Tayeb, on ne veut pas prendre ça avec humour, soit, on ne va plus en faire ! Toute
cette affaire Assir à Ouyoun el-Simane me rappelle la superbe campagne
publicitaire des whiskies du Clan Campbell du groupe Pernod-Ricard, réalisée
par BDDP & Fils en 2001: Vous entrez sur les Terres du Clan Campbell. C'est parce que certains profitent de l'affaire Assir pour nous projeter en 2023 et continuer leur campagne de dénigrement contre un projet électoral accepté par une partie de ce peuple, il est nécessaire de mettre les points sur les i sur l'affaire en question.
1. FAITS. Ahmad
el-Assir, un cheikh sunnite de Saïda, et 350 de ses compagnons, se sont dirigés
vers les Terres de Ouyoun el-Simane à l’occasion du « 3id mawlad el
Nabaoui el-Charif » (la naissance du Prophète Mahomet). Bé leilé ma fiya
daw qamar... Non, c’était en plein journée ! Pour diverses raisons -politique,
religieuse et économique- les fils
du Clan Kfarzébian leur ont barré la route, comme ils l'ont fait eux-mêmes dans leur fief, sur les Terres du Clan Assir, il y a peu de temps en barrant la route du Sud au Clan Nasrallah ! Il
a fallu de multiples contacts et l’intervention musclée des forces de l’ordre, pour
permettre au convoi d’atteindre la station de ski. A l’arrivée, après cette vive
émotion, la confrontation et toute l’incompréhension, de part et d’autre, à l’heure
de la prière, cheikh Assir et son bataillon de fidèles, ont récité la sourate d’ouverture
du Coran, la Fatiha, sur les Terres du Clan des maronites de Kfarzébian. Quoi penser
de tout cela ? Eh bien, mes chers
Kfarzébianais et Assiriens, méditez ce constat gratuit de BB himself : « Je pense que le Mont-Liban et les Terres
du Kesrouan se foutent pas mal de toute cette mascarade de petits esprits qui s’est déroulée
le 24 janvier 2013 entre vous aux pieds de ses majestueuses collines enneigés
de Ouyoun el-Simane. » Mais malgré tout, que les prières sincères
soient entendues !
2. AU-DELA DES FAITS. Disons-le d’emblée, à part se divertir, Ahmad el-Assir voulait lancer sa campagne électorale ! Cible prioritaire (à gagner): son électorat sunnite de Saïda (on revient au nuisible vote communautaire en bloc !). Cible secondaire (à provoquer): Michel Aoun. Dégâts : Courant du Futur. Dommages collatéraux : Forces libanaises & Kataeb. Bilan des courses : il a parfaitement réussi ce launching spectaculaire grâce à « Kfarzébian & Fils » ! L’arrière-pensée politique et la provocation gratuite de ce cheikh salafiste sont condamnables, mais toute la suite l’est tout autant.
3. PROFIT. A part réagir, certains, disons franchement, tous les candidats-rapaces pour les 5 sièges maronites du Kesrouan, y compris les candidats du Courant patriotique libre et les féodaux de la région, ont profité de l’occasion pour greffer leur campagne électorale sur la campagne d’Assir, ou au moins pour exploiter à fond la caisse cet incident. Enfin, mes chers opportunistes de tout poil, prenez ce conseil gratuit de BB himself : « on n’attise pas le feu sans se bruler les doigts ! »
4. DEMAGOGIE. « L’incident ne devrait pas se répéter. Nous avons réussi cette fois à régler le problème, mais ceci sera plus difficile à l’avenir si ce genre d’incident devait se répéter. Nous avons évité un nouveau bus de Aïn el-Remmaneh ». Une déclaration signée, Michel Aoun himself. Admettons. Mais 2 questions : quels sont les preuves que les 350 compagnons d’Assir étaient armés comme les Palestiniens du sinistre bus le 13 avril 1975 et s’il y en avait -le ministre de l'Intérieur a bel et bien démenti l'info!- pourquoi le barrage de l’armée libanaise de Faqra les a laissé passer (enfin, depuis Saida, le convoi a dû être contrôlé au moins par deux barrages de l’armée libanaise avant d’atteindre Ouyoun el-Simane) ? Aoun a rajouté : « Assir insulte toutes les personnalités libanaises dans ses discours. Il m’a personnellement attaqué plusieurs fois, il a aussi attaqué Hassan Nasrallah et Nabih Berri. Voilà pourquoi certains jeunes ont voulu bloquer la route devant son convoi. » D’accord, mais il y a des tribunaux pour porter plainte, nous ne vivons pas dans une ferme ! Enfin, mon cher Michel, prend ce conseil gratuit de BB himself : « la démocratie a horreur de la démagogie ! »
