1 MICHEL AOUN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, OUI MAIS...
Pas
de chichi s'il vous plait. Je vous en prie, n'hésitez pas à
rajouter Gebran Bassil au titre, au même titre et à titre de
porte-drapeau et de porte-flambeau de la nouvelle alliance du Courant
patriotique libre et du Hezbollah. Ne vous gênez surtout pas pour
leur accoler Samir Geagea et Saad Hariri, deux leaders méritants qui
se sont donnés beaucoup de mal pour offrir aux Libanais un président
pro-Hezbollah et le choix entre Michel Aoun et Sleimane Frangié. On peut y mettre
naturellement Nabih Berri, l'inséparable de la milice chiite et du
perchoir, ainsi que Walid Joumblatt, la girouette déboussolée.
Ce
n'est pas pour me vanter, il n'y a pas de quoi me diriez-vous,
j'étais la première personne au Liban à suggérer l'idée que le camp dit du 14-Mars propose à Michel Aoun son élection comme président de la République. Je l'avais fait des lustres avant que
le chef du parti des Forces libanaises, et plus tard, le chef du
Courant du Futur, ne l'acceptent, respectivement en mai 2014, janvier
2016 et octobre 2016. A la différence de Geagea et de Hariri,
j'avais conditionné ce virage révolutionnaire à la rupture de
l'alliance entre Aoun et Nasrallah. Hélas, je n'ai pas été
entendu.
2 MICHEL AOUN JUSTIFIE ENCORE « L'ANOMALIE » DE LA SITUATION DU
HEZBOLLAH
Dans
une interview accordée au quotidien français Le Figaro et
publiée dans l'édition du weekend, la veille de sa visite en France,
Michel Aoun s'est ingénié pour justifier « l'anomalie »
que la situation de la milice chiite constitue au Liban depuis 1990.
Ses déclarations posent trois problèmes aux Libanais et au
reste du monde.
Le
premier c'est que celles-ci semblent refléter des convictions
ancrées profondément plutôt que des opinions superficielles
passagères. Il serait fastidieux et inutile de dresser une liste
exhaustive de tout ce que Michel Aoun a dit et fait depuis 2006 pour
défendre son allié. Ce n'est pas la peine. Nous sommes au-delà.
Depuis son élection en octobre 2016, certains, comme Geagea et
Hariri justement, ont espéré que l'habit présidentiel fera de
Michel Aoun un moine souverainiste et que la stature de la présidence
lui permettra d'avoir du recul et de prendre de la hauteur, par
rapport aux choix politiques erronés qu'il a pris en tant que chef
du CPL, de 2005 à 2016. Hélas, ces personnes déchantent
aujourd'hui, mais n'osent toujours pas faire le constat de leur
échec.
A
propos de l'accord conclu avec Hassan Nasrallah en février 2006,
Michel Aoun précise aux lecteurs Français et Libanais du Figaro que
les deux parties se sont engagés à « respecter en tout
point la Constitution libanaise ». Ah bon et quid du
déclenchement de la guerre de Juillet quelques mois après, de
l'invasion de Beyrouth en 2008, du boycott de 44 séances électorales
entre 2014 et 2016 et de l'existence même d'une milice armée
évoluant en parallèle avec l'armée nationale depuis la fin de la
guerre en 1990? Concernant la guerre de Juillet 2006 justement, Aoun
déclare que « c'est un incident de frontière classique qui
a dégénéré de la faute d'une surréaction israélienne (…) des
incidents de ce genre (violation du territoire israélien), il y en a
très fréquemment ». Peut-être bien sauf que l'incident de
frontière a été déclenché par le Hezbollah, sans consultation de
quiconque de l'Etat libanais, et qu'il a couté au Liban plus de 1
200 morts, 750 000 déplacés et l'équivalent de 50% du PIB
de l'époque, une dizaine de milliards de dollars, dans le but de
libérer un dénommé Samir Kuntar, un libanais ayant mené une
opération palestinienne en Israël en 1979, condamné pour le
meurtre d'une fillette israélienne de quatre ans avec la crosse de
son fusil et mort en Syrie dans les bras de Bachar el-Assad. Sur le
désarmement du Hezbollah comme les autres milices libanaises, le
président prétend que « le Hezbollah n'utilise pas ses armes
dans la politique intérieure, elles ne servent qu'à assurer notre
résistance à l'Etat d'Israël ». C'est à croire que nous
ne vivons pas dans le même pays. Et quid de la guerre fratricide
avec la milice de Nabih Berri entre 1986 et 1990 (certaines sources
parlent de 2 500 morts) pour le contrôle des régions chiites
libanaises (Sud du Liban, Sud-Beyrouth et la Bekaa), de la mini
guerre civile de 2008 à Beyrouth et au Mont-Liban, ou même de
l'évacuation manu militari des jihadistes de Daech et de Nosra du
mont Anti-Liban en 2017?
