mercredi 5 novembre 2014

Nouveau record pour Michel Aoun : il est aujourd’hui impliqué dans 99,55 % des 1104 jours de vacance du pouvoir au Liban (Art.251)


Non, on ne peut plus continuer comme ça. Je vous dois ce coming out. J’avoue que j’ai tout tenté pour devenir « aouniste ». Mais, je n’y suis pas arrivé. Depuis 1984 que je m’efforce de croire en cet homme, en vain. Depuis trente ans j’essaie de regarder et d’écouter le général au cours de ses innombrables conférences de presse et de ses mémorables crises de nerfs. Sans succès. Je l'ai suivi au cours de ses guerres foireuses, pendant son exil doré, à son retour louche et depuis son positionnement contre-nature. Sans succès. J’ai essayé de le regarder en coupant le son. Sans succès. J’ai essayé de l’écouter sans le regarder. Sans succès. J'ai essayé de le lire ou de le sentir. Sans succès. La seule méthode qui semble donner un soupçon de résultat pour l’instant, gardons-nous de tout enthousiasme juvénile ou herbacé débordant, c’est celle de ne pas l'écouter et de ne pas le regarder. Besm el2abb wal eben wal rou7 elqodoss ! Mais qu'est-ce qui peut bien se passer au juste dans la tête de cet homme en ce matin du 5 novembre où la République libanaise se retrouve à un tournant historique où elle risque pour la première fois de son existence, le vide législatif ?

Jamais de mémoire d’homme, nulle part ailleurs et avec personne d’autre, l’hypocrisie politique n’a atteint une telle perfection et une telle ampleur qu’avec Michel Aoun, au Liban et en ce moment. Tous les leaders libanais sans exception sont peut-être en deçà des espérances du peuple libanais. J’ai aucun mal à le concevoir. Il est difficile aussi d’être pour la prorogation du mandat du Parlement libanais. Je le comprends parfaitement, cela va sans dire. Des députés qui ne sont pas capables en près de 5 ans et demi -il ne faut pas oublier qu’ils sont là depuis 2009 quand même!- de mettre un terme à la loi électoralo-féodale de 1960, de voter une nouvelle loi électorale moderne (la circonscription électorale uninominale par exemple ou même le tirage au sort dans les listes électorales comme je l'ai déjà prôné dans le passé !) et d’organiser des élections législatives à la suite, sont des incapables qui doivent être éconduits aujourd’hui plutôt que demain. Seul fait d’armes remarquable de ce Parlement chétif c’est de s’être autoprorogé de 17 mois en juin 2013, sur une proposition de loi présentée par celui qui pense que « les droits de l’homme et l’environnement sont des suppositoires inventés par l’Occident », Nicolas Fattouche, te7milit zahlé pour les intimes. Ah pardon, j’ai oublié un autre fait d’armes du Parlement libanais, le vote de la libéralisation des loyers anciens au Liban lors du sprint législatif du poisson d’avril en 2014, qui conduira à terme, si cette loi est appliquée (trois articles doivent être revus par les autoprorogés représentants du peuple, à moins qu'ils ne se ressaisissent et n'abolissent cette loi stupide), à l’expulsion de la classe moyenne ainsi que des natifs de Beyrouth de leur ville (autour d’un million de personnes sont concernées au Liban), et au sacrifice de la capitale libanaise sur l’autel du capitalisme sauvage et des promoteurs sans scrupules. Aux Beyrouthins et Beyrouthines qui résisteront, le vacarme des chantiers sans fin !

Ceci dit, peut-on mettre tout le monde dans le même sac ? Sûrement pas. Avec toutes les données politiques à notre disposition, nous pouvons établir sans difficulté le classement des responsabilités des uns et des autres concernant la situation politique pourrie que nous vivons actuellement. Dans cette entreprise, le Hezbollah est évidemment hors concours. Une milice armée jusqu’aux dents, illégale, dont l'existence même est en violation de l'accord de Taëf (et de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU), qui appelle à l'établissement d'un « Etat islamique » au Liban (dans un livre édité à sept reprises entre 2002 et 2010, mar7aba Daech), qui ne répond pour les questions stratégiques qu’au Guide suprême de la République islamique d’Iran (wali el faqih, selon ses propres aveux), qui est accusée de l'assassinat d'un ancien Premier ministre du Liban (Rafic Hariri, procès en cours), et qui a jeté tout un pays et son peuple dans la guerre civile syrienne (aux côtés de la dynastie tyrannique des Assad), se trouve de facto et de loin, en haut du classement. Pour le reste, les choses sont également d’une clarté éblouissante.

