Il y a quelques jours on a appris qu’une
journaliste libanaise, Carole Maalouf, avait réalisé un documentaire de 83 min il y a près d’un mois, sur deux prisonniers libanais du Hezbollah, détenus par la
milice syrienne Jabhat al-Nosra à Alep. Le reportage était programmé et
annoncé depuis plusieurs jours sur MTV, mais sous la pression de la milice libanaise,
la chaine a fini par réduire ce documentaire, dérangeant pour
l’image du Hezb, à un reportage de près de 7 minutes. Celui-ci a été diffusé dans l’émission « Bemawdou3ieh »
mercredi dernier.
La journaliste libanaise et MTV, ont tenu à
préciser, chacune à sa façon, d’une manière plus ou moins directe, que le
reportage n’était pas dirigé contre le Hezbollah. D’un côté, Carol Malouf dit dans les médias et sur les réseaux sociaux vouloir « faire un scoop ». De
l’autre côté, Walid Abboud précise dans son émission que le but de sa chaine est de « faire la lumière » sur une affaire importante. Et
pourtant, au lendemain de la diffusion, on apprend du site Janoubia (un média « chiite »,
opposé au Hezb), que Carol Malouf regrette son passage dans l’émission de MTV, et surtout, d’avoir accepté de couper son documentaire et de le diffuser
dans l’émission Bemawdou3iyé précisément.
Le site nous explique que « Walid Abboud
(son interviewer) l’aurait attaqué à plusieurs reprises au cours de son
émission, l’accusant d’appartenir à Jabhat al-Nosra, doutant même plus d’une
fois de la crédibilité du contenu de la vidéo ». Janoubia reproche à MTV d’avoir cédé aux pressions et aux menaces du
Hezbollah. Selon l'auteur, la chaine aurait dû soit diffuser le
documentaire en entier, soit s’abstenir de le faire.
Ce
n’est pas la première fois que le Hezbollah fait pression sur les médias
libanais ou les journalistes, pour les censurer, par la force et la violence
s’il le faut.
Les studios de la chaine Futur TV furent incendiés en 2008. Ceux de New TV ou
de la LBC ont failli l’être en 2012 et 2013. Dans l’affaire actuelle, Carole
Maalouf a reçu des menaces claires : « Si
tu n’as pas peur pour toi, pense à ta famille ». Dès l’annonce de la
diffusion du reportage, le public de la milice chiite accusait la chaine d’être
« sioniste » et « daechiste ». Inutile de
s’arrêter plus longtemps sur ce point, ces pratiques fascistes sont
abjectes.
Si pour une partie des Libanais, le Hezbollah
n’est plus en odeur de sainteté, il ne l’a jamais été pour d’autres, à juste
titre et à juste raison dans les deux cas, ne serait-ce qu’à cause des
poursuites pénales de cinq de ses membres par le Tribunal Spécial pour le Liban
pour le meurtre de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, et de 21 autres
personnes, le reportage de Carol Malouf, diffusé partiellement par MTV, pose quand même trois problèmes éthiques.
1. Si chacun des protagonistes de cette
affaire, Jabhat al-Nosra, le Hezbollah, Carole Maalouf ou MTV, a bien réfléchi sur ses
propres intérêts et à ce qu’il peut en tirer comme profit de la diffusion ou
pas de ces images, aucun d’eux n’a pensé
réellement à l’avenir de ces prisonniers et à ce que pourraient éprouver leurs familles
après la diffusion de cette vidéo. Révéler ne serait-ce que leurs noms dans la version longue, était une faute grave. Rien que pour cela, cette interview laisse
beaucoup à désirer.