5. MAUVAISE FOI. Hélas, il n’y a pas que les candidats à la députation au Kesrouan qui ont tenté de récupérer l’affaire Assir et la mettre à profit ! Selon certains opposants au projet de loi électorale sur le « vote intracommunautaire », notamment Nadim Koteich, l’incident isolé d’hier à Kfarzébian, pourrait bien se généraliser au Liban en 2023 ! 10 minutes pour essayer de nous en convaincre, en vain. Désolé, mais la mauvaise foi du journaliste, qui travaille pour la chaine du Courant du Futur -il faut tout de même le rappeler- est flagrante. Cheikh Ahmad el-Assir a parfaitement le droit de circuler librement sur le territoire libanais. Il n'est nullement besoin de s'attarder sur ce point. Cependant, nous avons le droit aussi de douter de la sincèrité du motif de sa visite, « profiter de la neige et faire du ski ». La mise à l'écart des femmes et des enfants lors de cette virée de 350 personnes, constitue une preuve supplémentaire du caractère politique et provocateur de la visite, que celui-ci soit secondaire ou principal n'a pas beaucoup d'importance. C'était un meeting électoral, ma3lé mich 3layna.
En tout cas, je rappelle que le projet de « vote intracommunautaire » n’a vu le jour qu’à cause de la violation chronique de la démocratie libanaise caractérisée par le vote en bloc des communautés libanaises et la mauvaise représentation des communautés chrétiennes au Parlement libanais, et parce que le Courant du Futur, Walid Joumblatt et les partis chiites, Hezbollah et Amal, rejettent les petites circonscriptions, les 2 premiers refusant catégoriquement la proportionnelle, seules alternatives sérieuses pour corriger partiellement la tare de la démocratie libanaise, car tous ces projets diminueraient leurs poids électoraux ! Toute cette exploitation est fort regrettable.
Je comprends que ceux du 14 Mars qui applaudissaient autrefois énergiquement cheikh Assir pour avoir prononcé 3 mots virulents à l’encontre du Hezbollah et 2 mots gentils à l’adresse des chrétiens, doivent grincer des dents en ce moment, vu l’importance que prend le courant salafiste du cheikh religieux Ahmad el-Assir à Saïda au détriment du courant civil du cheikh Saad Hariri. Mais de là, à brandir l’épouvantail de l’incident d’hier pour faire peur aux défenseurs du projet du vote intracommunautaire et les culpabiliser, franchement, c’est de la malhonnêteté intellectuelle. Le problème est ailleurs. Mon cher Nadim, Ahmad el-Assir, représente un courant politique extrémiste qui a trouvé sa cible sunnite facilement car tout simplement la rue sunnite en avait marre des compromis avec le Hezbollah et parce que la nature a horreur du vide. Faut-il rappeler que le leader de la communauté sunnite, chef de l’opposition du 14 Mars, est en black-out depuis 2 ans ? Maa2oul !
Quant à la déconfessionnalisation des esprits, aussi bien à Kfarzébian, à Achrafieh, à Saida, à Moukhtara ou à Baalbeck, pas la peine de se voiler la face, le consensus national est de ne rien faire. Sinon, que les partis politiques libanais, notamment le courant du Futur, nous prouvent le contraire en intégrant l'instauration du mariage civil au Liban dans leur programme politique pour les élections de juin!
6. COMPARAISON. Ahmad el-Assir est le pendant chiite de Hassan
Nasrallah, toute proportion gardée. Ne pas perdre
de vue, le premier a quelques centaines de fidèles et de fonctionnaires dévoués
à leur cheikh, mais aucun député ou ministre, le second a une dizaine de
milliers de miliciens lourdement armés
-kalachnikovs, missiles et drones- des fonctionnaires, des députés et des
ministres dévoués au Hezbollah et au Wali el-Fakih. Salafistes vs mollahs,
bienvenue à l’exploitation politique de la religion musulmane. Matière à réflexion : la proposition
de sayyed Ali el-Amine qui suggère d’interdire tout parti politique
qui se base sur la religion. Ça serait le début de la révolution religieuse au Liban. Personne n’en veut pour l’instant.
