mercredi 16 avril 2014

Du taboulé au cannabis et des infusions de marijuana pour financer et oublier l’incompétence des députés libanais (Art.220)


Je sais depuis longtemps qu’on ne peut pas parler d’écologie à quelqu’un qui a du mal à joindre les deux bouts. Franchement, qu’est-ce que vous voulez expliquer à une personne plongée dans des difficultés financières qui ne voit même pas que les arbres du trottoir qu'il prend tous les jours sont taillés en de ridicules boules décoratives alors qu’il suffoque de la pollution ambiante et sa nuque est cramée sous un soleil de plomb ? Déjà ceux qui joignent les deux bouts et refont le monde à longueur de colonne et de nappe, dans une atmosphère air-conditionné, ne le remarquent pas. C’est pour vous dire, peine perdue.

Je sais aussi qu’on ne peut pas proposer de l’eau à quelqu’un qui a faim. Une affirmation valide à contresens. Même pas du San Pellegrino. Ni de brioche d’ailleurs, si on tient à sa nuque, et à moins de 250 lieues de la Conciergerie de Paris.

Je sais également que quiconque perdu dans un désert, est prêt à payer la canette de cola 33 $, alors qu’elle ne coûte que 1 $ en ville. Comme quoi, la valeur des choses est toute relative. Tout dépend des besoins du moment et des conditions de survie. Je sais encore que la sagesse libanaise a mille fois raison, 3asfour bel 2id wala 3achra 3al chajra, mieux vaut un oiseau dans la main que dix sur l'arbre, et qu’il est préférable enno néqol 3enab wala né2toul el natour, manger du raisin que de tuer le gardien.

Enfin, sauf votre respect, wou bala toul siré, je me demande aujourd’hui, comment peut-on motiver 4,2 millions de Libanais -notamment ces centaines de milliers de compatriotes en attente d’expulsion de leurs logements ou condamnés par les députés à payer, progressivement dès le mois d’octobre, 1 000 $ de plus par mois pour y rester- à s’intéresser un tant soit peu à l’enjeu de l’élection présidentielle au Liban, une échéance électorale qui ne changera rien à leur vie quotidienne, sachant de plus, que le président de la République libanaise, qui a perdu toutes ses prérogatives avec l’Accord de Taëf, est élu au suffrage indirect par les parlementaires ?

Tâche difficile, je l’avoue, voire mission impossible. Ceci dit, je n’ai pas l’intention de décourager Samir Geagea, le président du parti des Forces libanaises, dans sa course à la présidence de la République. Son excellent programme, annoncé aujourd’hui, poussera sans doute Michel Aoun, Boutros Harb, Ziad Baroud et les nombreux prétendants non-déclarés au trône de la République, à emboiter le pas et à élaborer des programmes ambitieux, au lieu de se contenter de quelques slogans creux comme à l’accoutumée dans le passé. C’est déjà une excellente chose. Seule la compétition peut pousser le niveau vers le haut, ou vers le bas d’ailleurs. Que le meilleur gagne, serions-nous tentés de dire. Sauf que ce n’est pas comme ça que ça se passe au pays du Cèdre. Une entente politicienne préalable entre les partis politiques libanais sous des directives syro-irano-saoudiennes à peine voilées, désignera l’heureux élu. La procédure d’élection est purement symbolique. Voilà pourquoi jusqu’à ce jour, et malgré le fait que la première séance électorale est fixée au mercredi 23 avril, dans une semaine jour pour jour, aucun parti politique n’a osé apporter son soutien à la candidature du chef des FL, pas même son allié, le Futur, qui dit-on, depuis des mois, renoue les contacts avec Michel Aoun, ennemi juré de Samir Geagea. Comprenne qui pourra.

Mais, à supposer que les Libanais, ceux qui sont menacés d’expulsion à Beyrouth et dans les autres régions libanaises, ainsi que les autres Libanais mécontents pour mille et une raisons, daignent s’intéresser aux candidatures de Samir Geagea, de Michel Aoun, d’Amine Gemayel, de Boutros Harb, de Sleiman Frangié, de Ziad Baroud et même de Robert Ghanem (lol, cet énergumène est le rédacteur de cette sinistre loi d’expulsion), qu’est-ce qui leur prouve que tout ce qu’ils entendront et liront ici et là, aujourd’hui ou demain, comme hier d’ailleurs, n’est pas que palabres au pays des palabres, 2art 7aké fi bilad 2art el7aké ?

