mardi 26 septembre 2017

Je crains que Michel Aoun, ainsi que Saad Hariri et Samir Geagea aussi, ne soient très mal informés au sujet des visées du Hezbollah au Liban! L'interview choc du président libanais au Figaro (Art.469)


 1  MICHEL AOUN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, OUI MAIS...

Pas de chichi s'il vous plait. Je vous en prie, n'hésitez pas à rajouter Gebran Bassil au titre, au même titre et à titre de porte-drapeau et de porte-flambeau de la nouvelle alliance du Courant patriotique libre et du Hezbollah. Ne vous gênez surtout pas pour leur accoler Samir Geagea et Saad Hariri, deux leaders méritants qui se sont donnés beaucoup de mal pour offrir aux Libanais un président pro-Hezbollah et le choix entre Michel Aoun et Sleimane Frangié. On peut y mettre naturellement Nabih Berri, l'inséparable de la milice chiite et du perchoir, ainsi que Walid Joumblatt, la girouette déboussolée.

Ce n'est pas pour me vanter, il n'y a pas de quoi me diriez-vous, j'étais la première personne au Liban à suggérer l'idée que le camp dit du 14-Mars propose à Michel Aoun son élection comme président de la République. Je l'avais fait des lustres avant que le chef du parti des Forces libanaises, et plus tard, le chef du Courant du Futur, ne l'acceptent, respectivement en mai 2014, janvier 2016 et octobre 2016. A la différence de Geagea et de Hariri, j'avais conditionné ce virage révolutionnaire à la rupture de l'alliance entre Aoun et Nasrallah. Hélas, je n'ai pas été entendu.



 2  MICHEL AOUN JUSTIFIE ENCORE « L'ANOMALIE » DE LA SITUATION DU HEZBOLLAH

Dans une interview accordée au quotidien français Le Figaro et publiée dans l'édition du weekend, la veille de sa visite en France, Michel Aoun s'est ingénié pour justifier « l'anomalie » que la situation de la milice chiite constitue au Liban depuis 1990. Ses déclarations posent trois problèmes aux Libanais et au reste du monde.

Le premier c'est que celles-ci semblent refléter des convictions ancrées profondément plutôt que des opinions superficielles passagères. Il serait fastidieux et inutile de dresser une liste exhaustive de tout ce que Michel Aoun a dit et fait depuis 2006 pour défendre son allié. Ce n'est pas la peine. Nous sommes au-delà. Depuis son élection en octobre 2016, certains, comme Geagea et Hariri justement, ont espéré que l'habit présidentiel fera de Michel Aoun un moine souverainiste et que la stature de la présidence lui permettra d'avoir du recul et de prendre de la hauteur, par rapport aux choix politiques erronés qu'il a pris en tant que chef du CPL, de 2005 à 2016. Hélas, ces personnes déchantent aujourd'hui, mais n'osent toujours pas faire le constat de leur échec.

A propos de l'accord conclu avec Hassan Nasrallah en février 2006, Michel Aoun précise aux lecteurs Français et Libanais du Figaro que les deux parties se sont engagés à « respecter en tout point la Constitution libanaise ». Ah bon et quid du déclenchement de la guerre de Juillet quelques mois après, de l'invasion de Beyrouth en 2008, du boycott de 44 séances électorales entre 2014 et 2016 et de l'existence même d'une milice armée évoluant en parallèle avec l'armée nationale depuis la fin de la guerre en 1990? Concernant la guerre de Juillet 2006 justement, Aoun déclare que « c'est un incident de frontière classique qui a dégénéré de la faute d'une surréaction israélienne (…) des incidents de ce genre (violation du territoire israélien), il y en a très fréquemment ». Peut-être bien sauf que l'incident de frontière a été déclenché par le Hezbollah, sans consultation de quiconque de l'Etat libanais, et qu'il a couté au Liban plus de 1 200 morts, 750 000 déplacés et l'équivalent de 50% du PIB de l'époque, une dizaine de milliards de dollars, dans le but de libérer un dénommé Samir Kuntar, un libanais ayant mené une opération palestinienne en Israël en 1979, condamné pour le meurtre d'une fillette israélienne de quatre ans avec la crosse de son fusil et mort en Syrie dans les bras de Bachar el-Assad. Sur le désarmement du Hezbollah comme les autres milices libanaises, le président prétend que « le Hezbollah n'utilise pas ses armes dans la politique intérieure, elles ne servent qu'à assurer notre résistance à l'Etat d'Israël ». C'est à croire que nous ne vivons pas dans le même pays. Et quid de la guerre fratricide avec la milice de Nabih Berri entre 1986 et 1990 (certaines sources parlent de 2 500 morts) pour le contrôle des régions chiites libanaises (Sud du Liban, Sud-Beyrouth et la Bekaa), de la mini guerre civile de 2008 à Beyrouth et au Mont-Liban, ou même de l'évacuation manu militari des jihadistes de Daech et de Nosra du mont Anti-Liban en 2017?