3 LE PRÉSIDENT S'EXPRIME COMME SI LE LIBAN N'A NI ARMÉE NI
CONSTITUTION
Pour le président de la République, « on
ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu'Israël ne
respectera pas les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ».
Et pour cause, « Israël
aurait le droit de faire la guerre comme il veut et quand il veut,
tandis que les autres n'auraient pas le droit de garder des armes
pour se défendre? Non, ce n'est pas possible! » C'est la
deuxième déclaration de ce genre publiée dans la presse
internationale en moins d'une semaine. Michel Aoun n'essaie même pas
d'esquiver la question, il dit et redit, haut et fort, urbi et orbi,
que le Liban qu'il représente et qui est le leur, mais pas le mien
ou le vôtre, ne mettra pas fin à « l'anomalie » que
constitue le Hezbollah au Liban. Et il est là le deuxième problème.
Michel Aoun s'exprime encore une fois, et pour la énième fois,
comme si le Liban n'a ni armée ni diplomatie pour le défendre des
menaces israéliennes, comme si la République libanaise n'a ni lois
ni Constitution qui exigent le désarmement et la dissolution de la
dernière des milices libanaises, conformément à l'accord de Taëf
et aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, 1559 et 1701,
et comble du malheur, comme s'il n'est toujours pas président de la
République libanaise, « commandant en chef des forces
armées », en charge de veiller au « respect de la
Constitution », qui a prêté serment de fidélité à la
nation et devant le Parlement et qui a juré devant Dieu « d'observer
la Constitution et les lois du peuple libanais ».
4 MICHEL AOUN : LE HEZBOLLAH RESPECTE LA SOUVERAINETÉ LIBANAISE DEPUIS
LA SIGNATURE DU DOCUMENT D'ENTENTE
Quant
au troisième problème, il est beaucoup plus grave, il concerne
l'appréciation de Michel Aoun des choix politiques du Hezbollah au
Liban et en Syrie. A la question de savoir quelle est sa stratégie
par rapport à la guerre en Syrie, Michel Aoun a affirmé que
celle-ci consistera à « garder les frontières libanaises pour
nous protéger du terrorisme » et à « distancier
le Liban par rapport aux problèmes politiques internes à la Syrie
». Excellent mon général sauf que ce n'est ni ce qui s'est passé, depuis 2012, ni ce
qui vient de se passer, en 2017. Après une écrasante victoire de l'armée
libanaise sur l'organisation terroriste Etat islamique et la
libération des territoires qu'elle occupait au Liban, le Hezbollah
et le régime syrien se sont autorisés d'exfiltrer les jihadistes de
Daech qui étaient installés au Liban et de les réinstaller à
l'Est de la Syrie, à condition qu'ils se battent contre les forces
rebelles syriennes arabo-kurdes et freinent leur progression dans la
province de Deir Ez-Zor. Oublions l'exécution d'une douzaine de
militaires libanais et oublions que cela fait plus de cinq ans que
les mains du Hezbollah sont trempées dans le sang du peuple syrien,
alors, voyons un peu, c'est comme ça qu'on garde les frontières du
Liban et on se distancie des problèmes de la Syrie ?
