Certains
compatriotes éprouvant un enthousiasme débordant avec les derniers développements au
Liban, font encore semblant de ne pas comprendre que nulle part dans ce monde et dans
l'histoire, une telle situation n'a perduré aussi longtemps.
Commençons alors par ce qui fâche et rappelons d'emblée ce
principe fondamental valable pour tout Etat souverain. Un jour, il
va bien falloir que l'anomalie que constitue la situation du
Hezbollah au Liban cesse d'exister. Etre obligé de le rappeler, quand même ! Hélas, c'est
pas demain la veille.
I L'OPERATION « ANTI-LIBAN », UNE IRONIE HISTORICO-GÉOGRAPHICO-POLITIQUE EN PREMIER LIEU
Le
hasard a voulu que les combats menés conjointement par le régime
syrien de Bachar el-Assad et la milice libanaise du Hezbollah contre
les organisations à dominante syrienne, Daech et Nosra, sur un
morceau du territoire libanais, se déroulent le long d'une chaine de
montagnes appelée Anti-Liban, selslit jibal lebanan el-charquiyé. Incroyable! Jamais l'histoire, la géographie et la politique ne
se sont liées aussi intimement et ne se sont montrées aussi
ironiques à travers une telle appellation. « Anti-Liban »,
résume bien la situation de ce qui se passe de l'autre côté du
« Mont-Liban ». Ces combats se déroulent en
partie sur le territoire libanais, alors que paradoxalement, les
représentants de l'Etat libanais sont aux abonnés absents et
l'armée libanaise est reléguée au second plan. C'est la dernière
illustration de l'anomalie du Hezbollah au Liban.
II TOUS LES PROTAGONISTES IMPLIQUÉS DANS LA BATAILLE DE JURD ERSAL SONT CLASSÉS TERRORISTES
Quoiqu'on
dise du côté des ex-neo-8Mars, le camp « choukran souriya
el assad » (Merci la Syrie des Assad) d'hier et
d'aujourd'hui, force est de constater que ces combats impliquent,
qu'on le veuille ou pas, que ça plaise ou non, à juste titre ou à
tort, des protagonistes qualifiés par une partie ou par la
totalité de la communauté internationale de terroristes. Vu
de l'étranger et d'une grande partie du monde, ce sont donc des
terroristes qui se battent entre eux. Que personne ne soit offusqué,
voici les faits.
.
Bachar el-Assad est issu d'une tyrannie alaouite qui pratique le
terrorisme depuis 1970. En Syrie, c'est par la terreur et une
répression sanglante (comme à Hama en 1982, jusqu'à 40 000 morts).
Elle est la cause principale de l'actuel conflit syrien (330 000 morts), et de
ce fait, elle est pratiquement au ban des nations. Elle ne doit sa
survie qu'à la Russie et à l'Iran. Au Liban, outre la terreur qu'elle a fait régner au cours des 29 ans d'occupation du pays du Cèdre, celle-ci est aussi
responsable, ou soupçonnée de l'être, de nombreux assassinats
politiques (Louis Delamare, Bachir Gemayel, Rafic Hariri, René
Mouawad, Rachid Karamé, Samir Kassir, Kamal Joumblatt, Gebrane
Tuéni, etc.). On lui doit aussi le grand projet terroriste que
devait exécuter Michel Samaha en 2012 afin d'embraser le Liban et le
replonger dans les guerres confessionnelles, ainsi que les attentats
sanglants de Tripoli commis par les leaders alaouites libanais, les
Eid, contre deux mosquées sunnites de la ville.
