Trois tweets de Walid Joumblatt à propos de la réunion du bureau politique du Parti socialiste progressiste suite à l'initiative Geagea-Aoun. |
Que l’on soit pour ou contre, ou même neutre, nul ne peut dire que l’intifada du 18 janvier 2016 ne s’inscrira pas dans l’histoire et ne restera pas dans les mémoires. L’initiative Geagea-Aoun ne laisse personne indifférent. Des citoyens aux leaders, de toutes les communautés et tendances politiques, tout le monde au Liban a sa petite idée à ce sujet. En haut de la pyramide, le mutisme des uns, comme Hassan Nasrallah et Saad Hariri, était même plus criant, que l’hypocrisie des autres, comme Nabih Berri et Walid Joumblatt. El-Estèz a décrété que « ce n’est toujours pas suffisant » pour débloquer la situation, alors qu’il y a un mois, il claironnait partout : « Quand on a dit que le problème est maronite, beaucoup de gens nous ont critiqué. Mais la réalité a prouvé que le problème est ainsi. » Hal 3kerit el mwarné, ils t’ont eu, hein ? Quant au second, il continue ses enfantillages sur Twitter. A le suivre depuis un moment, on dirait que le beik de Moukhtara ne sait plus s’exprimer que par des émoticônes. Au passage, entre Michel Aoun et la marionnette de la girouette, Henri Helou, qui en près de deux ans de candidature n’a pas encore juger utile d’ouvrir la bouche, c’est le nouveau général sans la moindre hésitation.
Tayeb. Comme tout le
monde, j’ai exprimé clairement mon opinion concernant l’initiative en cours. Je
le rappelle avec modestie, l’idée que
Geagea et le 14-Mars soutiennent Aoun, je l’ai avancé dans un article datant du 24 mai 2014, càd il y a près de deux ans.
Toutefois, je l’avais conditionné à
une « mise en scène » publique et comique qui se déroulerait entre Maarab, Rabié et l'église Mar Mikhael, pour prouver clairement aux Libanais, notamment à nos compatriotes de la
communauté sunnite, le détachement du
Général de l’axe Nasrallah-Assad-Mollahs, condition sine qua non pour faire
de lui un candidat consensuel entre le 8-Mars et le 14-Mars. Toujours est-il que
si ce détachement n’est pas annoncé urbi et orbi, je ne soutiendrai pas Michel
Aoun dans sa course présidentielle. Ma méfiance est évidemment justifiée. Pour
paraphraser une célèbre formule française, disons qu’elle l’est parce que « les paroles s’envolent et les gestes
restent ». Mais, comme le Général s’est engagé à ce que les dix points « souverainistes »
annoncés par Hakim, apparaissent dans son discours le jour où il prêtera
serment, je ne la combattrai pas non plus, et pour une raison simple, il
existe aujourd’hui, par l’initiative de Samir Geagea, des chances minimes mais non négligeables, de dégager Michel Aoun de l’orbite du
8-Mars et du giron du Hezbollah. Cela dit, avec tout le délire que j’ai lu
et entendu au cours de la semaine, il m’est difficile de regarder sans réagir des
gens qui continuent comme si de rien n’était, à diffuser leur propagande
nauséabonde, pour détourner l’attention de leurs compatriotes du cœur
du problème.
Nadim
Koteich,
n’en a pas encore fini d’enfoncer sa tête dans les sables mouvants de la
politique libanaise. Ayant perdu le nord, n’ayant plus aucun sens critique vis-à-vis
de son camp-employeur, le Futur, il enchaine désespérément les articles grotesques. Il est aujourd’hui comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Dans
son dernier opus « Au-delà du soutien de Geagea à Aoun », publié hier dans le quotidien arabe Asharq al-Awsat, qui est diffusé à 200 000
exemplaires svp, le journaliste du Futur nous explique que la raison principale
de ce soutien, réside dans « le besoin de Geagea d’avoir un
candidat qui stoppe la forte propulsion politique qui pourrait mener son autre
adversaire, Sleimane Frangié, à la présidence ». Notez bien la « forte propulsion
politique » ! On croirait lire un communiqué du Baath syrien. Koteich
sous-entend, la forte motivation de Hariri dans ce sens, alors que le chef du
Futur ne s’est pas encore prononcé publiquement et qu’il ferait bien de le
faire de toute urgence. Fidèle à lui-même, au moins ces derniers temps, Koteich déforme de
nouveau la réalité, comme ça l’arrange : « A Maarab, l’homme (Geagea)
a annoncé son passage de l’identité du 14-Mars, une identité nationale
unificatrice..., à une identité chrétienne, et même à la cause chrétienne...