Plus
grave encore, à une autre question de savoir
qu'a-t-il gagné par la signature du « Document d'entente » avec le Hezbollah, Michel Aoun prétend que depuis 2006, «
le Hezbollah a modifié sa ligne politique et a respecté la
souveraineté libanaise ». On dirait que ce respect n'a pas
été très flagrant quand Hassan Nasrallah avait décidé d'engager le
pays du Cèdre et le peuple libanais dans une guerre sans merci avec
l'Etat hébreux et le peuple israélien, en s'attaquant au petit
matin du 12 juillet 2006 à une patrouille israélienne en territoire
israélien tuant dix soldats israéliens, que Michel Aoun qualifie 11
ans après les faits « d'incident de frontière classique et
fréquent qui a dégénéré à cause de la surréaction israélienne
». On dirait que ce respect n'a pas été très flagrant non
plus quand Hassan Nasrallah et Bachar el-Assad ont acheminé des bus
climatisés pour évacuer les terroristes de Daech et de Nosra du
Liban, soustrayant des criminels ayant exécuté des militaires
libanais à la justice libanaise. Très sûr de lui, le président de
la République libanaise a rajouté : « Nasrallah l'a dit
dans un discours : le Hezbollah a renoncé à son projet d'instaurer
une 'république islamique' au Liban. » Ah bon ! El-Baalbaki a
dit le contraire une bonne quinzaine de fois dans ses articles.
5 LE HEZBOLLAH ET L'ETABLISSEMENT D'UNE RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE CHIITE AU
LIBAN. LE LIVRE DE RÉFÉRENCE DE CHEIKH NAIM QASSEM
Ce
qui est bien avec les extrémistes religieux, c'est qu'ils ne peuvent
pas mentir. Le mensonge est une trahison de Dieu où l'on court le
risque d'être maudit pour l'éternité. Cheikh Naïm Kassem, le
numéro deux du Hezbollah depuis 1991, ne déroge pas à la règle.
Il précise dans son livre Le Hezbollah: la voie, l’expérience,
l’avenir que «
l’engagement du Hezbollah dans wilayat al-faqih (…) s’inscrit
dans le cadre de l’islam (chiite) et de l’application de ses
jugements, selon l’orientation et les règles fixées par wali
al-faqih (actuellement c'est le Guide suprême de la République islamique chiite
d'Iran, Ali Khameneï) ». C'est
parfaitement son droit, sauf qu'il rajoute un peu plus loin, dans des
termes on ne peut pas plus clairs : « Nous appelons à
fonder un Etat islamique (au Liban) et nous encourageons les autres
(communautés) à l’accepter en tant que source de bonheur pour
l’être humain. » Mais enfin, il y a « Etat islamique »
du Hezbollah et il y a « Etat islamique » de Daech, attention à la nuance. Et puis, il s'agit du « bonheur » de tous les
enfants de la patrie, maronites, sunnites, orthodoxes, druzes,
arméniens, alaouites, syriaques, ismaélites, coptes, chaldéens,
protestants et juifs. Et même les laïcs pourraient trouver le leur.
Mais que demande le peuple de plus ?
Trêve
de plaisanteries, le sujet est grave et même beaucoup plus grave que
vous ne le pensez. Hélas, je crains que le président de la
République, ainsi que tous les autres noms cités dans
l'introduction, ne soient très mal informés au sujet des visées du Hezbollah,
qui appelle clairement dans la 7e édition de ce livre publié en
juin 2010 (quatre ans après l'alliance conclue entre Michel Aoun et
Hassan Nasrallah) à fonder un Etat islamique (chiite) au Liban. Pour
celles et ceux qui pourraient être tentés de croire que c'est une
bourde au mieux ou au pire, un vœu pieux, je vais allez plus loin,
beaucoup plus loin, au risque de faire de cet article un long exposé
sur la question, et de les choquer. Alors si comme l'a dit Victor
Hugo, « la vérité est comme le soleil, elle fait tout voir
et ne se laisse pas regarder », mettez des lunettes noires et lisez la suite. C'est de la destinée de notre Liban dont
il s'agit.
