mardi 25 juin 2019

Pendant que les Libanais se chamaillent sur une « décision municipale », les « deals du siècle » de Trump et d’Assad implanteraient deux millions de Palestiniens et de Syriens au Liban (Art.622)


Le conseil municipal de Hadath, une ville limitrophe de Beyrouth, a pris la décision d’interdire la vente et la location de biens immobiliers à des ressortissants non chrétiens. Tout le monde est sous le choc, sauf que ce n’est même pas nouveau, ça date de 2010. Un cas récent a remis l’affaire sur le devant de la scène. Etant donné la gravité du sujet, neuf réflexions s’imposent.


 1  Comment on est arrivés à interdire aux Libanais musulmans de louer et d'acheter des biens dans une « ville chrétienne »?


Pour justifier sa décision, le conseil municipal invoque l’extension démographique musulmane chiite de la Banlieue-Sud de Beyrouth vers cette ville chrétienne maronite du sud du caza de Metn. On serait passé d’une ville chrétienne à 100% autrefois à une ville chiite à 60% de nos jours. Sa voisine, Haret Hreik, la ville natale du président de la République, Michel Aoun, était d’ailleurs entièrement chrétienne. Aujourd’hui, c’est un fief du Hezbollah chiite, ses habitants chrétiens se sont installés au Metn et au Kesrouane. Pour reprendre un terme abjecte cher à l’extrême droite, on aurait donc affaire à un « grand remplacement ».

 2  De la xénophobie à la discrimination : le cheminement habituel de la pensée extrémiste


Hier, on protestait contre les étrangers de nationalité syrienne. Aujourd’hui, cela concerne les Libanais de confession chiite. Demain, ça touchera les Libanais chrétiens de confessions orthodoxe et arménienne. Et surtout ne croyez pas qu’on s’arrêtera en si bon chemin! Après, la méfiance s’installera à l’égard des chrétiens maronites du Kesrouane. Plus tard, ça sera contre les chrétiens des quartiers nord de Hadath. Un jour ça pourrait être contre les autres familles chrétiennes de la ville qui n’appartiennent pas à tel clan ou tel parti.

La méfiance interrégionale n’est pas une spécialité libanaise. Prenez l’Italie par exemple, les gens du Nord se déclarent comme de grands travailleurs et considèrent les gens du Sud comme des fainéants. Pour l’instant, le Milanais, Monsieur-adore-le-Nutella (Salvini), est occupé par les étrangers. Quand il aura fini avec eux, il se retourna contre les Siciliens et ainsi de suite. Une chose est sûre, tous les extrémistes, de toutes nationalités, religions et idéologies, fonctionnent exactement de la même manière.

 3  Et si la municipalité de Hadath faisait ce que beaucoup de municipalités libanaises aimeraient faire? 


La décision municipale à Hadath ne suscite pas de tollé politique au Liban, à part les protestations d’usage. Ceci s’explique par deux raisons principales.

• D’une part, parce qu’on a connu la pire incarnation de la discorde au Liban, la guerre civile. Depuis que toutes les communautés libanaises sans exception aucune (chrétiennes, sunnites, druzes et chiites) se sont alliées à des forces étrangères (respectivement Israël-Syrie, Palestine-Syrie, Palestine-Syrie et Iran-Syrie), ont pris une part active à la guerre, plus aucune guéguerre ne peut étonner au pays du Cèdre. Alors les beaux discours sur la cohabitation sonnent parfois creux ou dans le vide.

Municipalité de Hadath (2011) :
"Ne vend pas ton appartement,
ne vend pas ta terre,
la municipalité ne signera pas pour toi"
• D’autre part, la municipalité de Hadath a exprimé tout haut ce que pensent une frange de chrétiens libanais tout bas. Pire encore, la municipalité de Hadath fait tout bas, ce que voudraient faire tout haut, font déjà ou feraient s’il le faut et le moment venu, beaucoup de municipalités libanaises, de toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, chrétiennes, sunnites, druzes et chiites, dans les contrées limitrophes mixtes. Assez d’hypocrisie.