 3  LE PRÉSIDENT S'EXPRIME COMME SI LE LIBAN N'A NI ARMÉE NI CONSTITUTION

Pour le président de la République, « on ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu'Israël ne respectera pas les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ». Et pour cause, « Israël aurait le droit de faire la guerre comme il veut et quand il veut, tandis que les autres n'auraient pas le droit de garder des armes pour se défendre? Non, ce n'est pas possible! » C'est la deuxième déclaration de ce genre publiée dans la presse internationale en moins d'une semaine. Michel Aoun n'essaie même pas d'esquiver la question, il dit et redit, haut et fort, urbi et orbi, que le Liban qu'il représente et qui est le leur, mais pas le mien ou le vôtre, ne mettra pas fin à « l'anomalie » que constitue le Hezbollah au Liban. Et il est là le deuxième problème. Michel Aoun s'exprime encore une fois, et pour la énième fois, comme si le Liban n'a ni armée ni diplomatie pour le défendre des menaces israéliennes, comme si la République libanaise n'a ni lois ni Constitution qui exigent le désarmement et la dissolution de la dernière des milices libanaises, conformément à l'accord de Taëf et aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, 1559 et 1701, et comble du malheur, comme s'il n'est toujours pas président de la République libanaise, « commandant en chef des forces armées », en charge de veiller au « respect de la Constitution », qui a prêté serment de fidélité à la nation et devant le Parlement et qui a juré devant Dieu « d'observer la Constitution et les lois du peuple libanais ».

 4  MICHEL AOUN : LE HEZBOLLAH RESPECTE LA SOUVERAINETÉ LIBANAISE DEPUIS LA SIGNATURE DU DOCUMENT D'ENTENTE

Quant au troisième problème, il est beaucoup plus grave, il concerne l'appréciation de Michel Aoun des choix politiques du Hezbollah au Liban et en Syrie. A la question de savoir quelle est sa stratégie par rapport à la guerre en Syrie, Michel Aoun a affirmé que celle-ci consistera à « garder les frontières libanaises pour nous protéger du terrorisme » et à « distancier le Liban par rapport aux problèmes politiques internes à la Syrie ». Excellent mon général sauf que ce n'est ni ce qui s'est passé, depuis 2012, ni ce qui vient de se passer, en 2017. Après une écrasante victoire de l'armée libanaise sur l'organisation terroriste Etat islamique et la libération des territoires qu'elle occupait au Liban, le Hezbollah et le régime syrien se sont autorisés d'exfiltrer les jihadistes de Daech qui étaient installés au Liban et de les réinstaller à l'Est de la Syrie, à condition qu'ils se battent contre les forces rebelles syriennes arabo-kurdes et freinent leur progression dans la province de Deir Ez-Zor. Oublions l'exécution d'une douzaine de militaires libanais et oublions que cela fait plus de cinq ans que les mains du Hezbollah sont trempées dans le sang du peuple syrien, alors, voyons un peu, c'est comme ça qu'on garde les frontières du Liban et on se distancie des problèmes de la Syrie ?

Plus grave encore, à une autre question de savoir qu'a-t-il gagné par la signature du « Document d'entente » avec le Hezbollah, Michel Aoun prétend que depuis 2006, « le Hezbollah a modifié sa ligne politique et a respecté la souveraineté libanaise ». On dirait que ce respect n'a pas été très flagrant quand Hassan Nasrallah avait décidé d'engager le pays du Cèdre et le peuple libanais dans une guerre sans merci avec l'Etat hébreux et le peuple israélien, en s'attaquant au petit matin du 12 juillet 2006 à une patrouille israélienne en territoire israélien tuant dix soldats israéliens, que Michel Aoun qualifie 11 ans après les faits « d'incident de frontière classique et fréquent qui a dégénéré à cause de la surréaction israélienne ». On dirait que ce respect n'a pas été très flagrant non plus quand Hassan Nasrallah et Bachar el-Assad ont acheminé des bus climatisés pour évacuer les terroristes de Daech et de Nosra du Liban, soustrayant des criminels ayant exécuté des militaires libanais à la justice libanaise. Très sûr de lui, le président de la République libanaise a rajouté : « Nasrallah l'a dit dans un discours : le Hezbollah a renoncé à son projet d'instaurer une 'république islamique' au Liban. » Ah bon ! El-Baalbaki a dit le contraire une bonne quinzaine de fois dans ses articles.