S’il y a prorogation du mandat du Parlement libanais, c’est parce qu’il n’y aura pas d’élections législatives. Et s’il n’y aura pas d’élections législatives, c’est parce qu’il n’y a pas eu de nouvelle loi électorale. Et s’il n’y a pas eu de nouvelle loi électorale, c’est parce qu’il n’y a pas d’entente sur le prochain président de la République. Et s’il n’y a pas d’entente sur le prochain président de la République, c’est parce qu’un homme, Michel Aoun (un mortel comme les autres, et plus que les autres vu son âge), et son allié islamiste chiite, Hassan Nasrallah (un autre mortel comme les autres en dépit de son jeune âge, son turban noir et son titre de sayyed qui en font de lui un soi-disant descendant de Mahomet), ne veulent pas jouer le jeu démocratique. C’est aussi simple que ça. Et tout aussi consternant.

Voilà plus de 250 articles que je combats le populisme avec des faits, quand certains combattent les faits avec du populisme. Chacun sa stratégie. Michel Aoun est un populiste depuis qu’il est entré dans la sphère publique il y a trente ans. Sa performance politique récente n’étonne pas ceux qui le connaissent bien et depuis longtemps. Il y a quelques mois, j’ai écrit un article sur la vacance présidentielle libanaise. Le présent article est un complément d’enquête où les données que j’avais mentionnées sont mises à jour. Pour résumer, sachez que le Liban a connu quatre périodes de vacance présidentielle : sous Fouad Chehab (5 jours en 1952), sous Michel Aoun (la2 mich smiyo lal général, c'est le général lui-même ; 751 jours entre 1988-1990), sous Fouad Siniora (183 jours entre 2007-2008) et sous Tammam Salam (165 jours en 2014). Ainsi, al-joumhouriyat al-loubnaniyat a été sans président de la République, officiellement ou de facto, 1 104 jours au total, en 70 ans d’Indépendance. Wlak aya joumhouriyé, aya mozz, aya ballout !

Comme le montrent des données historiques reportées dans l'illustration du début de l’article, on retrouve le nom du général dans toutes les périodes de vacance du pouvoir au Liban, à l’exception du trou ridicule de 5 jours à l’époque du général Fouad Chehab en 1952. Une simple soustraction fait apparaitre que Michel Aoun est le seul dirigeant politique libanais impliqué dans 1 099 des 1 104 jours de vacance du pouvoir que nous avons connus en 70 ans d’existence de la jeune République libanaise (compteur arrêté au 5 novembre 2014), dont les 2/3 datent de 1988-1990, l'époque où le général était Premier ministre et qu'il a tout fait pour ne pas tenir des élections présidentielles comme l'exigeait sa mission et pour ne pas céder le pouvoir par la suite aux présidents élus (René Mouawad et Elias Hraoui). Soit en tout et pour tout, plus de TROIS ANS de vacance présidentielle, eh na3am. Malgré ce triste record, le général, et certains hypocrites soi-disant démocrates qui se cachent derrière leurs doigts, ont encore le culot de palabrer sur la « constitutionnalité » de la prorogation du mandat parlementaire. C’est hallucinant. Et du haut de ces 81 ans -wou 3ala 7afitt 2abro, b3id el charr 3anno be kel el a7well, mais vu son âge, les Libanais auraient espéré plus de sagesse que d'enfantillage avec les années !- le revoilà depuis plus de cinq mois, avec l’aide de son allié Hassan Nasrallah, il bloque l’élection présidentielle car il n’est pas fichu de s’imposer dans son propre camp - l'histoire écrira qu'il est demeuré le candidat indésirable des forces pro-syriennes et pro-iraniennes du 8 Mars - et de se rendre au Parlement libanais afin de livrer la bataille démocratique de la présidence de la République libanaise, selon la Constitution libanaise, et non en se basant sur des considérations et des interprétations personnelles, au 4e âge s’il vous plaît, contre son pire cauchemar de toujours, Samir Geagea, le candidat désiré du camp des forces souverainistes du 14 Mars.

La 7awla wala qowata ella bellah ! Pour libérer la République libanaise du chantage politique infantile du général, Michel Aoun doit être déclaré inéligible par ces collègues, une fois pour toutes, car il est impliqué dans 99,55 % des vacances du pouvoir au Liban, ce qui représente une violation très grave de la Constitution libanaise, et pose un problème éthique et moral quant à son élection, la sama7 Allah. Indépendamment de nos divisions politiques et des programmes électoraux des uns et des autres, comment élire quelqu’un qui détient ce triste record sachant que tout président fraichement élu de par les articles 49 et 50 de la Constitution de la République libanaise « prête serment de fidélité à la Constitution, promet d'observer la Constitution et s'engage à veiller au respect de la Constitution »? Impossible. On ne pourra pas faire confiance à cet homme. Ainsi, il est grand temps de considérer qu'il existe une incompatibilité entre Michel Aoun et la Constitution libanaise. Le général doit donc être déclaré inapte à devenir le 13e président de la République libanaise, et cet article considéré comme 3élm wou khabar. Et qu'on en finisse, basta cosi.