. Le
Hezbollah est un parti politique libanais exclusivement chiite qui a la particularité de posséder une branche
armée. Il est soupçonné de terrorisme
depuis sa création en 1982 par la République islamique d'Iran. A
son actif, les attentats contre les Forces multinationales de
sécurité américaines et françaises le 21 octobre 1983 (299
morts). D'ailleurs, c'est le Hezbollah qui a ressuscité le mode
opératoire des attentats-suicides. Dans les archives qui le concernent, on retrouve cette séquence surréaliste où Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, expliquait au journaliste britannique Robert Fisk, dans un documentaire datant de 1993, ce que peut bien ressentir un kamikaze avant de passer à l'acte : c'est un homme
apaisé, souriant, heureux, c'est comme quelqu'un qui quitte un
sauna, après y avoir passé des heures, chaud, fatigué et assoiffé,
pour rejoindre une pièce confortable et calme, où l'attendent
belles paroles, cocktails et musique classique ! Mais attention,
c'est valable pour le kamikaze chiite. Pour le kamikaze sunnite, je
ne suis pas sûr pour la musique classique. Actuellement, cinq de ses
membres sont poursuivis pour le meurtre de l'ancien Premier ministre,
Rafic Hariri, et de 21 autres personnes. La milice chiite n'a pas
hésité à utiliser ses armes à l'intérieur au Liban, contre les miliciens chiites d'Amal (Nabih Berri, 1988-1990, près de 800 morts)
et contre les civils et les opposants sunnites (2008, près de 75 morts), et a mené plusieurs actions terroristes à l'étranger (France, Bulgarie, Chypre, Koweit, Egypte, etc.). Jusqu'à
nouvel ordre, le Hezbollah est une organisation considérée comme
terroriste par la plupart des pays arabes et occidentaux, dont les
pays du Golfe, l'Union européenne et les Etats-Unis.
.
Daech et Nosra étant des organisations terroristes pour
l'ensemble de la communauté internationale sans exception, il est
inutile de s'y attarder davantage, passons à l'essentiel.
III A-T-ON VRAIMENT FINI AVEC FATEH-EL-CHAM/AL-NOSRA/AL-QAEDA AU LIBAN?
On
nous dit qu'ils en ont pratiquement fini. Avec le Front Al-Nosra (ex-Al-Qaeda et actuellement connu sous l'appellation Fateh el-Cham), bien
entendu puisque le combat contre Daech n'a pas encore eu lieu. Hassan
Nasrallah parle même d'une « très grande victoire
militaire ». La soi-disant rapidité avec laquelle le
Hezbollah s'est emparée d'une centaine de kilomètres carrés
contrôlés par la première organisation terroriste est le moins
qu'on puisse dire louche. Alors, de deux choses : soit
l'affirmation est inexacte (on n'en a pas encore fini), soit
la présence des jihadistes syriens dans ce coin était exagérée
(on parlait d'au moins quatre cents combattants), l'un n'empêchant pas
l'autre bien entendu. Plusieurs éléments font douter de la véracité des informations filtrées par la milice chiite. Le
premier d'entre eux réside dans la question que personne ne s'est
posée, à savoir pourquoi le Hezbollah a attendu si longtemps pour
se lancer dans une bataille qu'il pouvait gagner en 48 heures ?
Mystère et boule de gomme. Pas tant que ça, j'y reviendrai. Le
second, vient de cet étrange cessez-le-feu du jeudi matin. On
n'accepte un cessez-le-feu, encore plus avec une organisation terroriste, que si la situation est défavorable. L'accord conclu entre le Hezbollah et Al-Nosra après le cessez-le-feu, vient confirmer les doutes. Le
troisième, il faut le chercher du côté de Fateh el-Islam,
qui s'est emparée du camp palestinien de Naher el-Bared en 2007.
Malgré l'évacuation totale du camp et le feu vert donné à l'armée
libanaise, il a fallu plus de trois mois de combats et 157 morts,
pour venir à bout de cette organisation terroriste qui était
pourtant moins puissante qu'Al-Nosra, qui elle, se trouve retranchée dans
une zone montagneuse difficile, mais aride, à l'écart des camps de réfugiés.
IV LES COMBATS DE JURD ERSAL SONT AUTANT UNE OPÉRATION DE COM' QU'UNE OPÉRATION MILITAIRE
Pour
apprécier le sacrifice des miliciens du Hezbollah à sa juste
valeur, il va falloir un peu plus que la com' de ce « média de la
guerre » et une conférence de presse de sayyed Hassan
Nasrallah. Il n'est pas question ici de sous-estimer la puissance, la
combativité et la détermination des miliciens chiites. Ce qui pose
problème c'est cette constante surestimation passionnelle des
capacités du Hezbollah de la part de tous les partisans chiites
du parti et de certains partisans chrétiens du Courant patriotique
libre. Pour les premiers, il s'agit de perdurer l'anomalie que
constitue ce dernier au Liban, pour les seconds de justifier
l'alliance conclue entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah en
février 2006. La passion délirante pour le Hezbollah pousse
quelques uns à se persuader même que la milice chiite est plus
forte sur le plan militaire que l'armée libanaise. Je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer.
