Si dans une relation de couple saine lorsqu'on se marie, on ne pense pas normalement au divorce, ce n'est pas le cas en politique. La politique, quand on la pratique dans le respect des règles de l'art consiste non seulement à penser à tout, mais aussi à son contraire! Tenez, si on applique ce raisonnement à la politique du couple, il faudrait non seulement penser au divorce en se mariant, mais penser aussi au remariage en divorçant, et penser peut être à ne pas se marier et surtout à ne pas divorcer… Une énumération dans le désordre, sans préférence particulière et la boucle est bouclée.
Revenons à la politique. En lisant la presse assidûment, en regardant les journaux télévisés fréquemment, en écoutant les ténors, les dinosaures, les crocodiles, les vautours et les poissons rouges de notre faune politique, en discutant avec la population en général, amis, analystes, spécialistes, brainstormers et think tankers en particulier, on s'aperçoit que l'esprit libanais est très fertile: il existe en ce moment un nombre impressionnant d'hypothèses politiques en circulation. Je me suis assigné la tâche de dresser une liste, non exhaustive, des plus importants.
- Et si le régime d'Assad s'effondrait dans quelques semaines (en octobre précisément!)
- Et si le printemps arabe gagnait le golfe Persique via la Syrie
- Et si Obama attaquait les installations nucléaires iraniennes avant les élections de nov. 2012
- Et si l'Iran répliquait en bombardant Israël
- Et si Israël lançait une nouvelle guerre contre le Hezbollah
- Et si le Hezbollah n'avait pas assassiné Rafic Hariri et Georges Haoui et n'avait pas tenté d'assassiner Marwan Hamadé et Elias El-Mur
- Et si la communauté chiite rejetait le Hezbollah après les accusations du TSL
- Et si le TSL pouvait remonter jusqu'à Hassan Nasrallah, Bachar El-Assad et Ali Khamenei
- Et si la milice chiite remettait les accusés au TSL
- Et si l'Arabie saoudite donnait son feu vert à Hariri pour faire tomber le gouvernement hezbollahi
- Et si le gouvernement "Merci la Syrie" se décidait à ne pas être démagogique
- Et si Najib Mikati abandonnait sa politique autruchienne
- Et si Gibran Bassil arrêtait son populisme électrique
- Et si le Courant aouniste éclatait en disputes intestines
- Et si Joumblatt rebelote, changeait de camp
- Et si le gouvernement de Mikati présentait sa démission à Michel Sleiman
- Et si Michel Sleimane reconduisait Saad Hariri
- Et si Saad Hariri décidait enfin de revenir au pays pour tenir les rênes de l'opposition contre le Hezbollah et Aoun
- Et si la popularité d'Aoun était au plus bas dans le milieu chrétien en dehors du 14 Mars
- Et si le 14 Mars gagnait les élections législatives sans les préparer
- Et si le patriarche Rai marchait sur les pas du cardinal Sfeir
- Et si le "parti des armes" ne pointait plus jamais les outils de la mort sur les libanais
- Et si Samir Geagea pensait enfin au fauteuil de Baabda
- Et si Michel Aoun oubliait enfin le fauteuil de Baabda
De si en si et tout ira bien dans le meilleur des mondes à Beyrouth comme à Antioche et dans tout l'Orient. Nous nous retrouverons alors dans quelques semaines tous ensemble place des Martyrs pour célébrer le Printemps arabe aux couleurs de l'été indien! Mais SI, comme c'est le leitmotiv du moment, un grain de sable bloquait ces réactions en chaine!
Indépendamment des chances pour que chacun de ces points ne se réalise -n'en parlons pas de la probabilité pour qu'ils s'accomplissent successivement!- notre camp attend encore et toujours, sachant pertinemment que l'attente n'a jamais constitué un bon plan d'action. Pire encore! Malgré les incertitudes qui entourent ces hypothèses et le fait que nous n'avons pas beaucoup de contrôle sur eux, nous continuons à tirer des plans sur la comète! Aujourd'hui, le 14 Mars voit des mirages, croit aux miracles et espère des lendemains meilleurs... sans avoir à se mouiller et c'est là où le bât blesse! On nous dit que c'est faux, le 14 Mars intensifie ses réunions loin des médias et prépare des plans d'action (voir Al-Liwa2 du 26 août sur mon mur). Les experts en communication en ont décidé ainsi, "loin des médias"! Mais voyons, pourquoi montrer les leaders du 14 Mars en effervescence et remonter le moral de la base!? C'est en option chez ces experts!