Quel est l’élément qui doit donner aux Libanais confiance dans leurs leaders et dans l’avenir ? Est-ce le sprint législatif honteux engagé depuis le 1er avril 2014, avec la complicité des députés de Saad Hariri comme de Nabih Berri, de Samir Geagea comme de Hassan Nasrallah, de Walid Joumblatt  comme de Michel Aoun, de Samy Gemayel comme de Sleiman Frangié ? On voit bien que tout le monde se dépêche avant la tempête et la menace de blocage de l’Etat libanais à cause de l’élection présidentielle et des hypothétiques élections législatives qui doivent lui succéder. « Nos » députés, tous sans exception, votent à la hâte, sans véritable débat démocratique et sans état d’âme, les unes après les autres, les lois les plus injustes sur le plan social, comme la libéralisation des loyers anciens, qui expulsera des centaines de milliers de personnes de la classe moyenne de leurs logements, notamment à Beyrouth, et les plus irresponsables sur le plan économique, comme la grille des salaires, qui coûtera 2 milliards de dollars à un Etat au bord de la faillite, alors que le financement n'est même pas assuré. Les débats ont été ajournés de 15 jours pour cela.

Comment peut-on encore faire confiance à des candidats dont les députés ont avalisé à l’unanimité svp, la libéralisation des loyers anciens, concoctée par Robert Ghanem & Co (bloc du Futur), qui ne sont pas capables de protéger femmes et enfants des violences domestiques pour des prétextes bidon, impuissants pour débarrasser les Libanais de la loi électorale féodale de 1960 et qui s’autorisent un allongement de mandat d’un an et demi, faute de consensus sur une nouvelle loi électorale, sans l’approbation du Conseil constitutionnel, mais qui n’abordent plus le sujet après le vote de l’autoprorogation en juin dernier, il y a presqu'un an ? On croit rêver !

Comment peut-on toujours faire confiance à des candidats dont les députés ne sont pas fichus de voter le budget de l’Etat libanais depuis 2005, mais qui se sont entendus pour augmenter leurs salaires et prévoir des milliards de dollars de dépenses supplémentaires, on en est à 6 milliards en quelques jours, dans un pays endetté à hauteur de 64 milliards de dollars et qui accueille 1,5 million de réfugiés syriens, avec de misérables aides de la part de la communauté internationale ? Le Liban est au bord du dépôt de bilan à cause de l’incompétence de ses responsables politiques, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues.

Faute de réponses concrètes aux attentes légitimes du peuple libanais, tout n’est que palabres, vanité et poursuite de vent, pour les gens de la classe moyenne. Autant leur parler du sexe des anges, voire du nouveau taboulé « in », où le persil et la menthe sont remplacés par les feuilles fraiches de cannabis. On pourrait même virer le yansounn national (graines d’anis vert), et promouvoir les infusions de marijuana du pays, sous la marque « classe », Marie-Jeanne de la Bekaa. Le cannabis sauvera donc le Liban de la banqueroute. Et pourquoi pas, puisque la culture ancestrale de hachichit el keif pourrait être sérieusement légalisée pour financer la hausse des salaires des fonctionnaires libanais. Un politicien l’a même proposé. Tenez, on pourra même indemniser les locataires anciens. A défaut, elle permettrait d’oublier l’incompétence des députés libanais. De toute façon, ils ne sont plus à une stupidité près. Quand ceux qui sont censés représenter le peuple et défendre ses intérêts, cessent de remplir leurs fonctions, il est du devoir des citoyens de les licencier et de les remplacer. Je pense aux 128 députés libanais sans exception. Aucun ne mérite de retrouver son siège à la prochaine législature. Préparons nos candidatures. Ne vous inquiétez pas, on ne pourra pas faire pire ! 

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