dimanche 10 mai 2015

J’ai testé le Hezbollah et voici ce qu’il en sort : « el-qalamoun, wa ba3da el-qalamoun, wa ma ba3da ba3da el-qalamoun » (Art.287)


Et si je testais le Hezbollah pour vous ? Non, ce n’est pas compliqué. Il n’y a rien de plus simple, il suffit de prendre le discours de sayyed Hassan Nasrallah du 5 mai 2015 et de le décortiquer. Avec de l’objectivité, on y arrivera. A ses marques, vous êtes prêts, partons.

Commençons donc ce test par le YEMEN, le sujet principal de cette dernière conférence de presse. Hassan Nasrallah a parfaitement raison de laisser entendre que lorsque la coalition arabe déclare que tous les buts de l’opération saoudienne au Yémen, ont été atteints, elle ment. L’attaquer en essayant de démontrer le contraire est vain. C’est un fait. Ceci dit, il n’avait pas besoin de consacrer 38% de ce discours à ce sujet pour le prouver. A moins qu’il ne cherchait à tout prix dans cette manœuvre de diversion à faire oublier à ses sympathisants, que tout ce qu’il dit sur les 40 jours d’intervention arabe au Yémen s’applique mot à mot sur l’intervention du duo chiite, Hezbollah-Iran, en Syrie depuis plus de 4 ans. En tout cas, il y a un but qui a été bel et bien atteint, et qu’il a zappé, l’Arabie saoudite et ses alliés ont porté un coup d’arrêt à l’expansionnisme iranien au Yémen, avec la bénédiction de la communauté internationale. C'est peut-être temporaire, mais c’est un fait aussi. Donc, globalement, ce n’est pas sur ce point que le chef du Hezbollah avait tort comme l’ont signalé ses détracteurs. Mais sur quelque chose de beaucoup plus basique : l’ordre du jour de sa conférence de presse. C’est quand même étrange qu’un leader libanais fasse une longue intervention à trois semaines du premier anniversaire de la vacance présidentielle, dans un pays au bord de la faillite à tous les niveaux, sans même se donner la peine d’aborder le sujet et pire encore, avec l’ordre du jour suivant : le Yémen, l’Irak, la Syrie et enfin, le Liban.

Pas la peine d’en tenir compte, sinon, vous décrocherez au bout de 55 s. « Nous sommes de nouveau devant une tromperie et une grande duperie... l’opération est un échec clair et net (...) A défaut de réussir, on procédera à la destruction du ‘pays’ sur la tête de son peuple... La situation humanitaire est grave et catastrophique... Au monde d’assumer ses responsabilités (...) Cette politique et cette stratégie... la pression sur les résistants et les combattants à la volonté libre, à travers l’assassinat de leurs familles et le bombardement de leurs femmes et leurs enfants, ainsi que par la destruction de leurs maisons, cette politique est vouée à l’échec. Elle n’a conduit nulle part dans le passé... Au Vietnam, à Gaza, au Liban... Est-ce qu’elle a affaiblit la résistance ou l’a poussé à faire marche arrière ? Pas du tout. Bien au contraire, cela l’a poussé à persister et à construire les victoires ». Poignant et plein de vérité. Toute personne qui prendrait le discours en cours de route, aura l’impression sans l’ombre d’un doute que Hassan Nasrallah parle de la Syrie et non du Yémen. La coïncidence ironique est extraordinaire.

Le meilleur de ce passage sur le Yémen, c’est le moment où le chef du Hezbollah a dénoncé « l’utilisation d’armes interdites sur le plan international, comme les bombes à fragmentation, ce qu’il y a de plus dangereux pour les populations civiles ». Là aussi, la diversion est intéressante. Hassan Nasrallah serait sans doute plus crédible, s’il s’était manifesté après les attaques chimiques de Damas par son allié le régime syrien, en août 2013 (1 429 morts en quelques minutes, dont plus de 426 enfants), après les attaques au chlore à Idlib le mois dernier par les troupes de Bachar el-Assad (pour empêcher la chute dramatique de la région entre les mains de l’opposition) et après chacune des 5 000 bombardements avec des barils explosifs par l’armée syrienne (ayant fait plus d’une douzaine de milliers de morts, 96% des victimes étant des civils).

