8. Entre le Courant du Futur et le parti des Forces libanaises, c'est le service minimum
Il suffit de regarder les alliances électorales pour en avoir la preuve. Certes, le Courant du Futur a établi des ententes électorales avec ses alliés traditionnels du camp du 14-Mars, les Forces libanaises, les Kataeb et le Parti socialiste progressiste. Il n'empêche que dans le millésime 2018, il a réussi aussi à s'entendre avec le Courant patriotique libre qui le critiquait sévèrement autrefois. De son côté, en dehors des personnalités indépendantes, le parti des Forces libanaises, n'a établi des ententes électorales qu'avec le Courant du Futur, les Kataeb et le Parti socialiste progressiste, les composantes originels du 14-Mars à son âge d'or (2005-2009).
Que le Futur et le CPL aient enterré la hache de guerre, les Libanais ne peuvent que s'en féliciter. Le problème c'est que l'entente entre ces deux formations, se fait au détriment des FL dans des régions considérées comme des fiefs des FL, comme Achrafieh et Bcharré-Batroun.
On dit que Saad Hariri n'a pas digéré d'être contrait de voter pour Michel Aoun, le candidat de Samir Geagea, qui s'est régulièrement attaqué aux Hariri, père et fils. Etrange motif sachant que son propre candidat, Sleimane Frangié, est du même camp que Michel Aoun, pro-Hezbollah, qu'il s'est attaqué aux Hariri lui aussi, et qu'il est même intervenu sur la scène du crime le 14 février 2005, en tant que ministre de l'Intérieur, détruisant peut être certains indices précieux pour l'enquête. Il n'y a qu'une différence notable entre ces deux candidats, le général était opposant à la tyrannie des Assad père et fils entre 1991-2005, alors que le beik était leur plus fidèle allié au Liban. En tout cas, aujourd'hui, l'entente entre le Premier ministre et le président de la République est plus que cordiale, cet argument est donc caduc.
De son côté, on dit que Samir Geagea n'a pas digéré que Saad Hariri l'ait mis au pied du mur, en adoptant la candidature de Sleimane Frangié, qui est un leader proHezb et proAssad notoire, et avec qui il a un problème personnel. Etrange argument aussi, sachant l'ex-chef du CPL, dont la candidature a été adoptée par hakim était dans le même cas.
La brouille vient d'ailleurs. Il semble que l'attitude des ministres FL dans le gouvernement Hariri ne plait pas au Futur. Ils sont trop obstructifs et pas assez accommodants, comme le prouvent leurs interventions dans l'affaire des navires-centrales que le ministre CPL, César Abi Khalil, voulait faire passer à tout prix, c'est le cas de le dire!, malgré la violation de certaines dispositions réglementaires.
Et ce n'est pas tout. La cerise sur le gâteau se trouve dans le feuilleton libano-franco-saoudien de la démission du Premier ministre libanais et de la propagande du Hezb & Co sur sa rétention à Riyad par Voldemort d'Arabie, MBS, le prince des Ténèbres, et sa libération par superman, Emmanuel Macron, après la tournée diplomatique de notre batman national, Gebrane Bassil. L'entourage de Saad Hariri reproche à Samir Geagea, d'avoir monté la tête des Saoudiens contre lui, en essayant de les persuader de le remplacer car il serait trop complaisant avec le Hezbollah. C'est ce qu'ont pensé surtout les lieutenants de Hariri, les fils de Bahia Hariri (sœur de Rafic Hariri), Ahmad et Nader, pendant la période de blackout où Saad Hariri n'était plus joignable. Ils ont cru naïvement, ils y croient encore, que Geagea est plus écouté à Riyad que Hariri lui-même. Enfin, les cousins Hariri comme Saad d'ailleurs, devraient d'abord régler leurs comptes en famille, avec Bahaa en tête (le fils aîné de Rafic Hariri), qui s'est vu déjà au Grand Sérail au zénith de la crise politique, et qui a agit dans les coulisses bien plus que Geagea, MBS et Macron.