2. J’ai lu, entendu et regarder, et je fus
frappé par la négligence de tous les protagonistes cités précédemment d’un
point capital dans cette affaire. Je ne m’étonne pas pour les deux premiers,
mais pour les deux derniers, si, je suis un peu surpris. Qu’on le veuille ou
pas, Hassan Nazih Taha et Mohammed Mehdi Hani Chiaeb (ainsi que Moussa Mohammad Kourani qui ne figure pas dans le reportage de 7 min), sont des « prisonniers
de guerre » selon l’article 4 de la 3e Convention de Genève
de 1949. En les montrant dans les conditions
humiliantes que tout le monde peut imaginer sans grande difficulté, al-Nosra,
Maalouf et MTV, mais aussi le Hezb qui a donné de facto le feu vert pour la
diffusion du court-reportage, ont violé
l’article 14 de cette Convention qui stipule que « les prisonniers de guerre ont droit en toutes circonstances au
respect de leur personne et de leur honneur ». Eh oui, on ne peut
pas prendre du droit international ce qui nous arrange et zapper ce qui
nous dérange.
Menace d’exécution du policier libanais
Ali Bazzal par Jabhat al-Nosra (28 nov. 2014) |
Dans ce reportage, la journaliste libanaise est voilée et toute en noire. Très
élégante d’ailleurs. Elle est très souriante aussi. Les deux prisonniers portent la
tenue du Hezbollah. Ils sont calmes,
mais le stress est évidant dans leurs regards, leurs voix et leurs gestes,
contrairement à ce que veut faire croire la mise en scène. C’est encore plus
évident quand on les écoute. L’un des deux prisonniers nous explique
d’emblée : « Au Liban, le Chiite est obligé d’être sur les plans
idéologique et intérêt financier, soit
avec le Hezbollah (Hassan Nasrallah), soit avec le mouvement Amal (Nabih Berri). Sinon, il devient paria, haï par son
environnement, il n’ose plus aller dans son village (...) J’étais prof,
mais le bourrage de crâne idéologique...
ainsi que le revenu financier... » Tout ce qu’il dit est vrai de vrai,
mais le problème est ailleurs. C’est c’là oui, en moins de trois mois, le jeune
homme a remis en question un engagement idéologique de plusieurs
années ! La suite est encore plus délirante, on dirait un épisode d’un
mauvais feuilleton syrien. « J’ai à
vous confier deux messages. Le premier à l’adresse de mes parents... Les gars nous traitent selon la religion
(islamique), avec éthique. Il n’y a ni torture, ni coups. Ils croient
honnêtement (il le répète à deux reprises) au verset coranique et aux hadiths
(portant sur le traitement des prisonniers)... Sur le plan sanitaire, nous sommes bien suivis. A propos des
conditions de vie, la situation est très très bien, au point que nous prenons deux douches par semaine, avec
de l’eau chaude. Ils nous apportent de l’eau chaude ! Et pour
l’alimentation, c’est très très bien. A propos de ma blessure, mon bras bouge bien.
Tous les deux jours, l’équipe médicale
vient me changer le pansement... Et puis, tu nous as vu, hein ? Nous
sommes même rasés (les deux ont la barbe) ». Carole Maalouf
l’interrompt pour préciser avec un grand sourire : « Oui, j’ai vu que tu as les ongles coupés aussi ! »
La parole est ensuite donnée au deuxième prisonnier, qui
voulait adresser un autre message, mais seulement aux gars du Hezbollah qui détiennent les prisonniers
d’al-Nosra : « Comme vous nous
voyez, nous n’avons pas reçu de coups, nous avons été soignés sur le plan
médical. Qu’ils soient comme ça ! Qu’ils agissent, qu’ils ouvrent notre
Coran et qu’ils lisent. Qu’ils traitent
(leurs prisonniers) comme on nous traite. Parce que la religion (l'islam)
veut cela... J’ai dit au cheikh en prison, ‘tu me donnes à manger, mais toi, tu
n’es pas obligé de me sourire’... Il me
donne à manger avec beaucoup de respect et de politesse. Il me respecte
alors que je suis son prisonnier. » Eh bien, si on m’avait demandé de le faire, j’aurai refusé catégoriquement d’interroger
ces deux hommes dans ces conditions, pour les voir obliger de faire du zèle et s’humilier, afin de sauver leur peau.
