Aucune terminologie
ne peut mieux décrire la situation au Liban que celle du titre de cet article. « La
commedia dell'arte est un genre de théâtre populaire italien où des
acteurs masqués improvisent des comédies marquées par la naïveté, la ruse et
l'ingéniosité ». Dans l’adaptation libanaise, il faut rajouter la bassesse, hadan be2elkoun waté !, le comportement humain le plus
répugnant qui soit. Voici donc la tragicomédie qui s’est
jouée sur la scène du Parlement libanais, place de l’Etoile à Beyrouth, le 23
avril 2014.
Boum, boum, boum !
Boum, boum, boum !
I. Désolé, mais ce
qui s’est passé ce mercredi était plutôt
prévisible, malgré l’improvisation. L’élection présidentielle n’est pas tout
à fait un match de foot ou un combat de boxe, c’est plutôt un combat de coqs. Il
ne suffit pas de faire un bon match et de gagner des points. Seul le résultat
final compte. On gagne au nombre de buts marqués et par KO. Certes, ni le 14
Mars ni le 8 Mars n’a gagné avant-hier. Les deux camps ont perdu, mais pas sur
le même terrain. Si le 14 Mars a perdu
la bataille électorale du 1er tour, le 8 Mars s’est déshonoré pour
si peu. Il est indéniable, ils ont leur République à 5 piastres, nous avons
la nôtre, et nous la bâtirons coûte que coûte.
II. Malgré la
participation folklorique de 124 députés à la séance électorale, sur 128 au
total, la démocratie libanaise est en déclin. Michel Aoun vs. Samir Geagea, la finale électorale dont rêvaient
beaucoup de Libanais n’aura pas lieu, par le désistement du Général. Nous serions dans un match de boxe, Hakim pourrait donc être déclaré vainqueur.
Il a réussi à contraindre tous les
députés du 8 Mars, ceux de Hassan Nasrallah, de Walid Joumblatt et de
Michel Aoun, à entendre raisonner
au-delà des murs et dans leurs têtes, 48 fois le nom « Samir Geagea ».
Si comme dit GMA, « certains
personnes ont de la mémoire », ô combien sélective, pour justifier les
enfantillages sordides de son bloc parlementaire et des vassaux libanais du
dernier tyran des Assad, l’histoire elle, a une mémoire infaillible. Elle
écrira que le nom « Michel
Aoun » ne sera jamais prononcé une seule fois dans l’hémicycle lors
d’une séance électorale, malgré toutes les guerres dévastatrices et tant
d’alliances inopinées déclenchées et conclues par le général Michel Aoun dans ce but, en trente ans de règne.
III. Le grand perdant
de la première séance électorale est incontestablement le général Michel Aoun, victime
d’une triple peine. A 81 ans, c’était
la dernière occasion de sa vie d’affronter démocratiquement son ennemi juré
et de vivre un plébiscite à la De Gaulle, ce dont il rêve depuis 1984. En 2020,
il aura 87 ans, sa candidature à la magistrature suprême serait donc une folie.
C’est la première peine. Rajoutez à cela, qu’en dépit de la signature d’un
pacte de solidarité avec Hassan Nasrallah, Michel Aoun fut incapable de faire adopter sa candidature par son propre allié,
malgré tant de zèle et une fidélité sans faille depuis 2006. C’est la seconde
peine. Ainsi, il n’a ni réussi ni même osé, ni à se faire élire président de la
République libanaise, ni à faire adopter sa candidature par son propre camp, et
le pire, ni même à se déclarer candidat,
malgré le fait qu’il possède le plus grand bloc parlementaire chrétien et qu'il en a fait une obsession. C’est
la troisième peine. Last but not least,
bonus de peine, Aoun sait que son ennemi juré a encore trois occasions de se
représenter à la présidence de la République libanaise, en 2020, 2026 et 2032.
Pas lui, 7ata law kel ela3mar biyad
ellah. D’où la bassesse du comportement du 8 Mars avant-hier.
IV.
Sauf votre respect, j’ai toujours pensé qu’il y a deux hommes d’Etat dans ce pays : Samir Geagea et Fouad Siniora. Quoi de plus logique alors que de les
voir président de la République et Premier ministre, ensemble. Cependant, la candidature du premier dans le contexte actuel
est une erreur de stratégie, dont l’intéressé pouvait se passer
allégrement. Il n’y a rien à gagner, ni pour lui, ni pour son parti, ni pour son camp, bien au contraire. L’art de la
confrontation consiste à surprendre ses adversaires, en ne leur laissant pas le
temps de réagir, à ne pas livrer bataille sur un front établi par les adversaires
et à ne jamais donner l’occasion de se faire attaquer sur son flanc faible. En
tout cas, le 14 Mars, spécialement Samir
Geagea, a eu tort de négliger l’article 49 de la Constitution libanaise,
relatif aux quorums de séance et d’élection, et de sous-estimer la détermination de l’alliance tricéphale infernale,
Hezbollah-Assad-Mollahs, à saboter son élection par tous les moyens
disponibles.
V.