 5  LE HEZBOLLAH ET L'ETABLISSEMENT D'UNE RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE CHIITE AU LIBAN. LE LIVRE DE RÉFÉRENCE DE CHEIKH NAIM QASSEM

Ce qui est bien avec les extrémistes religieux, c'est qu'ils ne peuvent pas mentir. Le mensonge est une trahison de Dieu où l'on court le risque d'être maudit pour l'éternité. Cheikh Naïm Kassem, le numéro deux du Hezbollah depuis 1991, ne déroge pas à la règle. Il précise dans son livre Le Hezbollah: la voie, l’expérience, l’avenir que « l’engagement du Hezbollah dans wilayat al-faqih (…) s’inscrit dans le cadre de l’islam (chiite) et de l’application de ses jugements, selon l’orientation et les règles fixées par wali al-faqih (actuellement c'est le Guide suprême de la République islamique chiite d'Iran, Ali Khameneï) ». C'est parfaitement son droit, sauf qu'il rajoute un peu plus loin, dans des termes on ne peut pas plus clairs : « Nous appelons à fonder un Etat islamique (au Liban) et nous encourageons les autres (communautés) à l’accepter en tant que source de bonheur pour l’être humain. » Mais enfin, il y a « Etat islamique » du Hezbollah et il y a « Etat islamique » de Daech, attention à la nuance. Et puis, il s'agit du « bonheur » de tous les enfants de la patrie, maronites, sunnites, orthodoxes, druzes, arméniens, alaouites, syriaques, ismaélites, coptes, chaldéens, protestants et juifs. Et même les laïcs pourraient trouver le leur. Mais que demande le peuple de plus ?

Trêve de plaisanteries, le sujet est grave et même beaucoup plus grave que vous ne le pensez. Hélas, je crains que le président de la République, ainsi que tous les autres noms cités dans l'introduction, ne soient très mal informés au sujet des visées du Hezbollah, qui appelle clairement dans la 7e édition de ce livre publié en juin 2010 (quatre ans après l'alliance conclue entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah) à fonder un Etat islamique (chiite) au Liban. Pour celles et ceux qui pourraient être tentés de croire que c'est une bourde au mieux ou au pire, un vœu pieux, je vais allez plus loin, beaucoup plus loin, au risque de faire de cet article un long exposé sur la question, et de les choquer. Alors si comme l'a dit Victor Hugo, « la vérité est comme le soleil, elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder », mettez des lunettes noires et lisez la suite. C'est de la destinée de notre Liban dont il s'agit.

 6  TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR L'ETABLISSEMENT D'UNE RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE CHIITE AU LIBAN, SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER. LES INTERVIEWS SURRÉALISTES DU SECRETAIRE GÉNÉRALE ADJOINT DU HEZBOLLAH DEPUIS 1991

De ce livre de référence qui expose clairement l'univers du Hezbollah, passons maintenant à une série d'interviews accordées par cheikh Naïm Qassem à al-Mayadeen. Elles nous permettront de mieux cerner l'idéologie du parti chiite libanais.

Al-Mayadeen est une chaine satellite créée en 2012 par le journaliste libano-tunisien Ghassan Ben Jeddo. L'homme est pro-Assad et pro-Hezb. Il était favorable au printemps arabe jusqu'à l'aube du 15 mars 2011 et le déclenchement de la révolte syrienne. GBN a déclaré un jour que Samir Kuntar, que j'ai évoqué précédemment, était un « grand héros arabe », c'est pour vous dire où se situe ce journaliste tunisien sunnite, qui se serait converti au chiisme, de mère libanaise chrétienne et marié à une chiite ! Selon certaines sources, al-Mayadeen serait financée par des proches des régimes syrien et iranien, ainsi que par le parti chiite libanais. Voilà pour le décor.