Pour
mieux comprendre l’objectif de cette vidéo, il faut lire les explications du site Janoubia,
cité précédemment. Le site nous dit dans sa promotion du reportage : « Qui a suivi cette courte vidéo, a dû
s’arrêter sur plusieurs points, notamment le
confort psychologique des captifs lors de l’interview. Il n’y a pas sur
leurs visages ou dans leurs réactions, une indication de menace ou de
pression ». Et pour ceux qui n’ont toujours pas compris, le reste se
passe à la cuillère, comme on dit au Liban, beddoun
yicharbouna yéha bel ma3el2a : « Cela
signifie que leurs déclarations sont le
reflet de convictions personnelles propres et non reçues (de leurs
ravisseurs) ». Pas de doute, nous avons affaire aux hautes études en
psychologie.
Paix à
vos âmes, Mohammad Hammiyé et Ali Bazzi. Ce soldat de l’armée libanaise et ce sergent
des Forces de sécurité intérieure, tous les deux de confession chiite, ont été exécutés par les
terroristes de Jabhat al-Nosra, respectivement en septembre et en décembre
2014. L’exécution de ce dernier d’une rafale
de Kalachnikov dans la tête svp, a même été photographiée, pour apporter une
preuve peut-être aux naïfs de nos contrées d’Orient, qu’al-Nosra se distingue des barbares
de Daech. Dommage qu’ils ne soient plus parmi nous, pour nous montrer que ce documentaire n’est que foutaises sur
toute la ligne. Tout le monde sait que le Hezbollah se bat en Syrie aux côtés de la tyrannie des Assad et qu'il a déjà perdu des centaines et des centaines de combattants « morts dans l'accomplissement de leur devoir djihadiste ». Tout le monde sait aussi que le Hezbollah exerce une hégémonie sans faille sur la communauté chiite libanaise. Tout le monde sait également que l'adhésion de la communauté chiite au Hezbollah est massive et sans réserve. Oui, ce genre de témoignages est important. Mais, ce qu'il nous faut ce sont plutôt des témoignages de compatriotes chiites réellement émancipés de l'idéologie du Hezbollah et qui s'exprimeraient librement. Ces témoignages via Jabhat al-Nosra ne
valent absolument rien, tant que les captifs sont entre les mains de cette organisation. Ils ont été obtenus sous la terreur d’une organisation
terroriste. C’est ce que fait l’école de la tyrannie des Assad depuis 40 ans et
c’est pourquoi c’est consternant. Dans ce genre de reportage, nous ne sommes ni dans un scoop comme
le prétend Carole Maalouf, ni dans
l’information comme le dit MTV, ni
dans les explications comme le souhaite Janoubia. Evidemment, qu'il avait raison Walid Abboud, ce reportage n'est pas crédible. Mais était-il sincère en le disant ? J'en doute. Sinon, il n'aurait pas accepté de le diffuser. En réalité, nous sommes dans une propagande produite par Jabhat al-Nosra et dans
laquelle sont tombés Carol Malouf, MTV et Janoubia. La2 ya chabeb wou ya sabaya, l’ennemi de mon ennemi n’est pas mon ami, pas plus
que la fin ne justifie tous les moyens.
- Prisonnier : ... Nous étions traités selon les règles islamiques... Alimentation, la meilleure qui soit... même chez soi, on ne mangerait pas cela... Nous n’étions pas entrainés aux combats... Nous sommes tombés dans un guet-apens...
Post-scriptum (9
février 2016)
Voici la vidéo de 58 minutes du reportage de Carol Malouf, publiée par la
journaliste elle-même le 8 février. Je n’ai rien à ajouter par rapport à ce que
j’ai écrit dans mon article sur ce sujet. Cette interview pose trois problèmes
éthiques graves. Nous ne sommes pas dans un « scoop » comme le prétend
Carole Maalouf, encore moins dans l’information. Nous sommes dans une propagande produite par Jabhat al-Nosra et dans
laquelle est tombée la journaliste libanaise. Ces témoignages via Jabhat
al-Nosra ne valent absolument rien, tant que les captifs sont entre les mains
de cette organisation. Ils ont été obtenus sous la terreur d’une organisation
terroriste. Ce qu'il nous faut ce sont
plutôt des témoignages de compatriotes chiites réellement émancipés de
l'idéologie du Hezbollah et qui s'exprimeraient librement.