Passons
sur la mythologie de la « victoire divine » de la guerre
de Juillet 2006, qui sera fêtée le 14 août comme l'a annoncée Hassan Nasrallah il y a quelques jours, où le Hezbollah a
donné à Israël une occasion en or pour bombarder le Liban pendant
33 jours, ce qui nous a coûté près de 1 200 civils tués, 1
million de déplacés et plus de 10 milliards de dollars de dégâts
matériels et de pertes économiques, soit l'équivalent de près de
50% de notre PIB de l'époque (moins de 200 morts et 4% du PIB côté
israélien). Le contraste des chiffres parlant de lui-même, que Dieu
nous préserve d'une « défaite divine ».
Depuis
mars 2011, le Hezbollah s'est impliqué progressivement et
massivement dans la guerre civile syrienne. Il est passé de la
stratégie de « je ne suis pas impliqué en Syrie », à celles
de « je suis peu impliqué », « je défend les
chiites libanais installés de l'autre côté de la frontière », «
je combats les takfiristes en Syrie », « j'empêche les
jihadistes de venir perturber la vie nocturne à Mar Mikheal et à
Jounieh », et enfin à celle de « je défends le Liban et
les Libanais du projet américano-sioniste ».
Aujourd'hui,
le combat du Hezbollah dans le jurd d'Ersal s'inscrit dans le cadre
de cette stratégie globale fixée par « l'internationale chiite »
présidée par Ali Khameneï, le Guide suprême de la République
islamique d'Iran, depuis le déclenchement de la révolte syrienne
contre la tyrannie des Assad : sauver le soldat Bachar, maintenir
l'axe logistique Téhéran-Damas-Dahiyé, renforcer le maillon faible
du « croissant chiite » au Moyen-Orient
(Iran-Irak-Syrie-Liban-Yémen) et garantir la continuité
territoriale entre les zones syriennes contrôlées par le régime alaouite syrien et les zones libanaises contrôlées par le Hezbollah chiite, quelque
soit l'évolution de la situation en Syrie (même dans le cas de la
création de l'Etat alaouite).
Ainsi,
on voit bien que les intérêts du pays du Cèdre n'entre absolument
pas dans le calcul stratégique du Hezbollah. Certains défenseurs
zélés de ce dernier diront, oui mais se débarrasser de Nosra et
de Daech est quand même dans l'intérêt du Liban, bordel!
Evidemment pardi, mais ce n'est absolument pas le but principal du
Hezbollah. Et encore, il faut tenir compte des dommages collatéraux ! D'ailleurs, pour la première, c'est loin d'être fini.
Pour la seconde, c'est loin de commencer. On entend dire dans les
coulisses, que c'est l'armée libanaise qui mènera désormais la
bataille contre les deux organisations terroristes. Tiens, tiens,
comme par hasard. J'y reviendrai.
Outre
l'enjeu communautaire, la bataille d'Ersal est aussi une énorme
opération de com' pour le Hezbollah. Elle vise précisément
trois objectifs de la haute importance.
.
D'abord, remonter le moral de la communauté chiite libanaise en
général, et des miliciens chiites libanais en particulier, tous
deux très éprouvés par les six années de guerre en Syrie. Une
implication qui s'enlise, demandant de plus en plus d'effort et de
sacrifice. On parlait en début d'année de 2 000 combattants
tués. Par comparaison, le Hezbollah a reconnu la mort de 250
combattants lors de l'affrontement avec Israël en 2006. On serait à dix fois plus. Même si on
se retient de toute critique publique, le soutien des Chiites
libanais reste massif et inconditionnel, l'utilité de l'intervention
du Hezb en Syrie sème le doute dans les esprits.
.