Dans ce documentaire intitulé « Islamistes... Mais encore (Islamiyoun, wa ba3ed) », diffusé sur plusieurs épisodes au début de l'année 2016, et présenté par le journaliste Mohammad Allouch, le Secrétaire général adjoint du Hezbollah, cheikh Naïm Qassem, revient sur la création du Hezbollah en 1982. Il évoque l'influence des Gardiens iraniens de la Révolution islamique, les luttes fratricides pour le contrôle de la communauté chiite libanaise, l'opposition à l'accord de Taëf, la place de Wali el-Fakih (Guide suprême de la République islamique d'Iran) dans le fonctionnement du Hezbollah, l'établissement d'une république islamique (chiite) au Liban et un tas d'autres sujets. Pour le besoin de l'article, limitons-nous à ce qu'il a dit sur ces deux derniers points, qui font peut-être partie de la liberté d'expression, mais qui constituent des violations graves de la Constitution libanaise et menacent l'existence même du Liban.

Depuis sa création en 1982, le Hezbollah n'a annoncé et publié que deux manifestes, l'un le 16 février 1985, appelé « La lettre ouverte » (al-risalat al-maftou7a), et l'autre le 30 novembre 2009, désigné par « Le document, la doctrine (al-wasiqa) ». Alors que dans le manifeste de 1985, le parti affirme que « nous, les fils de la nation du parti d'Allah... nous nous engageons à obéir aux ordres d'un commandement unifié, sage et juste, représenté par wali el-fakih (Guide suprême de la République islamique d'Iran) » et appelle à « l'établissement d'une république islamique (chiite) au Liban », ces détails n'y figurent plus dans le manifeste de 2009. C'est sans doute à quoi le président de la République libanaise fait référence. Le problème c'est que contrairement à ce que semble croire Michel Aoun, et d'autres, cette absence de référence officielle ne signifie en rien le renoncement par le Hezb au rattachement à wilayat el-fakih (juridiction du Guide suprême iranien) et à l'établissement d'al-dawlat el-islamiyat (l'Etat islamique).

Pour s'en rendre compte, voici texto ce qu'a dit Naïm Qassem à ce sujet, au début de l'année 2016 svp dans les interviews d'Al-Mayadeen (17:14-20:10) : « Quand nous avons décidé de rédiger le document en 2009, nous nous sommes dit qu'il n'était pas nécessaire de reparler des sujets qui figuraient dans la Lettre ouverte (1985), qui sont toujours valides, mais qui relèvent des questions de principe, tant qu'ils n'ont pas de répercussions pratiques. Nous avons décider d'orienter le document plutôt dans une direction où nous pouvions le remplir par les exigences de la période dans laquelle nous vivions. » Et lorsque le journaliste lui demande si on peut considérer qu'il y a une évolution idéologique chez le Hezbollah, le numéro deux du Hezbollah tranche sans hésitation : « Non, non et non... Nous restons attacher à ce qui a figuré dans la Lettre ouverte (1985) à propos de l'Etat islamique... Le document de 2009 ne supprime pas ce qui a précédé. Personne n'a dit que le document de 2009 remplace celui de 1985. » Cheikh Naïm Qassem a deux qualités qu'il faut le lui reconnaître : c'est un homme intelligent et il est d'une grande clarté.

Toujours est-il que lorsque le journaliste d'al-Mayadeen tenta de creuser la question (32:26-36:55), Naïm Qassem a précisé, « nous faisons la distinction entre les principes et les convictions d'une part, et les capacités d'application pratique d'autre part ». Mais encore, « en tant qu'islamiste, je ne peux pas dire que je suis islamiste et je propose l'islam, et je n'appelle pas à établir un Etat islamique car cela fait partie du projet auquel nous croyons sur les plans idéologique et culturel ». Mais cheikh Naïm, éclairez-nous encore. « Nous croyons que l'application de l'islam est la solution aux problèmes des êtres humains, en tout temps et en tout lieux. » Mohammad Allouch est quelque peu choqué par la gravité de ce que son interlocuteur dit concernant un pays qui rappelons-le, reconnait 18 confessions. Il interrompt le religieux chiite et lui demande : « Y compris pour ceux qui ne sont pas musulmans? » Imperturbable, Naïm Qassem rajoute : « Moi je leur propose l'islam... Oui c'est une solution pour tout le monde ». Le journaliste n'en croit pas ses oreilles. Il avale sa salive et reformule sa question: « Pardon, votre éminence. En d'autres termes, si la possibilité vous est offerte ou dans le cas où les gens votent pour l'application de l'islam et considèrent que c'est la meilleure chose pour le Liban, est-ce vous croyez que ça sera dans l'intérêt de ceux qui ne sont pas musulmans, les chrétiens, les juifs, etc.? » Wlak ne serait-ce que pour les sunnites, les druzes et les alaouites, voire même les chiites non pratiquants ! Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, en essayant de se rattraper, Naïm Qassem s'est engouffré davantage dans les méandres du Moyen-Age. « Mais ce n'est pas en contradiction ni avec le christianisme ni avec le judaïsme, car ces religions ne se mêlent pas de la vie politique, mais de la vie religieuse. L'islam leur garantit leur vie religieuse. » Et le Hezbollah s'occupera de leur vie politique et culturel, hein, n'est-ce pas? Que Dieu soit loué, que son parti sur Terre soit glorifié et que son secrétaire générale adjoint soit sanctifié de son vivant, nous ne méritons pas tant de générosités. Allez, longue vie à Samir Geagea, Saad Hariri, Gebran Bassil, Nabih Berri, Walid Joumblatt et bien entendu, Michel Aoun.