Nul n’oubliera que plus de la moitié des
députés sunnites du Liban ont voté pour le chef maronite du parti des Forces
libanaises, malgré la grotesque khousousiyé
el traboulsiyé (tout le monde sait que c'est le premier tyran des Assad qui a assassiné l'ancien Premier ministre natif de Tripoli). Curieux, mais ce point me rappelle la journée historique du 14 mars 2005. C’est le mérite personnel de Saad Hariri, il faut le reconnaître. L’ancien Premier ministre a
sans doute de bonnes raisons (de sécurité) pour rester en exil. Il n’empêche
qu’on ne peut pas espérer gagner une bataille de l’importance de la
présidentielle en menant le combat de l’étranger. Ne serait-ce qu’à cause du fait
qu’il est lui-même député-électeur, et tous les candidats du bloc du Futur n’ont
pas voté pour son allié. Si le courant du Futur tenait réellement à la
candidature de Samir Geagea, il fallait
non seulement que le chef du 14 Mars vienne voter pour le candidat des Forces
libanaises, mais en plus, il fallait annoncer ce soutien urbi et orbi,
longtemps à l’avance, et faire campagne
pour le candidat à travers des conférences de presse, même de l’étranger. Rajoutez
à cela le fait qu’aucune pression n’a
été exercée sur la girouette de Moukhtara, pour le faire renoncer à sa ridicule
idée de diversion. Rien, absolument rien. Walid Joumblatt n’a fait qu’à sa
tête, comme d’habitude, dans l’impunité la plus totale, comme lorsqu’il a
rejoint les comploteurs qui avaient décidé le 11 janvier 2011 d’expulser le
Premier ministre du Grand Sérail pour remettre le pouvoir entre les mains de la milice chiite pendant deux ans. Saad Hariri aurait dû sommer le bek de
choisir son camp, comme le fait d’ailleurs le Hezbollah dans un moment vital. Le bek ne comprend que
le langage de la force. Là aussi, erreur
de stratégie.
VI. Il est navrant de
constater que les députés du 8 Mars ont pris le Parlement ce mercredi pour une
cour de récréation. Glisser massivement des bulletins blancs dans l’urne, par
52 députés de la troupe du Sayyed, et se retirer de la salle, pour saboter la séance électorale
suivante, afin d’éviter d’affronter le candidat Samir Geagea est certainement un
acte autorisé par la Constitution, mais il n’est pas moins lâche pour autant.
Le 8 Mars, et Michel Aoun précisément, été plus préoccupé par l’évitement de
l’humiliation de la défaite, que par le respect des règles démocratiques. Ceci
étant, sur ce point, le 14 Mars ferait
mieux de la mettre en sourdine car ses députés seront sans doute amenés à
faire de même, si à la prochaine séance, Walid Joumblatt et ses otages, les 16 centristes
de pacotille qui ont voté pour sa marionnette, Henri Helou, rejoignent les
députés du 8 Mars, les 52 qui ont voté blanc, pour accorder la majorité absolue
à un candidat pro-Hezbollah, pro-Bachar, pro-mollahs, comme Emile Rahmé et consorts. Fakro fiya ya chabeb !
VII. L’inscription par six députés du 8 Mars,
des noms de Rachid Karamé, Dany Chamoun, Tarek Dany Chamoun, Jihane Tony
Frangié et Elias Zayek, sur six bulletins de vote, allusions à certains
assassinats et à des dossiers judiciaires concoctés contre Samir Geagea durant
la période d’occupation syrienne du Liban par la tyrannie des Assad, reconnus comme tel par Michel Aoun
himself, ne peut être l’œuvre que d’une
bande de racaille organisée. Cette manœuvre est d’autant plus grotesque que
les principaux concernés, Dory Chamoun et Sleiman Frangié, ont reconnu que
Samir Geagea n’a pas été impliqué dans ces meurtres. A ce jeu infantile
déplacé, les députés du 14 Mars seraient obligés d’inscrire les noms de leurs
martyrs recto verso et de voter à plusieurs reprises. En tout cas, il aurait été ô combien plus cohérent pour les pôles
du 8 Mars d’inscrire les noms de Moustafa Badreddine et consorts, les cinq
membres du Hezbollah qu’ils protègent, les « saints » selon les dires de Hassan Nasrallah
lui-même, ceux qui sont accusés par la plus haute juridiction internationale,
le Tribunal Spécial pour le Liban, de l'assassinat de Rafic Hariri, l’ancien Premier
ministre libanais.
VIII. A l’avenir pour éviter une partie des enfantillages
des députés libanais du 8 Mars, il faudrait adopter trois réformes constitutionnelles.