Ensuite, impliquer l'armée libanaise au moment même où les
Etats-Unis s'apprêtent à alourdir les sanctions contre le
Hezbollah. Le but étant d'imbriquer les dossiers afin d'utiliser
les pouvoirs de l'Etat libanais pour contrer les sanctions financières américaines. Là aussi, le timing de l'opération Anti-Liban pose
des questions. Elle est programmée pour coïncider comme par
hasard, avec la visite du Premier ministre Saad Hariri aux
Etats-Unis, dont la date était connue depuis un moment.
.
Enfin, justifier son implication massive dans la guerre civile
syrienne aux côtés du régime terroriste de Bachar el-Assad,
faire oublier ses combats contre les rebelles syriens modérés
depuis plus de quatre ans et se faufiler dans le train victorieux
en marche, celui de la communauté internationale sur Daech/Etat
islamique. En Irak, Mossoul est déjà tombée. En Syrie, qui
suit de près ce qui se passe, sait que ni Assad, ni Khameneï, ni
Nasrallah, ni Poutine n'a combattu Daech réellement. Ce sont les
forces syro-kurdo-sunnites qui le font, ils sont déjà rentrés dans
Raqqa, fief de l'Etat islamique, ainsi que les forces américaines,
qui assurent seules 96% des 11 000 frappes aériennes de la coalition
internationale en Syrie (les pays arabes faisant plutôt de la
figuration en Syrie et en Irak).
V POURQUOI LE HEZBOLLAH A ATTENDU SI LONGTEMPS POUR LANCER SON OPÉRATION ANTI-LIBAN CONTRE AL-NOSRA ET DAECH?
Une
partie des raisons ont été exposées précédemment. Mais ce n'est
pas tout. Il faut bien comprendre une chose: si le Hezbollah a
patienté pendant des années avant de décider de se débarrasser
des épines Nosra-Daech qu'il avait dans les pieds, ce n'est
certainement pas parce qu'il attendait le feu vert de Farès Souaid
et la bénédiction d'Okab Sakr. Eh oui, si le Hezbollah n'avait pas
déclenché l'opération Anti-Liban alors que la présence des
groupés armés syriens sur le territoire libanais est attestée
depuis au moins 2013, et tient aujourd'hui à ce que l'armée
libanaise la poursuive, c'est pour au moins trois raisons.
.
Primo, parce que cette bataille n'était pas prioritaire dans le
passé. Elle pouvait mobiliser beaucoup d'hommes, pendant
longtemps, alors que l'urgence était en Syrie, où l'existence de la
tyrannie des Assad était sérieusement menacée.
.
Secundo, parce que la stérilisation de la chaine de montagnes de
l'Anti-Liban des éléments jihadistes, posera inévitablement la
question qui fâche, le problème du contrôle de la frontière
syro-libanaise dans les deux sens. A défaut, l'opération ne
servirait à rien. Quand l'armée libanaise contrôlera d'une main de
fer la frontière entre le Liban et la Syrie, il sera difficile au
Hezbollah de faire passer ses hommes et ses armes comme bon lui
semble.
.
Tertio, parce qu'une telle bataille nécessitera une force de
frappe et une puissance de feu bien plus importantes que celles dont
dispose le Hezbollah. Désolé de briser l'admiration de certains
pour ce dernier, mais la milice chiite libanaise seule est
incapable de vaincre les groupes jihadistes syriens. Trois
éléments le prouvent. Ils se trouvent dans la dernière conférence
de presse du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a avoué avoir
demandé à l'armée syrienne de l'aider dans cette bataille, qui
voudrait passer rapidement les zones conquises à l'armée libanaise
et qui a tenu à préciser que « le Hezbollah n'est pas
pressé et dispose de tout son temps » pour se débarrasser
du Front Al-Nosra. Eh oui, il faut savoir lire entre les lignes et
comprendre entre les phrases. Et souvenez-vous du cessez-le-feu d'il
y a deux jours et des négociations en cours entre le Hezbollah et
Al-Nosra, pour vaincre l'organisation terroriste sans avoir à livrer
bataille. Et encore, on ne parle pas de Daech!