« Aujourd'hui, qu'adoptent les chrétiens, les juifs et les musulmans en général? Ils adoptent le capitalisme, ils adoptent d'autres idées politiques... » Mohammad Allouch, qui a été excellent durant tout le documentaire, soit dit au passage, est vraiment effaré. On le voit sur son visage. Il tire une tronche ! Il tente quand même de ramener le débat vers plus de tolérance et de modération : « Mais ils peuvent adopter l'Etat civil basé sur la citoyenneté ! » Ah, qu'est-ce qu'il n'a pas dit le pauvre. Le cheikh le corrige sèchement: « un Etat civil basé sur le capitalisme ! » La 7awla wa la qouwata ella bellah, ya yésou3 dakhil esmak. Le journaliste lui fait remarquer alors que le capitalisme est est « un système économique ». Mais ce n'est pas de l'avis du cheikh: « Le capitalisme est un système économique et un système culturel. Et l'islam est un système économique et culturel. Nous, on appelle pour un autre système que le capitalisme... Si les gens n'acceptent pas le système que nous proposons dans leur écrasante majorité, nous ne les obligeront pas. » Que Dieu soit loué, etc., vous connaissez maintenant la formule. « Nous ferons avec eux un contrat social... C'est ce que le Hezbollah fait, il dit j'ai un projet qui s'appelle l'islam, je vous appelle à appliquer l'islam. Ils ont dit non mon frère, nous avons nos spécificités, nous ne sommes pas d'accord avec toi pour appliquer l'islam. Qu'est-ce que vous voulez alors? Nous voulons conclure un accord sur un régime confessionnel au Liban. D'accord, on s'entend avec vous sur le régime confessionnel. Mais nous continuerons à affirmer nos croyances, sans contraindre personne ». Incroyable mais vrai, il faut bien saisir à partir de cet échange surréaliste que le Liban, du temps biblique jusqu'en 1982, n'est qu'une parenthèse pour le Hezbollah.

 7  BONUS, TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR WALI EL-FAKIH, SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER

Tombant des nues, le journaliste interroge son interlocuteur sur le fait de savoir si cela n'est pas quand même en contradiction avec la Constitution de la République libanaise. « Moi quand je propose l'islam comme solution, c'est ma vision des choses. Pourquoi les autres veulent m'interdire de réfléchir? » Non mais, je t'assure ! Autre tentative du journaliste pour comprendre la logique du Hezbollah (36:55-45:55) : « Est-ce la notion de wilayat el-fakih n'a pas d'influence sur la citoyenneté (libanaise)? » Naïm Qassem s'étonne: « Mais pourquoi? ... On ne peut pas se lancer dans la (bataille de) défense où il y aura des blessés, des morts et des âmes qui périront, que si nous obtenons une autorisation légale du wali el-fakih (Guide suprême iranien). Est-ce que nous pouvons pousser ces jeunes dans cette bataille qui conduit à la mort? Je demande au wali el-fakih s'il m'autorise de risquer la mort? En quoi ça peut influencer la citoyenneté?... En tant que parti, j'ai mes convictions. Non mais, en quoi ça influence la citoyenneté? » Et patati et patata et blablabla.