 4  Allez acheter markad 3anzéh bi jabal lebnan, une baraque et un lopin de terre dans le Chouf par exemple!


Niyélo! Comme dit l'adage libanais. Heureux certes, mais encore faut-il pouvoir le faire quand on n'en a pas ! Au Kesrouane, aucun souci, comme en témoignent l'urbanisation sauvage et le bétonnage al-akhdar wel yébiss. Par contre, et c’est un secret de Polichinelle, il est très difficile d’acheter cheberr 2ard aw marqad 3anzéh, un lopin de terre ou une baraque, dans une région du Mont-Liban dominée par les druzes comme le Chouf, quand on n’est pas druze. La communauté est réputée d'être très attachée à ses terres et c'est tout à son honneur. Mais il faut souligner tout de même que si par malheur une vente indésirable advient, celle-ci a une chance non négligeable d’être bloquée au niveau administratif par de mystérieuses interventions.

Oh mais ce n’est pas tout. Après les massacres anti-maronites de 1977 et 1983 (suite à l’assassinat de Kamal Joumblatt par les Syriens et le retrait des forces israéliennes), beaucoup de chrétiens du Chouf n’ont plus osé revenir dans leurs villages, même après la fin de la guerre (1990), la réconciliation historique et sincère christiano-druze entre le patriarche maronite Nasrallah Sfeir et le chef druze Walid Joumblatt (2000), le retrait des forces syriennes (2005) et la courte cohabitation de Walid Joumblatt avec Samir Geagea dans le camp du 14-Mars (2005-2008). Et parce que les souvenirs douloureux les empêchaient d’en profiter pleinement, certains d’entre eux étaient tentés par la vente de leurs biens, d’autant plus que le foncier avait pris de la valeur entretemps.

Ohlala, ce fut l’alerte générale sur le front sud car les acheteurs potentiels pouvaient être de confession chiite. On raconte qu’à partir de ce moment-là, les chrétiens du Chouf étaient chouchoutés par leurs compatriotes druzes, pour les dissuader de vendre à leurs compatriotes chiites. Chuuut, ça doit rester entre nous. En tout cas, le beik a évoqué la pression démographique chiite sur le Chouf plus d’une fois dans le passé, sans que cela ne suscite autant de réactions hostiles comme c’est le cas aujourd’hui avec la décision de la municipalité chrétienne.

 5  Une double violation de la Constitution libanaise et des libertés fondamentales des Libanais, musulmans et chrétiens


Le président du conseil municipal de Hadath a menacé de démissionné si l'Etat l'empêchait d'appliquer sa décision. Et alors? L’alinéa I du préambule de la Constitution de la République libanaise est parfaitement clair à ce sujet : « Le territoire libanais forme une terre unique pour tous les Libanais. Tout libanais a le droit de résider sur n’importe quelle partie de celui-ci et d’en profiter sous la protection de la loi. Il n’est point de discrimination entre la population fondée sur une quelconque allégeance, ni de division, de partition ou d’implantation. » Ainsi et sans l’ombre d’un doute, la décision de la municipalité de Hadath est nulle et non avenue, Georges Aoun peut carreler la mer.

De la même façon, si demain un conseil municipal dominé par des citoyens de confession musulmane décidait d’interdire aux gens de manger sur la voie publique dans la journée pendant le mois de ramadan ou de vendre de l’alcool, ses décisions seraient nulles et non avenues sur la base de l’alinéa C de la Constitution libanaise : « Le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et en premier lieu, la liberté d’opinion et de conscience ».

Et ce n’est pas tout, interdire à des ressortissants de confession musulmane de louer et d’acheter des biens à Hadath, revient en fait à empêcher des ressortissants de confession chrétienne de mettre leurs biens en location et en vente, ce qui constitue une violation de l’alinéa F de la Constitution libanaise : « Le régime économique (au Liban) est libéral, il garantit l’initiative individuelle et la propriété privée ».

Ainsi, la décision de la municipalité de Hadath constitue une double violation de la Constitution de la République libanaise et des libertés fondamentales qui en découlent, des musulmans et des chrétiens à la fois, le comble.

 6  Les deux cas de figure à Hadath : le citoyen Hassan et le militant Hussein 


Résumons la situation et disons qu’il existe deux cas de figure à Hadath.

• D’un côté, imaginons un dénommé Hassan, ressortissant libanais de confession chiite, décidant de s’installer à Hadath pour des raisons personnelles, s’éloigner de la pollution urbaine beyrouthine ou s’entourer de compatriotes chrétiens. Rien, absolument rien, dans l’état actuel de la législation en vigueur au Liban ne permet de s’opposer à cela. De ce fait, la décision de la municipalité est invalide.