La
particularité du Hezbollah réside dans sa capacité de mener des
actions de guérilla. Or, la guérilla peut être d'une certain
efficacité face à une armée régulière comme celle de Tsahal,
mais dans le jurd d'Ersal, elle ne présente pas d'avantage sur les
groupes jihadistes. Eh oui, c'est la triste vérité qui fera très
mal à certains, seule l'armée libanaise au Liban a la force de
frappe et la puissance de feu qui permettront de se débarrasser de
Daech et d'Al-Nosra, et de sécuriser la frontière syro-libanaise.
J'irai même plus loin, la troupe est non seulement plus puissante
que la milice, mais seule l'armée libanaise peut obtenir
officiellement des armements supplémentaires des pays
arabo-occidentaux et demander officieusement à la coalition
internationale de mener des frappes contre les positions des
jihadistes de Daech et d'Al-Nosra dans les régions montagneuses
isolées au fin fond du Liban.
Et
dire que certains parlent de complémentarité entre l'armée
libanaise et le Hezbollah! C'est là où l'on mesure l'étendue
de la naïveté du raisonnement de cette frange de compatriotes
aveugles qui ne se rendent pas compte, par conviction ou par
omission, à quel point le Hezbollah nuit à l'Etat libanais en
général, en violant constamment sa souveraineté, et à l'armée
libanaise en particulier, en la privant d'un armement plus conséquent
et d'un entrainement de haut niveau. Mais comment en vouloir à
des compatriotes mal informés par des médias de propagande, quand
leurs leaders eux-mêmes sont si désorientés. Tenez, qui se
souvient encore que l'armée libanaise aurait dû recevoir
l'équivalent de 4 milliards de dollars en armements et en
entrainement de la part de la France? L'Arabie saoudite qui
s'est engagée à assurer le financement, a fini par annuler
l'opération en février 2016, après avoir constaté à quel point
les cinq principaux leaders libanais étaient incapables de s'opposer
concrètement à l'hégémonie du Hezbollah au Liban: Michel Aoun
et Nabih Berri sont des alliés directs de la milice chiite ; Walid
Joumblatt, est un allié de facto du Hezbollah, qui n'a pas hésité
à lui assurer le contrôle du Conseil des ministres entre 2011 et
2014 ; Saad Hariri s'est retrouvé comme un ami du Hezbollah par
alliance, depuis qu'il a soutenu Sleimane Frangié, un allié
indéfectible du régime syrien et du Hezbollah, il lui doit son
retour à la tête du gouvernement ; et Samir Geagea lui aussi est
devenu un ami du Hezbollah par alliance depuis qu'il soutient Michel
Aoun, l'allié indéfectible du Hezbollah. Et ces braves leaders ont
même osé critiquer le royaume pour son volte-face !
Hélas,
le temps lui a donné raison, comme le confirment les réactions du
quintet face à l'opération Anti-Liban. C'est le silence radio du
côté du président de la République, Michel Aoun, pourtant,
commandant en chef de l'armée libanaise. Quant à Saad Hariri,
il aurait « préféré » que « l'armée
libanaise fasse ce que fait le Hezbollah aujourd'hui dans le jurd de
Ersal ». Extraordinaire, j'en parlerai au chef du
gouvernement libanais. Pour Samir Geagea, président du parti
des Forces Libanaises, « les sacrifices du Hezbollah »
sont appréciables car
« l'avancée du Hezbollah a eu un résultat positif
pour le Liban ». On dirait qu'il prépare déjà son dossier
présidentiel. Et pour Gebrane Bassil, chef du Courant
patriotique libre, ce qui compte c'est que « la décision de
libérer la terre est une décision purement libanaise ».
Je t'assure, je ne sais pas ce qu'il va encore chercher el-Baalbaki.
Quant à Walid Joumblatt, qui tweete pour un oui et pour un
non, avec moult émoticônes puériles, il est aux abonnés absents. La
girouette n'a pas encore déterminé le sens du vent. Wlak yi redd
el 3ein 3ankoun.
VI LA VICTOIRE EN TROMPE-L'OEIL DU HEZBOLLAH DANS LE JURD D'ERSAL
« Cette victoire (...) nos moujahidines, nos blessés et les
familles de nos martyrs, la dédient à tous les Libanais.