Après le Yémen, j’ai testé le Hezbollah sur l’IRAK. D’emblée, sayyed Hassan nous met en garde. « Le véritable but des Etats-Unis est la partition des Etats de la région sur une base communautaire et ethnique... Irak, Syrie, Yémen, Libye ». Bizarrement, il exclut le Liban, mais cela n’enlève rien à la recevabilité de cette hypothèse. Il est clair pour le chef du Hezbollah que « nous nous acheminons dans la région, vers la légalisation des guerres civiles, qui pourraient durer des centaines d’années. C’est ce que souhaitent les Etats-Unis et Israël, pour nous ». Contrairement à ce que pensent certains cercles, cette hypothèse est loin d’être farfelue. L’idée d’un tel projet circule depuis plusieurs décennies. Ça serait même l’intime souhait d’Israël pour affaiblir ses ennemies arabes et la garantie d’une survie tranquille à long terme. L’invasion de l’Irak en 2003 par le plus grand imbécile de l’histoire contemporaine, George W. Bush, qui n’avait aucune raison d’avoir lieu, et le chaos qui l’accompagne depuis, le prouverait. Toutes les conséquences de cette invasion stupide étaient prévisibles, sans aucune exception. De la domination chiite sur l’Irak post-Saddam Hussein à l’ingérence iranienne dans les affaires irakiennes, en passant par l’hostilité sunnite et l’émancipation kurde. L’hypothèse tient la route.

Comme élément à charge, le chef du Hezbollah évoque un obscur projet de loi qui serait en cours d’étude au Congrès américain qui « ordonne, demande ou autorise au gouvernement américain d’armer des composantes irakiennes indépendamment du gouvernement irakien ». Là par contre, ça fait très court à plusieurs égards. Hassan Nasrallah a zappé par exemple le fait que les Etats-Unis ont déjà dépensé 25 milliards de dollars depuis 2003, pour recréer et armer les forces de sécurité irakienne ; que la loi annuelle sur la défense adoptée en fin d’année par le Congrès américain, à laquelle doit probablement faire référence le chef du Hezbollah, à accorder 5 milliards $ pour la guerre contre « l’Etat islamique / Daech », dont le tiers est réservé à un programme d'équipement et d'entraînement des forces irakiennes, kurdes et tribus sunnites, oui, mais qui doit être financé à hauteur de 40% par le gouvernement irakien ; que la glorieuse armée irakienne a été épurée des éléments sunnites par la politique stupide de Nouri al-Maliki, donc elle est aujourd’hui constituée en majorité de la communauté chiite irakienne, et que 25 000 soldats à Mossoul n’ont pas été fichus en juin dernier de faire face à 1 000 djihadistes de Daech ; que sans la coalition arabo-occidentale formée autour des Etats-Unis, Daech serait à Bagdad avant d’être à Jounieh, que Kobané n’aurait pas fait long feu face à l’Etat islamique d’Irak et de Syrie et que Tikrit serait encore entre les mains des djihadistes malgré la participation active dans cette bataille du général Qasem Soleimani, chef des forces spéciales des Gardiens iraniens de la Révolution islamique, Feilaq al-Qods. En tout cas, là aussi, le chef du Hezbollah serait plus crédible s’il s’offusquait de la même manière à propos de l’aide iranienne aux milices chiites irakiennes et yéménites, et s’il rejetait lui-même les aides que reçoivent son parti et sa milice, financièrement et militairement, de la République islamique d’Iran depuis près de 33 ans.

Hassan Nasrallah a évidemment omis d’évoquer, et c’est ce qui justifie en grande partie cette manœuvre de diversion sur Irak, l’annonce toute chaude faite par les Etats-Unis du lancement du programme de formation des rebelles syriens qui se battent à la fois contre le régime syrien et Daech. Ce programme pour lequel le Congrès américain a déjà alloué 500 millions de dollars, vient de commencer en Jordanie et doit s’étendre ultérieurement à la Turquie et l’Arabie saoudite. Il a aussi zappé l’info compromettante révélée il y a moins de deux mois par le Washington Post, qu’on a perdu la trace de l’équivalent de 500 millions de dollars d’armements, de munitions et de matériels militaires américains au Yémen, un arsenal qui pourrait être entre les mains des milices chiites des Houthis, d’où la détermination de la coalition arabe formée autour de l’Arabie saoudite de briser l’expansionnisme iranien à son flanc gauche.