En tout cas, la publication en début de semaine d'un selfie pris par Saad Hariri lui-même, avec le roi du maroc, Mohammad VI, et le prince-héritier d'Arabie saoudite, Mohammad ben Salmane, tout sourire et tous décontractés, suivi le lendemain, par un autre selfie, aux côtés du président français, Emmanuel Macron et MBS, sont les énièmes éléments qui prouvent combien de journalistes et d'hommes politiques, en Orient comme en Occident, ont été à côté de la plaque et du feuilleton.
Et ce « pas de commentaire » ironique, pour accompagner les deux photos svp, qui en dit long, permettra peut-être à ceux qui ont été victimes de mirage dans le désert d'Arabie à l'automne dernier, de s'en remettre enfin !
9. Saad Hariri est dans une situation difficile et complexe, alors que Samir Geagea se trouve dans une situation facile et décontractée
Au-delà de ces différends, ce qui a été déterminant dans la rupture Futur-FL est ailleurs. Nul ne peut douter de l'attachement des deux hommes à la souveraineté du pays du Cèdre et au renforcement de l'état de droit au Liban. Si cheikh Saad et el-Hakim peuvent être qualifiés tous les deux de pragmatiques, les deux hommes ne sont pas soumis aux mêmes pressions.
Saad Hariri a trois rôles à assumer : ceux de Premier ministre, de leader de la communauté sunnite et d'homme d'affaires. Il sait que les trois rôles sont étroitement liés : d'une part, il ne pourra pas rester chef du gouvernement, s'il n'est pas le principal leader de la communauté sunnite, et d'autre part, il ne pourra pas rester le leader principal de la communauté sunnite, s'il ne reste pas un homme d'affaires prospère. Or, les augures ne sont pas rassurants.
. Primo, les affaires ne sont pas bonnes depuis un moment, au Liban comme en Arabie saoudite.
. Secundo, il a deux contestations sérieuses au sein de la communauté sunnite libanaise : à sa gauche, la ligne Najib Mikati (plutôt proHezb et proAssad) et à sa droite, la ligne Achraf Rifi (farouchement antiHezb et antiAssad). Et pour ne pas faciliter les choses, il sait qu'une ligne politique trop molle déplaira à l'Arabie saoudite, un précieux soutien international (sur les plans politique et économique); trop dure, elle déplaira au Hezbollah (au risque de lui coûter le Grand Sérail comme en 2011).
. Tertio, son bloc parlementaire risque de subir une cure d'amaigrissement à cause de la loi électorale proportionnelle, ce qui pourrait lui coûter le Grand Sérail, là aussi. Même si la rue sunnite lui est toujours fidèle, une partie de la communauté gronde. Elle lui reproche ses incessantes concessions depuis 2005, à l'égard de Bachar el-Assad, Hassan Nasrallah, Nabih Berri, Walid Joumblatt, Gebran Bassil et Michel Aoun.
La situation de Samir Geagea est totalement différente. Il n'a qu'un rôle à assumer : celui du leader des communautés chrétiennes non alignées sur la milice chiite libanaise et le régime alaouite syrien. Certes, une partie des partisans lui reproche son soutien à Michel Aoun pour la présidentielle, mais il n'a pas de véritable contestataire. Le leadership des communautés chrétiennes dans leur ensemble est pris par Michel Aoun, depuis 2005 déjà, donc rien de nouveau de ce côté. Candidat malheureux à la présidentielle de 2014-2016, il pense à 2022, mais c'est dans quatre ans et demi, une éternité au Moyen-Orient. Il espère augmenter la taille de son bloc parlementaire grâce à la proportionnelle. Les sondages lui donnent entièrement raison, étant donné l'importance de la base électorale des FL. Et enfin, il n'a pas d'affaires à gérer.
Ainsi, on voit bien que Saad Hariri est dans une situation complexe et il est soumis à trop de pressions contradictoires, alors que Samir Geagea est dans une situation simple et assez confortable. C'est dans le but de baisser le niveau de pression et de sauvegarder les trois rôles qu'il assume actuellement -aux niveaux politique, communautaire et financier- que Saad Hariri et ses lieutenants ont décidé d'effectuer une volte-face politique, en créant une entente politicienne avec le Courant patriotique libre, de Michel Aoun et de Gebrane Bassil, la principale force politique chrétienne.