(sourire) Comme d'habitude, nous sommes comme ça. Comme en l'an 2000
et en 2006. A tous les Libanais et à tous les peuples de la région
qui ont souffert et souffrent du terrorisme takfiriste, de l'horreur
takfiriste et de la sauvagerie takfiriste. A tous les Chrétiens et à
tous les Musulmans, toutes communautés et confessions confondues. »
Zappons d'abord, la notion de « victoire » selon les critères de Hassan Nasrallah. Comme on l'a vu plus haut, il ne faut pas aller vite en besogne, la victoire totale sur tous les jihadistes, Daech compris, c'est l'armée libanaise qui l'apportera forcément, le Hezbollah seul n'en est pas capable. En attendant, la bataille d'Ersal est plus une grande opération de com' qu'une opération militaire d'envergure. Le cessez-le-feu de jeudi 27, suivi par l'accord de dimanche-lundi, a permis de dévoiler une partie du plan com' du Hezb. Alors qu'il y a quelques jours, on nous parlait de centaines de jihadistes tués et faits prisonniers, l'accord ne prévoit que l'échange d'une quinzaine de corps (5 du Hezbollah contre 9 de Nosra) et la libération d'une dizaine de prisonniers (8 du Hezbollah contre 2 de Nosra). Pire encore, alors qu'il y a quelques semaines, on nous parlait d'un millier de jihadistes dans le jurd, l'accord ne prévoit de laisser partir en Syrie qu'une centaine au final. Comme le contraste est important, on a tenu à confondre dans la même catégorie tous les candidats au retour, combattants et civils. Du coup, on est passé de 120 à 10 800 personnes prêts à retourner à Idleb et dans le Qalamoun syrien, la confusion servant à amplifier la perception de la victoire dans les esprits chauffés à blanc depuis dix jours.
Zappons ensuite, la référence à la guerre de « 2006 », j'en ai parlé précédemment, ce fut un désastre pour les Libanais. Entendre un Ali Fayad, député du Hezbollah, répéter encore que la bataille de jurd Ersal a "renforcé la force de dissuasion contre les Israéliens", et voir que certains compatriotes croient toujours à cette légende, et l'on se dit que nous sommes non seulement très mal barré dans ce pays, mais le pire est à venir.
Zappons enfin, ce côté bon prince, généreux et bienveillant, comme on l'a vu déjà, l'opération Anti-Liban est essentiellement menée dans l'intérêt de la milice chiite et non du Liban, une nuance qui échappe à beaucoup des partisans du Hezbollah, les fidèles comme les infidèles, et à beaucoup de leaders libanais, les ex-8Mars comme les ex-14Mars.
VII QUE PEUT FAIRE LE HEZBOLLAH POUR REDORER SON BLASON?
Zappons d'abord, la notion de « victoire » selon les critères de Hassan Nasrallah. Comme on l'a vu plus haut, il ne faut pas aller vite en besogne, la victoire totale sur tous les jihadistes, Daech compris, c'est l'armée libanaise qui l'apportera forcément, le Hezbollah seul n'en est pas capable. En attendant, la bataille d'Ersal est plus une grande opération de com' qu'une opération militaire d'envergure. Le cessez-le-feu de jeudi 27, suivi par l'accord de dimanche-lundi, a permis de dévoiler une partie du plan com' du Hezb. Alors qu'il y a quelques jours, on nous parlait de centaines de jihadistes tués et faits prisonniers, l'accord ne prévoit que l'échange d'une quinzaine de corps (5 du Hezbollah contre 9 de Nosra) et la libération d'une dizaine de prisonniers (8 du Hezbollah contre 2 de Nosra). Pire encore, alors qu'il y a quelques semaines, on nous parlait d'un millier de jihadistes dans le jurd, l'accord ne prévoit de laisser partir en Syrie qu'une centaine au final. Comme le contraste est important, on a tenu à confondre dans la même catégorie tous les candidats au retour, combattants et civils. Du coup, on est passé de 120 à 10 800 personnes prêts à retourner à Idleb et dans le Qalamoun syrien, la confusion servant à amplifier la perception de la victoire dans les esprits chauffés à blanc depuis dix jours.