6 TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR L'ETABLISSEMENT D'UNE
RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE CHIITE AU LIBAN, SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER.
LES INTERVIEWS SURRÉALISTES DU SECRETAIRE GÉNÉRALE ADJOINT DU
HEZBOLLAH DEPUIS 1991
De
ce livre de référence qui expose clairement l'univers du Hezbollah,
passons maintenant à une série d'interviews accordées par cheikh
Naïm Qassem à al-Mayadeen. Elles nous permettront de mieux cerner
l'idéologie du parti chiite libanais.
Al-Mayadeen
est une chaine satellite créée en 2012 par le journaliste
libano-tunisien Ghassan Ben Jeddo. L'homme est pro-Assad et pro-Hezb.
Il était favorable au printemps arabe jusqu'à l'aube du 15 mars
2011 et le déclenchement de la révolte syrienne. GBN a déclaré un
jour que Samir Kuntar, que j'ai évoqué précédemment, était un
« grand héros arabe », c'est pour vous dire où se
situe ce journaliste tunisien sunnite, qui se serait converti au
chiisme, de mère libanaise chrétienne et marié à une chiite !
Selon certaines sources, al-Mayadeen serait financée par des proches
des régimes syrien et iranien, ainsi que par le parti chiite
libanais. Voilà pour le décor.
Dans
ce documentaire intitulé « Islamistes... Mais encore
(Islamiyoun, wa ba3ed) », diffusé sur plusieurs épisodes
au début de l'année 2016, et présenté par le journaliste Mohammad Allouch, le Secrétaire général adjoint du
Hezbollah, cheikh Naïm Qassem, revient sur la création du Hezbollah
en 1982. Il évoque l'influence des Gardiens iraniens de la
Révolution islamique, les luttes fratricides pour le contrôle de la
communauté chiite libanaise, l'opposition à l'accord de Taëf, la
place de Wali el-Fakih (Guide suprême de la République islamique
d'Iran) dans le fonctionnement du Hezbollah, l'établissement d'une
république islamique (chiite) au Liban et un tas d'autres sujets.
Pour le besoin de l'article, limitons-nous à ce qu'il a dit sur ces
deux derniers points, qui font peut-être partie de la liberté
d'expression, mais qui constituent des violations graves de la
Constitution libanaise et menacent l'existence même du Liban.
Depuis
sa création en 1982, le Hezbollah n'a annoncé et publié que deux manifestes,
l'un le 16 février 1985, appelé « La lettre ouverte »
(al-risalat al-maftou7a), et l'autre le 30 novembre 2009, désigné
par « Le document, la doctrine (al-wasiqa) ». Alors que
dans le manifeste de 1985, le parti affirme que « nous, les
fils de la nation du parti d'Allah... nous nous engageons à obéir
aux ordres d'un commandement unifié, sage et juste, représenté par
wali el-fakih (Guide suprême de la République islamique d'Iran) »
et appelle à « l'établissement d'une république islamique
(chiite) au Liban », ces détails n'y figurent plus dans le
manifeste de 2009. C'est sans doute à quoi le président de la
République libanaise fait référence. Le problème c'est que
contrairement à ce que semble croire Michel Aoun, et d'autres, cette
absence de référence officielle ne signifie en rien le renoncement
par le Hezb au rattachement à wilayat el-fakih (juridiction du Guide suprême
iranien) et à l'établissement d'al-dawlat el-islamiyat (l'Etat
islamique).