Suite à cette allégation, sayyed Hassan Nasrallah a lancé un appel solennel. Puisque il me concernait, je l’ai écouté attentivement sans a priori. « Ô peuples de notre région, ô gouvernements de notre région, ô générations présentes qui accompagnent ces défis... nous nous acheminons vers la partition de l’Irak, suivra la partition de la Syrie, du Yémen et d’autres pays. » Bizarrement, là aussi, allez comprendre pourquoi, le Liban est exclu de la liste, mais l’Arabie saoudite y figure en bonne place. Je pourrais partager l’inquiétude du chef du Hezbollah pour l’Irak. Le pays est très mal barré, pas seulement par la faute des Américains mais aussi à cause de ces huit ans de politique communautaire stupide menée par le Premier sinistre irakien chiite, Nouri al-Maliki (la faute de frappe n’est pas fortuite), avec la bénédiction du Guide suprême de l’Iran, qui a conduit au plein épanouissement de Daech en Irak et qui a rendu les communautés irakiennes irréconciliables pour un très long moment. Pour la Syrie, j’ai beaucoup de mal à le rejoindre. Pas parce que le risque de partition n’existe pas, loin de là, mais parce que celui qui s’en inquiète n’est point crédible. Comment peut-on s’inquiéter sincèrement de la partition de la Syrie quand on dirige une milice chiite libanaise qui est enlisée aux côtés de la tyrannie alaouite syrienne des Assad (issue d’une communauté qui ne représente que 10% de la population) dans une guerre dirigée contre la composante sunnite syrienne (qui représente 70% de la population) et qui a déjà fait 220 000 morts et jetés sur les routes la moitié de la population du pays ? Invraisemblable.

A ce propos, testons maintenant le Hezbollah sur la SYRIE. Pendant une bonne dizaine de minutes, Hassan Nasrallah a mis en garde « les Syriens et les Libanais » contre « cette guerre psychologique » menée depuis la chute de Jisr el-Choughour et d’Idlib, « ces rumeurs et ces mensonges » sur la fin imminente du régime syrien, l’abandon de Bachar el-Assad par la Russie, le sacrifice de la Syrie sur l’autel du nucléaire iranien et l’exode alaouite vers le littoral syrien et libanais. « Gagner une bataille ne signifie pas qu’on a gagné la guerre ». Sur tout ce passage, il n’y a rien à redire. Enfin si, je l’ai dit maintes fois depuis le 15 mars 2011, même si je l’ai formulé différemment. « Cela fait 4 ans qu’au Liban il y a des gens pressés qui se félicitent et qui découvrent ensuite que leur mariage est faux, il n’y a pas de mariés ». C’était tous les vendredis d’ailleurs. Seul bémol, c’est que pour moi, ce raisonnement est tout aussi valable dans l’autre sens. Nuance et de taille. Dire que Bachar el-Assad et ses alliés auront fini avec la Révolution syrienne mardi prochain, relève aussi « des rumeurs et des mensonges », comme aussi le fait de faire croire que l’opposition au régime syrien n’est composée que d’étrangers à la Syrie.

En tout cas, le test a échoué lamentablement par la suite. « Nous au Hezbollah, nous serons là où nous devons être... Ce combat n’est pas celui du peuple syrien... Il s’agit ici de défendre la Syrie, le Liban, la Palestine et toute la région... Nous assumerons cette responsabilité quels qu’en soient les sacrifices ». Cette affirmation résume merveilleusement bien « l’anomalie » du Hezbollah au Liban, et le contentieux d’une grande partie des Libanais avec la milice chiite. Non seulement, que la majorité des Libanais, mais aussi des Syriens, des Palestiniens et des Moyen-Orientaux n’ont rien demandé au Hezbollah, et s’y opposent farouchement à ses aventures hasardeuses au quatre coin du monde arabe, mais en plus, et c’est un comble, les sacrifices évoqués ne se limiteront pas au Hezbollah, mais concerneront toutes les populations moyen-orientales, libanaise en tête.