qui met sur la table, le projet de révision de l’identité nationale libanaise
et de toute la logique de partage avec les Musulmans au sein du régime
politique libanais ». Rou7
ya ghadanfar, 2afarta ! Après avoir expliqué à ses lecteurs libanais
et arabes, dans un ancien article délirant, en gros, que Geagea, le leader
chrétien, était responsable de l’écroulement du 14-Mars, le voilà qui leur
explique de nouveau dans un autre article délirant que Hakim, ce leader
chrétien, est même responsable de l’écroulement de l’identité libanaise
islamo-chrétienne. Bon, Nadim Koteich aurait mieux fait d’arrêter de fumer sa
moquette en narguilé et d’écouter consciencieusement ce qui s’est passé et s’est
dit à Maarab et de l’analyser d’une manière dépassionnée et réfléchie, au lieu
de donner libre cours à des réflexions passionnées
et impulsives, comme il le fait de temps à autre depuis « ya chabeb wou ya sabaya, yalla yalla
3al saraya » (octobre 2012).
Dans
le paysage politique avant le 18 janvier, les Libanais avaient un Joumblatt,
des politiciens du Futur, un Koteich et d’autres défenseurs zélés de la
candidature du beik de Zgharta, qui tentaient désespérément de vendre le
« produit Frangié », LE fidèle des fidèles du camp « Merci la Syrie des Assad », le 8-Mars, « frère »
siamois de Bachar et de Nasrallah, avec comme unique argument, que c’était la seule
et dernière chance possible, et une option, « qui n’est pas content n’a
qu’à proposer mieux ». Dans le
paysage politique après le 18 janvier, les Libanais ont un Geagea soutenant
un Aoun, dont les partisans avaient participé massivement à la manifestation
historique du 14 mars 2005 contrairement aux partisans de Frangié (Koteich
& Co feraient bien de s’en souvenir !), s’est engagé à inclure dans son serment présidentiel, dix points clés du projet du 14-Mars, dont les principaux éléments peuvent être résumés
par : « 1. La réaffirmation de la
foi en un Liban souverain et libre, et dans la cohabitation islamo-chrétienne. 2. Le respect de l’Accord de Taëf
et de la Constitution libanaise,
sans sélectivité et loin des considérations politiques et des interprétations
erronées. 3. L’adoption des principes
souverainistes pour les questions régionales et internationales. 4. Le
renforcement des institutions de l’Etat
et le recours à la loi, ainsi que l’engagement à ne jamais recourir à la violence et aux armes. 5. Soutenir l’armée libanaise et permettre
aux forces armées légales d’étendre
l’autorité de l’Etat libanais seul, sur tout le territoire libanais. 6. La
nécessité d’avoir une politique
étrangère indépendante dans le respect du droit international et l’établissement de relations de coopération notamment
avec les pays arabes ; considérer
Israël comme un pays ennemi et s’attacher
au droit de retour des réfugiés palestiniens. 7. Le contrôle de la frontière syro-libanaise dans les deux sens, en ce
qui concerne les armes et les hommes. 8. Le respect des chartes et des résolutions de l’ONU et de la Ligue arabe.