Pour
s'en rendre compte, voici texto ce qu'a dit Naïm Qassem à ce sujet, au début de l'année 2016 svp dans les interviews d'Al-Mayadeen (17:14-20:10) :
« Quand nous avons décidé de rédiger le document en 2009, nous nous sommes dit qu'il n'était pas nécessaire de reparler des sujets qui figuraient dans la Lettre ouverte (1985), qui sont toujours valides, mais qui relèvent des questions de principe, tant
qu'ils n'ont pas de répercussions pratiques. Nous avons décider d'orienter le document
plutôt dans une direction où nous pouvions le remplir par les
exigences de la période dans laquelle nous vivions. » Et
lorsque le journaliste lui demande si on peut considérer qu'il y a
une évolution idéologique chez le Hezbollah, le numéro deux du Hezbollah tranche sans hésitation :
« Non, non et non... Nous restons attacher à ce qui a
figuré dans la Lettre ouverte (1985) à propos de l'Etat
islamique... Le document de 2009 ne supprime pas ce qui a précédé.
Personne n'a dit que le document de 2009 remplace celui de 1985. »
Cheikh Naïm Qassem a deux qualités qu'il faut le lui reconnaître : c'est un homme intelligent et il est d'une grande clarté.
Toujours
est-il que lorsque le journaliste d'al-Mayadeen tenta de creuser la
question (32:26-36:55), Naïm Qassem a précisé, « nous
faisons la distinction entre les principes et les convictions d'une
part, et les capacités d'application pratique d'autre part ».
Mais encore, « en tant qu'islamiste, je ne peux pas dire que je suis islamiste et je propose l'islam, et je n'appelle pas à établir un Etat islamique car cela fait partie du projet auquel nous
croyons sur les plans idéologique et culturel ». Mais
cheikh Naïm, éclairez-nous encore. « Nous croyons que
l'application de l'islam est la solution aux problèmes des êtres humains, en tout temps et en tout lieux. » Mohammad Allouch est quelque peu choqué par la gravité de ce que son interlocuteur
dit concernant un pays qui rappelons-le, reconnait 18 confessions. Il
interrompt le religieux chiite et lui demande : « Y compris
pour ceux qui ne sont pas musulmans? » Imperturbable, Naïm
Qassem rajoute : « Moi je leur propose l'islam... Oui c'est
une solution pour tout le monde ». Le journaliste n'en croit pas
ses oreilles. Il avale sa salive et reformule sa question: « Pardon,
votre éminence. En d'autres termes, si la possibilité vous est
offerte ou dans le cas où les gens votent pour l'application de
l'islam et considèrent que c'est la meilleure chose pour le Liban,
est-ce vous croyez que ça sera dans l'intérêt de ceux qui ne sont
pas musulmans, les chrétiens, les juifs, etc.? » Wlak ne
serait-ce que pour les sunnites, les druzes et les alaouites, voire même les chiites non pratiquants ! Comme
un éléphant dans un magasin de porcelaine, en essayant de se
rattraper, Naïm Qassem s'est engouffré davantage dans les méandres
du Moyen-Age. « Mais ce n'est pas en contradiction ni avec
le christianisme ni avec le judaïsme, car ces religions ne se mêlent
pas de la vie politique, mais de la vie religieuse. L'islam leur
garantit leur vie religieuse. » Et
le Hezbollah s'occupera de leur vie politique et culturel, hein,
n'est-ce pas? Que Dieu soit loué, que son parti sur Terre soit
glorifié et que son secrétaire générale adjoint soit sanctifié
de son vivant, nous ne méritons pas tant de générosités. Allez, longue
vie à Samir Geagea, Saad Hariri, Gebran Bassil, Nabih Berri, Walid
Joumblatt et bien entendu, Michel Aoun.
«
Aujourd'hui, qu'adoptent les chrétiens, les juifs et les musulmans
en général? Ils adoptent le capitalisme, ils adoptent d'autres
idées politiques... » Mohammad Allouch, qui a été
excellent durant tout le documentaire, soit dit au passage, est
vraiment effaré. On le voit sur son visage. Il tire une tronche ! Il
tente quand même de ramener le débat vers plus de tolérance et de
modération : « Mais ils peuvent adopter l'Etat civil basé sur
la citoyenneté ! » Ah, qu'est-ce qu'il n'a pas dit le pauvre.