• D’un autre côté, imaginons un dénommé Hussein, ressortissant libanais de confession chiite, décidant de s’installer à Hadath pour des raisons politiques, étendre le fief du Hezbollah de la Banlieue-Sud vers la route de Damas. Dans ce cas, il y a clairement un bug. Le conseil municipal de Hadath est contrôlé par Georges Aoun, qui a remporté les élections grâce au Courant patriotique libre (Aoun-Bassil), un parti chrétien qui a signé en 2006 une alliance avec le Hezbollah, et qui depuis, a choisi de se placer politiquement dans le camp du 8-Mars, avec comme principaux alliés, le duo chiite, le Hezbollah (Hassan Nasrallah) et Amal (Nabih Berri). Le choix de Hussein de s'installer à Hadath confirme donc les limites de l’entente politique de Mar Mikhaël : les intérêts du Hezb l’emportent sur ceux du CPL. A vrai dire, ce n’est pas la première fois qu’on en a la preuve.

Le président du conseil municipal de Hadath, Georges Aoun (élu avec le soutien du CPL), entouré par les alliés chiites du Courant patriotique libre, Ali Ammar (Hezbollah, à sa droite) et Ali Bazzi (Amal, à sa gauche)

 7  Hadath aujourd'hui : des chrétiens vivant dans la peur du changement démographique et des musulmans étrangers dans leur propre pays


Il est toujours inefficace de dire à un honnête citoyen libanais chrétien qui a peur du déséquilibre démographique islamo-chrétien, tu n’as pas de raison d’avoir peur, on a arrêté de compter. Ce n’est pas suffisant. Il est dangereux de faire sentir à un honnête citoyen musulman qu’il est étranger dans son propre pays. Le Liban ne progressera pas que si et seulement si ses 18 communautés raisonnent d’une manière collective, dans l’intérêt général et lorsque chaque communauté sera capable de se mettre à la place des autres.

Le « changement démographique » préoccupe certains, à tort ou à raison, qu’importe, le résultat est le même. Il est nourri par beaucoup d’éléments, à commencer par le vote communautaire en bloc lors des élections législatives et municipales (les communautés libanaises votent pour les partis communautaires correspondants), la lutte acharnée pour les nominations ministérielles et administratives (le fameux partage du gâteau entre les partis communautaires) et l’adhésion absolue et permanente des communautés aux partis correspondants (quelles que soient les erreurs commises).

Cette préoccupation touche davantage les groupes communautaires minoritaires chrétiens et druzes pour des raisons évidentes. Mais il serait bien naïf de croire que le phénomène se limite à ces derniers. Il n’y a qu’à aller faire un tour à l'Est, Ersal-Labwéh, dans le Sud, à l’Est de Saïda, dans le Nord, du côté des cazas Akkar-Hermel, et même à Beyrouth, pour comprendre que les tensions à caractère démographique touchent toutes les régions limitrophes mixtes et concernent aussi les communautés majoritaires sunnites et chiites.

Hélas, tant quand on n’arrivera pas à débarrasser les Libanais de leur appartenance identitaire religieuse, le formatage des esprits restera communautaire. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner ni des actions ni des réactions, ni de la confiance qui fait défaut parfois ni de la défaillance qui est de mise des fois. De part et d’autre, il faut comprendre qu’on ne fera pas disparaitre la notion de « changement démographique » en décrétant simplement qu’elle n’existe pas et on ne résoudra pas le problème par le bannissement et la discrimination. Les deux attitudes conduiront exactement à l’effet inverse de ce qui est escompté.