10. Les raisons profondes du rapprochement entre Saad Hariri et Gebrane Bassil
Deux derniers éléments ont eu un effet catalytique, éloignant encore plus le Futur des FL, pour le rapprocher davantage du CPL.
. D'une part, la perspective de la reconstruction de la Syrie à court terme, un marché juteux de plusieurs centaines de milliards de dollars. C'est dans ce cadre qu'il faut placer l'enthousiasme de Gebrane Bassil pour organiser la conférence « Rebuild Syria » dans le cadre de l'initiative Lebanese National Energy le 27 octobre dernier, et l'empressement de Saad Hariri le même jour, pour nommer Saad Zakhia, comme nouvel ambassadeur auprès du régime de Bachar el-Assad, faisant du Liban le premier pays au monde à retourner précipitamment à Damas avec une représentation diplomatique de haut niveau. Savoir si les deux formations coordonnent leurs actions sur ce point, n'a pas beaucoup d'importances par rapport aux actes qui sont complémentaires. Nul ne peut douter de l'hostilité de Saad Hariri à l'égard du régime syrien, ce qui n'est absolument pas le cas de Gebrane Bassil, mais il y a là, un mélange des genres qui soulève beaucoup de questions.
. D'autre part, la perspective de renouvellement du pouvoir libanais à long terme. Les règnes de Michel Aoun et de Nabih Berri, prendront fin au plus tard en 2022, voire en 2026 pour ce dernier. L'avenir se prépare maintenant. Gebrane Bassil déplait à la fois au Hezbollah et à Amal. Les deux lui préfèrent Sleimane Frangié. S'il ne se montre pas inventif, il a déjà atteint son plafond politique, il ne pourra pas aller plus loin. On a déjà vu la complexité de la situation de Saad Hariri. Et pourquoi les deux jeunes leaders ne concluraient-ils un deal entre eux, dans l'intérêt des deux parties? Gebrane Bassil succédera à son beau-père Michel Aoun au palais de Baabda, Saad Hariri succédera à lui-même au Grand Sérail, et les deux tenteront d'imposer comme successeur à Nabih Berri dans l'hémicycle place de l'Etoile, un homme de leur sphère d'influence. La preuve? Mais, les manœuvres ont déjà commencé! Elles ont été dénoncées par Walid Joumblatt.
Bienvenue dans le monde merveilleux de la realpolitik libanaise, où toutes les combines politiques ont droit de cité. Le comble serait un rapprochement entre le Hezbollah et les Forces libanaises, la samah allah! Bon, ce n'est pas demain la veille. On peut regretter cela, mais ça ne change rien au constat, la séparation des corps entre les ex-piliers du 14-Mars est effective, même si le divorce entre Saad Hariri et Samir Geagea n'a toujours pas été prononcé. Toutefois, l'alliance stratégique entre les deux hommes, née de l'intifada du 14 mars 2005, perdure comme le prouve l'entente entre les deux formations dans 1/3 des circonscriptions, notamment à Zahlé (face au duo Hezbollah-Amal) et à Baalbek-Hermel. Et encore, même dans ces alliances, les deux formations ne sont pas sur la même longueur d'onde. Bakr Hojeiri (Futur) ne veut pas que les armes de la milice chiite soient utilisées au Liban et en Syrie, mais qu'elles soient dirigées uniquement contre Israël, quand Antoine Habchi (FL) ne veut tout simplement pas d'armes illégales au Liban, seules les forces armées libanaises pouvant en détenir légalement.
11. Les problèmes éthiques de la stratégie électorale de Gebrane Bassil
Le cas du Courant patriotique libre dans le millésime 2018 est assez singulier pour être traité à part et en détail. Le parti fondé par Michel Aoun et présidé depuis 2015 par son gendre, Gebrane Bassil, a réussi à accorder ses violons électoraux avec quasiment toutes les parties en compétition, enfin presque. De ce fait, il détient le record en nombre d'alliances. Pour ses partisans, il s'est montré ouvert à tous les courants politiques. L'ennui c'est que la stratégie électorale de Gebrane Bassil pose un gros problème éthique pour diverses raisons.