Le cheikh le corrige sèchement: « un Etat civil basé sur
le capitalisme ! » La 7awla wa la qouwata ella bellah, ya
yésou3 dakhil esmak. Le journaliste lui fait remarquer alors que
le capitalisme est est « un système économique ».
Mais ce n'est pas de l'avis du cheikh: « Le capitalisme est
un système économique et un système culturel. Et l'islam est un
système économique et culturel. Nous, on appelle pour un autre
système que le capitalisme... Si les gens n'acceptent pas le système
que nous proposons dans leur écrasante majorité, nous ne les
obligeront pas. » Que Dieu soit loué, etc., vous
connaissez maintenant la formule. « Nous ferons avec eux un
contrat social... C'est ce que le Hezbollah fait, il dit j'ai un
projet qui s'appelle l'islam, je vous appelle à appliquer l'islam.
Ils ont dit non mon frère, nous avons nos spécificités, nous ne
sommes pas d'accord avec toi pour appliquer l'islam. Qu'est-ce que
vous voulez alors? Nous voulons conclure un accord sur un régime
confessionnel au Liban. D'accord, on s'entend avec vous sur le régime
confessionnel. Mais nous continuerons à affirmer nos croyances, sans
contraindre personne ». Incroyable mais vrai, il faut bien
saisir à partir de cet échange surréaliste que le Liban, du temps biblique jusqu'en 1982, n'est qu'une
parenthèse pour le Hezbollah.
7 BONUS, TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR WALI EL-FAKIH,
SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER
Tombant
des nues, le journaliste interroge son interlocuteur sur le fait de
savoir si cela n'est pas quand même en contradiction avec la
Constitution de la République libanaise. « Moi quand je
propose l'islam comme solution, c'est ma vision des choses. Pourquoi
les autres veulent m'interdire de réfléchir? » Non mais, je t'assure ! Autre tentative du journaliste pour comprendre la
logique du Hezbollah (36:55-45:55) : « Est-ce la notion de wilayat el-fakih n'a pas d'influence sur la citoyenneté (libanaise)? »
Naïm Qassem s'étonne: « Mais pourquoi? ... On ne peut pas
se lancer dans la (bataille de) défense où il y aura des blessés,
des morts et des âmes qui périront, que si nous obtenons une
autorisation légale du wali el-fakih (Guide suprême iranien). Est-ce que nous pouvons pousser ces
jeunes dans cette bataille qui conduit à la mort? Je demande au wali
el-fakih s'il m'autorise de risquer la mort? En quoi ça peut
influencer la citoyenneté?... En tant que parti, j'ai mes
convictions. Non mais, en quoi ça influence la citoyenneté? »
Et patati et patata et blablabla.
La
véritable réponse il faut la chercher dans le livre de Naïm
Qassem plutôt. « L'étendue des prérogatives accordées au wali
el-fakih est claire: il est celui qui préserve l'application des
jugements islamiques et qui veille sur le système islamique, il
prend les décisions politiques graves attachées aux intérêts de
la nation (monde chiite), il décide de la guerre ou de la paix. »
C'est déjà autre chose. « L'engagement du Hezbollah dans
wilayat el-fakih représente un anneau dans cette chaine et s'inscrit
dans le cadre de l'islam et de l'application de ses jugements. Il se
fait dans le cadre des orientations et des règles fixées par wali
el-fakih. » C'est déjà inquiétant, que dire de la suite.