En tout cas, ci-joints le lien et une transcription
de quelques extraits marquants, fidèle mais non littérale (pour aller vite !).
A vous d’en juger.
*
VIDEO de Carole Maalouf
المقابلة الكاملة لأسرى حزب الله في ريف حلب الجنوبي - كارول معلوف
*
EXTRAITS de l'interview
VIDEO de Carole Maalouf
المقابلة الكاملة لأسرى حزب الله في ريف حلب الجنوبي - كارول معلوف
*
EXTRAITS de l'interview
- Prisonnier : ... Nous étions traités selon les règles islamiques... Alimentation, la meilleure qui soit... même chez soi, on ne mangerait pas cela... Nous n’étions pas entrainés aux combats... Nous sommes tombés dans un guet-apens...
- Carol Malouf : ... un conflit entre
deux pays frères...
- Prisonnier : (description de
l’endoctrinement pratiqué par le Hezbollah : scoutisme, entrainement, etc.)
- Carol Malouf : ... Alors, ton allégeance est pour le Hezbollah ou
pour l’Etat libanais ? Pourquoi tu t’es affilié au Hezbollah et non à
l’armée libanaise ?... Càd l’idéologie vient avant la patrie ?... Tu
te sens plus Hezbollah que Libanais ?... En tant que personne, tu sens que
tu es Hezbollah, ce qui compte pour toi, c’est le drapeau jaune, plus que le
drapeau libanais ?
- Prisonnier : Une partie de mon adhésion au Hezbollah réside dans le fait que je
défends mon pays, le Liban.
- Carol Malouf : Avant toi, il y avait
une résistance nationale (contre Israël) avant la résistance islamique... Tout
le monde soutenait le Hezbollah dans son combat contre Israël... Même si tu
demandes à Jabhat al-Nosra, on te dira qu’en 2006, nous étions avec les
Libanais et le Hezbollah contre Israël, je me suis permise de parler à leur
place... Moi je veux savoir un peu plus sur cette allégeance... pourquoi
l’idéologie vient avant la patrie ?
- Prisonnier : Parce qu’on s’est nourrit de cette idéologie depuis que nous sommes petits,
c’est dans la tête... (Avec le Hezb) le salaire est garanti, les soins médicaux
sont assurés, il y a des aides financières... Je sentais que je devais venir
(en Syrie)
- Carol Malouf : Tu ne peux pas dire
non ?
- Prisonnier : ... Je risquais d’être
exclu du Hezb et de s’arrêter de travailler...
- Prisonnier : ... Comment ça se fait
qu’ils nous ont envoyé dans une zone non sécurisée encore... il y a eu des erreurs (de la part du
Hezbollah) qui ont conduit à cela (guet-apens).
-
Carol Malouf :
Normal... Celui qui combat en dehors de sa région... Vous pouvez gagner au sud
(Liban) parce que c’est votre terre. Et le Syrien gagnera sur sa terre (visage
grave). Quel que soit le nombre de combattants qui viendront, c’est sa terre et
il la connait, et c’est son pays... Vous
êtes des envahisseurs pour eux (sourire).
- Prisonnier : ... Maintenant, on en est convaincus, nous
sommes les envahisseurs...
- Carol Malouf : Alors que j’étais là
j’ai entendu un raid (russe). Ce n’est pas acceptable !
- Prisonnier : Où sont ces
(soi-disant) sièges de Daech, Jabhat al-Nosra...
-
Carol Malouf (visage grave) : Franchement, vous pensiez que vous veniez
vous battre contre Daech ?
- Prisonniers : Oui, oui... Je ne sais
pas, qui sont-ils ?
- Carol Maalouf (très énervée) :
Mais, tu ne demandes pas ? Tu ne demandes pas qui tu vas combattre et où,
et qu’est j’y vais faire ? C’est interdit de demander ?