 8  Du « changement démographique » à la « continuité territoriale » : la stratégie du Hezbollah


La crainte du « changement démographique » est exacerbée par la volonté flagrante du Hezbollah d’agir de tout son poids politique et milicien sur trois axes, afin d’établir une « continuité territoriale » :

• nationale : entre toutes les régions libanaises où résident des communautés chiites, Beyrouth, Sud-Liban, Nabatiyeh, Bekaa, Baalbek, Hermel et Mont-Liban (un tour en haute montagne du côté des autres cazas à dominante chrétienne de Kesrouane et de Jbeil est suffisant pour comprendre la réalité du phénomène sur le terrain) ; que les ressortissants chiites qui cherchent à s’installer à Hadath soient dans le cas de Hassan ou de Hussein (voir point 6), tout le monde sait, on ne va pas se voiler la face, grâce à l’hégémonie exercée sur la communauté chiite, le Hezb tire profit de la situation dans les deux cas, d'où la méfiance générale ;

• transnationale : entre les deux versants de l’Anti-Liban càd les régions libanaises chiites à l’Ouest et les régions syriennes chiites de l’Est (d’où le caractère vital de l’intervention massive du Hezbollah dans la guerre en Syrie malgré les lourdes pertes humaines et financières) ;

• régionale : entre tous les pays du Moyen-Orient où résident des communautés chiites, afin de refermer le « croissant chiite » (Iran-Irak-Syrie-Liban-Yémen-Bahrein) sur les adversaires sunnites de la République islamique chiite d’Iran, les pays du Golfe (notamment l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis).

C’est la triste réalité de la géopolitique moyen-orientale où les intérêts des individus sont supplantés par ceux de la communauté, l'homogénéité de celle-ci conditionne l'efficacité de l'action politique.

 9  Grâce à Trump et Assad, le Liban aura droit non pas à un mais à deux « deals du siècle »: une double aubaine et des dizaines de milliards de dollars, mais à quel prix?


Et pendant ce temps, où les enfants de la patrie se chamaillent pour savoir qui s’installe où, deux « deals du siècle » sont en train de façonner le Moyen-Orient, pour les siècles des siècles.

• Le premier « deal du siècle » est officiel, il est défendu par les Etats-Unis de Donald Trump. Il comporte deux volets. Le volet économique révélé il y a quelques jours, consistera à injecter plus de 50 milliards de dollars dans les économies de la région, la Palestine, l’Égypte, la Jordanie et le Liban. On dénombre 200 projets économiques, théoriquement réalisés en faveur des Palestiniens, avec comme objectif principal, résoudre l’équation « De la paix à la prospérité ». Le sujet est actuellement abordé à Bahreïn (25-26 juin), en l’absence des principaux intéressés, les Palestiniens ! Excellent, sauf que le bouffon de Washington n’a qu’un plan en tête, soulager l’Etat hébreux, qui n’aura même pas à mettre la main à la poche, malgré la colonisation et la spoliation des terres palestiniennes depuis le premier congrès sioniste organisé en 1897. Oncle Sam a fini par l’avouer, les pays arabes et européens devront payer les factures.

Et qu’en est-il du volet politique ? On n’en saura rien avant novembre. Normal, c’est la carotte d’abord. Qu’adviendra-t-il de « la terre » (contre la paix) ? Le paramètre est a priori sorti de l’équation. Quid des réfugiés palestiniens ? Exit aussi, les descendants de réfugiés ne sont pas des réfugiés, c’est le point de vue israélien depuis des décennies. Ce plan concocté par Jared Kushner le plus fidèle ami d’Israël à la Maison Blanche, conduira de facto à l’implantation des réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil. L’affaire sera donc classée pour le plus grand bonheur et dans l’intérêt principal de l’Etat hébreux.

Dans les détails, le plan Trump-Kushner-Netanyahou, eh oui!, prévoit des investissements de 27,813 milliards de dollars en Cisjordanie et à Gaza, 9,167 milliards en Egypte, 7,365 milliards en Jordanie et 6,325 milliards au Liban. Au pays du Cèdre, les projets concerneront les infrastructures, le transport, les routes, l’aéroport Rafic Hariri et les ports de Tripoli et de Beyrouth. Y a-t-il un quelconque rapport direct avec les Palestiniens? Aucun. Au risque de radoter disons encore que c'est la carotte. Quel sera le prix à payer pour le Liban ? Justement, l’implantation des réfugiés palestiniens, de facto ou de jure, en violation de la Constitution de la République libanaise.

