« Waiting for
the next President ». Tout est dans le
titre. « Shatapp your maoss
obama », aurait pu être le sous-titre. Saleh el-Machnouk est déçu et le
fait savoir. Il n’est pas le seul d’ailleurs. D’autres le font savoir avec
beaucoup moins d’élégance. Il disserte en long, en large, mais aussi de travers,
il faut bien le dire, sur la « politique désastreuse de Barack Obama ». Si je me donne la peine de vous faire part de ce texte, c’est
parce que je trouve qu’il est révélateur
d’une façon de penser qui a beaucoup nui aux causes arabes.
Saleh el-Machnouk
nous explique, et son droit, que « les
récents événements en Syrie auraient pu présenter une occasion au président
(américain) de revoir sérieusement sa politique globale ». Admettons. Alors
qu’il ne se gêne pas pour critiquer avec sévérité cette politique, « Obama a choisi de poursuivre la même
approche étroite d'esprit »,
il est étonnant de constater comment ce
jeune politicien esquive la gravité du phénomène djihadiste en Syrie. « Alors que les rebelles veulent des
armes pour vaincre le régime, Obama est strictement préoccupé par leur rôle de
contrepoids à des extrémistes. » Ah bon, c’est aussi simple que ça ? Mais
bordel, qu’est-ce qui garantira que ces armes ne tomberont pas entre les mains
des djihadistes comme en Libye ? Peu de choses pour l’instant. Il en parle comme si les djihadistes
allaient s’évaporer comme par enchantement à la chute du régime de Bachar
el-Assad, qui n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour. Il ignore lui et tant
d’autres, que ce n’est pas rendre service aux rebelles syriens que de minimiser
le phénomène djihadiste en Syrie. Il n’y
aura pas d’armes à profusion ni des pays occidentaux, ni même des pays arabes, tant que les
rebelles syriens ne montreront pas qu’ils sont en mesure de contenir sérieusement
le phénomène djihadiste en Syrie. Le désastre libyen, et son débordement
sur le Mali, est encore dans toutes les mémoires. En tout cas, si la Bosnie « fournit de précieuses leçons », Saleh el-Machnouk a
oublié les plus importantes d’entre elles : malgré les horreurs commises, les autorités bosno-serbes n’avaient
strictement rien à voir avec les autorités syro-iraniennes et le phénomène djihadiste était inexistant en Bosnie. Eh oui, deux nuances qui changent tout.
Il est navrant de
constater que le point de vue de Saleh
el-Machnouk résume bien l’attitude désespérante d’une partie des Arabes, leaders
et populations -Libanais compris, Chrétiens inclus, pour qu’il n’y ait pas
de 2al wou 2il- que j’ai dénoncée
dans mon dernier article. Voilà pourquoi j’ai décidé de rédiger cette note ce
matin. Je suis effaré par cette tendance
systématique de certains à asséner les revendications, à attendre beaucoup des
autres et à ne jamais, au grand jamais, se remettre en question. Je ne
comprends pas cette attitude schizophrénique de certains, pas spécialement Saleh el-Machnouk, qu’ils soient
musulmans ou chrétiens, qui cachent mal leur anti-américanisme primaire, alors qu’ils misent toujours sur les Etats-Unis.
Je suis consterné par ce penchant naturel
à l’ingratitude envers les Etats-Unis -même chez les Chrétiens libanais, j’insiste
sur ce point- qui, comme je le dis dans mon dernier article, « engagent leurs forces armées pour
défendre leurs intérêts mais aussi les nôtres afin d’anéantir l'Etat islamique, alors que
celui-ci représente une grave menace pour tous les pays de la région sans
exception, davantage que pour les Etats-Unis eux-mêmes ». Rien que sur la
question des djihadistes étrangers, il n’y aurait que 70 djihadistes
américains, contre 3 000 tunisiens, 2 500 saoudiens, 2 000 jordaniens, 1 500
marocains et 1 000 libanais. C’est pour dire !