« Al-wali el-fakih n'a pas besoin de suivre quotidiennement
la question. Lorsque le parti (Hezbollah) fait face à de grandes décisions...
c'est alors qu'il prend l'initiative de consulter son avis (Guide suprême iranien) et de
réclamer son autorisation en vue de légitimer l'acte ou son
absence ». En somme, c'est donc le Guide suprême de la République
islamique d'Iran, Khameneï aujourd'hui, Khomeini hier, qui décide
ou a décidé pour toutes les questions stratégiques ayant engagé
le Hezbollah libanais: la lutte contre l'armée israélienne au Liban
(1982-2000), la guerre fratricide contre les miliciens chiites
libanais d'Amal (1986-1990), l'assassinat de l'ancien Premier
ministre Rafic Hariri par les cinq membres du Hezbollah recherchés
par le Tribunal Spécial pour le Liban (2005), les attaques en
territoire israélien (dont celle de juillet 2006), l'invasion de
Beyrouth et du Mont-Liban du 7 mai (2008), la chute du gouvernement Hariri
(2011), les engagements du Hezbollah dans la guerre civile syrienne
(2012-2017), l'exfiltration des terroristes de Daech du Liban (2017),
la guerre ou la paix pour le Liban, et j'en passe et des meilleurs et
pour le pire. Dans tous les cas, pour le Secrétaire général
adjoint du Hezbollah, « tout ce qui a été fait dans le
cadre de wilayat el-fakih était dans l'intérêt des citoyens du
pays concerné et de la nation (islamique chiite) ». La messe
est dite, que Dieu soit loué et cetera, vous connaissez la suite.
N'étant
pas à une contradiction près, Naïm Qassem avait déjà fait savoir
dans son livre que « la
décision de faire le jihad est lié au wali el-fakih... qui
détermine les règles d'engagement ».
Dans les interviews, il a tenu à préciser que «
tout acte où le sang sera versé et où l'on tue, demande une
autorisation... Moi je ne peux pas faire le jihad sans une
autorisation légale car j'adhère à une idéologie et à l'islam et
je suis lié au chef, c'est mon droit de prendre la légitimité de
wali el-fakih... Je ne suis pas d'accord que c'est 'la tyrannie
religieuse' (qualification attribuée par le cheikh chiite,
Mohammad Mehdi Chamseddine, à wilayat el-fakih) ». Et poudre aux yeux, il a ajouté, « nous avons actuellement des
alliances avec des forces chrétiennes (Courant patriotique libre,
Michel Aoun/Gebran Bassil) et on croit à wilayat el-fakih. En quoi
wliayat el-fakih a influencé négativement ces alliances ? Ça n'a pas
d'influence négativement, au contraire, c'était positif. »
Merci qui ?
8 LE LIBAN SENS DESSUS DESSOUS POUR UNE DÉCLARATION DE NAIM QASSEM SUR
LES FEMMES DIVORCÉES ET INDIFFÉRENT SUR SES DÉCLARATIONS CONCERNANT
WILAYAT EL-FAKIH & AL-DAWLAT EL-ISLAMIYAT
Hélas,
une des deux vidéos évoquées dans cet article, mises en ligne en
janvier et en février 2016 par cheikh Naïm Qassem lui-même, sur sa
propre chaine YouTube, société qui fait partie du "capitalisme américaine" que Naïm Qassem combat, n'a
été visionnée que par 74 personnes de ce monde. On a mis le Liban
sens dessus dessous parce que cet homme religieux chiite s'est
exprimé sur les « femmes divorcées », une
opinion qui est d'ailleurs partagée par les milieux conservateurs
chrétiens et sunnites. Par contre, ses déclarations graves sur le
rattachement du Hezbollah libanais à la sphère du Guide suprême de la République
islamique d'Iran, wilayat el-fakih, et la volonté d'établir une République islamique
chiite au Liban, al-dawlat el-islamiyat, passent et repassent dans l'indifférence générale,
de beaucoup de citoyens et de leaders politiques, dont ceux qui prétendent
être les gardiens du temple. Très lucide, Naïm Qassem a précisé
dans son livre, « tant que la situation actuelle ne le permet pas (d'établir un Etat islamique au Liban)... nous sommes excusés (par Allah) car nous l'avons fait savoir et nous avons annoncé notre position, aux gens d'assumer leurs responsabilités ».
Diable, mais qu'ils sortent de leur léthargie ! Et c'est encore plus
valable, pour ceux qui sont contre cette idéologie. Ana kamena
ballaghit. A bon entendeur, salut !