Ra7et
el sakra wou ejit el fekra. Il est de coutume d'accorder à tout
nouveau pouvoir, un délai de grâce
de 100 jours. Hehehe, ça, c'est dans un pays normal où le pouvoir
est élu démocratiquement et non désigné lors d'une entente comme
c'est le cas au pays du Cèdre. Après le boycott de 44 séances
électorales et 890 jours de vacance du pouvoir présidentiel au
Liban, orchestrés par le trio Hassan Nasrallah, Sleimane Frangié et
Michel Aoun, vous pensez bien que c'est une « transaction
politicienne » entre les leaders politiques libanais qui a
débloqué la situation. En toute logique, si ces dealers étaient
sincères, l'embellie avec laquelle on bassine ce peuple depuis la
nuit des temps, devrait apparaître comme un éclair. Accordons
donc au nouveau pouvoir, un délai de grâce de sept jours qui
permettra de renvoyer les mythologies des uns et autres, des
ex-14Mars et des ex-8Mars, aux calendes grecques. C'est un délai
plus que suffisant pour que les « tarattatta-général »
et les « attendons-de-voir » dessoûlent et retrouvent la
gueule de bois, afin que nous puissions tous nous mettre au travail et
passer aux choses sérieuses.
*
Pour
savoir où nous en sommes, à l'aube de cette nouvelle ère, si
prometteuse pour les uns et si décevante pour les autres, je vous
propose un regard externe sur les événements via une revue de la
presse internationale de la semaine écoulée.
-
« Michel Aoun élu à la présidence, une victoire par
défaut du camp pro-iranien », Le Monde (France)
-
« Liban: Michel Aoun, l’allié du Hezbollah, élu
président de la République », RFI (France)
-
« Liban : Aoun président au prix de concessions au
Hezbollah », Le Figaro (France)
- « Michel Aoun, un ex-général controversé à la présidence libanaise », L'Express (France)
- « Liban: le nouveau président Michel Aoun, retour d'un général disgracié », BFM (France)
- « Michel Aoun, ex-général controversé et nouveau président du Liban », Paris Match (France)
- « Michel Aoun, un ex-général controversé à la présidence libanaise », L'Express (France)
- « Liban: le nouveau président Michel Aoun, retour d'un général disgracié », BFM (France)
- « Michel Aoun, ex-général controversé et nouveau président du Liban », Paris Match (France)
-
« Liban: Washington salue du bout des lèvres le président
Aoun soutenu par le Hezbollah », Libération (France)
- « L'élection de Michel Aoun ou le succès de la diplomatie iranienne », Les lettres persanes (France-Iran)
- « L'élection de Michel Aoun ou le succès de la diplomatie iranienne », Les lettres persanes (France-Iran)
-
« Iran ally Michel Aoun elected as president of
Lebanon », The Guardian (UK)
-
« Here are some facts about Lebanon's new president and
Hezbollah ally Michel Aoun », Business Insider (UK)
-
« Lebanese lawmakers pick Hezbollah ally Michel Aoun to end
presidential logjam », The Washington Post (USA)
- « Lebanon elects christian Hezbollah ally Michel Aoun to help end political vacuum », Newsweek (USA)
- « Can newly elected 81-year old Michel Aoun invigorate Lebanon? », RT (Russia)
- « Lebanon elects christian Hezbollah ally Michel Aoun to help end political vacuum », Newsweek (USA)
- « Can newly elected 81-year old Michel Aoun invigorate Lebanon? », RT (Russia)
-
« Lebanon's new president Michel Aoun does not signal start
of a new era », ABC (Australia)
-
« Hezbollah Ally Michel Aoun Elected President of Lebanon
After Two-year Political Deadlock », Haaretz (Israel)
- « Assad et Rouhani félicitent Michel Aoun pour son élection au Liban », The Times of Israël (Israël)
- « Assad et Rouhani félicitent Michel Aoun pour son élection au Liban », The Times of Israël (Israël)
*
Avant que quelques exaltés ne pètent une durite, je tiens à le rappeler encore une fois, pour qu'il n'y ait pas de malentendus. J'étais la première personne au Liban en dehors du camp du
Général, à suggérer dans un article publié la veille de la
longue vacance, le 24 mai 2014, il y a deux ans et demi, « Et si le 14-Mars remplaçait Samir Geagea par Michel Aoun ? » A la
différence de Samir Geagea et de Saad Hariri, j'avais
conditionné cette proposition au détachement de Michel Aoun de son
alignement sur l'axe Hezbollah/régime d'Assad/régime des mollahs,
justement dans le but d'éviter de tels titres de presse aussi
handicapants pour un nouveau pouvoir. Tant pis pour ceux qui n'ont
rien voulu entendre, ils les ont bien cherché.
