samedi 9 avril 2016

Michel Samaha écope de 13 ans de prison et de travaux forcés pour le « projet terroriste » commandité par le régime de Bachar el-Assad (Art.350)


Comme le réclamait une grande partie du peuple libanais, la condamnation de Michel Samaha par le Tribunal militaire à 4 ans et demi de prison, a été revue, corrigée et alourdie. En appel, l’ancien ministre libanais du camp du 8-Mars écope au final de 13 ans de prison et de travaux forcés pour son projet terroriste qui était en préparation au Liban à la demande du régime syrien, à l’été 2012. A travers 24 explosifs ramenés de Syrie, Samaha était chargé par les renseignements syriens, de préparer sur le territoire libanais une vingtaine d’attentats à la voiture piégée et d’assassinats politiques ciblés, qui devaient plonger le Liban dans les conflits confessionnels. Le tribunal s’est prononcé aussi sur la déchéance de ses droits civiques. La sentence étant irrévocable, trois réflexions en conséquence.

1. L’alourdissement de la peine prouve que la charge lancée par le camp du 14-Mars contre le tribunal militaire au mois de mai 2015 était injustifiée, comme je l’ai souligné à l’époque. Fausse route, mauvais diagnostic. Le problème au Liban est dans les « pressions » politiques exercées sur les juges et non dans le caractère « militaire » du tribunal. Du fait que celles-ci sont beaucoup plus « efficaces » sur un pouvoir judiciaire civil, surtout dans un pays où l’Etat partage sa souveraineté avec des milices et des groupes armés et n’est même pas capable d’obliger tous les citoyens ne serait-ce qu’à payer leurs factures électriques, il est préférable d’oublier la dissolution pure et simple du tribunal militaire jusqu’à nouvel ordre. L'énergie doit être mise pour le réformer dans le but de préserver les juges militaires des pressions politiques, de mieux garantir le droit de la défense et d'obtenir justice de la manière la plus compétente (par exemple, en plaçant le tribunal militaire sous l'autorité du ministère de la Justice et non de la Défense), plutôt que de remuer ciel et terre inutilement pour le supprimer et d’imaginer faire du Liban un pays normal, alors qu’il ne l’est absolument pas. 

Rappelons que les autorités « civiles » libanaises sont incapables d’élire un président depuis deux ans, d’organiser des élections législatives en quatre ans, d’avoir un gouvernement compétent, de remplacer une loi électorale archaïque qui date de 1960, de ne pas violer la Constitution libanaise en inventant l’hérésie de la "législation de nécessité", d’assurer l’arrivée de l’électricité et de l’eau 24h/24 plus de 25 ans après la fin de la guerre, de mettre le seul aéroport du pays aux normes sécuritaires internationales, d'en finir avec le chaos juridique qui découle de la libération sauvage des loyers anciens votée il y a deux ans et qui videra Beyrouth de la classe moyenne et des natifs de la ville, et j’en passe et des meilleures. Inspirez bien, vous le comprendrez mieux, la puanteur de l’incompétence des politiciens libanais, des civils et non des militaires, est suffocante en ce moment à Beyrouth. Quand on n’est pas capable de résoudre une simple crise des déchets, en neuf mois svp, on s’abstient de disserter sur les droits de l’homme. Qu'ils assainissent l’air et qu'ils votent une loi pour obliger les détenteurs d’armes de les échanger contre des pistolets à eau, on verra pour le tribunal militaire ensuite. Les « civils » au Liban, mais c’est un désastre !

2. On ne peut pas être horrifiés par le projet terroriste de Michel Samaha et remonter contre le tyran de Damas, son commanditaire, et s’obstiner en parallèle pour offrir la présidence de la République libanaise à deux fidèles alliés de Bachar el-Assad, qui rêvent de jour comme de nuit, de sa victoire en Syrie, et par ricochet, du triomphe de son camp au Liban. Les décisions de Saad Hariri et de Samir Geagea de soutenir respectivement les candidatures de Sleimane Frangié et de Michel Aoun, et cette obstination à persister dans l’erreur coûte que coûte, sont le moins qu’on puisse dire, intenables et inconsistantes. L’affaire Michel Samaha nous rappelle que la présidence de la République libanaise ne peut pas aller, sous aucun prétexte, à un partisan ostentatoire de Bachar el-Assad.

3. A ce propos et avant que je n’oublie, même si ce jugement est définitif, le futur président de la République aura le pouvoir d’interrompre les travaux forcés de Michel Samaha et de le sortir de prison, puisque selon l’article 53 de la Constitution libanaise, il pourra lui accorder la grâce par décret. Avis aux amateurs. Ah tenez, voyons à tout hasard, si les deux présidentiables oseront s'engager devant le peuple libanais, à ne pas le gracier s'ils sont élus. Enfin, nous ne sommes peut être pas encore au bout des rebondissements dans l’affaire Samaha ! Déjà, il faut définir dès à présent à quoi correspondront ces mystérieux « travaux forcés » en l'an de grâce 2016 ? Planter des figuiers de Barbarie tout le long de la frontière syro-libanaise en plantation serrée à raison d'un plant tous les deux mètres, et envisager même deux ou trois rangées, comme ça nous tracerons cette maudite frontière et nous la sécuriserons dans les deux sens à moindre frais ; nettoyer les cellules des islamistes de la prison de Roumié au Liban ; recevoir les 950 coups de fouet qui restent à la place du blogueur saoudien Raïf Badawi ; faire un stage intensif de déradicalisation chez Daech ou servir comme démineur en chair et en os à ses risques et périls en Afghanistan ? Nul ne le sait pour l'instant.

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Réf.

Pour ceux qui ont raté le chapitre, vous trouverez ci-dessous deux articles sur le sujet.

1/ Dans la tête de Michel Samaha, l’homme qui a failli embraser le Liban à la demande de Bachar el-Assad (Art.288, 18 mai 2015)

2/ La mauvaise nouvelle, c’est la libération de Samaha. La bonne, est que celle-ci enterre le soutien de Hariri à Frangié et du coup, dispense Geagea d’appuyer Aoun (Art.331, 16 janvier 2016)