samedi 20 septembre 2014

Une douche écossaise pour Saleh Machnouk et consorts (Art.243)


« Waiting for the next President ». Tout est dans le titre. « Shatapp your maoss obama », aurait pu être le sous-titre. Saleh el-Machnouk est déçu et le fait savoir. Il n’est pas le seul d’ailleurs. D’autres le font savoir avec beaucoup moins d’élégance. Il disserte en long, en large, mais aussi de travers, il faut bien le dire, sur la « politique désastreuse de Barack Obama ». Si je me donne la peine de vous faire part de ce texte, c’est parce que je trouve qu’il est révélateur d’une façon de penser qui a beaucoup nui aux causes arabes.

Saleh el-Machnouk nous explique, et son droit, que « les récents événements en Syrie auraient pu présenter une occasion au président (américain) de revoir sérieusement sa politique globale ». Admettons. Alors qu’il ne se gêne pas pour critiquer avec sévérité cette politique, « Obama a choisi de poursuivre la même approche étroite d'esprit », il est étonnant de constater comment ce jeune politicien esquive la gravité du phénomène djihadiste en Syrie. « Alors que les rebelles veulent des armes pour vaincre le régime, Obama est strictement préoccupé par leur rôle de contrepoids à des extrémistes. » Ah bon, c’est aussi simple que ça ? Mais bordel, qu’est-ce qui garantira que ces armes ne tomberont pas entre les mains des djihadistes comme en Libye ? Peu de choses pour l’instant. Il en parle comme si les djihadistes allaient s’évaporer comme par enchantement à la chute du régime de Bachar el-Assad, qui n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour. Il ignore lui et tant d’autres, que ce n’est pas rendre service aux rebelles syriens que de minimiser le phénomène djihadiste en Syrie. Il n’y aura pas d’armes à profusion ni des pays occidentaux, ni même des pays arabes, tant que les rebelles syriens ne montreront pas qu’ils sont en mesure de contenir sérieusement le phénomène djihadiste en Syrie. Le désastre libyen, et son débordement sur le Mali, est encore dans toutes les mémoires. En tout cas, si la Bosnie « fournit de précieuses leçons », Saleh el-Machnouk a oublié les plus importantes d’entre elles : malgré les horreurs commises, les autorités bosno-serbes n’avaient strictement rien à voir avec les autorités syro-iraniennes et le phénomène djihadiste était inexistant en Bosnie. Eh oui, deux nuances qui changent tout.

Il est navrant de constater que le point de vue de Saleh el-Machnouk résume bien l’attitude désespérante d’une partie des Arabes, leaders et populations -Libanais compris, Chrétiens inclus, pour qu’il n’y ait pas de 2al wou 2il- que j’ai dénoncée dans mon dernier article. Voilà pourquoi j’ai décidé de rédiger cette note ce matin. Je suis effaré par cette tendance systématique de certains à asséner les revendications, à attendre beaucoup des autres et à ne jamais, au grand jamais, se remettre en question. Je ne comprends pas cette attitude schizophrénique de certains, pas spécialement Saleh el-Machnouk, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, qui cachent mal leur anti-américanisme primaire, alors qu’ils misent toujours sur les Etats-Unis. Je suis consterné par ce penchant naturel à l’ingratitude envers les Etats-Unis -même chez les Chrétiens libanais, j’insiste sur ce point- qui, comme je le dis dans mon dernier article, « engagent leurs forces armées pour défendre leurs intérêts mais aussi les nôtres afin d’anéantir l'Etat islamique, alors que celui-ci représente une grave menace pour tous les pays de la région sans exception, davantage que pour les Etats-Unis eux-mêmes ». Rien que sur la question des djihadistes étrangers, il n’y aurait que 70 djihadistes américains, contre 3 000 tunisiens, 2 500 saoudiens, 2 000 jordaniens, 1 500 marocains et 1 000 libanais. C’est pour dire !