Si je me suis donné la peine de publier cette revue de presse, c'est
pour bien montrer aux Libanais que l'estampille « Président
fabriqué au Liban » apposée
par Samir Geagea sur l'élection de Michel Aoun, est
déconnectée de la réalité et
ne veut absolument rien dire étant donné le passif de son
encombrant et nouveau allié, depuis son alliance avec le Hezbollah
en 2006 et son obstination inouïe à défendre la milice chiite en
toutes circonstances. Et combien même, être fabriqué au Liban
n'est pas un gage de qualité. Les actions et les paroles dans la
vie sont parfois indélébiles. Certains Libanais ont peut-être
pardonné au président élu, le blocage du fonctionnement de la
démocratie libanaise (183 jours en 2007-2008 et 890 jours en
2014-2016) et ses réflexions déplacées sur les martyrs de la
Révolution du Cèdre (une quinzaine de personnalités souverainistes
qu'on a assassinées ou tentées d'assassiner entre 2004 et 2013) -pour se limiter à ces deux exemples- mais beaucoup ne les ont pas
oublié.
Les protagonistes du nouveau pouvoir libanais, qui se met en
place pour quelque temps sont a priori connus, sauf grande surprise.
Celui-ci inclura tout l'échiquier politique libanais,
à l'exclusion de quelques personnalités politiques souverainistes indépendantes,
comme Achraf Rifi, Boutros Harb et Dory Chamoun. A ce stade de la mascarade, une frange de Libanais comme
moi, qui n'est pas née de la dernière pluie, n'a que faire des
nuances qui peut réellement exister entre les uns et les autres.
Aoun, Hariri, Berri, Geagea, Joumblatt, Frangié, Gemayel et
Nasrallah, sont solidairement responsables de ce nouveau pouvoir qui
se met en place, et ceci de plusieurs manières: en
votant pour Michel Aoun comme président de la République (83
voix/127 députés), en désignant Saad Hariri comme Premier ministre
(110 voix/127 députés), en acceptant de faire partie de son
gouvernement (Hezbollah et Kataeb compris), en reconduisant Nabih
Berri au perchoir ad vitam aeternam (de 1992 à 2017 et c'est
bien parti jusqu'en 2021) et en faisant partie des grands blocs
parlementaires. En d'autres termes, qui ne veut pas être associé
au nouveau pouvoir doit se placer clairement dans l'opposition aux
trois majorités formées autour de Michel Aoun, Saad Hariri et Nabih
Berri. Qu'il y ait un gouvernement d'union nationale ou pas, cela
ne change rien à l'équation : qui appartient à l'une de ces trois
majorités, fait partie du nouveau pouvoir et devra répondre de ses
actes devant le peuple libanais.
Cela étant dit, qui suit l'actualité libanaise depuis
une semaine, ne peut qu'être frappé par le dynamisme aussi subit que suspect de la classe politique libanaise. Décoration des
fenêtres du palais présidentiel le weekend dernier (avec des
guirlandes oranges), élection présidentielle lundi (au grand
complet, avec la participation exceptionnelle, comme on dit au
cinéma, d'Okab Sakr), emménagement de Michel Aoun à Baabda mardi
(avec toutes ses affaires, les vêtements, les sur-vêtements et les
sous-vêtements), consultations parlementaires mercredi (seul le
Hezbollah n'a pas nommé Saad Hariri), désignation officielle du
Premier ministre jeudi (qui revient au pouvoir près de six ans après
le coup de force du Hezbollah en janvier 2011). Ah non, pas de
formation du gouvernement vendredi , ni ce weekend, ni la semaine
prochaine d'ailleurs. Avant Noël peut-être. Et encore, ça sera un
miracle. Et en y réfléchissant bien, c'est là que réside le
premier faux pas du nouveau pouvoir.