Primo, parce que l'entente avec certains partis politiques dans certaines circonscriptions est contrebalancée par la mésentente avec les mêmes partis politiques dans d'autres circonscriptions. C'est le cas avec le Courant du Futur, le mouvement Amal, le Parti social nationaliste syrien et le Hezbollah. Il est allié avec eux ici et là, et contre eux, ici et là. Les alliances étant établies au cas par cas, il est évident qu'elles ne sont pas basées sur un programme ou ne serait-ce qu'une vision politique commune. Seules les chances de gagner étant prises en compte avec l'objectif de gagner à tout prix, il s'agit donc d'alliances politiciennes.
Secundo, parce qu'il n'a pas hésité à s'allier avec des mouvements peu recommandables, comme le Parti social nationaliste syrien (Qawmiyé), un parti qui est toujours aussi fier de l'attaque terroriste qui a couté la vie au président de la République Bachir Gemayel en 1982, les Ahbach (mouvement religieux sunnite) et surtout, al-Jamaat el-Islamiyé, considérée comme étant les Frères musulmans du Liban, dans trois circonscriptions svp (Akkar, Chouf-Aley et Saïda-Jezzine). On a donc clairement affaire à des alliances sans principes, à part des intérêts partisanes. C'est d'autant plus étrange que le CPL a passé son temps à brandir la menace islamiste sunnite à tout bout de champ, allant jusqu'à accuser le Courant du Futur d'en être complice, comme le montre la pancarte brandie par Nicolas Sehnaoui lui-même (manifestations du 12 août 2015), valeureux candidat du CPL Achrafieh, sur une liste soutenue sans hésitation, par ce même Courant du Futur. Comprenne qui pourra! Enfin, des alliances intéressées dans les deux sens.
Tertio, parce qu'il a évité soigneusement les trois trois autres leaders maronites du club des « Quatre mousquetaires de Bkerké », Samir Geagea, Amine Gemayel et Sleimane Frangié. S'entendre avec un courant officiellement islamiste qui œuvre sous l'idéologie des Frères musulmans, mais avec aucun des partis officiellement laïcs, dirigés par des leaders chrétiens, est un grand exploit politicien de la part du CPL, qui mérite d'être salué. Politicien et pas politique, nuance.
12. Gebrane Bassil vise déjà l'élection présidentielle de 2022, voire une élection présidentielle anticipée
On voit bien que la stratégie électorale du CPL n'est qu'une ouverture politique en trompe-l'oeil. Il vaut mieux parler de manœuvres politiciennes, sans aucun principe, à part l'appât du gain politique. Pour Gebrane Bassil, tous les moyens sont bons pour constituer le plus important bloc parlementaire, afin de peser sur le pouvoir exécutif du prochaine gouvernement, sur le pouvoir législatif du prochain Parlement et sur les prochaines nominations administratives. Et ce n'est pas tout, Gebrane Bassil vise aussi, déjà et surtout, la prochaine élection présidentielle de 2022. On n'en parle pas, mais c'est l'élément clé du millésime 2018 qui explique les alliances tous azimuts et incongrues de Gebrane Bassil.
Etant donné le décalage dans l'expiration des mandats, entre le prochain Parlement (qui sera élu le 6 mai 2018) et l'actuel président de la République Michel Aoun (élu le 31 octobre 2016), respectivement, le 20 mai 2022 et le 31 octobre 2022, même si je ne suis pas devin, je peux vous annoncer en avant-première, le thème du prochain débat byzantin au Liban à l'horizon 2022. Dans quatre ans, nous débotterons pour savoir quelle assemblée parlementaire devra élire le 14e président de la République : un nouveau Parlement issu de nouvelles législatives organisées au mois de mai 2022, comme l'exige la Constitution, ou l'ancien parlement élu en mai 2018, comme le veut la jurisprudence « Michel Aoun », après une autoprorogation du mandat parlementaire pour des raisons bidon, cela va sans dire ? Qui croie que c'est la Constitution qui sera l'élément de référence, connait mal le Liban. Désolé, non, ce sont les résultats des élections législatives du 6 mai 2018 qui fixeront les modalités de l'élection présidentielle de 2022. Qui en décidera ? Le duo chiite Hezbollah-Amal et son allié chrétien le Courant patriotique libre, comme lors de l'élection du 13e président de la République (2014-2016), selon les scores qu'ils auront tous les trois le 6 mai 2018. Et encore une fois, ce sont les armes du Hezbollah et l'interprétation arbitraire de la Constitution par Nabih Berri, qui établiront le calendrier. Par ailleurs, Gebrane Bassil sait aussi, que son beau-père, aujourd'hui âgé de 84 ans, peut ne pas être en mesure de terminer son mandat, à cause d'une maladie grave ou d'un décès. Longue vie au général, mais bon, personne n'est dans les secrets des dieux. Dans ce cas, pas de doute ni d'option, il y aura une élection présidentielle anticipée et c'est l'assemblée parlementaire élue le 6 mai 2018 qui sera chargée de trouver son successeur. Le gendre y pense, pas seulement en se rasant le matin.