A la lecture de cet article, il me semble que celui qui a vraiment « une profonde et inébranlable incompréhension du conflit syrien », c’est bien lui, l’auteur de l’article himself, Saleh el-Machnouk, non Barack Obama, et tous ceux qui partagent un tel avis. Au lieu de continuer à perdre son temps, pour deux ans renouvelables, et de donner de fausses espérances aux gens, Syriens et Libanais, en s’imaginant que « le prochain président va appuyer sur le bouton "reset" de la politique de la Syrie aux Etats-Unis » pour les beaux yeux des Orientales et des Orientaux, nous devrions œuvrer dès à présent, comme je l’ai exposé dans mon dernier article à :

1. Faire comprendre aux rebelles syriens qu’il est temps de tirer les « bonnes » conclusions de plus de trois ans et demi de révolte, de révolution et de guerre. La fermeture des yeux sur l’islamisation de la guerre et la dérive djihadiste en Syrie, dans le but de déloger Bachar el-Assad, ont été néfastes pour la Révolution syrienne. C’est cela qui a permis à « l’Etat islamique » de se développer. Pas la peine de fuir la réalité. Tant que le phénomène djihadiste n’est pas cerné, la politique occidentale en Syrie suivra un cours prudent, que nous le voulions ou pas nous autres Arabes. Il faut donc présenter aux Occidentaux un plan d’actions pour contrer les djihadistes sur le terrain, avec un risque maitrisé de dissémination des armes occidentales, afin d’éviter de réitérer l’erreur commise sur le front Libye-Mali.

2. Faire comprendre aux pays arabes, notamment au Qatar et à la Turquie, qu’il est temps de mettre un terme à leurs politiques irresponsables de financement des mouvements djihadistes et des frontières permissives, qui ont aidé à l’épanouissement de Daech & Co en Syrie.

3. Faire comprendre au gouvernement libanais de Tammam Salam, où siège Nouhad Machnouk, le père du jeune politicien, comme ministre de l’Intérieur, ainsi qu'à sa famille politique, le courant du Futur, qu'il est impératif de procéder à la fermeture hermétique de la frontière syro-libanaise dans les deux sens par le déploiement de l’armée libanaise. Si les circonstances ne nous permettent pas de le faire, il faut alors reconnaitre que les Américains ont eux aussi des circonstances qui ne leurs permettent pas d’exaucer nos vœux et nos caprices.

Avant de donner des leçons aux autres, il faut peut-être commencer par balayer devant notre porte. Saleh el-Machnouk et tant d’autres ont évidemment le droit de tirer à boulets rouges sur Barack Obama. « Après trois ans de conflit, avec plus de 200.000 morts et 9 millions de réfugiés, l'affaiblissement de l'opposition et la montée en puissance de l’EIIL, il est temps de renoncer à l'actuel président des États-Unis. » Toutefois, ceux qui partagent cette conclusion insolente du jeune politicien, doivent aussi savoir que d’autres personnes disent « qu’après trois ans de conflit, avec plus de 200.000 morts et 9 millions de réfugiés, l'affaiblissement de l'opposition et la montée en puissance de l’EIIL, et parce que les Américains n’ont pas vocation à mourir à la place des Libanais et des Arabes, dans l’ingratitude la plus totale de surcroit, comme ce fut le cas au Liban (1983) et en Irak (2003-2011), il est temps de renoncer à la lutte armée et de compter sur eux ». L’un comme l’autre, ces deux raisonnements ne rendent pas service aux Arabes, Libanais, Irakiens et Syriens inclus.  

Enfin, « s’il est presque certain d'échouer (le plan d’Obama pour affaiblir et anéantir Daech) », on se passerait bien de cette allégation de mauvais augure du jeune homme, ce n’est pas pour les raisons bidon qu’il a évoquées. C’est avant tout parce qu’une grande partie du monde libano-arabo-perso-musulman (Liban, Qatar, Koweït, Egypte, Iran, Turquie, etc.) n’est ni suffisamment consciente ni pleinement motivée pour remplir sa part du « contrat » de lutte contre « l’Etat islamique ». Hélas, il faut dire les choses telles qu’elles sont. Que les Libanais, les Turcs, les Perses et les Arabes, remplissent leurs parts de ce « contrat », au lieu de passer leur temps à palabrer comme des enfants gâtés sur ce que Barack Obama doit faire ou ne pas faire, dans ce putain de bordel du Moyen-Orient !

Réf.
Ça sera la « quatrième guerre du Golfe » ! Objectif : l’anéantissement de « l’Etat islamique » (Art.242) / Bakhos Baalbaki