La première concerne la tenue des
séances électorales, dont les dates devraient être fixées automatiquement,
sans l’intervention du président de l’Assemblée. La seconde concerne l’obligation des députés libanais de se
rendre au Parlement pour l’élection présidentielle, à toutes les séances. A défaut, ils perdraient
tous les émoluments de leur mandat. Certains députés libanais ne comprennent ni
l’intérêt national ni celui des électeurs. Ils ne comprennent que l’intérêt de
leur poche et de leurs proches. La troisième, concerne le déroulement du
scrutin qui devrait, pour une plus grande efficacité, s’inspirer de celui du
Vatican, qui a fait ses preuves au cours des 1 950 années précédentes. Les députés du Liban siégeraient en
conclave au Parlement, c’est-à-dire ils ne pourraient plus sortir avant l’élection d’un
nouveau président pour le pays. Ça évitera la fuite des députés dès qu’un nom ne leur plait
pas, pour saboter le quorum de séance, et de perdre six mois pour connaitre le
nom de l’heureux élu, comme ce fut le cas la dernière fois.
Post-scriptum
1. Nabih Berri apparait plus que jamais
comme le vieux renard de l’Assemblée. Ça apprendra à tout le monde de l’élire encore en 2032 !
2. Walid Joumblatt prend encore et
toujours la démocratie libanaise en otage. Beaucoup de Libanais espèrent que
cette tare ne soit pas héréditaire. En attendant, politiciens et journalistes
du 14 Mars s’ingénient pour éviter de dire ses quatre vérités au leader druze
du Parti socialiste libanais. Et pourtant j'ai beau leur dire que tout ce qui est bâti sur des sables mouvants au Liban, s’écroulera, ils
continuent à construire des châteaux en Espagne, et à hisser sur leurs toits,
la girouette de Moukhtara.
3. Il semblerait que Nayla Tuéni existe en chair et en os. Les électeurs d’Achrafieh étaient
contents de l’apprendre. Mais ils ont vite déchanté quand ils ont découvert qu’elle
aurait voté pour la marionnette de la
girouette. Ma3lé, ils sauront
s’en souvenir, surtout qu’elle avait fait la promesse de campagne, de rejoindre
le bloc des FL après les élections. Lol, maheik?
4. Bakhos Baalbaki pense que Sethrida Geagea peut se passer des chaussures à talons hauts. Khamesta3char centi ? Enno mich darouré abadann ! Elle ne
perdra rien de son charme et libérera les bras de ses cavaliers du bloc des FL pour
faire autre chose que de l'accompagner et soutenir dans sa démarche.
5. Gilberte Zouein continue à faire vœu de silence pour la 10e année consécutive de
son mandat parlementaire. Hey, by the
way, peu de gens d’entre vous savent, j’en suis sûr, que la députée
aouniste est présidente, tenez-vous bien, de la « Commission parlementaire
de la femme et de l’enfant »
depuis plusieurs années. Et devinez qui en est le rapporteur ? Nayla
Tuéni herself, une autre adepte du vœu de silence. Après, on s’étonne que les
députés-mâles ont fait voté une loi amputée pour protéger les femmes libanaises
de la violence domestique ! Ba2a ya sabaya ya helwinn,
choufo chou badkoun ta3emlo.
6. Okab Sakr est toujours porté disparu depuis son implication dans un trafic de
couches-culottes et de cure-dents en Syrie. Un nouvel avis de recherche est
lancé pour la 4e année consécutive, avec toujours un espoir de ses
sympathisants de réentendre un jour la voix de leur député-fantôme.
7. Le vote des
députés est secret, mais il semblerait que Robert
Ghanem, candidat à la présidence de la République libanaise since 1995, saint patron des promoteurs et membre du bloc
du Futur, n’a pas voté pour Samir Geagea.
Ça apprendra aux députés des FL de voter gentiment sa loi de libéralisation
sauvage des loyers à Beyrouth il y a trois semaines.
8. Tenez, encore un
truc. Samir Geagea a obtenu des voix de
toutes les communautés libanaises (sunnite, maronite, grec orthodoxe, grec catholique,
arménien catholique, arménien orthodoxe, chiite, alaouite, protestante et
minorités) à l’exception de la communauté
druze. Aucune voix. Et pourtant, les sympathisants du 14 Mars croyaient
naïvement qu’il y en avait un dans la poche. Eh bien, non, Marwan Hamadé a préféré
Henri Helou. Khousousiyét el taïfé el
derziyé, ma heik ?
9. Breaking News. On apprend à l’instant,
qu’après une réunion d’urgence du bloc du changement et de la réforme, Général el-Rabieh a ordonné le retrait
de tous les miroirs de sa maison de Rabieh et l’arrachage des rétroviseurs de
toutes les voitures dans un rayon de 2 km autour de sa résidence. Une
enquête est en cours pour connaitre les raisons exactes de cet acte impulsif. Hakim Meerab, magheiro, pense que c’est en rapport avec sa déception de ses alliés et une altération
grave de l’image de soi. Enno fiya nazra.
Rideau !
Rideau !
Réf.
Qui de Samir Geagea et de Michel Aoun, rejoindra Camille Chamoun, Fouad Chehab et Bachir Gemayel ? Réflexions sur l’élection présidentielle au Liban (Art.222) / Bakhos Baalbaki
Qui de Samir Geagea et de Michel Aoun, rejoindra Camille Chamoun, Fouad Chehab et Bachir Gemayel ? Réflexions sur l’élection présidentielle au Liban (Art.222) / Bakhos Baalbaki