- Prisonnier (tout sourire) : Tu veux
demander à qui ?...
- Prisonnier : ... On croyait qu’on venait combattre des
étrangers, des mercenaires... On croyait qu’on venait débarrasser les
Syriens d’eux... Mais, il nous est apparu que tout ceux à qui on a eu affaire
sont Syriens... les gens doivent comprendre qu’il y a quelque chose de faux,
une image médiatique fausse...
- Prisonnier : Dans la campagne d’Alep, on a rencontré des Iraniens, en grand nombre,
des Irakiens, des Afghans. L’armée syrienne, en petit nombre. Et le Hezbollah
libanais. La direction des opérations est assurée par les Iraniens.
- Carol Malouf : Et l’armée
syrienne ?
- Prisonnier : C’est un soutien,
présence médiatique, elle renseigne sur les régions.
- Carol Malouf : Qu’est-ce qui t’a
traversé l’esprit au moment du guet-apens ? Qu’est tu pensais qu’on allait
faire de toi ? Et comment tout s’est passé contrairement à ce que tu
pensais ?
- Prisonnier : ... Lorsque nous avons
été encerclés... Au fond, nous étions
sûrs de mourir, immolés par le feu, égorgé, (Carol Malouf sourit, comme si Mohammad
Hammiyé et Ali Bazzi, relevaient de la mythologie), découpés, l’image qu’on
avait dans la tête en tant que Libanais... Au début, on a reçu quelques
coups... Puis un cheikh leur a demandé d’arrêter... On a reçu ensuite des piqures
de soins... Avant de nous emmener à l’hôpital, on nous a prévenus de ne rien
dire aux médecins qui pourraient montrer que nous étions Libanais ou qu’on
appartenait au Hezbollah, pour que le médecin nous soigne comme si nous étions
de Jabhat al-Nosra...
- Prisonnier : ... Je suis resté avec
un jeune (de Nosra)... on a bavardé, ce n’était pas un interrogatoire. Il me
demandait pourquoi vous êtes venus, vous n’étiez pas obligé, nous on défend
notre terre. Il m’a donné un matelas et des couvertures... on nous a interrogés
qu’une fois... Et depuis, on mange et on boit, on nous donne du thé, des
fruits...
-
Carol Malouf (la palme d’or de la question la plus longue et la plus irréfléchie !):
Plus d’une fois, on a remarqué que des captifs de Jabhat al-Nosra, parlent de
manière très positive durant leur captivité, mais dès qu’ils sont libres, ils parlent
autrement. Je me permets de poser cette question importante, qui déplaira
peut-être à Jabhat al-Nosra, pourquoi ça se passe comme ça ? Vous parlez
de cette façon car vous craignez pour votre vie ou c’est vraiment la
vérité ? Et pourquoi ceux qui sont libérés disent le contraire, parce
qu’ils ont peur du Hezbollah ? Quelle est la cause de ce dualisme dans
cette affaire ?
- Prisonnier : ... Il y a une mauvaise
image des deux côtés... Des deux côtés, il y a des gens qui transmettent une
mauvaise image de l’autre... Il y a des
Chiites qui donnent une mauvaise image des Chiites, transmise à Nosra et aux
Sunnites, qui se construisent une idée que ces gens-là haïssent les
Sunnites et que leur but c’est de nous tuer, alors tous les Chiites ne sont pas
comme ça... La même chose de l’autre côté, chez Nosra et les Sunnites. Nous, ce
qui nous parvient des Sunnites, c’est que ces gens-là détestent la descendance
de l’imam Ali et les Chiites...
- Carol Malouf (l’interrompt
énergiquement) : Je vais te dire, c’est tout cela était vrai, les sanctuaires
chiites ne resteraient pas 1 400 ans en terres sunnites...
