Libanais, avec l’éléphant rose
sur la possible implication de Wissam el-Hassan dans l’assassinat de son
patron, Rafic Hariri. C’est c’là oui, et Wissam el-Hassan fut assassiné à son tour par la
suite pour un trafic de tulipes à l’aéroport de Beyrouth! Ou mieux, il a
regretté son acte comme Judas jadis, et aurait organisé lui-même son assassinat
par une voiture piégée en plein cœur d’Achrafieh le 19 octobre 2012! Foutaises.
Soyons magnanimes, aidons ces amnésiques à retrouver la mémoire. En 2005, le chef des renseignements des Forces de sécurité intérieure était chargé de la sécurité de Rafic Hariri. Il n’était pas dans le convoi de l’ancien Premier ministre pour des raisons professionnelles. Cette absence a soulevé quelques questions, écartées rapidement par l’enquête. Il n’a jamais été suspecté de quoi que ce soit. Au grand dam de la coalition du 8 Mars et du dernier tyran des Assad, il a joué un rôle déterminant dans la progression fulgurante de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 (la piste des télécommunications qui a conduit à l’accusation des cinq membres du Hezbollah par le TSL en 2011), dans le démantèlement des réseaux libanais d’espionnage au profit d’Israël (dont celui de Fayèz Karam, un proche collaborateur du général Michel Aoun) et dans le dévoilement du projet d’attentats à caractère confessionnel que Michel Samaha, un ancien ministre du 8 Mars, devait commettre au Liban à la demande personnelle de Bachar el-Assad.
Soyons magnanimes, aidons ces amnésiques à retrouver la mémoire. En 2005, le chef des renseignements des Forces de sécurité intérieure était chargé de la sécurité de Rafic Hariri. Il n’était pas dans le convoi de l’ancien Premier ministre pour des raisons professionnelles. Cette absence a soulevé quelques questions, écartées rapidement par l’enquête. Il n’a jamais été suspecté de quoi que ce soit. Au grand dam de la coalition du 8 Mars et du dernier tyran des Assad, il a joué un rôle déterminant dans la progression fulgurante de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 (la piste des télécommunications qui a conduit à l’accusation des cinq membres du Hezbollah par le TSL en 2011), dans le démantèlement des réseaux libanais d’espionnage au profit d’Israël (dont celui de Fayèz Karam, un proche collaborateur du général Michel Aoun) et dans le dévoilement du projet d’attentats à caractère confessionnel que Michel Samaha, un ancien ministre du 8 Mars, devait commettre au Liban à la demande personnelle de Bachar el-Assad.
En ce jour de triste mémoire, il convient également de
rappeler aux amnésiques par conviction et par omission, dont fait partie le
général Michel Aoun, que le Tribunal Spécial pour le Liban est le fruit d’un
accord établi entre l’Organisation des Nations Unies et la République
libanaise. Il a été créé à la demande du gouvernement libanais de
Fouad Siniora, en application des résolutions 1664 et 1757 du Conseil de
sécurité, datant du 29 mars 2006 et du 30 mai 2007. L’article premier du statut du TSL stipule que « Le Tribunal spécial a compétence à l’égard des
personnes responsables de l’attentat du 14 février 2005 (...) S’il estime que
d’autres attentats terroristes survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et
le 12 décembre 2005 ou à toute autre date ultérieure décidée par les parties
avec l’assentiment du Conseil de sécurité ont (...) un lien de connexité avec
l’attentat du 14 février 2005 et sont de nature et de gravité similaires, le
Tribunal aura également compétence à l’égard des personnes qui en sont
responsables. »
Yé3né, bel mchabra7, ya général ya ghaeiyyor 3a masale7 elmasi7iyé, les assassinats de Gebrane Tuéni (12 décembre 2005) et de Pierre Gemayel (21 novembre 2006), entre autres, relèvent également de la compétence du Tribunal Spécial pour le Liban. Yé3né, bala laf wou dawarann, ya général ya ghaeiyyor 3al 2awaninn el lebnéniyé, mettre des bâtons dans les roues du TSL, est une violation des lois internationales et de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, dont une votée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (qui autorise le Conseil à recourir à des mesures militaires ou non militaires « pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales »), ainsi que des engagements pris par la République libanaise. Ces entraves ya général, sous diverses raisons aussi hypocrites que bidon, n'ont qu’un but, celui d’empêcher les Libanais non seulement de savoir qui a tué leur ancien Premier ministre, mais aussi qui a assassiné deux de leurs brillants représentants. C'est donc tout simplement inadmissible.
Yé3né, bel mchabra7, ya général ya ghaeiyyor 3a masale7 elmasi7iyé, les assassinats de Gebrane Tuéni (12 décembre 2005) et de Pierre Gemayel (21 novembre 2006), entre autres, relèvent également de la compétence du Tribunal Spécial pour le Liban. Yé3né, bala laf wou dawarann, ya général ya ghaeiyyor 3al 2awaninn el lebnéniyé, mettre des bâtons dans les roues du TSL, est une violation des lois internationales et de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, dont une votée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (qui autorise le Conseil à recourir à des mesures militaires ou non militaires « pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales »), ainsi que des engagements pris par la République libanaise. Ces entraves ya général, sous diverses raisons aussi hypocrites que bidon, n'ont qu’un but, celui d’empêcher les Libanais non seulement de savoir qui a tué leur ancien Premier ministre, mais aussi qui a assassiné deux de leurs brillants représentants. C'est donc tout simplement inadmissible.
Encore une fois, le général Michel Aoun nous confirme
que dans l’erreur, il y est et il est déterminé à y rester. Dans cette
interview, il repousse les limites de l’inadmissible encore plus loin, en
soutenant le maintien des armes du
Hezbollah sans limite dans le temps et en s’attaquant au Tribunal Spécial pour
le Liban à quelques semaines de sa première audience. Cela coïncide aussi avec
une offensive soutenue du 8 Mars contre le TSL et la commémoration de l’assassinat de Gebrane Tuéni, qui a donné l’occasion aux
partisans de son allié de distribuer des baklawas aux passants à l'annonce se sa mort il y a huit ans. Le reste de l’interview de GMA à MTV n’est
que palabres au pays des palabres, 2art
7aké fi bilad 2art el7aké ! Quiconque s’est limité à la lecture d’Annahar
du mardi 10 décembre, pour s’informer de ce
que Michel Aoun a dit à Walid Abboud lundi soir, est passé à côté de ces deux infos
essentielles. Dommage. Etant donné la teneur de ces deux passages, ce zapping est pour
le moins inquiétant. Il pose le problème de l’information au Liban. On n’a
jamais eu autant de moyens de s’informer et pourtant, les Libanais sont encore mal
informés.