Et puisqu’on y est, testons maintenant le Hezbollah sur le LIBAN. Non seulement 77% du discours de ce leader libanais a été consacré à des problèmes non-libanais, mais en plus, la partie consacrée au Liban ne l’était pas vraiment, puisqu’elle se limitait au Qalamoun. Mais, c’était sans compter sur la malice de Hassan Nasrallah. Pour ceux qui ont séché les cours de géo, le Qalamoun désigne une région montagneuse qui se situe entièrement en Syrie, parallèlement aux chaines de l’Anti-Liban. Et pour justifier une intervention d’une milice libanaise en Syrie, il fallait trouver une fatwa. « Nous étions au courant des intentions des groupes armés... nous évoquons des agressions concrètes... l’occupation de vastes territoires libanais, les assauts contre l’armée libanaise et les citoyens, la détention des militaires libanais avec la menace de les tuer, le bombardement de régions libanaises... Pour cela, cette question a besoin d’un traitement radical ». Difficile pour tout patriote libanais de ne pas être d’accord avec Hassan Nasrallah sur ce point et de condamner les violations de la souveraineté libanaise par des groupes terroristes syriens, et non des moindres, Jabhat al-Nosra et Daech, qui ont déjà exécuté quatre militaires libanais, deux abattus par balles et deux décapités, à chaque groupe djihadiste sa barbarie préférée. Précisons à tout hasard, que la violation de la souveraineté libanaise par des groupes syriens ne date pas d’hier et ne se limite pas aux djihadistes syriens, elle a concerné les rebelles syriens modérés aussi. En tout cas, jusqu’à là, aucun souci.

Ce qui pose problème c’est tout le délire qui a suivi. «  J’ai dit dans le passé qu’après la fonte de la neige, il y aura une échéance à laquelle devront faire face les Libanais, l’Etat, l’armée, la ‘résistance’ (auto-désignation du Hezbollah), les gens, le peuple... » Ah, c’est très gentil de nous prévenir, mais nous « Libanais, Etat, armée, gens et peuple » préférons faire confiance aux forces armées libanaises, plutôt qu’à une milice chiite qui a montré brillamment en juillet 2006, que non seulement elle est totalement incapable de protéger le Liban, mais qu’elle présente en plus un grand danger pour sa population. Mais, le Hezbollah n’a que faire « de l’Etat libanais, de l’armée libanaise et du peuple libanais ». Là aussi, Hassan Nasrallah a trouvé une fatwa pour mieux camoufler cette démarche totalitaire injustifiée. Tenez-vous bien, c’est le meilleur passage de la conférence : « l’Etat (libanais) est incapable de traiter cette question... Si l’Etat (libanais) était en mesure d’assumer ses responsabilités, nous serions tous avec lui... Pour qu’on n’attende pas le mirage, il est clair que l’Etat (libanais) est incapable de faire cela ». C’est non seulement consternant mais c’est en plus archifaux.
 
Jamais de l’histoire du Liban, passée et même à venir, l’armée libanaise n’a reçu et ne recevra autant d’aides militaires qu’en ce moment, notamment du camp arabo-occidental grâce à l’Arabie saoudite, la France et les Etats-Unis, les ennemis jurés de l’Iran, du Hezbollah et de la Syrie. L’armée libanaise a reçu, depuis la fin de l’occupation syrienne du Liban (2005), ou recevra à terme, pour 5 milliards de dollars d’armements et d’entrainement, 4 milliards $ assurés par le « royaume wahhabite » et 1 milliard $ par le « grand Satan ». Les forces armées libanaises reçoivent et recevront à terme, grâce à l’Arabie saoudite et les Etats-Unis, des hélicoptères Gazelle, Puma et Cougar, qui peuvent tirer des missiles téléguidés, des avions Cessna armés de missiles antichars Hellfire, des drones, des véhicules blindés, avec des systèmes anti-explosifs, des véhicules de combats, des patrouilleurs, des dizaines de canons américains M198 Howitzer, le fameux « 155 » (aucun pays au monde, à part les USA, n'en auront autant que nous!), des centaines de missiles anti-char Tow2 et des millions de munitions de toutes tailles, enfin bref, que de mauvaises nouvelles pour le Hezbollah, le régime alaouite et le régime des mollahs.


Toute la propagande du Hezbollah qui consiste à présenter les « forces armées libanaises » comme étant des « incapables », magistralement exposée dans ce discours de Hassan Nasrallah, vise à reléguer cette grande armée libanaise au rôle de police d’intérieure, et à faire croire aux Libanais, que seule une petite « milice chiite » est « capable » de protéger le Liban. Foutaises. L’armée libanaise l’a prouvé ces dernières années, à Nahr el-Bared comme à Saïda, à Ersal et à Tripoli, que dans des régions sunnites soit dit au passage, qu’elle est capable de neutraliser les terroristes quand le feu vert politique lui est donné, notamment par les leaders sunnites, soit dit au passage aussi. Ce n’est absolument pas le cas du Hezbollah, qui ne fonctionne qu'avec des feux rouges (comme celui que Hassan Nasrrallah a fixé à l'armée libanaise durant la bataille anti-terroriste de Nahr el-Bared en 2007) et qui a crié au secours plus d’une fois ces dernières années, comme lors de la guerre de juillet (2006) et lors des incidents sécuritaires à Saïda et à Ersal justement (2013-2014).