7. RAPPEL. Tout le monde devrait se souvenir, quand même, que Hassan Nasrallah himself, l’actuel secrétaire générale du respectable Hezbollah, alias la « Résistance », l’allié de Michel Aoun, avait déclaré il y a quelques années lors d’une conférence de presse sur l’établissement d’une République islamique chiite au Liban que « Kesrouan et Jbeil était des terres musulmanes ».
7. RAPPEL. Tout le monde devrait se souvenir, quand même, que Hassan Nasrallah himself, l’actuel secrétaire générale du respectable Hezbollah, alias la « Résistance », l’allié de Michel Aoun, avait déclaré il y a quelques années lors d’une conférence de presse sur l’établissement d’une République islamique chiite au Liban que « Kesrouan et Jbeil était des terres musulmanes ».
Et pendant que les
Libanais de toutes confessions pataugent tous dans la neige immaculée du
Mont-Liban, si par malheur et par insouciance, il vous arrive de s’aventurer
au-delà de la paisible station de Ouyoun el-Simane, et avant même d’arriver au 1er
virage avec vue panoramique sur la Bekaa, à 5 minutes en voiture de la station
de ski, sachez mes chers compatriotes, que « Vous
entrez sur les Terres du Clan Hezbollah », vous pourrez être arrêtés et interrogés à tout moment par la milice chiite
pour des « motifs sécuritaires ».
Nos chers députés du Kesrouan et nos
encore plus chers candidats à la députation, soucieux des droits des
communautés chrétiennes, feraient mieux de prévenir les vacanciers insouciants du
danger qui les guettent au 1er virage s’ils franchissent la ligne qui
sépare l’Etat libanais des Terres du Clan Hezbollah à Ouyoun el-Simane !
9. SOUHAIT. Nous aimerions voir aussi, « Cheikh Assir fait du tourisme » à Baalbeck ou à Da7iyé,
à Baakline ou à Beiteddine, un film à réaliser de préférence sans aucune
concertation préalable avec Hassan Nasrallah et Walid Joumblatt, en toute improvisation comme dans « Cheikh Assir fait du ski », avec 350
personnes comme figurants qui prieront pour le renforcement de la coexistence islamo-chrétienne au
pays du Cèdre et des 17 communautés ! Je présume que ça pourrait faire un
bon scénario. On aimerait voir également Sayyed Hassan Nasrallah avec 350 fidèles prier à Saïda, Michel Aoun à Tripoli, Samir Geagea à Bint Jbeil et Samy Gemayel à Harit Hreik, chacun débarquant à l'improviste avec 350 sympathisants pour prier et renforcer la coexistence islamo-chrétienne. Tout le monde sait que ce qui s'est passé à Kfarzébian peut avoir lieu dans d'autres régions avec d'autres acteurs et dans des situations similaires conduire à des affrontements plus graves. Oui nous aimerions tous renforcer cette coexistence, SAUF qu'on ne fait pas assez pour cela. On
méprise le désir des communautés chrétiennes d'avoir une meilleure
représentation parlementaire tout en se gargarisant de notre démocratie, on dénigre le consensus interchrétien des grands partis tout en refusant les projets des petites circonscriptions et la proportionnelle, on a la prétention de s'atteler à la déconfessionnalisation du pays en s'imaginant la création d'un Sénat, confessionnel de surcroît, alors qu'on n'ose pas rendre le mariage civil obligatoire et le mariage religieux facultatif. Non mais bon Dieu, on s'imagine aller où avec ce déni profond de la réalité du terrain de notre bien-aimé Liban ?
10. PRECISIONS. Deux, pas plus. La première. Quand « Vous entrez sur les Terres des clans communautaires », le nombrilisme remplace la citoyenneté ! La deuxième. Quand « Vous entrez sur les Terres du Clan Hezbollah et du Clan Salafiste », le spirituel remplace le spiritueux. Cela va sans dire. Faut quand même pas pousser le bouchon trop loin! Enfin, dans tous les cas, « L'abus de nombrilisme comme de spirituel au pays du Cèdre et des 17 communautés, est dangereux pour la santé individuelle et nationale. A consommer donc avec modération ».
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