lundi 14 mars 2011

Le roi d'Arabie Saoudite, l'invité surprise de la manifestation du 14 Mars [Beyrouth, Place des Martyrs, le 13 mars 2011] (Art.5)


Tout se déroule mieux que prévu. La tempête cède la place à un temps magnifique. On attendait 250 000 personnes, on dépasse le million. Le drapeau libanais domine. La participation druze est significative. Le lâcher de ballons aux couleurs du drapeau libanais accompagnant l'entrée en scène de Samir Geagea est un moment d'émotion digne d'un concert de U2. Saad Hariri, rentre sous les applaudissements frénétiques d'une foule en délire. Il commence son discours en libanais, ôte sa veste et sa cravate, retrousse ses manches pour attaquer son discours. On était aux anges et on buvait du petit-lait jusqu'à l'instant où tous les regards ont convergé sur le bâtiment de Richard Branson… une méga affiche du roi d'Arabie Saoudite tombe du ciel sur la façade ouest, elle est de la taille du drapeau libanais qui décore la façade nord.

Comme beaucoup d'entre nous, je suis passé par 3 phases en une fraction de seconde: étonnement, interrogation et colère. Étonnement parce que cette photo est venu comme un cheveu sur la soupe. Interrogation, à savoir qui a pris une telle initiative? Colère car Saad Hariri et Samir Geagea nous ont fait un "show" à la Obama, alors pourquoi tout gâcher! C'est d'autant plus énervant que c'était parfaitement inutile, personne ne pouvait nous obliger à le faire, et surtout comble de l'absurde, le roi Abdallah lui même ne le demandait pas!


Les dégâts causés à l'image du 14 Mars sont de 2 ordres. Pour les intellectuels en particulier, ce fond d'écran est à contresens. A l'heure où un vent de liberté souffle sur les pays arabes, cette affiche rend hommage à un roi, donc à un régime, hermétique à tout changement démocratique. Pour la population en général, c'est notre crédibilité qui est remise en cause. Comment pourrons-nous reprocher encore à Nasrallah, Joumblatt ou Aoun leurs relations intimes avec les régimes syriens et iraniens? Pour certains, il s'agit d'une petite tempête dans un grand verre d'eau. Ils oublient que les paroles s'envolent mais les images restent!

J'étais partagé sur l'attitude à prendre face à cette énorme erreur de communication: adopter l'attitude de l'autruche, celle qui n'a rien vu, ou opter pour l'attitude libanaise classique, le fatalisme.

En réfléchissant bien, je trouve qu'il y a finalement une 3e attitude plus saine à prendre, la transparence. Une erreur a été commise et c'est incontestable. On ne peut pas l'ignorer comme un secret de famille car notre famille est de taille millionnaire et le secret est de taille nationale! On dit que ce n'est pas l'équipe Hariri qui en a décidé ainsi. On dit aussi que c'est le Virgin Mégastore & Arslane, donc l'alliance du 8 Mars, qui voulait ternir le succès de la manifestation du 13 mars et au-delà l'image de l'alliance du 14 Mars.

Toujours est-il, nous peuple du 14 Mars, nous souhaitons tout simplement savoir "qui & pourquoi". Si les partis ont parfois une marge de manoeuvre étroite, bien que contestable, nous société civile, alors que nous nous gargarisons de notre liberté, nous devons exiger la transparence complète car c'est nous qui avons assuré à cette démonstration de force le succès qu'elle a connu. Une enquête interne et un communiqué de presse du Secrétariat général du 14 Mars est donc souhaitable pour dissiper le malentendu.



 PS1: S'il s'avère que c'est quelqu'un de l'équipe Hariri qui est derrière cette initiative, il faut que le Courant du Futur le sanctionne. Pour beaucoup moins que ça, on a mis à l'écart Mohammad Salam! Et si c'est Arslane & Co, 14 Mars se doit de déposer plainte contre eux, au moins pour marquer la désapprobation. En tout cas, le minimum c'est un communiqué de presse du Secrétariat général ou du Courant du Futur.    

PS2: Certes, il ne faut pas laisser cet incident ternir le succès de l'événement. Mais autour de moi les gens ont été vraiment scandalisés. Alors faire comme si de rien n'était et ne pas communiquer est une très très très mauvaise stratégie! Communiquer, ce n'est pas faire le jeu du 8 Mars car on communique avant tout avec le public du 14 Mars, ceux qui étaient présents, ceux qu'on a mobilisés, ceux qui ont été choqués. Il faut le faire surtout si on veut les remobiliser une autre fois... Il ne faut pas sous-estimer l'impact de ce genre d'incident, notamment quand on traverse une période où beaucoup de sympathisants ont des doutes sur les capacités des leaders du 14 Mars à faire face aux enjeux actuels!