Allez, suivez-moi un peu et vous vous rendrez compte vous-même du
surréalisme de la situation politique au Liban. Toute la
classe politique libanaise, sans une seule voix dissonante, s'est
lancée dès le 1er novembre 2016 dans la formation d'un nouveau
gouvernement, sachant que : primo, une élection présidentielle
n'impose pas un changement de gouvernement sur le plan
constitutionnel ; secundo, la formation d'un gouvernement s'éternise
toujours au Liban; et tertio, des élections législatives doivent
impérativement avoir lieu avant le 20 juin 2017. Hallucinant !
Former un gouvernement maintenant,
alors que la Constitution ne l'exige pas, sachant qu'on
aura à refaire la même chose dans quelques mois,
comme l'exige la Constitution, est complètement absurde.
Mais alors, pourquoi ils le font ?
Je
ne vois que deux explications aussi consternantes l'une
que l'autre :
-
soit la classe politique libanaise veut se partager le nouveau
gâteau en nommant de nouveaux ministres, en plaçant de nouveaux
copains et de nouveaux fidèles,
sans oublier de les accompagner de hordes de nouveaux fonctionnaires
et de nouveaux conseillers, ainsi que de nouveaux glandeurs et de
nouvelles glandeuses, mais aussi de nouveaux glandouilleurs et de
nouvelles glandouilleuses, sachant qu'anciens et nouveaux
ministres, pourraient bénéficier d'une retraite à vie selon les
cas et la législation grotesque d'un pays endetté à hauteur de 74 milliards de dollars (146% du PIB) et dont les dépenses publiques
dépassent les recettes de 263 millions de dollars (déficit public);
-
soit la « transaction politicien » que j'ai évoquée
il y a quelques jours, qui a permis cette entente inattendue autour
de Michel Aoun, prévoit vraiment comme je l'ai déjà dit, une 3e
prorogation du mandat du Parlement autoprorogé actuel, et que le
gouvernement en formation aurait une espérance de vie supérieure à
neuf mois.
L'une
n'empêchant pas l'autre, cela va sans dire. Non mais, ils sont vraiment gonflés ! Mais enfin, voilà ce qui arrive lorsqu'un peuple se laisse faire sans protester. C'est tout simplement
scandaleux.
Et
comment peut-il en être autrement sachant que le
gouvernement de Tammam Salam peut très bien expédier les affaires
courantes encore six mois, après deux ans et demi de vacance
du pouvoir présidentiel. Mais diable! si les leaders-dealers
politiques libanais étaient sincères avec
le peuple libanais, et se préoccupaient tellement des
intérêts du Liban, comme ils le prétendent, ils procéderaient
par trois étapes: le vote d'une nouvelle électorale, la dissolution
de l'Assemblée autoprorogée et l'organisation de
nouvelles élections législatives. Tout ce qui est en dehors de
ça, n'est que poudre aux yeux, gaspillage de l'argent public,
violation de la démocratie et duperie du peuple libanais.
Par
conséquent, je demande solennellement au Président de la
République et au Premier ministre, Michel Aoun et Saad
Hariri, dans l'intérêt suprême de la nation, d'une part, de
renoncer à la formation d'un nouveau gouvernement dans l'immédiat, avant
les élections législatives, et d'autre part, de mettre
tout leur poids pour que celles-ci aient lieu le plus rapidement possible et sous la meilleure loi électorale
qui soit. A défaut, ils perdront de leur crédibilité aux yeux
d'une frange de la population libanaise. A bon
entendeur, salut !