9. La mise en œuvre des décisions prises
lors des réunions de dialogue nationale. 10. La nécessité d’adopter une nouvelle loi électorale qui prend
en compte la parité réelle (islamo-chrétienne) et la juste représentation
(parlementaire), afin de préserver les règles de coexistence, ce qui
constituera l'entrée principale pour rétablir l'équilibre dans les institutions
de l'Etat. » Personnellement, j’aurai rajouté beaucoup de choses
encore, mais, fad7al zameno, Nadim Koteich, peut-il expliquer à ses
lecteurs en quoi l’annonce de Samir Geagea de ces dix points constituerait une révision
de l’identité libanaise, un renoncement aux principes du 14-Mars, une défense de
la cause chrétienne et un rejet du partage avec les Musulmans ? Non
mais, il faut choisir une moquette à fumer de bonne qualité ! Hélas,
« dans l’abjection, j’y suis, j’y reste », telle est la nouvelle devise
de Nadim Koteich.
Parlons peu, parlons bien. Si je me suis
arrêté un peu plus longtemps sur cet article de Nadim Koteich, c’est non seulement pour dénoncer son
contenu, mais aussi parce que le journaliste travaille pour le Futur, partie
prenante de l’échiquier politique, et il est suivi par de nombreux lecteurs
libanais et arabes, notamment de confession sunnite. Comme la bataille d’opinion
est capitale en politique, il est de mon devoir patriotique de combattre le parasitage des esprits. Les Libanais doivent
savoir qu’ils ont actuellement deux problèmes politiques majeurs. L’élection présidentielle, sachant que
la vacance est en place depuis plus d’un an et demi (après le 25 mai 2014), et les élections législatives, qui doivent
se tenir dans moins d’un an et demi (avant le 20 juin 2017). Tout le reste est
secondaire. J’ai bien dit au niveau « politique », car sur les autres
plans, « la crise des déchets » par exemple, restera à jamais, la
honte de tous les responsables libanais sans exception, notamment ceux qui
forment le gouvernement de Tammam Salam.
Et sur
ces deux points, certains ne savent plus quoi inventer pour brouiller les
esprits, des Libanais en général et des partisans du Futur tout
particulièrement, la communauté sunnite. Sur
le premier dossier, certains veulent faire oublier l’erreur politique de Saad
Hariri et le caractère délirant du soutien du camp Hariri-Joumblatt à la
candidature de Sleimane Frangié, le « frère » de Bachar el-Assad
et celui qui ne forme « qu’une seule personne » avec Hassan
Nasrallah, qui a été l’élément catalyseur de l’initiative Geagea-Aoun. A
propos, en classant mes notes, je suis tombé sur cette déclaration très
éloquente de Nouhad Machnouk, le
ministre libanais de l’Intérieur, un éléphant du Futur, dont un des conseillers
nous dit-on n’est autre que Nadim Koteich, datant du 19 décembre 2015 : «
Frangié s’est porté candidat à une présidence du réalisme politique sincère ».
Appréciez cette langue de bois très explicite pourtant du « réalisme
politique sincère ». Plus grave encore, sur le deuxième dossier, certains font l'impossible pour fuir la réalité de cette nécessité absolue
de remplacer la loi électorale archaïque actuelle dite loi de 1960, non représentative, qui se trouve être particulièrement
favorable au Courant du Futur et au Parti socialiste, et très défavorable aux
Forces libanaises et au Courant patriotique libre, mais aussi aux Kataeb, par
une nouvelle loi électorale représentative, la circonscription uninominale (à deux
tours ou par tirage au sort), qui est au centre du rapprochement entre les
frères ennemis, Geagea et Aoun. Tout le reste n’est que palabres au pays des
palabres, 2art 7aké fi balad 2art el
7aké. Et pourtant, des gens, comme
Nadim Koteich, insistent avec une malhonnêteté inouïe, pour présenter ce différend
politique de nature démocratique, plutôt comme un clivage confessionnel de
nature identitaire. C’est
consternant et c’est abject. Au lieu de renforcer la concorde nationale,
certains nourrissent la discorde islamo-chrétienne. Dans tous les cas, ils
assumeront les conséquences. Et des conséquences, il y en aura, s’ils insistent
sur cette voie dangereuse, et s'ils n’ont pas le courage de regarder la réalité en
face et de faire le bon diagnostic.