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a annoncé à la fin de l’année 2017, qu’il n’y a au Liban que seulement 174 422 réfugiés palestiniens, d’après un « recensement officiel » svp, réalisé par le Comité de dialogue libano-palestinien, la Direction centrale libanaise des statistiques et le Bureau central palestinien de recensement et de statistique. Un résultat étonnant qui a amené le chef du gouvernement à s'en réjouir, ce chiffre étant bien inférieur aux déclarations alarmistes de certains qui parlaient d'un demi-million d'individus. On s’est ingéniés par la suite pour l’expliquer soi-disant par l’émigration récente et la naturalisation ancienne, deux allégations insensées puisque les portes des ambassades ne sont pas spécialement ouvertes aux réfugiés palestiniens et la naturalisation de ressortissants palestiniens est interdite par la Constitution libanaise. Toujours est-il qu'à peine ce chiffre inquiétant dévoilé, on a changé de sujet.

Et c'est comme ça qu'on a passé sous silence et dans l'indifférence générale des responsables politiques et des représentants de la nation, de toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, chrétiennes comprises, un fait capital qui pourrait expliquer ce chiffre saugrenue, le recensement ne concerne que les « camps de réfugiés » et les zones se situant autour de ces « villes » dans les villes. De ce fait, il est bidon et ne peut en aucun refléter réellement le nombre de Palestiniens présents sur le territoire libanais.

Ainsi, on ne peut que se poser des questions sur les raisons de ce recensement bâclé réalisé sous la direction du gouvernement libanais et du timing. Pourquoi ? Est-ce pour améliorer les conditions de vie des réfugiés palestiniens ou pour tromper les Libanais et mieux faire passer la pilule de leur implantation au Liban? Je viens de le vérifier à l’instant, il y a 469 555 Palestiniens enregistrés officiellement au Liban auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Cherchez l’erreur. Hélas, l’implantation des Palestiniens au Liban n’a jamais été aussi concrète.

Pour le gouvernement libanais il n'y a que 174 422 réfugiés palestiniens (chiffre annoncé fin 2017), alors que pour l'UNRWA, 469 555 personnes sont officiellement enregistrées comme "réfugiés palestiniens" au Liban (vérification réalisée le 25 juin 2019). Cherchez l'erreur !

• L’autre « deal du siècle » est officieux. Il est défendu par Bachar el-Assad. Il consiste à faire baver certains leaders libanais, en leur faisant miroiter qu’ils sont en pole position pour prendre part au gigantesque chantier de la reconstruction de la Syrie, estimée à plus de 400 milliards de dollars. Excellent, sauf que la guerre n'est pas finie et le financement arabo-occidental ne viendra pas tant qu'il n'y aura pas de solution politique en Syrie.

Pire encore, le deal syrien comporte un volet secret et non avoué. Il faut dire que le tyran de Damas n’a qu’un plan en tête, soulager le régime alaouite et assurer sa pérennité par tous les moyens, en retardant, en compliquant et en empêchant le retour des déplacés syriens dans leur pays. Un tel plan machiavélique lui permettra à la fois d’officialiser le vaste nettoyage ethnique pratiqué depuis huit ans, se débarrasser de plusieurs millions de ressortissants syriens sunnites (dont 1,5 million de personnes installées au Liban), diminuer le risque d’opposition à l’avenir et réaliser le rêve de la tyrannie des Assad père et fils, la colonisation du Liban à travers les réfugiés et les déplacés syriens, en attendant une annexion de facto ou de jure du pays du Cèdre.

Et voilà comment pendant que les Libanais se chamaillent sur une « décision municipale » abjecte, les « deals du siècle » de Donald Trump et de Bachar el-Assad implanteraient près de deux millions de Palestiniens et de Syriens dans un pays de plus de quatre millions d’habitants. Et dire que dans les « deux deals du siècle », on trouve des « idiots utiles » au Liban pour applaudir et disserter sur la double « aubaine ». Et pourtant, si les projets américain et syrien réussissent, le Liban cessera d’exister. Au moins comme nous l’avons connu. Le « changement démographique » sera d’une autre nature et d’une toute autre ampleur que ce qui se passe à Hadath. Et ce jour-là, les « si j’avais su » et « on aurait dû » ne serviront à rien. Pas plus que les larmes de crocodiles et les grincements de dents des responsables politiques. Quant au peuple libanais, il pourra s’en mordre les doigts pour ne pas avoir agi à temps et n’aura que les yeux pour pleurer une contrée bénie des dieux jadis.

Cause perdue? Non, à condition de nous ressaisir enfin et nous unir dans l'intérêt suprême de la patrie pour rejeter catégoriquement ces cadeaux empoisonnés offerts par le bouffon de Washington et le tyran de Damas.