13. Entre le Courant patriotique libre et le parti des Forces libanaises, rien ne va plus
Toujours est-il que les présidents des partis des Forces libanaises et du Futur ont commis des erreurs d'appréciation et de calcul. L'erreur de Samir Geagea c'est d'avoir soutenu l'arrivée de Michel Aoun au pouvoir sans une sérieuse contrepartie politique. Le général n'avait même pas lu lui-même le communiqué, c'est el-hakim qui l'a fait. Aujourd'hui, il ne reste plus rien de l'accord de Meerab annoncé en grande pompe le 18 janvier 2016. A qui la faute ? Qu'importe. Il n'y a pas eu une seule entente électorale entre le Courant patriotique libre et le parti des Forces libanaises. Rien, que dalle. Il est clair que Gebrane Bassil est déterminé à tourner la page de l'entente interchrétienne et à verrouiller les communautés chrétiennes, comme le fait le duo chiite. L'erreur de Saad Hariri par contre est double, il a soutenu Sleimane Frangié à la présidentielle, c'est l'origine officielle de la mésentente, ce qui a obligé Samir Geagea à réagir, et s'est allié avec Gebrane Bassil dans plusieurs circonscriptions chrétiennes clés au détriment des FL.
Ce qui est fait est fait mais c'est pour dire que les deux ex-piliers du 14-Mars risquent par leurs choix politiques inappropriés de paver la route de Gebrane Bassil vers la présidentielle de 2022, via les élections législatives de 2018.
Mais, à vouloir être trop gourmand, Gebrane Bassil fait beaucoup d'erreurs et se fait beaucoup d'ennemis. C'est un peu la fable de la Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf.
La base du Futur n'a pas oublié les pancartes brandies par le Courant patriotique libre sur « les vraies couleurs de l'Etat islamique (Daech) », le bleu du Futur. qui constitue « l'émirat libanais de Etat islamique ». La base d'Amal n'a pas pardonné à Bassil son langage injurieux à l'encontre de Nabih Berri, où il l'a traité de « baltajé » (un voyou, hors-la-loi). La base du Hezb n'a pas digéré la remontrance de Bassil qui s'est permis de déclarer que « le Hezbollah prend des options qui ne servent pas l'Etat libanais, et cela, tout le Liban qui en paie le prix ». La base des Forces libanaises ne peut pas zapper l'allégation de Bassil à savoir que « avec les FL, il faut rester vigilant ».