Depuis des mois Saad Hariri est absent de la scène libanaise. Des conditions de sécurité l'exigent. Soit, mais jusqu'à quand? Quand le procès du Hezbollah commencera à La Haye les menaces disparaitront peut être? Si cela, n'a pratiquement aucune conséquence au sein de la composante sunnite du 14 Mars, ce n'est pas le cas dans la composante chrétienne. Saad Hariri est sans aucun doute en danger, mais il n'est pas le seul, tout le peuple du 14 Mars se sent menacé en général, les deux SG en particulier, Samir Geagea et Samy Gemayel. Et s'il n'y avait que ça! Alors que quelques députés du Courant du Futur sont assez actifs en ce moment, certains députés chrétiens du 14 Mars, brillent par leur absence! C'est notre flore politique. Si en temps normal, on peut fermer les yeux sur un tel manquement, en temps de guerre –car nous y sommes- leur absence médiatique est inacceptable!
Hélas, il n'y a pas que la présence physique sur le terrain et l'occupation médiatique qui manquent au 14 Mars! Si Samir Geagea et Nouhad El-Machnouk, intensifient et ciblent leurs attaques contre le Hezbollah, la prestation de certains laissent parfois à désirer. Lisez par exemple le dernier communiqué du Courant du Futur (OLJ 24 août): "En protégeant les coupables, le Hezbollah se place sur le banc des accusés". Ah bon, c'est seulement "en protégeant les coupables que le Hezbollah se place sur le banc des accusés!?" Sans le vouloir, le Courant du Futur, a rompu le lien qui reliait ces accusés au commandement du Hezbollah, de l'aveu même de Hassan Nasrallah! C'est le comble: comme si les coupables viennent de Mars et ont reçu les ordres de Jupiter! Voilà une énième erreur de communication au sujet du TSL.
Il est donc plus que nécessaire qu'une nouvelle communication se mette en place. Celle-ci exige:
- Le retour de Saad Hariri au Liban le plutôt possible. Que notre bien-aimé Saad s'installe où il veut, chez lui à Qoraytem ou Faqra, à Saida, Bikfaya ou Bcharré, chez moi (j'ai déjà sa chaise du 13 mars 2011!), chez notre jeune Cheikh à Bikfaya ou chez notre Hakim à Maarab (s'il le faut!), mais il est vraiment plus que souhaitable qu'il soit au Liban aux côtés de ses compatriotes! Les 57 députés dont dispose le 14 Mars, du remarquable Ahmad Fatfat à l'apathique Elie Keyrouz, ainsi que les cadres des partis qui composent ce camp, doivent sillonnés inlassablement le Liban et les médias pour mener la bataille sur le terrain contre le 8 Mars et le gouvernement Mikati en général, le Hezbollah et Michel Aoun en particulier, jusqu'aux prochaines élections législatives.
- L'intensification de la communication contre le Hezbollah et contre le gouvernement sans prendre des gants, sans peur et sans erreur, au Liban et à l'étranger. La politique de "tébwiss el lé7i" est révolue. Les leaders du 14 Mars doivent comprendre que leur base en a ras-le-bol du politiquement correct. La prudence du 14 Mars est non seulement injustifiée face à la gravité des accusations à l'encontre du Hezbollah et face à l'arrogance de cette milice (pas un jour ne passe sans qu'on ait une preuve supplémentaire!), mais en plus elle est très risquée car cela pourrait nous faire perdre les prochaines élections législatives. L'avenir du Liban se décide aujourd'hui. Le Hezbollah est accusé et soupçonné d'avoir assassiné et tenté d'assassiner au moins 4 grandes personnalités libanaises. Concentrons-nous sur cette certitude. Il est de ce fait un parti pestiféré. Il faut donc le faire savoir à tout le monde et au monde entier!