- Prisonnier : Ceux qui sont venus de l’étranger, qui ne sont pas Syriens, c’est eux
qui voulaient détruire les sanctuaires (chiites)... Ces gens qui étaient
emprisonnés en Arabie saoudite, en Tunisie (et qu’on a relâché) sont venus ici,
et ce sont eux qui veulent tout raser, les sanctuaires, les vestiges
archéologiques... Ce ne sont pas les Sunnites qui habitent près du sanctuaire
de saïydé Zeinab depuis toujours.
- Carol Malouf : Je vais te poser une
question directe, à ton avis ce qui se
passe ici en Syrie, et vous qui êtes des combattants étrangers arabes, et
qui venez combattre un peuple sur sa terre, est-ce que cela est justifié ou pas ?
- Prisonnier : A mon avis, non... Il
revient au peuple syrien de décider.
-
Carol Malouf : Tu blâmes ton commandement, tu regrettes d’être venu ?
- Prisonnier : Quand nous étions à la
frontière, à supposer qu’il y avait un danger, peut-être que c’était un droit.
Mais aller se battre à des dizaines et centaines de kilomètres dans les
campagnes de Homs, Idleb, Lattaquié, Alep, c’est quoi la justification ? Tout
cela fait partie d’une guerre régionale et internationale. Les grandes
puissances ne veulent pas qu’une des deux parties l’emporte...
- Carol Malouf : Avant ces 42 jours
(de détention), tu pensais comme ça ?
- Prisonnier : Jamais... Ce qui est touchant,
c’est ce qu’on nous a dit en prison. Vous défendez le régime des Assad, Hafez et Bachar qui vous ont fait voir de
toutes les couleurs au Liban... Très peu de Libanais, n’ont jamais eu de
problèmes avec le régime syrien (au Liban)... En fin de compte, les leaders finissent
par se mettre d’accord, et ce sont les bases qui paient. Doha 1, Doha 2, Taef 1
et Taef 2. Ceux qui perdent vraiment, ce sont ceux qui se font tuer.
-
Carol Malouf (la palme d’argent de la question la plus irresponsable) : Qui
est à ton avis, le responsable de ta captivité, qui porte cette responsabilité ?
- Prisonnier (Hassan) : En premier, c’est
moi. Personne ne m’a mis le sabre sur le
cou, et m’a forcé à venir. En seconde, c’est
le Hezbollah, qui m’a fait venir (la caméra est sur CM, le regard montre
une satisfaction de la réponse)...
- Prisonnier (Mohammad) : Nous aurions
dû être plus conscients. Aux jeunes enthousiastes de 16 ans et plus, et aux
chômeurs, qui regarderont cette interview, qu’ils pensent d’abord à ces
propos... Nous venons maintenant d’ouvrir les yeux... La direction du Hezbollah
assume la responsabilité de l’éloignement de nos familles.
-
Carol Malouf (la palme de bronze de l’intervention la plus nase, avec un grand sourire) :
Inchallah je vous revoie après votre libération et je verrai si vous allez me
redire la même chose !
- Prisonnier (Hassan) : J’ai un 1er
message à transmettre à mes parents (voir la transcription dans l’article)... Le
2e message, c’est pour remercier tous ceux qui se donnent beaucoup
de peine pour nous. J’espère que les prisonniers aux mains du Hezbollah, sont
traités ainsi.
- Carol Malouf : Tu crois que c’est le
cas ?
- Prisonnier : C’est ce qu’on nous
disait.
- Prisonnier (Mohammad) : J’ai un
message aux gars du Hezbollah qui détiennent des prisonniers... (voir l’article)
-
Carol Malouf (jusqu’au bout déconnectée de la réalité !) : Est-ce que
le peuple syrien mérite (que vous lui exprimiez) des regrets ?
- Prisonnier (Hassan) : Toute la
planète devrait présenter ses excuses au peuple syrien... C’est un peuple
géant. Nous après 33 jours de guerre (contre Israël, en juillet 2006), nous
étions au dernier souffle. Eux, ils y sont toujours... La volonté de vivre est
toujours là... Et on te remercie...
-
Carol Malouf : Je veux remercier Jabhat al-Nosra qui m’a permis de
réaliser cette interview.