Toujours est-il qu’avec ces deux fatwa taillées sur mesure pour justifier l’injustifiable, Hassan Nasrallah déclare que « Nous traiterons cette question... Il y a des préparatifs... Nous n’avons rien annoncé... Il ne faut pas nous astreindre à quoique ce soit... Il n’y a pas eu de déclarations officielles (du Hezbollah) pour que l’opinion publique nous juge ». Comme j’avais décidé de tester avec impartialité le Hezbollah, j’ai pris acte et je me suis dit, soyons patients, attendons donc cette déclaration officielle. Mon attente n’a duré que le temps nécessaire pour que le sayyed reprenne son souffle et se contredit aussitôt. « Je vous le dit afin de vous soulager, nous ne ferons pas de déclaration. Nous ne ferons pas de déclaration », prononcé à deux reprises pour ceux qui ont encore du mal à comprendre la politique du Hezbollah au Liban. Il rajoute comme justification à cette démarche totalitaire : « quand cette opération commencera, elle parlera d’elle-même et elle s’imposera aux médias. A ce moment-là, tout le monde saura que l’opération a commencé... Quant à savoir quel sera son but, ses limites, son lieu d’action, où elle ira et sa durée, nous laisserons tout cela au temps. Nous n’en parlerons pas dès maintenant ». Il n’y a pas à dire, Hassan Nasrallah se fout de la gueule du monde. Toujours est-il qu'il n'y a rien de bon à tirer de l’opération Qalamoun pour le Liban et pour son peuple. S'il y a des mesures qui devront, doivent ou auraient dû être prises depuis le retrait des troupes d'occupation syriennes du Liban le 26 avril 2005, c'est le déploiement de l'armée libanaise le long de la frontière syro-libanaise et son contrôle d'une main de fer dans les deux sens, une mesure à laquelle se sont toujours opposés le Hezbollah et le régime syrien. La bataille de Qalamoun s’impose à Hassan Nasrallah et à Bachar el-Assad afin de maintenir la continuité territoriale entre la communauté chiite libanaise et le régime alaouite syrien, par la sécurisation de l’axe Est-Ouest, et pour protéger l’option de secours de ces deux alliés sur les côtes méditerranéennes, « Etat des Alaouites », par la sécurisation de l’axe Nord-Sud. Voilà ce qu’il en est au juste. Tout le reste n’est que palabres.

J’étais vraiment sincère en voulant tester le Hezbollah. Hélas, il est impossible quand on ne fait pas partie de la communauté chiite d’adhérer vraiment à l’idéologie de ce parti. A la limite, je pourrais dépasser toutes les réserves exposées dans cet article et soutenir Hassan Nasrallah dans son combat dans le Qalamoun. Mais le problème avec la logique du Hezbollah, c’est que l’action de la milice chiite libanaise ne se limitera pas au Qalamoun. Il y aura le qalamoun, wa ba3da el-qalamoun, wa ma ba3da ba3da el-qalamoun, comme ce fut le cas avec Haïfa, Beyrouth, Saïda, Ersal, Qousseir, Quneitra et Chebaa. Il est clair que la « pulsion guerrière » de la milice chiite ne s’arrêtera jamais. Le discours du 5 mai 2015 le prouve magistralement. 

A force de tirer sur la corde, le Hezbollah pousse les Chiites libanais qui sont en accord avec sa politique générale et les Libanais de toutes confessions qui sont en désaccord profond avec sa dérive djihadiste transfrontalière et son isolationnisme communautaire intrafrontalier, vers l’une de ces trois catastrophes : accepter l’hégémonie hezbollahie, s’engager dans une nouvelle guerre civile ou œuvrer pour la partition du Liban. C’est inéluctable. A moins de rester dans le statu quo pourri actuel, en attendant un changement de cap radical, inespéré et miraculeux, sous l’impulsion d’un « Printemps perse », qui balaiera le « Croissant chiite » du Moyen-Orient, de Téhéran à Beyrouth.