Alors que la 27e séance électorale était prévue au Parlement, pour élire le président de la République, poste vacant depuis le 25 mai 2014, le 12 août 2015, le Courant patriotique libre a préféré organiser des manifestations nationales, afin de montrer aux Libanais "Les vraies couleurs de l'Etat islamique (Daech)", le bleu, la couleur du Courant du Futur. Aujourd'hui, le parti de Saad Hariri demande à ses sympathisants de voter pour le parti de Gebrane Bassil dans plusieurs circonscriptions. |
Mais l'erreur la plus grave de Gebrane Bassil c'est celle d'avoir promis au peuple libanais, à coup d'annonces et d'affiches, payées par les contribuables libanais, en 2011-2012, qu'ils auront l'électricité 24h/24 à partir de 2015. Trois ans plus tard, il n'en est rien, la situation ne cesse de se dégrader. Et comme tous ceux qui échouent, Bassil est le champion de mettre la faute sur les autres: on ne l'aurait pas laissé faire. Et dire que depuis dix ans, le ministère de l'Energie est entre les mains du bloc du Changement et de la réforme. Gebrane Bassil lui-même est resté à la tête de ce ministère 4 ans et 3 mois (2009-2014). Pendant trois ans (2011-2014), les forces du 8-Mars, Mikati-Hezb-Amal-CPL, ont gouverné le pays seules. Depuis une douzaine d'années déjà, le bloc du Courant patriotique libre possède près de 1/5 du Parlement et selon les périodes jusqu'à 1/3 du Gouvernement. Or, dans le domaine de l'électricité, il n'y a jamais eu ni changement ni réforme, la situation va de pire en pis. L'actuel ministre de l'Energie, César Abi Khalil, a tenté un dernier coup de forcing préélectoral pour « vendre » ces bateaux-générateurs, merveilleuse source de gaspillage de l'argent public, en violation de la législation relative aux marchés publics, les appels d'offres et la transparence des procédures d'attribution de ces gros contrats.
14. Batroun-Zgharta-Koura-Bcharré, une autre mère de toutes les batailles législatives : elle déterminera l'avenir politique de Gebrane Bassil
Gebrane Bassil ne manque pas de qualités. C'est un homme, jeune, dynamique et qui a l'air sympathique. Mais tout le monde sait qu'il ne doit ses postes, ministre et chef de parti, qu'à son beau-père, Michel Aoun. Lui-même n'a rien gagné à la sueur de son front. Aujourd'hui, il est à un moment charnière de sa vie politique. Ce sont ses premières élections législatives depuis qu'il a été « nommé » à la tête du Courant patriotique libre en 2015, dans des conditions peu démocratiques, de l'avis même des partisans du CPL. Sur le plan général, il doit prouver qu'il a les épaules larges pour faire autant que l'ex-chef du CPL, Michel Aoun, afin de taire les contestations internes dans son parti. Sur le plan personnel, il doit remporter l'élection législative spécifique de Batroun pour s'assurer une légitimité populaire afin de taire les contestations externes en dehors de son parti. Une défaite au niveau local comme au niveau national, risque de mettre un terme à ses ambitions présidentielles. Voilà pourquoi la bataille de la 3e circonscription du Nord des cazas de Batroun-Zgharta-Koura-Bécharré sera elle aussi la mère de toutes les batailles. Elle décidera de l'avenir de Gebrane Bassil.
Sur le pied de guerre quatre listes. Le Courant du Futur a choisi son camp. Malgré un passif chargé avec le Courant patriotique libre, il sera aux côtés de son chef, Gebrane Bassil. Sur cette liste figure comme par enchantement, Michel Mouawad. Ce jeune arriviste, était il n'y a pas longtemps, un farouche opposant au CPL. Ils affronteront les partis des Forces libanaises et des Kataeb, qui ont décidé de mener cette bataille électorale côte à côte. Les Marada et le Parti national socialiste syrien sont dans la même tranchée, rejoints comme par hasard, par Boutros Harb, qui était il n'y a pas si longtemps que ça, une des figures indépendantes du 14-Mars. Dans son coin, la société civile, qui aura beaucoup de mal à trouver sa place dans ces régions fortement politisées. Les quatre cazas regroupent près de 250 000 électeurs, chrétiens à 89% (maronites à 74% et orthodoxes à 23%) et musulmans à 10% (essentiellement sunnites). Tous les regards se portent sur cette circonscription qui déterminera le sort du gendre de Michel Aoun. On saura prochainement dans quelle mesure les électeurs (dés)approuveront les alliances, parfois incongrues, des partis censés les représenter. Sachant que Gebrane Bassil a été battu aux élections législatives à deux reprises, en 2005 et en 2009, il reste à savoir s'il sera en mesure en 2018 de faire mentir les augures et leur mauvais présage, jamais deux sans trois! Réponse le 6 mai.
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Réf.
Trilogie électorale, premier volet : que penser du millésime 2018 ? Au sujet des 976 candidats aux élections législatives au Liban et des alliances politiques (Art.519)