Zappons ensuite, la référence à la guerre de « 2006 », j'en ai parlé précédemment, ce fut un désastre pour les Libanais. Entendre un Ali Fayad, député du Hezbollah, répéter encore que la bataille de jurd Ersal a "renforcé la force de dissuasion contre les Israéliens", et voir que certains compatriotes croient toujours à cette légende, et l'on se dit que nous sommes non seulement très mal barré dans ce pays, mais le pire est à venir.
Zappons enfin, ce côté bon prince, généreux et bienveillant, comme on l'a vu déjà, l'opération Anti-Liban est essentiellement menée dans l'intérêt de la milice chiite et non du Liban, une nuance qui échappe à beaucoup des partisans du Hezbollah, les fidèles comme les infidèles, et à beaucoup de leaders libanais, les ex-8Mars comme les ex-14Mars.
VII QUE PEUT FAIRE LE HEZBOLLAH POUR REDORER SON BLASON?
Soyons
francs. Le Hezbollah a un passif colossal avec une partie du
peuple libanais qui ne peut être soldé ni avec les combats de jurd
Ersal, aussi nobles soient-ils, ni avec l'émotion de Hassan
Nasrallah en évoquant l'implication de ses hommes, aussi sincère
soit-elle. Pour se montrer sous son meilleur jour, faisant bonne
impression et bonne figure sur tous les Libanais, le Hezbollah doit
cesser ses pratiques miliciennes, mafieuses et islamistes.
.
Primo, par la dissolution de sa milice et la remise de ses armes à
l'armée libanaise, conformément à la Constitution libanaise,
l'accord de Taëf et les résolutions du Conseil de sécurité de
l'ONU, 1559 et 1701.
.
Secundo, par le renoncement aux assassinats politiques concrétisé
par la remise de ses membres accusés du meurtre de l'ancien
premier ministre Rafic Hariri à La Haye et la collaboration
totale avec le Tribunal spécial pour le Liban.
.
Tertio, par le rejet une fois pour toutes de l'idée de l'établissement d'une république islamique chiite au Liban,
telle qu'elle est régulièrement exprimée par cheikh Naïm Qassem entre autres,
numéro deux du Hezbollah (dans ses livres et ses interviews, la dernière fois, c'était en janvier 2016, dans l'indifférence générale des ex-leaders souverainistes).
Le
Hezbollah sous le règne de Hassan Nasrallah, depuis 1992 (25 ans
déjà), a commis tellement d'erreurs que ce cahier des charges
draconiennes ne sera sans doute pas suffisant pour redorer le blason
du parti chiite aux yeux d'une partie des Libanais. En tout cas, pour ce faire, le Hezb doit mener immédiatement
une action triple : confier l'opération Anti-Liban à l'armée
libanaise, se retirer complètement de la guerre civile syrienne et
accepter enfin, l'opération Figuiers de Barbarie. Ce projet pour
lequel je milite depuis la condamnation de Michel Samaha en avril
2016, prévoit de sécuriser la frontière syro-libanaise d'une
manière écologique et à moindre frais, avec la plantation serrée
de 187 500 figuiers de Barbarie, en plusieurs rangées. On pourra le
compléter si nécessaire avec le déploiement de l'armée libanaise.
Rien n'empêche le gouvernement libanais de demander de l'intégrer
dans la résolution 1701.
Un poste de l'armée libanaise dans le jurd d'Ersal Photo Hussein Malla, AP (juin 2016) |
Hélas, l'Etat libanais actuellement est réduit à jouer les intermédiaires entre le Hezbollah et Fateh el-Cham (alNosra-alQaeda), deux organisations considérées toutes les deux comme terroristes par une grande partie de la communauté internationale. Il parraine et veille à l'exécution de l'accord conclu entre elles, avec la bénédiction de la majorité des leaders libanais, dont les ex-souverainistes. Pathétique. Toujours est-il que cela ne doit pas détourner l'attention des patriotes de l'essentiel : ils ont leur Liban, nous avons le nôtre. Et dans le nôtre, seul l'Etat libanais détient le pouvoir souverain de la guerre et de la paix, et seule l'armée libanaise, le monopole souverain des armes. Assez de palabres, tout ce qui est en dehors ça, est illégal, nul et non avenu.