A la lecture de cet
article, il me semble que celui qui a
vraiment « une profonde et
inébranlable incompréhension du conflit syrien », c’est bien lui,
l’auteur de l’article himself, Saleh el-Machnouk, non Barack Obama, et tous ceux
qui partagent un tel avis. Au lieu de continuer à perdre son temps, pour
deux ans renouvelables, et de donner de fausses espérances aux gens, Syriens et
Libanais, en s’imaginant que « le
prochain président va appuyer sur le bouton "reset" de la politique de
la Syrie aux Etats-Unis » pour les beaux yeux des Orientales et des Orientaux,
nous devrions œuvrer dès à présent, comme
je l’ai exposé dans mon dernier article à :
1. Faire comprendre aux rebelles syriens qu’il est temps de
tirer les « bonnes » conclusions de plus de trois ans et demi de révolte,
de révolution et de guerre. La fermeture des yeux sur l’islamisation de la
guerre et la dérive djihadiste en Syrie, dans le but de déloger Bachar
el-Assad, ont été néfastes pour la Révolution syrienne. C’est cela qui a permis
à « l’Etat islamique » de se développer. Pas la peine de fuir la
réalité. Tant que le phénomène
djihadiste n’est pas cerné, la politique occidentale en Syrie suivra un cours
prudent, que nous le voulions ou pas nous autres Arabes. Il faut donc présenter aux Occidentaux un
plan d’actions pour contrer les djihadistes sur le terrain, avec un risque maitrisé
de dissémination des armes occidentales, afin d’éviter de réitérer l’erreur
commise sur le front Libye-Mali.
2. Faire comprendre aux pays arabes, notamment au Qatar
et à la Turquie, qu’il est temps de mettre
un terme à leurs politiques irresponsables de financement des mouvements djihadistes
et des frontières permissives, qui ont aidé à l’épanouissement de Daech
& Co en Syrie.
3. Faire comprendre au gouvernement libanais de Tammam
Salam,
où siège Nouhad Machnouk, le père du jeune politicien, comme ministre de
l’Intérieur, ainsi qu'à sa famille politique, le courant du Futur, qu'il est impératif de procéder à la fermeture hermétique de la frontière
syro-libanaise dans les deux sens par le déploiement de l’armée libanaise.
Si les circonstances ne nous permettent pas de le faire, il faut alors
reconnaitre que les Américains ont eux aussi des circonstances qui ne leurs
permettent pas d’exaucer nos vœux et nos caprices.
Avant de donner des
leçons aux autres, il faut peut-être commencer par balayer devant notre porte. Saleh
el-Machnouk et tant d’autres ont évidemment le droit de tirer à boulets rouges sur
Barack Obama. « Après trois ans de
conflit, avec plus de 200.000 morts et 9 millions de réfugiés,
l'affaiblissement de l'opposition et la montée en puissance de l’EIIL, il est temps de renoncer à l'actuel
président des États-Unis. » Toutefois, ceux qui partagent cette
conclusion insolente du jeune politicien, doivent aussi savoir que d’autres
personnes disent « qu’après trois
ans de conflit, avec plus de 200.000 morts et 9 millions de réfugiés,
l'affaiblissement de l'opposition et la montée en puissance de l’EIIL, et parce que les Américains n’ont pas vocation
à mourir à la place des Libanais et des Arabes, dans l’ingratitude la plus
totale de surcroit, comme ce fut le cas au Liban (1983) et en Irak (2003-2011),
il est temps de renoncer à la lutte armée et de compter sur eux ». L’un
comme l’autre, ces deux raisonnements ne rendent pas service aux Arabes,
Libanais, Irakiens et Syriens inclus.
Enfin,
« s’il est presque certain
d'échouer (le plan d’Obama pour affaiblir et anéantir Daech) », on se passerait bien de cette allégation de mauvais
augure du jeune homme, ce n’est pas pour les
raisons bidon qu’il a évoquées. C’est avant tout parce qu’une grande partie du
monde libano-arabo-perso-musulman (Liban, Qatar, Koweït, Egypte, Iran, Turquie,
etc.) n’est ni suffisamment consciente
ni pleinement motivée pour remplir sa part du « contrat » de lutte
contre « l’Etat islamique ». Hélas, il faut dire les choses
telles qu’elles sont. Que les Libanais, les Turcs, les Perses et les Arabes, remplissent
leurs parts de ce « contrat », au lieu de passer leur temps à palabrer
comme des enfants gâtés sur ce que Barack Obama doit faire ou ne pas faire,
dans ce putain de bordel du Moyen-Orient !
Réf.