La véritable réponse il faut la chercher dans le livre de Naïm Qassem plutôt. « L'étendue des prérogatives accordées au wali el-fakih est claire: il est celui qui préserve l'application des jugements islamiques et qui veille sur le système islamique, il prend les décisions politiques graves attachées aux intérêts de la nation (monde chiite), il décide de la guerre ou de la paix. » C'est déjà autre chose. « L'engagement du Hezbollah dans wilayat el-fakih représente un anneau dans cette chaine et s'inscrit dans le cadre de l'islam et de l'application de ses jugements. Il se fait dans le cadre des orientations et des règles fixées par wali el-fakih. » C'est déjà inquiétant, que dire de la suite. « Al-wali el-fakih n'a pas besoin de suivre quotidiennement la question. Lorsque le parti  (Hezbollah) fait face à de grandes décisions... c'est alors qu'il prend l'initiative de consulter son avis (Guide suprême iranien) et de réclamer son autorisation en vue de légitimer l'acte ou son absence ». En somme, c'est donc le Guide suprême de la République islamique d'Iran, Khameneï aujourd'hui, Khomeini hier, qui décide ou a décidé pour toutes les questions stratégiques ayant engagé le Hezbollah libanais: la lutte contre l'armée israélienne au Liban (1982-2000), la guerre fratricide contre les miliciens chiites libanais d'Amal (1986-1990), l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri par les cinq membres du Hezbollah recherchés par le Tribunal Spécial pour le Liban (2005), les attaques en territoire israélien (dont celle de juillet 2006), l'invasion de Beyrouth et du Mont-Liban du 7 mai (2008), la chute du gouvernement Hariri (2011), les engagements du Hezbollah dans la guerre civile syrienne (2012-2017), l'exfiltration des terroristes de Daech du Liban (2017), la guerre ou la paix pour le Liban, et j'en passe et des meilleurs et pour le pire. Dans tous les cas, pour le Secrétaire général adjoint du Hezbollah, « tout ce qui a été fait dans le cadre de wilayat el-fakih était dans l'intérêt des citoyens du pays concerné et de la nation (islamique chiite) ». La messe est dite, que Dieu soit loué et cetera, vous connaissez la suite.

N'étant pas à une contradiction près, Naïm Qassem avait déjà fait savoir dans son livre que « la décision de faire le jihad est lié au wali el-fakih... qui détermine les règles d'engagement ». Dans les interviews, il a tenu à préciser que « tout acte où le sang sera versé et où l'on tue, demande une autorisation... Moi je ne peux pas faire le jihad sans une autorisation légale car j'adhère à une idéologie et à l'islam et je suis lié au chef, c'est mon droit de prendre la légitimité de wali el-fakih... Je ne suis pas d'accord que c'est 'la tyrannie religieuse' (qualification attribuée par le cheikh chiite, Mohammad Mehdi Chamseddine, à wilayat el-fakih) ». Et poudre aux yeux, il a ajouté, « nous avons actuellement des alliances avec des forces chrétiennes (Courant patriotique libre, Michel Aoun/Gebran Bassil) et on croit à wilayat el-fakih. En quoi wliayat el-fakih a influencé négativement ces alliances ? Ça n'a pas d'influence négativement, au contraire, c'était positif. » Merci qui ?

 8  LE LIBAN SENS DESSUS DESSOUS POUR UNE DÉCLARATION DE NAIM QASSEM SUR LES FEMMES DIVORCÉES ET INDIFFÉRENT SUR SES DÉCLARATIONS CONCERNANT WILAYAT EL-FAKIH & AL-DAWLAT EL-ISLAMIYAT

Hélas, une des deux vidéos évoquées dans cet article, mises en ligne en janvier et en février 2016 par cheikh Naïm Qassem lui-même, sur sa propre chaine YouTube, société qui fait partie du "capitalisme américaine" que Naïm Qassem combat, n'a été visionnée que par 74 personnes de ce monde. On a mis le Liban sens dessus dessous parce que cet homme religieux chiite s'est exprimé sur les « femmes divorcées », une opinion qui est d'ailleurs partagée par les milieux conservateurs chrétiens et sunnites. Par contre, ses déclarations graves sur le rattachement du Hezbollah libanais à la sphère du Guide suprême de la République islamique d'Iran, wilayat el-fakih, et la volonté d'établir une République islamique chiite au Liban, al-dawlat el-islamiyat, passent et repassent dans l'indifférence générale, de beaucoup de citoyens et de leaders politiques, dont ceux qui prétendent être les gardiens du temple. Très lucide, Naïm Qassem a précisé dans son livre, « tant que la situation actuelle ne le permet pas (d'établir un Etat islamique au Liban)... nous sommes excusés (par Allah) car nous l'avons fait savoir et nous avons annoncé notre position, aux gens d'assumer leurs responsabilités ». Diable, mais qu'ils sortent de leur léthargie ! Et c'est encore plus valable, pour ceux qui sont contre cette idéologie. Ana kamena ballaghit. A bon entendeur, salut !